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Comtesse Hachisch


Comtesse Hachisch

Titre original : Comtesse Hachisch

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :???

Année : 1930

Nationalité : France

Durée : 1h01

Genre : Pétard mouillé

Acteurs principaux :??????

Barracuda
NOTE
3.5/ 5




« Ah il est beau mon bateau ! Un brick-goélette ! Il a fière allure ! Vous savez ce qui serait génial ? Ce serait de faire un film autour de lui, qui le montrerait sous tous les angles à la France entière ! Ouais, c'est une super idée ça. Maintenant, reste plus qu'à trouver un scénario. Faudrait une histoire qui mette en avant les qualités du marin pour édifier les jeunes : le courage, la loyauté, l'humilité face aux éléments, la sobriété... Oui, surtout la sobriété, très important chez un marin, ça ! Mais de nos jours l'alcool, ça fait plus peur à personne, avec toutes les saloperies qui circulent... Tiens justement ! Je vais faire un film sur cette nouvelle saleté là... Le hachisch. Très bien ça, le hachisch. Bon, maintenant, comment je vais l'appeler mon film ? »


Le brick-goélette Lili, l'autre vedette du film.



Ainsi, peut-être (ou peut-être pas), est né La Comtesse Hachisch au milieu des années 30. On sait extrêmement peu de choses sur ce film, retrouvé quelque part dans les entrailles de la Cinémathèque Française sous forme de négatifs nitrate incomplets, et restaurés en 1993. Aucun générique, aucun nom de réalisateur, aucune date, aucun acteur reconnaissable, tout juste ce titre arbitrairement inscrit sur les boîtes des bobines d'après le nom d'un des personnages, et quelques décors identifiables (le port de Nice, le Fort Carré et la Porte Marine d'Antibes). Projeté pour la première fois en public lors de la deuxième Nuit Excentrique, le 18 février 2006, il a laissé la salle bouche bée par ses nombreux moments de flottement nanars, atteignant des niveaux d'absurdité rarement vus ailleurs.


Et il en est fier en plus !



Comtesse Hachisch nous propose de suivre les aventures du fier Capitaine Mario, commandant du brick-goélette « Lili ». On apprend très vite qu'il est surnommé « Capitaine Droit-Devant », sans doute à cause de son étrange manie de ne jamais regarder ses interlocuteurs en face (une constante dans le film). Le Capitaine Mario (dit « Droit-Devant »), son équipage et son épouse reviennent d'une destination non précisée après un voyage mouvementé, durant lequel ils ont été attaqués par un (stock-shot d')avion sans raison explicite. Touchant enfin au port et d'humeur primesautière, ils décident d'aller arroser ça au bar « Le Retour du Cap Horn ». Las ! Au milieu des joyeux fêtards, se sont glissés une snobinarde que le Capitaine Mario enverra paître d'une réplique cinglante ("Quoi, tu traites le cap'taine Mario Droit-Devant et son honorable compagnie de déguisés ? Carnaval toi-même!.") et également de redoutables trafiquants de drogue, venus jauger le Capitaine.


Le Capitaine Mario regarde toujours "Droit-Devant".



Car déjà, dans l'ombre, la corruption étend ses griffes sournoises pour faire tomber l'intègre capitaine Mario (dit « Droit-Devant ») dans les filets poisseux de sa toile inextricable. Elle s'incarne dans la personne de la Comtesse Hachisch, baptisée ainsi en raison de son implication dans le trafic de cette substance.


La Comtesse Hachisch et le Capitaine Droit-Devant jouent à celui qui a le surnom le plus cool.



L'équipage du Lili est l'une des grandes énigmes du film. Outre qu'ils sont quatre pour manœuvrer un navire plutôt imposant, leur attitude envers le Capitaine Mario (dit « Droit-Devant ») ne cesse de varier sans qu'on sache vraiment pourquoi. Dans la première scène, les marins semblent au bord de la mutinerie et l'un d'eux affirme même à la femme du capitaine qu'ils ne restent à bord qu'à cause de sa gentillesse. Un peu plus tard, lorsque Mario les invitera à boire un verre, au contraire l'équipage semblera adorer son commandant, qui de toute façon a forcément gagné quelque part son surnom flatteur. On finit par se dire qu'un type aussi fort que le Capitaine Mario (dit « Droit-Devant ») n'a de toute façon besoin de personne pour naviguer et que ses marins ne sont là que pour remplir les quotas. Cet équipage est en effet composé d'un Noir (nommé Bamboula), d'un Chinois, d'un Arabe (appelé Mohammed) et d'un vieux à barbe blanche. Ils sont assez peu présents dans le film mais la seule scène les mettant en vedette exhale quelques relents de France colonialiste au charme nanar musqué. Leurs compétences de comédiens, visiblement sollicitées pour la première et dernière fois de leur existence, en font des atouts nanars de choix.




In the Navy !
Come on and join your fellow men !
In the Navy !



