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Cara Majaka / Kutty Pisasu
(1ère publication de cette chronique : 2018)Titre original : Cara Majaka / Kutty Pisasu
Titre(s) alternatif(s) :Aucun
Réalisateur(s) :Rama Narayanan
Année : 2010
Nationalité : Inde
Durée : 2h11
Genre : La Coccinelle à Bengalore
Acteurs principaux :Sangeeta, Rajeev Kanakala, Baby Geethika, Kalyani, Ramya Krishnan
Ô combien de marins, combien de capitaines, qui se jetèrent comme des carcajous sur un nanar indien sur la foi d'extraits alléchants, et se noyèrent dans 3h15 de romances inter-castes et de larmoiements chantés ?
Qui n'a pas entendu le récit terrible de ces soirées nanars et binouze qui se terminaient façon puzzle, entre celui qui consulte Twitter en douce, celui qui ronfle, celui qui est parti faire un douzième litre de mojito dans la cuisine pour passer le temps et celui qui est parti "prendre le dernier métro" à 22h40, quand un Bollywood mal luné s'avère contenir UNE malheureuse scène un peu nanarde, déjà reprise dans toutes les compilations Youtube ?
Qui n'a jamais baissé d'un ton en faisant une blague sur le seul élément un tantinet fun depuis 40 minutes, pour se faire instantanément claquer le beignet par un pote gujarati qui signale aimablement qu'il n'y a pas à se gausser d'une tradition religieuse vieille de 2500 ans, et que lui il vient pas la ramener quand vous regardez La Dernière Tentation du Christ ?
Qui ne s'est pas lancé seul à l'aventure, avant de saturer complètement et s'avouer vaincu au bout de 20 minutes de comédie villageoise non sous-titrée à base de nains pétomanes qui font des grimaces non-stop en s'envoyant des excréments d'animaux à la figure ?
C'est pour cela que l'aficionado futé sait garantir l'ambiance de ses visionnages en suivant les bons conseils de Bison Nanar qui vous garantit du Bollywood à teneur garantie en lol. Et aujourd'hui, Bison Nanar voit rouge, et prévoit plus de 2h10 de n'importe quoi dans tous les sens de visionnage !
Ce film vous laissera comme ça. Éléphant non contractuel.
Autant le dire tout de suite, c'est un gros beau morceau que ce Cara Majaka, une vraie découverte ! Chose rare pour le genre, il n'y a ici quasiment pas de temps morts, pas de temps perdu. Les scènes chantées et dansées, qui constituent souvent avec les dialogues le ventre mou des nanars indo-pakistanais, sont ici dans la parfaite continuité du mix de mauvaises idées, de mauvais effets spéciaux, et de mauvaise réalisation qui imbibe le reste du métrage.
Ceci est un effet spécial parmi les plus réussis du film. Vraiment.
Cara Majaka (gardons lui son titre le plus simple pour nos oreilles occidentales) est originaire du centre/sud de l'Inde. Le film a été tourné en tamoul, doublé en telugu (sous le titre Kutti Pisasu) et en kannada, puis promptement rétamé dans toutes les autres langues par la critique, qui y a vu un gros divertissement pataud sans ambition. Ne lisant pas le Times of India, je ne saurais me positionner sur leur ligne éditoriale en matière de cinéma, mais disons que leur critique semblait être sorti de la projection dans le même état de désolation qu'un rédacteur des Cahiers du Cinéma qui viendrait de se taper l'intégrale de la saga des Tuches.
Et effectivement, mis à part une certaine complexité dans la narration le film ne s’embarrasse pas de ces trucs d'artistes mal peignés que sont la profondeur, la complexité des personnages ou les retournements scénaristiques : nous avons affaire à un film de vengeance, dans lequel une victime va pourchasser un à un ses agresseurs, jusqu'à une baston finale qui rétablira l'ordre.
Et qui incluera des méchas.
