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L'Indomptable 2 : l'anti-drogue

(1ère publication de cette chronique : 2021)
L'Indomptable 2 : l'anti-drogue

Titre original :Snake Eater 2 : The Drug Buster

Titre(s) alternatif(s) :Narco Killer, Tueur de dealers

Réalisateur(s) :George Erschbamer

Année : 1989

Nationalité : Canada

Durée : 1h33

Genre : Quand Lamas fâché señor, lui toujours faire ainsi !

Acteurs principaux :Lorenzo Lamas, Larry B. Scott, Michele Scarabelli, Harvey Atkin

Barracuda
NOTE
2.5/ 5



Le bonheur du nanar, c’est quand un film en apparence des plus banals arrive à vous surprendre pratiquement à chaque instant.

L’indomptable 2 : L’anti-drogue, en dépit d’une jaquette particulièrement ridicule, ressemble au premier abord à n'importe lequel de ces films de justiciers urbains qui débordaient des vidéo-clubs lorsque ces établissements existaient encore. La présence de Lorenzo Lamas, "faux-ami" notoire du nanardeur (en réalité il a surtout fait dans le navet) incite également à la plus grande prudence. Pourtant cet "Indomptable" dévoile peu à peu au cours du visionnage sa vraie nature de beau nanar plein de santé.

Lorenzo Lamas est Jack Kelly, alias “Soldat” : un flic de Los Angeles (reconstitué au Canada) qui applique dans les rues les méthodes qu’il a apprises dans l’armée, où il était membre d’un commando d’élite. Méthodes expéditives bien sûr, mais bon sang il obtient des résultats !

Jack Kelly obtenant des résultats.

Kelly va pourtant trop loin le jour où il attaque un labo de drogue pour venger la mort par overdose de jeunes de son quartier. Avec l’aide de Speedboat, un ancien voyou qu’il a pris sous son aile et qui veut venger sa soeur elle aussi empoisonnée par la came frelatée, ils tuent une demi-douzaine de malfrats à coups de flingues et de grenades mais Kelly, blessé, ne peut s’enfuir avant l’arrivée de ses collègues et se fait arrêter sur le champ. Fort logiquement le chef exige son flingue, sa plaque et son cul sur la commode, et Soldat risque bien de passer 20 ans à l’ombre pour sa bavure (alors que bon sang il a obtenu des résultats !).

Jack Kelly a tellement de résultats que dans le quartier on le surnomme "L’Équipe".

L’idée géniale de son avocat pour lui éviter ça : convaincre le juge que Kelly, vétéran traumatisé par la guerre, n’est pas responsable de ses actes. "Soldat" est interné en hôpital psychiatrique pour évaluation et le film alterne alors les journées où Kelly drague la psychiatre chargée de son évaluation de façon particulièrement lourde (mais bon sang il obtient des résultats !) et les nuits où il s’évade et fait équipe avec Speedboat pour continuer à s'en prendre aux dealers qui pourrissent la vie des honnêtes gens (car bon sang il obtient des résultats !).


Petit empalement d'un mac à l'improviste, avec une grue bricolée, pour se détendre après une dure journée.

Soldat et Speedboat, amis pour la vie.

Que ce soit à l'hôpital ou dans les rues, la nanardise rôde comme un camé à la recherche de son prochain fix. Les patients de l'hôpital ont mis au point un système efficace pour faire le mur nuit après nuit mais pour en bénéficier, Kelly doit faire ses preuves… en participant à un improbable fight club clandestin entre les différentes ailes de l’HP.

La Cage (à ciel ouvert).

Dans cet Octogone d’un nouveau genre, il n’y a que trois règles :

1 : "On se bat à mort." Normal.
2 : "On se bat sanglé dans un fauteuil roulant." Classique.
3 : "On se bat avec des espèces de sabots d’attaque en plomb au bout du pied droit." Basique.

Ne cherchez pas, c’est une des bastons les plus absurdes jamais filmées.





Voilà ! C'est pour ça qu'on est là !

Il faut admirer l'effort. D'abord c'est le genre d'idée frappadingue qui ne peut naître qu'après une soirée épique dans les rades les plus interlopes de Macao, là où on sert le vrai Ratafia malais, celui à base de pitaya fermentée, de tabasco et d'anti-gel. Ensuite sur le plateau tout le monde a dû se rendre compte instantanément que c'était le casse-pipe assuré – et se demander au passage pourquoi avoir pris Lorenzo Lamas si c'est pour le faire se battre assis, pour le même prix ils auraient pu avoir un bon acteur.


