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La Revanche de Samson
(1ère publication de cette chronique : 2002)Titre original :Samson Dan Delilah
Titre(s) alternatif(s) :Aucun
Réalisateur(s) :Sisworo Gautama Putra
Année : 1987
Nationalité : Indonésie
Durée : 1h25
Genre : Mythologie anti-coloniale
Acteurs principaux :Paul Hay, Suzzanna, Eddy Gunawan, H.I.M. Damsyik, Soendjoto Adibroto
La jaquette d’une VHS coréenne.
Attention, gros gros morceau. La Revanche de Samson, ou la relecture moderne d’un mythe ancestral par l’industrie du cinéma indonésien. En effet, contrairement à ce que pourrait laisser penser son titre, ce film n’est pas un bon vieux péplum des sixties à la Maciste ou Hercule, mais la retranscription eighties et anti-coloniale du mythe de Samson, l’homme qui doit tout à ses cheveux.
Le VCD indonésien.
Daman est un jeune homme dont les parents se sont fait assassiner alors qu’il n’était qu’un enfant. Il est recueilli et élevé par un vieil homme qui fait de lui un être surpuissant, quoique pacifiste (note : le vieil homme est lui-même assez surpuissant puisque pour entraîner Daman, il lui jette d’énormes rochers).
Daman (alias Samson), le héros à la force surhumaine qui se dressera contre les Hollandais (mais pour l’instant il fait caca).
Le film démarre vraiment lorsque Daman fait par hasard la rencontre d’une jeune femme prénommée Delilah. Lorsque celle-ci se fait attaquer par un buffle en mousse, Daman saute d'un bond sur l’animal et le fait tournoyer tel un fétus de paille (ou tel un buffle en mousse, ça marche aussi).
Samson s'en jette un petit pour la route…
Estourbie par la puissance phénoménale de Daman, Delilah tombe immédiatement amoureuse de lui, décide de tout faire pour le séduire, et en profite au passage pour le rebaptiser Samson. Aussi singulier que cela puisse paraître, il se trouve que Delilah est aussi la fille d’un général hollandais, peuple colonisateur de l’Indonésie natale de notre héros. Samson deviendra donc tout à la fois l’ennemi juré du père de Delilah, l’objet de la convoitise de celle-ci, et le sauveur providentiel de ses frères colonisés.
Les ignobles Néerlandais moustachus qui ourdissent de sombres projets.
Le bras droit du père de Delilah... Une moustache au sommet, en vente 2€ dans tous les Center Fête de France.
Formellement, le film se veut très héroïc-fantasy puisque pour contrer Samson, le père de Delilah fait appel à des mercenaires pétris de pouvoirs magiques. Et ce qui fait plaisir, c’est que le réalisateur Sisworo Gautama Putra (à qui l’on doit notamment la réjouissante saga des Jaka Sembung avec Barry Prima) n’a pas lésiné sur les effets spéciaux. Plutôt que la suggestion, il préfère montrer, malgré le manque de moyens le plus total. Résultat : des maquillages d’un autre temps, des effets spéciaux ahurissants, le tout mâtiné de dialogues crétinoïdes et saupoudré de mannequins comme s’il en pleuvait… Que du bonheur !
Le gourou Saya (l’homme qui détient tous les secrets). Mais qui se fera avoir par Samson on sait pas trop comment.
Le cyclope, le premier ennemi que Samson devra affronter. Il ne dort que d'un oeil...
Gobar le cyclope, un méchant collabo qui sera sévèrement châtié...
Au niveau des scènes clés, il n’y a que l’embarras du choix, tant le film compile tout ce qui nous fait rire à Nanarland. On citera évidemment le buffle en mousse évoqué plus haut, ainsi qu’un type de mannequin assez rare pour être signalé : le mannequin gonflable à l’effigie du héros ! Lors d’une scène mémorable, alors que Samson affronte un ennemi magicien, il se voit projeté dans une crevasse qui se referme sur lui. On nous montre ensuite le méchant qui se réjouit de son attaque mortelle, quand soudain Samson surgit du sol, projeté à toute vitesse tel un ballon de baudruche que l’on aurait crevé. En fait c’est effectivement un ballon de baudruche… et il faut voir ce gros machin informe voler furtivement dans les airs au grès des vents, tel un bibendum Michelin abandonné au bord d’une rocade.
Les acteurs secondaires rivalisent de prestance et de charisme.
Des figurants très concernés :
- Dis-moi chéri, c’est moi ou j’ai l’impression qu’on nous filme ?
- J'sais pas j'comprends rien à leur spectacle traditionnel. C’est qui ce mec en slip qui se prend des décors en carton sur la gueule ?
- On aurait mieux fait d’aller au Club Med... Tiens l’année prochaine on passera nos vacances à Melun, c’est plus tranquille.
Un autre passage mémorable se situe vers la fin du film. Samson, tout énervé, s’en prend à la maison du père de Delilah. Il se place entre deux colonnes et écarte les bras. Evidemment il réussit à casser la maison. Ce qui n’a pas dû être prévu par contre (ah oui petite précision, Samson a les yeux bandés…), c’est l’énorme morceau de plâtre anguleux qui lui tombe violemment sur le coin du nez. Le choc est d’une violence telle que l’on serait presque tenté de croire que si personne n’a plus jamais entendu parler de Paul Hay, l’acteur principal, c’est qu’il a succombé à une hémorragie cérébrale peu de temps après la fin du tournage !
Paul Hay, l'oeil vif et l'air intelligent.
