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La Vengeance d'Hercule
Titre original :La Vendetta di Ercole
Titre(s) alternatif(s) :Goliath and the Dragon
Réalisateur(s) :Vittorio Cottafavi
Année : 1960
Nationalité : Italie / France
Durée : 1h27
Genre : Le cousin de Maciste contre le beau-frère de Godzilla
Acteurs principaux :Mark Forest, Broderick Crawford, Leonora Ruffo, Philippe Hersent, Gaby André
Dieu sait que votre serviteur en a vu des péplums, Dieu sait que j’en ai vu des trucages ratés et des hommes-singes grotesques, Dieu sait que j’en ai vu des acteurs bodybuildés laissant leurs pectoraux jouer à leur place. Peu, néanmoins, mériteraient le qualificatif de nanar. Ce n'est pas, vous vous en doutez, le cas de « La Vengeance d'Hercule ». Je sais que la chronique d’un péplum est toujours sujette à suspicion : ai-je bien pris en compte le fait que ce genre cinématographique est un genre où les films moins nanars que gentiment kitsch abondent ? N'aurais-je pas vu ce film avec le même regard et les mêmes attentes que si j'avais regardé le dernier blockbuster à l'affiche et non un long-métrage datant d’il y a quarante ans ? Ces doutes m'ont souvent étreint, et beaucoup de péplums échappèrent au venin de mon clavier sous le prétexte que ces films n’avaient sûrement pas fait rire les spectateurs de l’époque. Mais les fous rires que je me suis tapés devant ce film m’ont laissé penser sans trop de risques de me tromper que les spectateurs des années 1960 avaient sans doute dû se bidonner un peu eux aussi en voyant « La Vengeance d'Hercule », alias « Goliath and the Dragon ». Ce second titre vous paraît étrange ? Expliquons-en l'origine...
Le DVD américain édité par Something Weird Video.
En 1960, après « Les Travaux d'Hercule » et « Hercule et la reine de Lydie » est mis en chantier un troisième volet des aventures d’Hercule : « La Vengeance d’Hercule ». Steve Reeves refusant d’endosser une nouvelle fois la jupette du héros mythologique, c’est le culturiste Lou Degni, alias Mark Forest, qui est choisi. Le film finit par sortir en Europe et sa diffusion aux Etats-Unis est programmée.
Mark Forest n’a fait que douze films dans sa vie, essentiellement pour se payer des études de chanteur d’opéra. Il est aujourd’hui professeur de chant lyrique, en Californie.
C’est là-bas que se déroule le drame : le nom « Hercules » venant d’être racheté par Universal, aucun film avec un Hercule ne peut plus sortir aux Etats-Unis s’il n’est pas produit par Universal. Vous pensiez que les producteurs d’ « American International Pictures » allaient jeter l’éponge ? Que nenni ! Ils décident simplement de changer le nom du héros, passant de « Hercule » à « Goliath », et de faire quelques coupes et adaptations au niveau du scénario. Ca sonne bien « Goliath », et tant pis si c'est un nom romain qui sort tout droit de l'Ancien Testament ! Universal n'ayant pas racheté tous les noms de la mythologie grecque, les patronymes des autres personnages présents dans le film et appartenant au mythe d'Héraclès (Dejanira, Eurystheus, Thea...) sont conservés. Goliath chez les Grecs : un effet du brassage des cultures, sans doute. « La Vengeance d’Hercule » s’efface ainsi devant « Goliath and the Dragon », un péplum qui transcende le simple kitsch pour accéder au ridicule pur et simple. C'est cette version américaine qui a servi de support à notre chronique.
Un texte d’intro qui fleure bon le sauvetage de meubles.
Le pitch : de retour des Enfers (Attention ! Officiellement ce ne sont plus les Enfers mais « La Caverne des Horreurs »), Hercules/Goliath s’aperçoit que Thèbes est sous la dextre du terrible Eurystheus qui tyrannise son peuple. Vous avez compris, c’est du vu, revu et re-revu, le seul truc incroyable dans ce scénario c’est que, selon l’imdb, ils se soient mis à cinq pour l’écrire.
