Recherche...

Le Trésor des Quatre Couronnes

(1ère publication de cette chronique : 2010)
Le Trésor des Quatre Couronnes

Titre original : Le Trésor des Quatre Couronnes

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Ferdinando Baldi

Producteur(s) :Menahem Golan

Année : 1983

Nationalité : Italie

Durée : 1h35

Genre : Indiana-Jones sans relief

Acteurs principaux :Tony Anthony, Ana Obregon, Gene Quintano, Lewis Gordon

Wallflowers
NOTE
3.5/ 5


"L’aventure suprême dans sa dimension totale". Tel est le slogan qui accompagne la bande-annonce du film Le Trésor des Quatre Couronnes. Si l’aventure suprême l’est autant que le groupe de soul éponyme est Irlandais, la "dimension totale", elle, n’est pas de l’esbroufe parceque, et c'est important pour la suite, Le Trésor des Quatre Couronnes est un film… en 3D.


En outre, dans le film, on ne parle que de deux couronnes.


A l’heure où James Cameron a mis tout le monde d’accord sur l’effet d’une réelle "troisième dimension" avec Avatar, et où Hollywood utilise le procédé mercantilement pour justifier l'inflation du ticket de cinéma, il faut rappeler que la quête de la 3D au cinéma ne date pas des années 2000… mais quasiment du début de l’histoire du 7ème art, au début des années 1900. Après différents procédés développés au cours du temps, et dont aucun n'a vraiment réussi à révolutionner le cinéma, apparaît dans les années 80 le système de Stéreovision. Késako ? C'est un procédé qui consiste à projeter deux images superposées, diffusées par le biais d’une focale anamorphique, ce qui permet une stabilité de l’image et du son. Ainsi, pour voir vos héros en 3D il fallait aller au ciné, et profiter du spectacle grâce à des lunettes en carton ridicules. Heureusement pour nous, la mode vestimentaire des années 80 éclipsait ce dernier aspect.


Eddy Mitchell dans son émission "La dernière séance", présentant "L'Etrange Créature du Lac Noir" (1954), premier film diffusé en 3D à la télévision en France, visionnable grâce aux lunettes fournies avec le journal télé.


Le procédé ne s'imposa jamais vraiment, mais donna l'idée à certains producteurs peu inspirés de dépoussiérer leurs franchises en sortant un nouvel opus en 3D (Freddy, Jason et Jaws par exemple). Cet engouement fut très passager car il faut reconnaître que le résultat technique n’était pas folichon (parler de films "en relief" serait plus juste), et que le système n’était en outre absolument pas prévu pour l’exploitation vidéo (la VHS de La Fin de Freddy : L'Ultime Cauchemar avait beau être vendue avec deux paires de lunettes - celles en carton avec un verre rouge et l'autre bleu - les scènes anaglyphes étaient juste illisibles).


Des effets visuels qui donnent mal à la tête.


C’est donc dans ce contexte, où l'industrie du cinéma cherche à offrir une expérience en salles qui lui permettrait de contrer la montée en puissance de la télévision, que survient Tony Anthony. Tony Anthony (de son vrai nom Roger Pettito), c’est l’acteur de western italien typique : un regard d’acier, une démarche lente, une présence qui peut remplir une pièce à elle seule. Après avoir porté sur ses épaules des westerns comme Pendez-le par les pieds (Get Mean en 1975) ou La vengeance impitoyable (Comin' at Ya! en 1981, lui aussi en relief), il décide alors de se lancer dans l’aventure 3D avec un film qui sera spécialement conçu comme un écrin à sa gloire. Ayant avec lui un scénario (à peu près) original (pompé évidemment sur Les Aventuriers de l’Arche Perdue), il se dit qu’avec Le Trésor des Quatre Couronnes et le soutien financier de la Cannon, il va tout défoncer sur son passage.

Il ne pouvait pas plus se planter.



Ceci est un effet 3D prestigieux dans un film miséreux.


Initialement, Le Trésor des Quatre Couronnes n’est peut-être pas un Freddy 6, ni un Vendredi 13 Chapitre 8, mais comme dit plus haut, il est très fortement influencé par Indiana Jones, pour ne pas dire Alan Quatermain avec Richard Chamberlain si je voulais être offensant. Tony Anthony s'attribue donc le rôle principal, celui d’un aventurier des temps modernes, un Soldier of Fortune. Le genre à chercher des trésors cachés dans les coins les plus dangereux du monde. Un peu comme le Dr Jones mais les études d’archéologie (et de sport) en moins.






Tony Anthony, le Harrison Ford version Hard Discount.