Par respect du spoil, je conseille à tous les nanardeurs de commencer par se procurer Cara Majaka et de le regarder tel quel, sans attendre, sans fioriture, d'un œil pur et naïf, comme si c'était votre première fois et que vous attendiez qu'il vienne vous enlever sur son cheval blanc, galoper ensemble dans les grandes plaines du n'importe quoi, où les fleuves coulent de traviole et où les arbres insultent les oiseaux. L'effet de surprise est tel à chaque scène qu'il est à la fois impossible à rendre par écrit, et indissociable d'un visionnage réussi. Laissez vous chavirer. Si toutefois votre employeur refuse de vous accorder un RTT là tout de suite pour "nécessité urgente de regarder un Bollywood", et que vous souhaitez poursuivre, les précautions anti-spoil seront nombreuses dans cette chronique, et c'est à dessein.
Comme beaucoup de films indiens, Cara Majaka constitue un spectacle varié, mêlant action et effets spéciaux, romance, scènes chantées et dansées, scènes comiques, film de suspense, soap familial... A vrai dire, nous avons passé une bonne partie du premier visionnage en sérieux manque de repères, tentant de nous raccrocher à des éléments familiers en qualifiant ce film, successivement, d'Indian Exorciste, Indian Christine, Indian La Coccinelle à Mexico, j'en passe d'autres pour ne pas vous mettre la puce à l'oreille.
Que la croix gammée soit un symbole hindou pré-datant de beaucoup le 3ème Reich on le savait, mais cette moustache ?
L'histoire globale de Cara Majaka, nous l'avons dit, est pourtant très simple. Cara = car, majaka = magic. Magic car. Ça parle d'une voiture magique. Jaune.
Vous suivez jusqu'ici ?
Bon.
On passe le palier suivant.
Arrêtons-nous un instant sur cet effet spécial. Et sur le plan des méchants pour devenirs riches, qui implique d'exporter des voitures indiennes... en Allemagne. Audacieux.
AIRE DE DIVULGÂCHAGE (Chroma ayant les droits de la "zone spoiler", on improvise).
Tout commence vers 1800. L'Inde fait partie à son corps défendant de l'empire britannique et Sa Gracieuse Majesté a envoyé un gouverneur franchement déniapé pour faire régner une terreur relative. Ledit gouverneur apprend que le puits du village voisin est habité par une déesse du nom de Kinthadi Kaali, et décide d'aller faire le malin en hurlant dans le puits pour se gausser des indigènes. Son ordonnance, un brave soldat indien, l'avertit que la déesse n'est pas spécialement commode au réveil et tente de l'en dissuader. Bien lui en prend : alors que Kinthadi se vénère et maudit le gouverneur, le brave soldat se voit accorder par la déesse sa protection pour sa famille et sa descendance.
Les Indiens dressent un bilan en images de 100 ans de colonialisme britannique. Cinglant.
Français et Indiens s'accorderont pour reconnaître ici le portrait précis, juste et sans concessions d'un anglais typique.
Kinthadi Kaali, déesse(s) des puits et des films de vigilante.
L'impie est châtié : aveuglé, il demandera bassement pardon.
Deux cents ans plus tard, nous faisons la connaissance des descendants du bon soldat en la personne d'un frère, Karuppu, qui est joué par le même acteur que son aieul, et d'une sœur, Savithri. Karuppu aime beaucoup sa voiture jaune et sa sœur n'aime pas moins le joli Nanjappan. Ils sont toujours protégés par Kinthadi Kaali, la déesse du puits, et leurs voisins brahmanes sont tout gentils.
Karuppu et Savithri et Taz le diable de Tasmanie.
Ici en compagnie de leur voisin, le grand-père de Priya, et de la fameuse Cara Majaka.
Quand Nanjappan décide de sacrifier Savithri, sur les ordres d'un gourou, en compagnie de deux autres malfaisants, dans le but d'obtenir des pouvoirs magiques, Karuppu tente de la protéger mais tous deux meurent en réussissant à faire échouer de peu le rituel.
Le sortilège implique visiblement de jeter de l'eau safranée sur Joan Baez. Il doit s'agir d'un sacrifice à Bob Dylan.
Quelque temps plus tard, chez les voisins, la petite fille de la maison, Priya, est possédée par l'esprit vengeur de Savithri qui va la pousser à venger sa mort plutôt salement. L'esprit de Karuppu s'incarne quant à lui dans sa vieille voiture jaune (il n'a visiblement pas d'autre être cher et c'est un peu triste), et les deux héritent de pouvoirs magiques conférés par Kinthadi Kaali. Le père de Priya est dépassé, son grand-père veut garder son calme, et sa mère est la seule à repérer que sa fille tourne un peu vinaigre, genre elle mange du poulet et laisse l'ardoise à ses vieux. Genre aussi elle crache du feu et on peut la repousser avec du sable bénit spécial démon.