La marque des grands : même comme ça Lorenzo arrive à balancer des high-kicks.

Et malgré ça ils y ont sont allés, en braves. Ils ont crié "Action !" tels de nouveaux Poilus sortant des tranchées du banal pour affronter la mitraille du nawak en priant le bon Dieu de passer entre les balles du nanar. Sans trembler, sans faiblir.

Ça ne marche même pas un quart de seconde, mais alors quel panache !





Parce que c'est complètement couillon, même pas un peu spectaculaire et qu'il est impossible d'exécuter une chorégraphie correcte dans ces conditions, le montage prend le relais avec l'énergie du désespoir. Succession de coupes incessantes en forme de championnat du monde des faux-raccords, c'est de plus en plus illisible à mesure que le combat avance. Kelly et son adversaire semblent perdus dans les 15 m² de l'arène et lorsqu'arrive le coup de grâce, le fou-rire de l'autre côté de l'écran met encore quelques instants à s'éteindre.


La ruse triomphe de la force !

Kelly, vainqueur, peut alors emprunter librement les conduits d’aération menant à l’extérieur, et où l’on croise aussi bien des prostituées que des livreurs de pizza.


Un gag réellement drôle mais très déstabilisant parce qu’il est le seul du film dans ce registre.

Quand ils sont de sortie, Soldat et Speedboat continuent leur croisade clandestine contre la drogue en jouant à fond l’improvisation. Déguisés tour à tour en livreurs d’extincteurs ou en inspecteurs de l’hygiène, ils dézinguent un par un les parrains avec des astuces et des pièges aussi débiles que violents.


Bonjour ! Nous sommes les nouveaux livreurs d'extincteurs !


Kelly bricole une poire de cuvette de WC piégée pour exploser quand on tire la chasse, une astuce dont l'agent 47 serait fier.

Tout cela culmine avec l’assaut sur la villa du grand chef, et au moment où on se dit que quand même ça manque d’originalité, ils le butent en balançant de la coke empoisonnée dans l’aération de sa panic room.



VIENS ! Y EN A PLEIN ! VIENS !

Ce n'est jamais très clair dans le film comment les dealers espèrent gagner de l'argent en empoisonnant leurs clients avec de la mort aux rats.

L’Indomptable 2 oscille ainsi entre l’action bourrine et convenue et les fulgurances de débilité inattendues. Toutefois, là où le film se distingue vraiment de la masse, c’est dans la manière dont il est incroyablement raciste... mais sans le faire exprès.

Peut-être.

On n'est pas sûrs.

En tous cas on espère que c'est un accident parce que sinon on frémit en imaginant combien de personnes sont complices. Lorenzo Lamas est-il secrètement un suprémaciste blanc ? Le Ku Klux Klan a-t-il co-produit le film ? Les acteurs noirs étaient-ils au courant ?

Ce qui est sûr c’est que ce n’est pas la faute du réalisateur. Le scénariste n’y est pas pour grand chose (le film enfile comme des perles les clichés sur les noirs américains, mais ni plus ni moins que le tout-venant de la VHS bourrine des années 80) et les acteurs sont innocents aussi. Tout est la faute de la VF. Parce que voyez-vous, le problème c’est que dans la VF, le sidekick de Lorenzo, "Speedboat", ne s’appelle pas Speedboat.

Il s’appelle Bamboula.



C’est peu dire que ça cueille à froid. Et ça ajoute encore au côté BD d’avant-guerre du film, à suivre ainsi “Les aventures de Soldat et Bamboula”, Pieds Nickelés du vigilantisme, Quick et Flupke ultra-violents qui défoncent le crâne des pimps avec des machines de Rube Goldberg, et brûlent vifs les dealers déguisés façon lunettes-moustaches.


Cauchemar en cuisine.

Ce qui nous fait tout de même penser que c’est peut-être involontaire, c’est que la VF a été réalisée au Québec. En France, "bamboula" acquiert le sens d'une insulte raciste aux alentours de la Première Guerre mondiale, et le mot se diffusera ensuite à travers notamment une bande-dessinée des années 50, et la marque de biscuits “Bamboula” à partir de 1987. Au Canada tout cela ne serait simplement jamais arrivé. Les Québécois à qui nous avons demandé nous ont indiqué qu'outre-Atlantique, le mot en est resté à son sens premier : un genre de tambour et (surtout) par extension les fêtes où l'on joue de cet instrument. "Faire la bamboula" est ainsi une expression commune aux deux rives de l'Atlantique, mais au Québec le terme n'aurait jamais pris en plus le sens d'une insulte raciste envers les personnes noires. Nous ne pouvons pas savoir de façon certaine ce qui se passait dans la tête des traducteurs, mais il nous semble que la balance penche plutôt du côté de la coïncidence très malheureuse.