Mais voilà : si Harrison Ford possède une allure virile, un visage de baroudeur aux yeux perçants et arbore la chemise déchirée comme une pin-up les porte-jarretelles, ce n’est pas le cas de notre acteur italien. Non, Tony Anthony c’est plutôt Droopy avec une parka rouge qui le fait ressembler au bonhomme Michelin roulé dans de la terre battue, décidant avec l’agilité d’une brouette rouillée de se prendre pour Philippe de Dieuleveult. Notre aventurier va nous prouver tout son talent dans une longue (20 minutes !) scène d’introduction où il prend tous les risques pour aller chercher un artefact planqué dans le donjon d’un château, ceci en se vautrant toutes les trente secondes, en se faisant courser par divers animaux et en déclenchant tous les pièges possibles comme un aveugle le ferait dans un champ de mines antipersonnel.


Tony Anthony court devant une boulette enflammée menaçante.


Tony Anthony nous fait avaler des couleuvres.


Tony Anthony réussi même à plonger au sol après une explosion.


Cet artefact, qu’il arrive à récupérer non sans montrer aux spectateurs son incompétence à marcher trois mètres sans se prendre une flèche dans le cul, est une clef qui ouvre un compartiment dans une couronne magique, détenue par un directeur de musée. Ce dernier lui raconte alors la légende des quatre couronnes. Légende, dont je vous passerai par bonté d’âme les détails du récit pour une raison évidente : on n'y comprend rien. Il demande alors à notre héros d’aller chercher les deux autres couronnes car, entre de mauvaises mains, elles permettraient à son détenteur de posséder les pouvoirs absolus (vous savez bien... le genre de pouvoir qu’on sous-entend toujours mais que personne n’a jamais vraiment montré en réalité dans les films).


Le pouvoir des flammes lui brûle les doigts.


Enfin, c'est surtout les tuyaux situés sous les manches.


Pas de bol, elles sont détenues par Frère Jonas. Le chef d’une secte qui, en plus de se taper ses fidèles feminines tout en se payant des voitures de luxe, possède un nom de baleine et porte une capuche rouge inquiétante pour bien nous faire comprendre qu’il n'est pas là pour être un type agréable. La mission est alors simple : se rendre dans un château des Pyrénées, là où notre Raël ibérique cache les couronnes dans une pièce hyper protégée, et voler le pouvoir de ses couronnes en ouvrant leur compartiment grâce à la clef trouvée plus tôt.


Jonas Brother.


Et sa secte mystérieuse et adoratrice des tambourins.


Ni une, ni deux, Tony Anthony (quel pseudonyme quand même) compose alors une équipe d’anciens compagnons d’armes et échafaude un plan pour aller piquer les couronnes. Il faut d’ailleurs mentionner que le plan d’attaque, consistant à atteindre les couronnes sans toucher ni le sol ni les murs de la pièce (qui sont bourrés de capteurs d’alarme) donne vie à une scène qui sera copiée sans vergogne par Brian De Palma dans Mission Impossible. Oui, on n'a pas peur de dénoncer, nous, à Nanarland.








Tony Anthony, le Tom Cruise version Easy Cost.


Notre Agence tous risques parviendra-t-elle à ses fins ? Les couronnes sont-elles si magiques que ça ? Verra-t-on un plan nichon en 3D ? Pourquoi le système de vue en relief est-il omniprésent, alors que le scénario lui, manque cruellement de profondeur ? Tant de questions auxquelles je ne répondrai pas, sauf à la dernière.


La douleur, c'est moche.


Car soyons honnête, niveau relief, Le Trésor des Quatre Couronnes fournit ce qu’il promet : de la 3D à foison. Ainsi, si le personnage de Tony Anthony se débrouille comme un manche au début du film, ne pouvant s’empêcher de provoquer des catastrophes comme un enfant de dix ans dans une armurerie, ce n’est pas tant par incompétence (qui a dit "ben, si" ?) que parce que cela procure un prétexte pour visionner en gros plans ou en contre-plongé des projectiles en tous genres. Gros plans nécessaires pour profiter de l’effet "profondeur" dans sa totalité.

 


Un système informatique dernier cri... fixé sur une porte en bois.


Et des objets face caméra, vous allez en manger. Ainsi, si vous aviez vu le film au cinéma en 1983, vous auriez eu le privilège de voir en gros plan (ou en contre-plongée) diverses choses de la vie courante telles que (liste quasi exhaustive) : un aigle, une liane, une corde, un serpent, un oiseau en plastique, un chien qui saute, un chien qui aboie, un type qui se jette à travers la fenêtre, des lambeaux de tissu, une main de squelette, une épée, un sceptre, une arbalète qui lévite, un carreau d’arbalète qui lévite, un javelot, une masse cloutée, une épée qui tombe d’un plafond, un mousquet, un rouleau à pointes (?), une flèche enflammée, une couronne, une clef qui va dans la couronne, une loupe, la même clef que tout à l’heure mais sous un autre angle, des ustensiles de cuisine (une marmite je crois), un jet d’eau, une porte de frigo, toujours la même clef que tout à l’heure mais qui lévite, des casseroles qui explosent, des pots qui éclatent, des étagères qui tombent, des draps qui volent, des trapézistes, une plume, une main, une main qui tient une plume, un transpondeur, des sangles, un pied, un mousqueton, une paire de ciseaux, un cierge, un brasero, un couteau, des tambourins, un serpent en plastique, un chalumeau, des jets de flammes, des boules de feu (tirées par des ficelles) et des trucs qui crépitent dans différentes gerbes de couleurs.