Ex-superstar de la télé dansée...
...Priya est maintenant possédée !
Priya va donc venger sauvagement la mort de Savithri et Karuppu avec l'aide de la voiture, et affronter tour à tour les trois apprentis sorciers, le gourou et leur nouveau super gourou tibétain Mandiramoorthy, ce qui n'est pas aisé car eux aussi ont des pouvoirs magiques, donc Kinthadi Kaali leur file un coup de main.
Le saviez-vous ? La nouvelle Tata Car made in India diffuse les matches de la coupe de cricket dans les rétroviseurs !
FIN DE L'AIRE DE DIVULGÂCHAGE
Vous voyez, c'est limpide. Vous avez ici une bonne moitié du scénario, et ça passe tout seul ! Mais Cara Majaka vaut beaucoup, beaucoup plus que son scénario. Mis à part une petite itération comique sur les aventures de Priya qui mange de la viande, ce qui prouve définitivement sa possession à ses parents - qui sont de caste brahmane et donc strictement végétariens - peu de scènes ne valent pas le coup d’œil. A l'extrême rigueur, on peut se permettre d'aller chercher une tartine pendant les scènes de disputes familiales qui sont sans grand impact sur l'intrigue. Tiens d'ailleurs, conseil d'ami : profitez des rares scènes d'exposition ou des dialogues comiques entre père et grand-père pour reprendre le scénario et vous l'expliquer les uns aux autres. Si quelqu'un y arrive, ne le laissez pas prendre la route.
Scène de blabla, reprends un rhum-coca !
Scène de ménage, coupe-toi du fromage !
Chapeau fendard, reviens vite t'asseoir !
Pour ceux qui ne souhaitent pas voir ce film et veulent se contenter de la présente chronique, soit qu'ils soient littéraires dans l'âme, soit qu'ils cherchent en fait babarland.com le site des éléphants sympathiques et qu'ils n'aient pas plus d'affect que ça pour les mauvais films, nous avons compilé ci-dessous une petite liste de quelques questions qui nous sont venues, pêle-mêle, en plein visionnage, en guise d'amuse-bouche. N'hésitez pas à la consulter pour vous mettre en appétit.
Ça aussi c'est cadeau.
Et attention car nous entrons à nouveau en
SECTEUR DE DEVOILEMENT D'ELEMENTS SCENARISTIQUES NOTABLES
- Est-ce qu'ils ont tapé "image science fiction" dans Google pour trouver de quoi remplir le fond vert des chansons ?
- Est-ce qu'il y a un Transformer, et est-il plus que ne rencontre l’œil ?
- Est-ce que la petite fille crache des flammes ?
- Est-ce qu'il y a un éléphant en images de synthèse ?
- Est-ce qu'il y a un ours en images de synthèse ?
- Et si mon truc c'est les chauve-souris en images de synthèse, y'en a aussi ?
- Est-ce que le Transformer tape un dinosaure ? En images de synthèse ?
- Est qu'il y a un nombre de lunes variable en Inde ?
- Est-ce qu'on peut tenter d'effrayer les gens avec une voiture-jouet de 15 cm de haut ?
- Est-ce qu'il y a un robot géant en plus du Transformer ?
- Est-ce qu'on gagne une bataille en jouant du tambour ?
- Est-ce que le Transformer rugit ?
- Est-ce qu'il y a un cow-boy invisible ?
- Ce gouverneur anglais mérite-t-il un oscar ?
- Est-ce que le Transformer a une scène de danse aussi ?
- Est-ce que le grand père retrouvera sa zénitude ?
- Est-ce qu'il y a des transformations en poulpe ?
- Attendez le Transformer danse vraiment ?
- Est-ce qu'il y a plus d'une petite fille qui chante ?
- Est-ce que les parents sont pas dangereusement irresponsables ?
- Est-ce qu'il y a tous les clichés du Bollywood, des flics ripoux au mariage arrangé ?