Justement, parlons un peu de Paul Hay ! Car La Revanche de Samson, malgré tous ses mannequins et ses cascades savoureusement ringardes, ne serait pas le nanar qu’il est sans lui. Il faut savoir qu’avant de se lancer dans la comédie involontaire, Paul Hay a été un formidable culturiste. Dès le générique, tout est dit, les producteurs ayant crû bon ou vendeur d’afficher, tel le pedigree d’un pur sang, le palmarès de leur premier rôle, qui nous a bien fait rigoler, et que je recopie ici tel qu’il s’affiche à l’écran :
- 2nd Mister Australia 1987 (Body Builder Heavy Weight Champion)
- Mister Suburbs [Mr Banlieue tout de même !] 1982
- Mister Western Suburbs 1982 [Mr Banlieue Ouest, il était sacrément en forme cette année là !]
- Mr Southern Universe (ah quand même)
- 2nd Mr South Eastern Australia 19?? (en fait le film étant mal cadré, la date est tronquée... Second Mr Australie du Sud-Est, ça rigole pas !)
- 3rd Mister Melbourne 1986 (troisième Mr Melbourne, ça veut quand même dire qu'il y en a deux qui étaient plus forts que lui, mais ils étaient peut-être trop cher par rapport au budget du film)
Voilà, du vrai culturiste de seconde zone quoi !
Paul Hay avoue : "oui j’ai pris des cours de théâtre avec Mark Gregory".
Enfin cette chronique ne serait pas complète si j'omettais la scène de "sexe" qui pompe sans vergogne 9 semaines ½ mais qui, au final, s’avère aussi sensuellement glamour qu'un pied de tabouret enduit de vaseline. Les symboles et métaphores sont si grossiers que ça en serait presque choquant (une série d’effronteries d’autant plus osées que l’Indonésie est tout de même un pays musulman).
Delilah (interprétée par la superstar locale Suzzanna), en train de manger une banane... Quelle finesse !
J’imagine déjà de lecteur en train de se pourlécher les babines, tout en se disant que « Ouais ils sont sympas à Nanarland, mais les films sont souvent durs à trouver, j’vais encore passer pour un débile moi si je vais demander au responsable du rayon vidéo de la FNAC s’il a La Revanche de Samson avec Paul Hay en stock… » Et là je dis… réjouis-toi lecteur, j’ai plusieurs bonnes nouvelles pour toi ! D’abord, comme nous ne faisons pas les choses à moitié, nous avons mis en ligne plusieurs extraits vidéo de cette perle, et non des moindres... Ensuite, ce film n’est pas une rareté puisqu'il est disponible pour pas cher en DVD sur plusieurs sites de vente en ligne, en version française, zone 2 !
Tandis que les méchants jouent tout en sobriété...
...les gentils se révèlent particulièrement charismatiques.
Un film vigoureusement préconisé par Nanarland, car pour une fois tout le monde, du néophyte au nanardeur confirmé, y trouvera son compte : des mannequins en veux-tu, en voilà, des cascades pourries, des dialogues nullissimes, un acteur aussi charismatique qu'un gant de toilette sur le déclin, des seconds rôles ridicules, de magnifiques fausses moustaches, sans parler des réjouissantes moumoutes blondes permettant aux figurants indonésiens de camper des soldats hollandais… Un nanar chimiquement pur, où les univers les plus bancals et les situations les plus improbables sont proposés sans aucune ironie, avec une candeur désarmante.
ADDENDUM :
Depuis la rédaction de cette chronique - qui date un peu des temps préhistoriques du site - on a découvert cet article sur Paul Hay et La Revanche de Samson paru dans le journal australien The Age le 6 novembre 1987. On y apprend notamment que l’acteur anglo-maltais, originaire de Greensborough dans la banlieue de Melbourne, s’est fait remarquer par hasard sur une plage de Bali alors qu’il faisait du tourisme. Le réalisateur Sisworo Gautama Putra et un producteur l’auraient abordé pour lui proposer le rôle de Samson et, devant l’incrédulité de Paul Hay, auraient suivi et harcelé le culturiste jusque dans une boîte de nuit pour lui proposer un contrat de deux ans. Après s’être finalement laissé séduire, Paul Hay s’envole pour un tournage marathon de deux mois et demi sur l’île de Java, qu’il décrit comme une super expérience, riche en anecdotes mais aussi en blessures (dont la fameuse chute de piliers sur son crâne, évoquée dans la chronique). En revanche, notre sympathique gaillard ne semble pas trop conscient de la nullité abyssale de son jeu : « Être acteur, c'est pas si compliqué. Il faut avoir confiance en soi, et dès lors ce qu'il reste à faire ce sont les bons mouvements ».
Cote de rareté - 2/ Trouvable
Barème de notationComme la chronique l'indique, un petit DVD de chez "F.I.P" distribué par "Fravidis" (V.F. uniquement, son mono et image à peine retouchée) traîne pour pas cher sur pas mal de sites de vente en ligne ou de solderies. On l'aurait même vu à 2 € dans un supermarché... Tiens, et puis dernièrement on l'a même vu associé en promo double DVD "prix choc" avec le pas terrible "Sword" avec Lorenzo Lamas. Connaissant "FIP" et son talent pour jouer au bonneteau avec les films de sa collection, on devrait facilement trouver ce titre associé à d'autre bousasses dans diverses combinaisons de doubles DVD promo pour bacs à soldes...
La VHS française.
Le DVD qui reprend le même visuel…
…et l’édition qui tente de moderniser un peu le packaging, avec l’ajout de colonnes romaines pour renforcer le côté peplum, genre auquel notre film n’appartient pas malgré son titre.
Sachant que l'illustrateur d'origine s'est en fait contenté de pomper cette photo de Dolph Lundgren en Musclor dans Les Maîtres de l'univers !