Tenez, puisque je vous parle d‘Eurysthéus, ce dernier peut être considéré comme un premier élément nanar. Ayant perdu Steve Reeves, j’ai comme le sentiment que les producteurs ont essayé de remettre un autre nom connu sur leur affiche. Ce nom, ce sera Broderick Crawford, acteur oscarisé pour son rôle dans « Les Fous du roi » (« All The King's Men », la première version - la vraie - réalisée par Robert Rossen) et également remarqué dans le superbe « Il Bidone » de Fellini, le remake américain de « La Bête humaine » signé Fritz Lang ou « Comment l'esprit vient aux femmes », ainsi que pour son rôle dans la série télé « Higway Patrol » qui était diffusée dans les années cinquante. Broderick Crawford n'ayant pas un physique de jeune premier, il n'y a guère que dans ces quelques films qu'il a pu déployer son talent. Autant vous dire qu'ici, il cachetonne de façon tout ce qu’il y a de plus visible. Déambulant mollement dans la salle du trône, balançant des ordres à des sbires qu’il appelle à coups de gong, celui-ci nous offre une prestation plus proche du parrain de la mafia que du tyran antique, le côté Al Capone du personnage étant renforcé par l’ajout d’une cicatrice dessinée au crayon sur son visage.
Broderick Crawford qui va, pendant une bonne partie du film, nous donner l’impression qu'il s'est trompé de plateau.
Ce qui est d’autant plus dommage que certains de ses sbires auraient parfaitement fait l’affaire.
Visiblement, Eurystheus en veut à Goliath parce que le frère de ce dernier, Illus, est amoureux de Théa, une demoiselle dont on ne sera principalement que deux choses : son père à tué les parents d’Illus et Eurysthéus a des vues sur elle. Le roi de Thèbes cherche donc à supprimer Goliath pour l’empêcher de protéger son frère. En gros : si Goliath meurt, Eurystheus pourra sans problème faire assassiner Illus sans risques, suis-je assez clair ? (ça y est, je viens de comprendre où étaient passés les cinq scénaristes).
Frère qui, soit dit en passant, est joué soit par un acteur dépressif, soit par un acteur qui veut simuler la tristesse et qui n’y arrive pas, soit par un acteur qui s’en fout complètement. J’entends par là qu’Illus nous gratifiera le plus souvent d’un regard d'amibe neurasthénique et restera totalement statique la plupart du temps.
Illus, dans ses oeuvres.
Je vous vois venir : « à part un ou deux acteurs à côté de la plaque, il a quoi d’extraordinaire ton film ? ». Je vais y venir. Vous vous rappelez du titre américain du film ? Il met l’accent sur la rencontre entre le héros et un dragon ? Et ce choix n’est pas forcément idiot puisqu’Herc… Goliath passe une bonne partie du film à se battre contre des monstres plus ratés les uns que les autres.
Dès la scène d’ouverture, Goliath descend dans le cratère fumant d’un volcan pour y chercher « La Gemme de Sang », escapade périlleuse, d’autant plus qu’il commence par descendre la falaise à pic, ignorant semble-t-il tout de la technique du rappel. Immédiatement, il se trouve face à Cerb… à un chien infernal à trois têtes, une sorte de grosse peluche gigotante qui crache du feu en agitant ses papattes, un petit screenshot valant mieux qu’un long discours :
Voilà la bête ! Et c’est pire en mouvement...
Les Enfers seraient donc gardées par trois chaussettes lance-flammes.
L’ayant occis (le brave toutou prenant soin pendant tout le combat de cracher son incandescente haleine partout sauf sur notre héros), Goliath récupère le diamant (je vous laisse découvrir comment il trouve son emplacement), ce qui a pour effet d’entraîner l’arrivée d’un deuxième monstre : le terrible homme-chauve-souris. Comprenez par « homme chauve-souris » un figurant dans un costume idiot, suspendu par un filin et bougeant ses ailes de façon désordonnée (ah oui, en parlant d’ailes, messieurs les costumiers, lorsque vous faites un costume de chauve-souris géante, à l’avenir pensez à mettre les bras de l’acteur ailleurs que dans la membrane des ailes ! Non mais parce que là ça se voit vraiment, d'autant plus que ça rends le mouvement des ailes absolument ridicule !). Le mammifère volant ne fait pas long feu et Goliath sort de la caverne avec son diamant, qui, soit dit en passant, ressemble étrangement à un gyrophare.
On a retrouvé l’Homme-Puma (on distingue clairement les marque des bras de l’acteur dans les ailes).
Cheese !
Un diamant qui sent le plastoc à plein nez.
Goliath retourne à Thèbes. Chemin faisant, il aide des bûcherons à déraciner un arbre (à noter un gag désopilant : un nain qui vient demander à Goliath s'il a besoin d'aide pour déraciner l'arbre… Haha ! qu‘est-ce qu'on rigole !).
« T’as besoin d’aide, Goliath ? »
Poursuivant sa route, il sauve une demoiselle en détresse de l’un des ours les plus mal foutus de l’histoire du cinéma. S’ensuit un combat homérique où l’on s’aperçoit finalement qu’un ours et ben c’est pas solide, vu que Goliath le tue simplement en le fichant par terre.
