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Barbarian
(1ère publication de cette chronique : 2007)Titre original : Barbarian
Titre(s) alternatif(s) :Aucun
Réalisateur(s) :Henri Crum (sous le pseudo de John O'Halloran)
Année : 2003
Nationalité : Etats-Unis/Russie
Durée : 1h29
Genre : Barbare au rabais
Acteurs principaux :Michael O'Hearn, Martin Kove, Svetlana Metkina, Dmitri Shevchenko, Yevdokiya Germanova
Ah, le barbare… Guerrier primitif arpentant des contrées hostiles et ne se souciant guère du monde qui l'entoure, il voyage, de-ci de-là, en quête de nouveaux pillages. Parfois, sa tranquillité est troublée par une menace imminente, venant bouleverser son petit quotidien pépère, obligeant notre rustre à prendre les armes. Mais, bonne pâte, il accepte son sort, surtout s'il peut obtenir une contrepartie, comme l'immortalité, la richesse ou, plus sobrement, l'amour d'une jouvencelle en détresse, ses beaux yeux… et tout ce qui va avec.
Sur ce canevas usé jusqu'à la corde s'est brodé une quantité industrielle de productions. Avec Barbarian, on voyage donc en terrain connu, d'autant plus que le film qui nous intéresse reprend dans les grandes lignes la trame d'un autre long-métrage, Deathstalker, que James Sbardellati réalisait en 1983, avec l'ineffable Rick Hill dans le rôle titre. Quoique, vu la similitude, on pourrait même parler de plagiat éhonté si les deux œuvres ne se partageaient pas le même producteur exécutif, à savoir l'éternel Roger Corman.
"Une amulette pour les dominer tous !" (tiens, ça me rappelle quelque chose...) Comme d'habitude, le responsable de la jaquette s'est lancé dans un remarquable solo de pipeau. Notez aussi le nom du héros, qui change d'orthographe d'une ligne à l'autre…
Ici, nous suivrons donc les aventures de Kane, un nom décidément courant chez les barbares. Apprenant qu'il est le seul homme capable de déjouer les plans du terrible Munkar qui, aux commandes d'une armée de dix figurants, a renversé le trône du roi, il se met en quête de divers artefacts sacrés qui permettraient à notre félon de régner en maître sur le royaume. Une emmerde n'arrivant jamais seule, il devra également sauver la fille du souverain déchu laquelle, en bonne élève qu'elle est, n'a rien trouvé de mieux que se faire enfermer dans un donjon. Bien heureusement, notre héros trouvera sur sa route une bande de joyeux compagnons pour venir le seconder dans son dangereux périple.
C'est sûr qu'avec une telle équipe, on est de suite beaucoup plus rassuré.
Sont bien gentils les dieux avec leurs légendes, mais l'idée, c'est surtout de nous refiler leur camelote discrètement.
Voilà pour le pitch, d'une banalité à pleurer. On saluera la fumisterie de scénaristes s'étant attachés à reproduire tous les poncifs du genre avec une belle application. En effet, cette histoire ne cherchant pas une seconde à se démarquer de son modèle est en outre exclusivement peuplée de personnages ultra-caricaturaux, du barbare musculeux et bourru à la princesse un peu trop pure en passant par le monarque poussé à la fuite, et dont l'âge avancé ne permet pas de sauver lui-même son royal fessier. Des stéréotypes ambulants surgis le plus souvent de nulle part, et dont la présence n'est justifiée que par des procédés hasardeux. Partisans du moindre effort, les auteurs ne se gêneront pas non plus pour piller dans le râtelier du voisin, notamment avec cette scène où notre héros pénètre dans la forteresse de Munkar lors d'un tournoi organisé par ce dernier. Une méthode d'infiltration qui n'est pas sans rappeler l'un des passages les plus connus de Robin des bois.
Le roi Kandor, trop vieux pour ces conneries.
Ce qu'il y a de pratique avec "Barbarian", c'est qu'il n'est pas nécessaire de présenter les personnages : tout le monde rêve de tout le monde.
Il serait cependant injuste de dire que Barbarian ne fait preuve d'aucune originalité, alors qu'il se démarque au moins sur un point de l'héroic-fantasy des années 80 : la place de la femme dans ce genre de film. On pourrait penser qu'à notre époque où l'on parle de parité hommes/femmes en politique, où l'on affirme que "demain sera féminin" et que "la femme est l'avenir de l'homme" (voir carrément "l'avenir du futur" si l'on en croit Alive), les représentantes du beau sexe se verraient proposer des rôles plus valorisant que celui de potiche de service. Et bien c'est tout l'inverse. Dans Barbarian, les femmes sont contraintes de jouer leurs scènes avec l'élégance d'actrices porno, tout en poses lascives et mouvements de langue suggestifs. Bien que les personnages confiés à ces demoiselles restent à la hauteur de leur "talent", et qu'on imagine mal comment elles auraient pu jouer autre chose que des plantes vertes avec des aptitudes de comédiennes si limitées, tout sera quand même mis en œuvre pour faire passer les interprètes pour d'énormes nymphomanes, ayant invariablement le feu aux fesses et se jetant à la moindre occasion aux bras de notre héros. Cela bien sûr afin de garantir aux spectateurs quelques scènes épicées comme un plat de tofus. Avec une telle politique de voyeurisme putassier, on ne s'étonnera pas que la moitié du casting ait été embauchée pour jouer le harem de Munkar.
