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Le Chasseur de Ninja
Titre original :Ninja Hunter
Titre(s) alternatif(s) :Aucun
Réalisateur(s) :Wu Kuo Jen
Année : 1983
Nationalité : Taïwan
Durée : 1h35
Genre : Défilé de mode
Acteurs principaux :Alexander Lou, Mark Lung Goon-mo, Chen San, Lau Hoi-yin
Sortis à un rythme stakhanoviste dans les années 70 à 90 par des individus plus ou moins talentueux, les films de kung-fu hongkongais ou taïwanais n’ont pas toujours brillé par l’inventivité des thèmes qu’ils ont abordés. Tout bien considéré, on a même assisté à une exploitation cyclique de sujets récurrents, pour le meilleur et pour le pire.
C’est là où ce « Ninja Hunter » se pose comme un bel objet. Cherchant l’originalité, mais ne perdant pas de vue que c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes, surtout quand on y met tous les restes des 25 dernières années, les producteurs ont choisi de rassembler dans un même film plusieurs obsessions kung-fuesques qui n’ont pourtant pas de lien direct les unes avec les autres :
- La destruction du temple Shaolin par le félon Pai Mei, traitée moult fois au cinéma (voir notamment le « Executioners from Shaolin » de Liu-Chia Liang). Pai Mei, ici appelé Bak Mei (prononcez « pac maï » pour la VF), dont le personnage fut repris par Tarantino dans les « Kill Bill ».
- La rivalité entre Shaolin et Wu-tang, vue notamment dans… « Shaolin Vs Wu-tang ».
- La rivalité martiale entre Chine et Japon, thème ultra récurrent aperçu par exemple dans « La Main de Fer » (pour ne citer qu’un des plus connus).
- Les ninjas ! Aperçus, malgré leur discrétion légendaire, dans des centaines de films dont le titre inclus le mot « Ninja ».
Car oui, « Le Chasseur de Ninja » raconte comment Bak Mei, ici chef du temple de Wu-tang, s’allie à des ninjas pour détruire le temple de Shaolin.
Ces thèmes historiques, tant de fois traités dans les livres et films de kung-fu, n'ont toutes fois que très peu, voire aucun rapport les uns aux autres : Pai Mei, personnage légendaire dont l'histoire est toutefois basée sur des éléments réels, n'était pas membre de Wu-tang. Et évidemment, les ninjas, "ordre" d'origine japonaise, ont encore moins de rapport avec la destruction de Shaolin.
Cependant, ici on a gentiment choisi de tout caser ensemble dans la joie et la bonne humeur. Pour faire une analogie locale : un réalisateur français aurait voulu en faire autant, il n'aurait eu qu'à mettre en scène la révolte de la Commune matée par les trois mousquetaires avec l'aide des Chouans et des Anglais.
« Ninja Hunter » débute non loin du temple de Shaolin. Deux hommes sont face à face. Qui sont-ils ? D’un côté se trouve Long Wo, meilleur disciple du temple Shaolin. De l’autre Bak Mei, grand maître du temple Wu-tang. Bien entendu, s’ils étaient là pour effeuiller des marguerites, nous serions relativement déçus, même si ce comportement ambigu entre deux mâles rompus aux arts du combat pourrait apporter un certain renouveau au genre…
Mais pourquoi les deux protagonistes se retrouvent-ils à cet endroit ? Tout simplement parce que Bak Mei cherche à prouver la supériorité de Wu-tang sur Shaolin. La supériorité martiale ? Que nenni ! Il s’agit plutôt de la supériorité d’un style vestimentaire sur l’autre…
Le style Shaolin essaie de rester sobre, pas très démonstratif mais efficace, à l’instar de Long Wo (Chen San)
Coupe de cheveux classique, petite moustache sur la lèvre.
Le Wu-tang quant à lui expérimente, cherche à créer la mode, comme en témoigne son mannequin vedette Bak Mei (Jack Lung).
Cheveux longs, moustache sur les sourcils.
Mais la force du Wu-tang ne se trouve pas seulement dans son exubérance capillaire : être au top demande un gros travail de renforcement physique afin de pouvoir résister aux agressions à base de haches en mousse et autres objets extrêmement coupants…
Tu m’attaques désarmé ? Espèce de l’hache !
Malgré cette débauche d’énergie et de moyens déployée, le Wu-tang veut quand même mettre toutes les chances de son côté en s’accoquinant avec le plus inattendu des alliés : le ninja japonais ! Ceux-ci apportent leur expertise en apparence et en costumes de haute couture. Ils sont encadrés par trois frères au style complémentaire.
La petite moustache aura beaucoup de succès en Europe dans les années 30/40, mais son origine est indubitablement japonaise…
Les ninjas savent aussi être classe lorsqu’ils sont en RTT, en portant de splendides peignoirs hawaïens couplés à de superbes bandeaux de front permettant de retenir leur ample coiffure.
Les punks du soleil levant n’ont rien à envier aux notres...
Shaolin essaie de faire timidement de la résistance en présentant de grands maîtres à peine pré-pubères, mais on sent bien qu’ils sont à la traîne. Surtout lorsqu’on analyse ce qui reste en stock au temple Wu-Tang !
Dans ton propre intérêt, tu devrais éviter de jouer au jeu de la barbichette…
Le premier contact avec le sanctuaire de Bak Mei est fait au travers d’une scène assez énorme où deux disciples observent un des lieutenants du grand maître Wu-tang en pleins ébats amoureux dans sa chambre… Les voir reproduire les gestes de leur aîné l’un sur l’autre est déjà assez troublant, mais voir tout ce beau monde partir spontanément dans un concours de grandes claques dans la figure a quelque chose de carrément jouissif !
