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Attack Force
(1ère publication de cette chronique : 2007)Titre original : Attack Force
Titre(s) alternatif(s) :Aucun
Réalisateur(s) :Michael Keusch
Année : 2006
Nationalité : Etats-Unis
Durée : 1h34
Genre : Attack Farce
Acteurs principaux :Steven Seagal, Lisa Lovbrand, David Kennedy, Adam Croasdell
En Blu-ray aux Etats-Unis, le film est directement fourgué en pack avec "Into The Sun" On remarquera quand même sur la jaquette de ce film que l'art du photoshopage y est poussé dans ses derniers retranchements.
Pour beaucoup d’entre nous, Steven Seagal a été une porte d’entrée vers le nanar. L’incarnation d’une famille de films d’action bourrins qu’on apprécie par-dessus tout dans l’adolescence, jusqu’au matin où, sans prévenir, on se rend compte qu’avant d’être très musclés, la plupart de ces films sont surtout très cons. Bien sûr, ça n’empêche nullement de continuer à les apprécier en les prenant désormais simplement pour ce qu’ils sont et non plus pour le summum de la coolitude mais, le recul aidant, on ne peut s’empêcher de penser en revoyant certains de ces films que décidément non, celui-ci ou celui-là est vraiment trop idiot, et même franchement risible…
Avec des acteurs comme Sylvester Stallone ou Jean-Claude Van Damme, Steven Seagal est donc l’une des stars emblématiques du nanar « grand public » version gros bras. Toutefois, alors que beaucoup de ses collègues bourrins ont jeté l’éponge avec l’âge ou enchaînent les séries B potables, Steven Seagal refuse la fatalité et, ces dernières années, s’est démené pour nous offrir d’authentiques nanars bien juteux. Ayant ostensiblement l'air de n'en avoir rien à foutre devant la caméra, il tourne depuis à peu près cinq ans et à un rythme soutenu dans des daubes innommables même plus dignes des deuxième partie de soirée de la TNT. On avait déjà chroniqué en ces lieux Kiling Point ou Piège en Eaux Profondes (notez comme le titre français tente encore désespérément de surfer sur ses premiers succès), je vous propose de découvrir aujourd’hui Attack Force, sorti en 2007.
Steven Seagal est Marshall Lawson.
Steven s’apprête à se battre. Le compteur de nanardise va grimper en flèche !
Dans Attack Force, Steven Seagal reprend son personnage interchangeable d’agent des forces spéciales expert en arts martiaux, baptisé cette fois Marshall Lawson. Bossant pour une organisation appelée Majestic rattachée à l’armée américaine, il est envoyé en mission d’entraînement pour former trois p’tits jeunes pleins d’avenir mais manquant encore d’expérience. Lorsque ses protégés sont brutalement assassinés juste après son arrivée, Lawson décide d’en faire une affaire personnelle. Remontant la piste jusqu’à des manipulations louches de Majestic visant à produire une drogue capable de transformer n’importe quel individu lambda en tueur inarrêtable, il va très vite se retrouver au milieu d’une salade scénaristique parfaitement incohérente où une maman saumon n’y retrouverait pas ses petits, aussi agiles fussent-ils.
Cette caps vous est offerte par les dragées Fuca.
Avant d’aborder plus précisément cet aspect, il faut évoquer un élément essentiel qui donne tout son sel à Attack Force et contribue grandement à en faire un authentique nanar. La presque totalité du film se déroule en effet… en France ! Et là c’est un festival. On sait que Steven est nul en géographie depuis Piège en Eaux Profondes et ses ruines Mayas en Uruguay, mais là il bat des records, d’autant plus éclatants que la moindre erreur sautera aux yeux du spectateur français comme une énormité. C’est en effet une France bien étrange que parcourt Marshall Lawson, où tout le monde est immatriculé dans la Mayenne, parle avec un accent d'Europe de l’Est et où la base secrète des méchants se trouve « à Bastia, un petit village près de Bordeaux ». Pour y aller depuis Paris c’est par l'autoroute A88, c'est-à-dire sur la route de Caen. L’expression « les quatre coins de l’hexagone » prend d’un seul coup un sens nouveau.