Dans la série « que sont-ils devenus », aujourd’hui : Nounours !
Directement sur l’affiche, il y en a qui n’ont peur de rien ! (Non, ceci n’est pas un homme-sanglier !).
Goliath arrive à Thèbes, où Eurystheus s’apprête à tuer Illus en le faisant écraser par un éléphant (la production devait avoir un éléphant sous la main). Au passage, Illus semble aussi angoissé à l’idée de mourir d’une mort horrible qu’à celle de passer son bachot. Notez que ce dernier a raison de ne pas s’en faire puisque Goliath arrive tel le sauveur qu’il est, écartant une douzaine de figurants amorphes sensés incarner la garde d’élite d’Eurystheus et engageant un combat contre l’éléphant pour le faire reculer et l’empêcher d’écrabouiller son frangin. Cela aurait pu être une scène tout à fait correcte si l'on ne voyait pas clairement, au second plan, le cornac donner l’ordre à l’éléphant de reculer pendant que Mark Forrest s'arc-boute sur la patte du pachyderme !
Mais recuuuuuuuuleuh, j'te dis !
Je ne saurais clore cette chronique sans vous avoir parlé de l’une des principales attractions de ce film: le dragon, l’animal de compagnie d’Eurystheus (enfin il est désigné comme tel). Pour des raisons un peu longues à expliquer, Eurystheus décide de donner la fiancée de Goliath, Dejanira, en pâture au reptile. Pénétrant dans la grotte du Dragon, Goliath sort son arme et s’apprête à faire face à la bête. Bête que voici :
De loin.
De près.
A noter que certains plans de ce dragon ont été réutilisés pour « The Mighty Gorga », une autre production « American International Pictures », et que la version US a été enrichie de quelques plans supplémentaires de cette merveille.
Le dragon dévore ses victimes mais laisse leurs squelettes intacts. Cest ça la bonne éducation !
J’avais prévu de vous parler en longueur de ce dragon, mais je m’aperçois que les mots sont impuissants face à l'image. A titre de comparaison, je ne sais pas si vous avez déjà vu « Le Monde Perdu » (qui date de 1925) mais les dinosaures y sont mieux animés ! Non seulement le dragon est mal fichu mais, durant tout le combat, ainsi que durant tout le film, Goliath ne va l’attaquer qu’avec un poignard ridicule. Je sais que de grands héros se sont battus uniquement avec un poignard : Peter Pan, par exemple, mais là, voir un bulldozer humain attaquer un lézard de vingt mètres avec un canif est plus grotesque qu'héroïque. D’autant plus grotesque que vous vous doutez bien que Goliath en fait un sac à main, de ce dragon.
Comme Goliath, pour terrasser un dragon, faites confiance à Laguiole®.
En définitive, si certains films peuvent être nanardisés par un acteur cabotin, si d’autres peuvent l’être par un scénario écrit par un singe bonobo, si d’autres relèvent simplement du foutage de gueule pur et simple, ourdi par des producteurs plus avides d'argent que d'ambition artistique, « Goliath and the Dragon » est l’exemple même du film complètement ruiné par une distribution assez bizarroïde mais aussi, et surtout, par la volonté des producteurs de faire un film avec des monstres terrifiants, le tout avec le budget « pâte à modeler » de l'école maternelle « Françoise Dolto » de Maubeuge. Un des péplums les plus ringards qui soient tant visuellement (les monstres rigides et carnavalesques, l’Enfer…) que scénaristiquement (stupéfiant !). Balourd et idiot… jusque dans les bruitages science-fictionnels et complètement inappropriés ! Souffrant néanmoins de quelques creux, le taux de nanardise de ce film décolle complètement lorsque le scénario mets Goliath nez à mufle avec une bestiole, même si entre temps, force est de constater qu'on s‘em… poisonne. Cela fait à mon avis de ce film un nanar qui ne dépassera pas le 1,5/5 mais qui en fera le parfait moment de détente pour un nanardeur aguerri voulant se changer les idées après un film de ninjas kazakhs sous-titré en islandais ou pour un nanardeur novice voulant découvrir petit à petit l’univers des films improbables.
Cote de rareté - 2/ Trouvable
Barème de notationSinon, si vous comprenez l’anglais, le DVD américain édité par les bienfaiteurs de Something Weird Video sous le titre "Goliath and the Dragon" est de belle facture (visuel en début de chronique). Mais le film étant tombé dans le domaine public (du moins aux Etats-Unis), les cinéphages désargentés préfèreront sans doute le télécharger gratuitement et légalement ici.
Côté VHS, le film était sorti en France aux éditions Montparnasse sous le titre "La Vengeance d'Hercule" (collection "L'âge d'or du péplum").