Cette scène à l’humour pachydermique nous permet d’aborder une des dimensions les plus intéressantes de « Ninja Hunter » : non content de brasser des thèmes kung-fu à la pelle, on a choisi d’attirer le dernier chaland récalcitrant et spectateur encore réfractaire à ce beau spectacle à coups de filles nues et autres scènes de sexe dont la gratuité est seulement avoisinée par la lourdeur.
Par exemple Bak Meï, ce vieux bandit, n’a rien trouvé de mieux à faire que de mettre au point une technique lui permettant de tirer son énergie vitale de proies féminines. Pour des raisons techniques, la sus-dite proie se doit d’être entièrement nue durant l’opération. Par souci de réalisme, le réalisateur a bien sûr choisi de ne rien cacher au spectateur et de lui faire prendre conscience de la gravité de la situation en montrant les créatures dénudées dans leur intégralité, et ce à plusieurs reprises.
Le summum étant atteint au cours d’une scène de sexe une fois de plus totalement gratuite, mettant en scène Bak Mei (Jack Lung) sur une musique piano-saxo des plus langoureuses, et filtre rouge romantique. « Ninja Hunter », ou la vie sexuelle des maîtres du kung-fu.
Mais recentrons le sujet. Le temple Wu-tang abrite aussi une recrue de choix qui va faire pencher dangereusement la balance en sa faveur : le zombie corrosif amateur de kung-fu ! Son style est assez spécial, mais très efficace …
En voilà un qui prépare un coup fumant…
Face de dégueuli ? Répète un peu pour voir !
Au vu de tout ce qui précède, on est en droit de penser que le style Shaolin a du plomb dans l’aile. On pourrait même dire que ça sent le sapin. Comment vont-ils arriver à s’en sortir devant un tel déploiement de force ? La réponse tient en deux mots : Alexander Lou ! Son exubérante mullette et ses goûts vestimentaires affriolants sont autant d’atouts pour redorer le blason de son école…
Une forêt, un homme, une mullette…
Euh… Alexander ? J’ai Robin des Bois en ligne : il voudrait récupérer son costume…
- Euh… Alexander ? J’ai Elvis en ligne et …
- Oui, c’est bon, j’ai compris ! Mais qu’il est lourd...
- Et maintenant ? Tu ne trouves rien à redire, hein ?
- Tu as raison, je préfère garder le silence…
En effet, quelques mots sur l’histoire s’imposent. Si la première partie du film expose comment nos amis de Wu-tang (un mot qui pose quelques soucis aux doubleurs français, qui nous parlent alternativement de « wutong » , « wudang » et même « wungtu » dans un moment d’égarement) s’allient avec les ninjas pour détruire Shaolin et ses membres, la deuxième partie du film montre la montée en puissance de deux héritiers de Shaolin (Alexander Lou et Lau Hoi-yin), encadrés par leurs aînés, et aidés par la fille du défait et défunt Wong Lo, interprétée par une actrice un peu dépassée par les événements.
Cette deuxième moitié est donc un enchaînement de combats pas forcément mal troussés et de scènes d’entraînement de nos deux héros et/ou de leurs ennemis nippons. Ces combats bénéficient d’ailleurs généralement d’une assez bonne réalisation. Les chorégraphies sont vives, et les arrivées souvent aériennes des exubérants ninjas prêtent gentiment à rire par la non retenue totale de la chose.
Maintenant que le style Shaolin redresse la tête, ses disciples doivent s’entraîner afin de ne pas être ridicules lors du combat final. Le seul moyen de battre Bak Mei passe par la maîtrise du « Shaolin finger jab », technique de doigt surpuissante capable de percer une armure. Autant dire qu’une telle technique ne s’apprend pas les doigts dans le nez (ce qui soit dit en passant devient très dangereux), mais nécessite de longues heures de pratique. Alexander Lou et son comparse maltraitent donc des outres d’eau jusqu’à avoir les doigts en sang, font des pompes sur les index, ou encore jouent à shifumi.
Toi, toi mon doigt ! Toi, toi au bout d’mon doigt !
Alexander L’outre.
Comment se faire mousser la tête en bas (doigt ?)
Une fois fin prêts, ils se lancent à l’assaut du temple. Bien entendu, les ninjas se dressent sur leur route, de manière parfois peu orthodoxe : c’est d’ailleurs la première fois où je vois un ninja se retrouver en pagne afin de lancer l’attaque dévastatrice dite du "drap volant !"…
Les classique scènes de bravoure vont s’enchaîner à un rythme trop soutenu pour ne pas parler d’ « héroisme-ploitation » : le héros se sacrifiant pour laisser s’échapper ses poulains, classique du film de kung-fu, ici délayé et répété un nombre incalculable de fois.
La présence des ninjas, toujours aussi farceurs, permet de faire monter le taux de n’importe quoi du film d’une bonne dose. Même si on est loin de l’indigence quasi conceptuelle des 2 en 1 de Godfrey Ho, les diverses attaques et arrivées des assassins silencieux sont ainsi souvent prétexte à une surenchère de cascades câblées en costumes bariolés qui font toujours leur petit effet.
Bak Mei, toujours bon public devant les conneries de ses petits camarades…
Au final, ce « Ninja Hunter » se pose comme un bon petit nanar à double fond : d’un côté, la réalisation tout à fait correcte et les cascades plutôt pas mal troussées permettre de ne pas s’ennuyer, faute d’être face à un gros morceau à la « Ninja Terminator ». Mais d’un autre côté, l’accumulation de poncifs lourdingues du ciné d’exploitation et du kung-fu flick, les dialogues composés à 50 % de rires maléfiques (avec une VF fendard), et bien sûr le défilé de mode permanent des acteurs et de leurs costumes exubérants font doucement basculer le tout du côté du mauvais film rigolo.