Un peu de bondage, ça n'a jamais fait de mal à personne… enfin, j'me comprends…
Oouuuééé, y a même du catch dans la boue ! Ils ont vraiment pensé à tout.
Attardons-nous à présent sur les différents protagonistes, à commencer par les deux rôles principaux. Tout d'abord Munkar le sorcier, joué par Martin Kove, second couteau à la filmographie longue comme le bras, que certains ont déjà pu voir dans Les Seigneurs de la route ou Crocodile II. Même pas accablé par le désastre qui l'entoure et traversant tout le film avec le même petit air goguenard, Martin se fout complètement de ce qu'il joue, semblant s'amuser à la simple pensée qu'il va gagner sa croûte pour à peine quelques jours de tournage. Une sensation qui d'ailleurs se voit confortée par ce qu'on lui demande de faire, les trois quarts de ses scènes se résumant à livrer un quota de petits sourires fourbes et sardoniques face caméra, en attendant que le réalisateur intègre les séquences appropriées lors du montage. Une technique qui permettra de constater que monsieur Kove possède autant de supers pouvoirs que son personnage, et peut ainsi présider un banquet ne se déroulant pas dans le même film ou admirer des combats tournés trois semaines après son départ.
Le bon Martin attend peinard son chèque.
De l'autre côté du ring, nous retrouvons dans le rôle titre l'imposant Michael O'Hearn, dont le seul fait d'arme consiste à avoir été trois fois Monsieur Univers. Sa prestation en elle même a beau ne pas être foncièrement déshonorante, on sent toutefois qu'acteur est loin d'être son premier métier. Le réalisateur semble d'ailleurs avoir pris conscience des limites de son interprète, évitant soigneusement de lui faire jouer une gamme de sentiments trop complexes. Auquel cas, le brave Michael aurait sans doute eu plus de mal à livrer une interprétation convenable. Toujours est-il que malgré cet effort, la performance de notre athlète est loin d'être irréprochable, la faute à un jeu tout en décontraction, notre héros tenant au final plus du représentant Petrol Hahn que du rustre mal rasé et cupide.
Michael O'Hearn, pour nous aussi, les hommes.
On pourrait arrêter là les frais côté interprétation, mais se serait trop vite oublier les différents alliés de nos têtes d'affiche qui, l'un comme l'autre, disposent d'une belle équipe de bras cassés. Chez Kane, on pourrait évoquer l'Amazone Gilda, rare personnage féminin à présenter un semblant d'intérêt, bien que trop souvent reléguée au second plan, puis Drako, le second du roi, dont on devine dès les premières apparitions qu'il fera un traître idéal, bien qu'il soit moins expressif qu'une enclume. Il y a aussi la sorcière prophétesse, qui n'est évidemment là que pour recoller les bouts d'un scénario chaotique, et dont l'interprète prend un malin plaisir à cabotiner sec. Mais le plus notable de ses partenaires reste assurément Maclou, une étrange bestiole née des amours interdits entre Chewbacca et une femelle Ewok. Cette boule de poils est, en quelque sorte, le side-kick comique du film. Enfin, tout est relatif. Parce que si vous arrivez à rire de ses pitreries, c'est que vous n'êtes pas plus exigeant qu'un bambin en culotte courte, le plus drôle avec ce personnage tenant au fait que le costumier sous payé n'ait pas pris le temps de coudre une bouche à ce paillasson ambulant. Pour le reste, ses jérémiades incessantes sont loin de déclencher l'hilarité, et ne suscitent chez le spectateur qu'une seule et inexorable envie : voir la créature se faire transformer en viande à kebab par le premier sbire venu.
Svetlana Metkina qui, depuis, s'est retrouvée dans "Bobby" d'Emilio Estevez. Preuve que le nanar, et surtout avoir un mari producteur, ça mène à tout.
Meeeeuuuuhhhh !
"- Alors sorcière que vois-tu ? La gloire ? Le succès ?
- Arrête de déconner, Mike. Pas besoin d'être devin pour voir qu'il sent le pâté ton film".