 


Un exemple d'objet en gros plan nécessaire pour l'effet 3D.


Si on peut comprendre que ce système comble de bonheur les plus myopes d'entre nous, pour les autres on frisera l'overdose. Comme l’adage du film porno consistant à dire que les gens veulent du cul et pas d’histoire, je suppute que le réalisateur Ferdinando Baldi s'est dit la même chose, pensant que les jeunes des années 80 voulait de la 3D mais pas de scénario.

 


Coucou, tu veux voir ma loupe ?


Oui, merci elle m'a l'air très grosse.


Car l'histoire se décompose finalement en trois parties simples, comme les trois actes d'une pièce de théâtre : l’introduction sans dialogue, puis la partie où Tony Anthony forme son équipe de bras cassés, et enfin la mise en œuvre du plan pour voler les deux couronnes restantes. On ne peut alors que rire devant le scénario digne de l’arnaque où les références (pour ne pas employer un autre mot juridiquement répréhensible) aux Aventuriers de l’Arche Perdue sont légions. Dans un élan de générosité extrême, on nous gratifie même d'un effet spécial littéralement piqué à L'Exorciste, tel un vibrant hommage (hahaha non) au classique de Friedkin.




Non, ce ne sont pas des maladies de peau. C'est du maquillage.


Même la musique d’Ennio Morricone, composant un score académique pour un film anémique, n'arrive pas à sauver les meubles. Et par charité chrétienne, nous passerons sur le jeu de Tony Anthony, vague croisement entre l’acteur Burt Young et le chanteur Ringo, qui a l'air autant inspiré pour jouer que pour se trouver un pseudonyme qui ne donne pas envie de pouffer quand on le prononce à voix haute.

 




Notez les élégantes ficelles qui tiennent ces mirobolantes boules de feu.


Plus encore que nos blockbusters contemporains truffés d'effets spéciaux numériques, Le Trésor des Quatre Couronnes célèbre le triomphe de la forme sur le fond, sacrifiant ses promesses d'aventures épiques au profit d'un argument commercial réduit au rang de gimmick, dont le maigre intérêt s'évapore complètement en vidéo le rendant balourd. Gentiment bâclé, le résultat n’est guère plus achevé que les histoires imaginaires que vous viviez avec vos amis à 9 ans, quand vous partiez à la recherche d'hypothétiques trésors dans votre jardin. Et encore, la théière en faïence de votre papy enterrée à côté du cerisier était réellement en 3D, elle.

Avatar de James Cameron lui a tout copié.


Un grand Merci à Maryline pour son aide précieuse.

- Wallflowers -
Moyenne : 3.13 / 5
Wallflowers
NOTE
3.5/ 5
Rico
NOTE
3/ 5
Barracuda
NOTE
3/ 5
Jack Tillman
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation

Très bonne nouvelle puisque grâce au travail de Kino Lorber Studio, le film est sorti en 2022 dans une édition blu-ray assez balèze comprenant une version remasterisée en 3D polarisée (pour les écrans 3D actuels) ET une version 3D anaglyphe (comme celle sortie au ciné en 1983). Pour profiter de cette dernière, il vous faudra une de ces fameuses paires de lunettes bleues et rouges dont un exemplaire est fourni dans le coffret. Côté bonus, l'édition peut se vanter d'avoir une version commentée par Jason Pichonsky (réalisateur et restaurateur de copie qui avait déjà travaillé sur la restauration du film "The Bloody Brood", un petit thriller canadien avec Peter Falk) et une interview de Tony Anthony. De quoi ravir les gens comme nous, à condition de se contenter, hélas, d'une version originale anglaise sans sous-titres français.

Toujours aux States, des DVD plus classiques existent, dont des éditions zone 1 (English only) chez "Shoot Factory". Vous la trouverez en version simple ou dans des packs exploitation. Dans tous les cas, il s'agit d'éditions assez basiques.


Et chez nous ? En attendant un hypothétique DVD français, la VHS "Gaumont/Columbia/RCA" demeure encore le meilleur moyen de visionner cette merveille en 2D et en Français.