Si le réalisateur ne perd pas une occasion de nous montrer le Lili sous tous ses angles ou de dénoncer les méfaits de la « mariajuana », la star incontestée du film demeure l'incroyable Capitaine Mario (dit « Droit-Devant »). Son accent indéfinissable, son mauvais jeu d'acteur et sa manie de sortir des réflexions totalement à côté de la plaque aux moments les plus incongrus en font une attraction permanente qui ne cesse de prendre le spectateur par surprise. Dans l'un des exemples les plus frappants, on le voit qui s'approche d'une porte-fenêtre. Il la regarde intensément avant d'annoncer d'un ton sentencieux : « Tiens ! Cette porte est ouverte... » car, effectivement, la porte est ouverte. On ne peut rien lui cacher, au Capitaine Mario (dit « Droit-Devant »).


Le Capitaine Mario (dit « Droit-Devant ») dans toute sa splendeur. Ca ne se voit pas sur les caps, mais il a une énorme tache de graisse sur le plastron qu'il trimballe pendant tout le film en faisant semblant de ne pas s'en apercevoir...




Croyez-le ou non, mais cette porte est ouverte !



En bon film d'aventures, Comtesse Hachisch compte également sa part de scènes d'action. Pour être exact, il y en a deux. La première met en scène deux douaniers à la poursuite de la Comtesse elle-même. Impossible de savoir comment ils s'y sont pris, mais ils ont choisi les douaniers les plus arthritiques du monde. Se tenant aux murs comme s'ils allaient s'écrouler, l'un d'entre eux trouve tout de même le moyen de trébucher dans un escalier, et comme il n'y a, semble-t-il, jamais eu plus d'une prise par scène, la chute a été gardée dans le montage final. La deuxième scène nous montre le passé d'aventurier du Capitaine Mario (dit « Droit-Devant ») à l'époque où il trafiquait dans la Mer Rouge et se prenait pour Henri de Monfreid. On assiste pour l'occasion à une démonstration du talent de l'accessoiriste du film, puisque celui-ci a reconstitué une authentique mitrailleuse Hotchkiss (à l'époque très utilisée dans les armées coloniales) en papier mâché et carton véritable, avec tous les détails et jusqu'aux chargeurs à munitions. On n'y croit pas une seconde, mais la quantité de travail qui a dû être fournie force le respect, même (surtout ?) pour un résultat aussi nanar.


La fameuse mitrailleuse. Elle ferait presque illusion s'ils n'avaient pas AUSSI oublié les bruitages...



Comtesse Hachisch toutefois, c'est, avant tout, un film didactique destiné à éduquer la jeunesse sur les dangers de « Mariajuana, la cigarette de la mort » ! La Comtesse respire naturellement le stupre et la luxure et même l'intègre, l'honnête Capitaine Droit-Devant succombera au pouvoir de la drogue après seulement... trois bouffées. Lors d'une scène mémorable, on verra Mario consulter un dictionnaire pour se renseigner sur le hachisch. Il l'ouvre à une page au hasard, fait semblant de chercher... puis revient à la première page, parce que finalement c'était la bonne. On apprend aussi, et surtout, que le hachisch est une drogue extrêmement dangereuse qui peut vous envoyer en prison, « au cabanon », et même jusqu'à la mort. Vous avez compris les enfants, faut pas y toucher à cette saloperie ! La drogue, c'est de la merde ! C'est le Capitaine Droit-Devant qui le dit, avec son accent amusant.


Droit-Devant tire sur le oinj.


La drogue peut rendre fou !


Le Cap'taine Mario regarde la jeunesse de France droit dans les yeux et la met en garde : "La Drogue, c'est de la merde !"



Tous les dessous du trafic nous sont également montrés. On verra en particulier le Capitaine Mario partir pour la Grèce pour se faire remettre un chargement de hachisch, l'occasion d'étudier les méthodes des trafiquants. Elles consistent à cacher la drogue dans des blocs de cire creux, pas du tout suspects. La présentation de la Grèce où Le Lili vient s'approvisionner pour le compte des trafiquants est d'ailleurs un autre grand moment. Droit-Devant commence par annoncer « Les Îles Cyclades à Tribord... Voilà la Grèce ! » avant de débarquer dans un port on ne peut plus français, avec des panneaux écrits en alphabet latin...


Tous les secrets des trafiquants révélés !



A un autre moment, les trafiquants trimbalent une caisse de drogue et passent les contrôles du port. La scène en elle-même est on ne peut plus classique, mais il faut voir comment tout cela est joué... Les trafiquants tentent d'abord de faire rentrer à tout prix la caisse dans un coffre de voiture beaucoup trop petit. Ils font trois tentatives avant de renoncer et de l'attacher simplement, sans qu'on sache bien si c'est volontaire ou non. Ensuite, c'est un détail mais lors du passage de la douane, le chef du poste se plante dans sa réplique et la recommence, le tout intégralement gardé au montage !

Enfin, tant qu'on est dans les douaniers, il faut mentionner leurs techniques de Sioux pour alpaguer les fraudeurs :

"- Ohé du bateau ! Vous avez des marchandises de contrebande ?
- Non
- C'est bon, vous pouvez passer !
"

Ne laissant rien au hasard, ils demanderont aussi à un type « Et ça, ce sont des caisses ? » en désignant des cubes de bois à base de planches et de clous qui auraient pu tout à fait, il est vrai, être des cornets à piston.