- Non mais vraiment il danse, genre avec de la musique ? Pendant de longues minutes ?
VOUS SORTEZ DU SECTEUR DE DEVOILEMENT D'ELEMENTS SCENARISTIQUES NOTABLES
La réponse à toutes ces questions est : oui, oui absolument, et franchement nous sommes surpris que vous ayez pu en douter un seul instant.
Qui a égaré les lava lamps ?
OK Google : trouve-moi des images futuristes libres de droits.OK Google, enlève "libre de droits" en fait.
Au fial, que retenir de ce film ?
Les culs d'éléphants numériques roses ! Il faut toujours retenir les culs d'éléphants numériques roses !
Et les rhinocéros translucides aussi !
Vous l'aurez compris, Cara Majaka fait plus du recyclage que de l'innovation, et l'idée est plus de caser un maximum d'éléments issus d'un maximum de genres pour offrir un spectacle total, avec assez de sous intrigues pour tenir deux bonnes heures. L'intérêt principal du métrage est son côté totalement naïf et décomplexé, envoyant des SFX déglingos soutenir des numéros d'acteurs délirants : si la majorité du casting assure un niveau entre l'atelier amateur et la fête de patronage, le gourou fait tout ce qu'il peut sur le terrain du surjeu, mais est coiffé au poteau par un gouverneur anglais qui est au jeu d'acteur ce qu'Attila est à la diplomatie internationale, aidé par une perruque non euclidienne.
Allez un dernier petit coup de pied à la perfide Albion pour la route...
J'ai 4 caps du gourou, par pure gourmandise je les mets toutes.
J'espère tellement qu'il a tout appris auprès de Gurmeet Ram Rahim Singh dont on vous avait déjà parlé...
OK j'ai PEUT-ÊTRE eu un Sims avec le même manteau. Peut-être.
Quand on dit "Même ses fringues ont la classe", on sous-entend rarement que ses fringues TOUTES SEULES ont la classe indépendamment.
Le supergourou népalais. Il fait 4cm de haut. Ne demandez pas pourquoi.
Il se transforme aussi en petite fille.
La fin du métrage est simplement un feu d'artifice en forme de bagarre géante, la petite fille possédée se battant contre Nanjappan et son médaillon magique à l'aide d'un solo de percus, pendant que la déesse défie le gourou transformé en mécha dans un mano a mano numérique. Le film s'achevant sans nous la montrer libérée de son influence démoniaque, il se pourrait donc que Priya soit toujours possédée par un démon vengeur à l'heure actuelle, suivie par l'âme tourmentée d'un homme prisonnier d'une voiture jaune, accumulant les meurtres sur son passage. Kinthadi Kaali, la déesse du puits, a un sens de l'humour plutôt noir...
Et ils vécurent heureux et continuèrent vraisemblablement à semer la terreur dans les villes.
Avant chapeau melon et bottes de cuir, il y avait perruque en mouton et chaussettes de tennis.
Addendum :
La traduction littérale du titre "Kutti pisasu" en tamoul est "petit démon" et non "la voiture merveilleuse" (je ne sais pas pour la traduction du titre en kannada). Le pisasu est l'esprit d'un défunt décédé d'une mort brutale (suicide, accident) et pour lequel les rites funéraires n'ont pas pu être accomplis. Il prend possession en général d'une femme. Par ailleurs, le ciné d'Inde du Sud ne peut être qualifié de Bollywood, c'est réservé aux films en hindi produits dans la banlieue de Bombay (Mumbai). C'est un peu comme si vous parliez du cinéma italien de Copenhague ! Les codes sont assez différents de ce qui se fait à Bollywood, dans les cinémas du Sud.
L'indispensable BO du film.
Cote de rareté - 4/ Exotique
Barème de notation
Le DVD du film est trouvable sous son titre original de Kutti Pisasu dans au moins une édition comprenant un autre film tamoul du nom de Yarad Nee Mohini. Commander en ligne directement en Inde, écumer les boutiques spécialisées en cherchant un import rare ou surveiller les sites anglophones pourra se révéler payant.
A moins qu'un petit malin n'ait l'idée saugrenue d'uploader le film entier sur un site connu. Mais nous ne cautionnons pas ces pratiques : à trouver un nanar sans péril, on le regarde sans gloire !