Cet article résume assez bien l’histoire du mot, du caractère péjoratif qu’il prend au début du 20e siècle et celle complètement dingue de la marque de gâteaux créée à une époque où le sens de “bamboula” comme insulte raciste est déjà bien établi.

Il y eut même en 1994, du côté de Nantes, un hallucinant parc “Bamboulaland” en forme de zoo humain où les visiteurs étaient invités à venir observer côte-à-côte des animaux de la savane et des figurants en tenues traditionnelles africaines. Il ferma rapidement suite à une vague de protestations et à des plaintes pour atteinte à la dignité humaine, entraînant les biscuits dans sa chute.

Pour des oreilles françaises, toutes les scènes avec Speedboat/Bamboula prennent une dimension surréaliste et font passer Jack Kelly du statut de flic maverick (mais bon sang il obtient des résultats !) à celui de caricature de ripou brutal et raciste, d’autant plus qu’il a plutôt l’amour vache avec son pote pour s’assurer qu’il ne dévie pas du droit chemin pendant sa liberté conditionnelle.

Amis ou ennemis ?

On écoute ainsi Lorenzo Lamas lancer en toute décontraction des phrases comme “Si tu veux régler le problème de la drogue, Bamboula, tu pourrais demander à tes copains d’arrêter d’en prendre !” ou encore ”J’ai été suspendu de mes fonctions pour une semaine seulement, Bamboula, alors ne t’emballe pas trop vite, c’est risqué !” à son ami, qui de son côté a l'air de se faire insulter à longueur de phrases sans jamais réagir. Le malaise atteint son paroxysme lorsque Speedboat, le temps d’une réplique, prend un accent africain caricatural et fait une blague sur le Banania.

Ce qui laisse quand même planer un doute sur l’innocence des Québécois...

Le choix incongru de cette traduction, le décalage total entre la violence de l’insulte et la façon dont elle est délivrée avec la plus parfaite décontraction, réplique après réplique, est le genre de grand écart entre l’intention d’un film et l’effet final sur le spectateur qui est habituellement au cœur du nanar, mais il est sûr que certains spectateurs pourront légitimement vivre très mal le visionnage.

Que se passe-t-il alors si on esquive le problème en regardant par exemple L’Indomptable 2 en VO ? Et bien il reste toute la nanardise évoquée dans la première partie de la chronique, qui ne tutoie pas les sommets en permanence mais est une solide référence dans la carrière nanarde souvent décevante de Lorenzo Lamas. Entre les pièges à con à répétition, la drague pachydermique et la scène homérique de la baston en fauteuils, ce cosplay fauché du Punisher offre un spectacle très distrayant, que ce soit avec ou sans cette stupéfiante version française.

A noter pour finir que comme son nom l'indique, le film est le 2ème épisode de la saga Indomptable/Snake Eater, le premier étant un survival campagnard à la Rambo I dôtée d'une VF ordurière de premier ordre. Le 3ème, un poil plus faible, voit cette fois Lorenzo affronter de manière pyrotechnique un gang de motards grimaçants.

- Barracuda -
Moyenne : 2.67 / 5
Barracuda
NOTE
2.5/ 5
Kobal
NOTE
2.75/ 5
Jack Tillman
NOTE
2.75/ 5

Cote de rareté - 5/ Pièce de Collection

Barème de notation

Le film, sorti en français en vidéo sous les titres "L'indomptable II : l'Anti-Drogue", "Tueur de dealers" et "Narco Killer" chez "Fox Vidéo" ou "Continental" (une sous-marque "d'Initial Vidéo") avec des jaquettes uniformément moches, semble être devenu un petit peu difficile à trouver chez nous. Le DVD québecois de chez "Lionsgate" est épuisé depuis longtemps et la version canadienne anglophone (avec la VF !) se négocie autour de 50 euros.

Il est disponible en France au moment de la publication de cette chronique sur iTunes à la location ou à l'achat, mais seulement en VOSTF. Il est également inclus, toujours en VO, dans l'abonnement Amazon Prime Video sous son titre original de "Snake Eater II" mais pour ce prix-là vous n'aurez même pas droit aux sous-titres.

Un coffret blu-ray allemand assez superbe de "NSM Records" existe, regroupant les 3 films de la franchise. Pas de VF hélas.

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