La Mayenne : fournisseur officiel de voitures pour les films de Steven Seagal depuis 2006.
« Go feuque ioureselffe » lance cette femme à Marshall Lawson, probablement la pire actrice du film (en VO) avec son accent français à se pisser dessus.
Les aventures de Steven dans notre beau pays tournent très vite à la confusion totale. Comme une sorte de fil rouge du film, il parle régulièrement de son intention de mettre sur pied une nouvelle équipe pour venger la première. Cette équipe, non seulement on ne la verra jamais, mais elle est à géométrie variable. Il commence par vouloir rappeler son ancienne équipe, puis parle d’en former une nouvelle avant d’évoquer la possibilité d’en refaire carrément deux. A un moment, il ordonne même à ses deux sidekicks, histoire de les occuper, d’en former chacun une, en plus de la sienne. A la fin, on verra vaguement un Asiatique dont on ne saura jamais le nom ni ce qu'il fout là à leurs côtés se faire exploser la tête à chaque fois qu’il attaque un méchant.
Le traître Inspecteur Lambert de « la police locale » à l’accent rigolo, qui se fait lui-même trahir et décide de trahir les traîtres pour se venger.
Pendant ce temps-là, le sombre complot qui se noue derrière la scène est tout aussi incohérent. Un chercheur de Majestic qui travaillait sur la drogue du super-soldat, le CTX, a fait défection et travaille maintenant pour une mystérieuse commanditaire russe aux motivations imprécises. Caché dans un bar à hotesses, il prend peur en voyant débarquer les hommes de Lawson qu’il pense être sur sa piste et les fait assassiner. Il envisage plus ou moins de contaminer la réserve d’eau de la ville sans qu’on comprenne bien pourquoi (le personnage n’est a priori pas un terroriste et ne fait aucune demande de rançon), ni s’il s’agit de celle de Paris ou de Bastia.
Dwayne et Lia (David Kennedy et Lisa Lovbrand), les deux sidekicks de Lawson.
Le méchant Aroon aux intentions obscures, dans tous les sens du terme.
Ses anciens supérieurs, naturellement, cherchent à garder l’affaire secrète tout en déjouant ses plans, tandis que Lawson cherche à déjouer ses plans tout en gardant l’affaire secrète (et à se venger au passage) et évidemment, pour des raisons qu’on ne comprend pas, ils s’affrontent violemment. L’Amiral qui commande Majestic et qui est parvenu à n’être au courant de rien jusque-là est un ami de longue date de Lawson, aussi lui donne-t-il carte blanche pour régler la situation. Un peu plus tard toutefois, on le surprend en train de comploter avec un lâche bureaucrate qui ne songe qu’à enterrer cette sombre histoire pour sauver sa place, et il menace Lawson de faire de lui le bouc émissaire de toute cette affaire s’il échoue (une affaire où, rappelons-le, Lawson n’est mêlé que par accident et dans laquelle il n’a strictement rien à voir et encore moins à se reprocher). Il prévient Lawson qu’il devra agir seul avec son équipe (ah ! la voila la fameuse !) et met donc à sa disposition toute les forces dont il dispose. A l’issue de tout ça, Lawson se retrouve donc entre la Gironde et la Corse, soutenu par toute une armada ayant des ordres stricts pour ne pas l’aider et dont on ne comprend pas bien s’il s’agit de l’armée française ou américaine vu qu’elle utilise un équipement soviétique.
L’Amiral, ici en train de comploter contre Lawson avec un bureaucrate véreux…
Et ici, un peu plus tard, en train de préparer un plan d’attaque avec Lawson.