Droit-devant préparerait un coup tordu que ça n'm'étonnerait pas...



Le clou du film demeure toutefois la poursuite finale entre le Lili et des stock-shots de bateaux des douanes. Tandis que Mario discute dans sa cabine avec la Comtesse Hachisch qui est restée au port (cherchez pas), sa femme intercepte un message radio ordonnant à tous les douaniers d'arraisonner le Lili. En apprenant ça, Mario pète un câble et hisse... le pavillon noir des pirates !


La Comtesse Hachisch prend tous les risques pour recruter le Capitaine Droit-Devant.



Alors qu'on s'attend presque à voir Mario s'emparer d'un sabre d'abordage pour aller montrer aux douaniers qui c'est qu'on surnomme "Droit-Devant", l'équipage se mutine et demande à ce que le Capitaine arrête ses conneries et accepte de se rendre aux douaniers. La suite est assez confuse (d'autant que la post-synchronisation elle aussi se mutine), on ne comprend pas bien si Mario se jette à la mer ou si c'est l'équipage qui l'y pousse. Dans tous les cas, Le Capitaine Droit-Devant connaît une fin tragique dans les eaux de la Méditerranée.


Un marin désigne un stock-shot au Capitaine Mario.


La fin d'un titan.



Bien qu'a priori inachevé (globalement, le film a bien un début, un milieu et une fin, mais il manque clairement plusieurs scènes de raccord), La Comtesse Hachisch demeure un exemple rare d'antique nanar, datant des années 1930 mais affichant tous les raffinements modernes. Sorte de pendant hexagonal à The Reefer Madness dont il est d'ailleurs contemporain (le film américain datant de 1936, peut-être même s'en est-il inspiré ?) et précurseur de Blood Freak par sa thématique (et sa nanardise), il nous permet surtout de découvrir l'incroyable Capitaine Mario, sa manie de ne jamais regarder en face les gens à qui il parle et ses répliques proprement inoubliables. Un grand coup de chapeau à la Cinémathèque Française pour avoir exhumé ce trésor, et pour avoir osé le projeter à une heure de grande écoute.
- Barracuda -
Moyenne : 3.52 / 5
Barracuda
NOTE
3.5/ 5
Nikita
NOTE
3.5/ 5
John Nada
NOTE
3.5/ 5
Labroche
NOTE
4/ 5
Zord
NOTE
4/ 5
Peter Wonkley
NOTE
3/ 5
MrKlaus
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
3.75/ 5
Wallflowers
NOTE
2.5/ 5
LeRôdeur
NOTE
5/ 5
Mayonne
NOTE
1.5/ 5
Drexl
NOTE
3.5/ 5
Rico
NOTE
4.5/ 5

Cote de rareté - 7/ Jamais Sorti

Barème de notation
La Cinémathèque est détentrice de la seule copie connue du film. Si vous avez loupé la Nuit Excentrique, il ne vous reste plus qu'à espérer qu'ils la rediffusent un jour.

Annexe 1 : Présentation du film par la Cinémathèque



"Comtesse Hachisch. Réalisateur inconnu. France/circa 1935/61'/35mm. Avec des comédiens inconnus.

Le capitaine Mario, dit « droit devant », tombe sous l'emprise de la Comtesse Hachisch qui le convainc de transporter de la drogue dans son bateau.

« Il est possible de supposer que (ce film) est l'œuvre d'un Ed Wood français, avec la même sensation de bricolage désespéré dans la facture, et de sottise abyssale dans les contenus. » (Philippe Arnaud).

Copie sauvegardée par la Cinémathèque française en 1993."


Annexe 2 : spéculations diverses sur le film, ses conditions et lieux de tournage.



- Certains lieux ont pu être identifiés. Outre ceux déjà cités dans la chronique, une scène du film pourrait avoir été tournée à Théoule-sur-Mer et on aperçoit la rade de Villefranche.

- Les acteurs semblent en partie être des professionnels, à l'exception du Capitaine Mario qui joue vraiment plus mal que les autres. Il n'est pas impossible que le type qui le joue ait décroché le rôle pour d'autres raisons que son seul talent (financier du film ?).

- Le film a été tourné en décors naturels, chose rare dans les années 1930 car les équipements d'alors avaient beaucoup de mal avec la lumière naturelle. Cela suggère une production dotée de faibles moyens, mais aussi une incontestable maîtrise technique, la photographie demeurant irréprochable tout au long du film. Par ailleurs, aucun studio de Nice n'a servi à un film qui pourrait être La Comtesse Hachisch entre 1931 et 1939.

- Lors d'une scène, on aperçoit furtivement un clap sur lequel il y aurait écrit « Algeria » (?).

Annexe 3 : le film a inspiré les créatifs de Nanarland… voici donc quelques affiches alternatives :


By Jeanjean


By Niko13


By Rick Zaratustra


By Zord


By Al1


By John Matrix


By ROTOR



By Airbeez