Soyons clairs : le premier qui sort une blague du genre "c'est un saint, Maclou", il finit dehors.
Quant au méchant sorcier Munkar, il n'est guère plus chanceux et devra faire avec l'aide d'un étrange conseiller, empestant le vice à des kilomètres à la ronde. Affublé d'une panoplie qui ferait des ravages aux soirées costumées du "Fucking Blue Boy" et possédant une identité capillaire côtoyant l'improbable, ce personnage baptisé Crystal (sans doute un hommage obscur à Starmania) se voit attribué dans la version française une voix assez peu virile, laissant subodorer que les relations entre nos deux hommes sont peut être plus que professionnelles. Toujours pas gâté, notre magicien de Prisunic aura également un second soutien de poids en la personne du terrifiant Prince Noir. Tout droit sortie d'un vieil épisode des Maîtres de l'Univers, ce dernier allié s'avèrera peu efficace, la faute à un accoutrement le faisant passer pour un dangereux empoté et lui imposant souvent de laisser ses soldats intervenir à sa place pour faire le gros du boulot. Inutile de dire qu'avec une aussi belle paire d'incapables, le pauvre Munkar part avec un méchant handicap dans sa tentative de conquête du monde.
Cette grande folle de Crystal.
Le Prince Noir, pendant maléfique de Miles O'Keeffe.
Oh ça va, y'a pas de quoi la ramener…
"Barbarian", ce n'est pas seulement des seconds rôles foireux, c'est aussi des figurants hauts en couleurs.
Mais plus que ces différents éléments, ce qui confère son charme à l'ensemble, c'est surtout le budget alloué à cette nouvelle version qui va réussir l'exploit d'apparaître encore plus fauchée que son aînée, pourtant tourné vingt ans auparavant et déjà loin d'être un blockbuster. Véritable condensé de tout ce qui peut se faire en matière d'économie cinématographique, Barbarian voyage constamment entre le mauvais et le médiocre, avec ses intérieurs de château en carton pâte, ses figurants mourant plusieurs fois, ainsi que ses personnages passant souvent au même endroit, faisant de Barbarian le premier film de couloirs réalisé en pleine forêt. La misère est si présente à l'écran qu'on pourrait se croire sans difficulté devant une production Ciné Excel, au point de s'attendre à chaque instant à voir débouler Mel Novak de derrière un buisson, histoire qu'il vienne expliquer à Kane les projets de son ennemi.
"Kane ? T'es sûr que c'est par là ?
- Mais ouais, t'inquiète…".
"Regarde, on voit très bien le soleil qui se lève par l'Ouest, on est bon..."
"- ...ah bah non, on est paumés.
- Puff, je le savais que j'aurais dû prendre mon Guide du routard."
Afin de palier à ce manque de moyens évident, le réalisateur a eu toutefois la bonne idée d'utiliser quelques vieilles ruses de sioux, dont l'intégration de stock-shots. C'est ainsi que ceux qui auront eu l'opportunité de regarder Deathstalker, retrouveront par endroit des parties du film initial, comme une séquence d'orgie reprise dans sa quasi intégralité, le metteur en scène ayant quand même eu le bon sens de filmer quelques plans avec ses nouveaux acteurs pour tenter de donner le change. Mais cette idée mise à part, il ne peut pas faire grand chose face à sa propre incompétence et celles de ses acolytes. A ce titre, les scènes de combat sont un modèle de nullité : chaque escarmouche est un triste exemple de mollesse, chorégraphiée avec les pieds, filmée d'excessivement près par un individu agitant sa caméra toutes les demi secondes et sur-découpée au niveau du montage pour tenter de donner l'illusion du rythme. En plus de rendre les scènes de batailles proprement illisibles, ce montage cache-misère assure une pelleté de faux raccord. Et ne parlons pas des effets spéciaux, à peine dignes d'un téléfilm letton, et qui rendent encore plus risibles les rares scènes où ils sont employés.
Munkar amuse la galerie avec des pouvoirs magiques en soldes.
En guise de conclusion, il faut admettre que Barbarian reste distrayant bien qu'un peu inégal. Démarrant sur les chapeaux de roues, sa deuxième moitié se révèle plus sobre et enfile quelques longueurs, avant de repartir gaillardement vers le n'importe quoi dans les dernières minutes. Ne boudons toutefois pas notre plaisir puisqu'il garantit quand même son lot de franches rigolades avec son budget équivalent au prix d'une Lada d'occasion, son scénar bourré de clichés et ses acteurs pas toujours inspirés. Certainement pas le gros morceau que l'on pouvait espérer au premier coup d'oeil, mais suffisamment drôle pour se regarder tout du long avec un petit sourire aux creux des lèvres. Et, dans le fond, ce n'est déjà pas si mal…
Et bien, si même eux ça les fait marrer…