Les scènes d’action, hélas trop peu nombreuses, sont l’autre grande source de nanardise du film. Le visage bouffi et l'air démotivé, Steven Seagal a abandonné toute prétention de pratiquer les arts martiaux et n’essaye même plus de faire semblant. Les combats se résument à des échanges grotesques où Steven mouline si fort des bras qu'on croirait qu'il cherche à provoquer Don Quichotte en duel, le tout entrecoupé de gros plans où il a l’air effroyablement constipé. Malgré cela les autres personnages font tout pour nous vendre Marshall Lawson comme un combattant exceptionnel, allant jusqu’à lui confier une espèce de paire de griffes à fixer sur les poignets censées le transformer en Wolverine d’occasion, « capables de s’adapter à son style de combat » et devant lui permettre de « compenser les réflexes surhumains » de ses adversaires sous l’emprise de la drogue.
Les Griffes du Tigre Pataud.
Un concours de moulinage de bras irrésistiblement drôle où la tronche de Steven Seagal vaut de l’or.
Ce scénario embrouillé et contradictoire (dont Steven himself est d’ailleurs le co-auteur) ne s’explique pas uniquement par une consommation excessive de cocaïne. Il semble en effet qu’à l’origine le scénario devait parler d’une invasion d’extra-terrestres, mais que les producteurs, en plein milieu du tournage, se soient mis à craindre le ridicule et aient tenté de sauver les meubles en revenant à une histoire plus classique (on n’ose imaginer ce qu’aurait pu donner le script originel). Les aliens ont donc été transformés en drogués et ça explique pas mal de choses, à commencer par les yeux bizarres des méchants sous l’emprise du CTX, ou le fait qu’ils se battent tous de la même façon et avec la même arme inhabituelle, une espèce de petit poignard recourbé. Ca explique aussi pourquoi Lawson et ses supérieurs se montrent tellement prêts à massacrer un tas de gens apparemment innocents, seulement coupables d’avoir absorbé du CTX à leur insu. Les modifications étant semble-t-il intervenues assez tard, elles ont probablement nécessité de retourner certaines scènes de dialogue et c’est là que la continuité a dû en prendre un coup.
Le bizarre clignement d’oeil horizontal des aliens / drogués au CTX.
Autre constante du film : les personnages sont régulièrement projetés à travers les murs avec une extrême violence, mais sans jamais leur causer aucune blessure.
Au final Attack Force est sans doute l’un des films les plus drôles de Steven Seagal à ce jour. Ca ne suffit pas à en faire un nanar d'exception, mais tout de même un film fort plaisant à regarder et où l’on rigole bien à parcourir sa version eschérienne de la France au rythme des bras de Steven qui moulinent, qui moulinent, qui moulinent...
Addendum
Dans une interview donnée en 2007 au magazine roumain Fiss, Michael Keusch, réalisateur du film, décrit ses rapports orageux avec Steven Seagal sur le tournage d'Attack Force et des deux autres films qu'ils ont tournés ensemble (L'affaire CIA et Flight of Fury). Michael Keusch raconte ainsi comment Steven Seagal lui a reproché de ne pas assez prendre au sérieux les arts martiaux, insistant lourdement sur sa capacité à tuer un homme à mains nues et allant jusqu'à menacer physiquement le réalisateur. Sur le tournage d'Attack Force plus précisément, Steven a commencé par débarquer avec une copie de Predator 2 à la main en exigeant de tourner un film comme celui-là. Le pauvre Michael Keusch a fini par le convaincre de se prêter au scénario original, écrit, terminé et prêt à être tourné, mais Steven n'en a pas moins boudé pendant tout le tournage, refusant jusqu'au bout de jouer la scène du combat final contre la reine des aliens (qui est devenue l'acheteuse russe du CTX dans la version finale du film retouchée par les producteurs). Par ailleurs, le film étant sorti en version française depuis la parution de cette chronique, nous sommes en mesure de confirmer que, si les accents français rigolos ont disparu, Bastia se trouve toujours à côté de Bordeaux...