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Ninja Force Brutale

(1ère publication de cette chronique : 2021)
Ninja Force Brutale

Titre original :Ninja The Violent Sorcerer

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Bruce Lambert (pseudo d'un yes-man de Filmark)

Producteur(s) :Tomas Tang

Année : 1986

Nationalité : Hong Kong

Durée : 1h30

Genre : Casino Battle Royale

Acteurs principaux :Feng Ku, Yuen Lin, Fei Long, Feng Lu

Barracuda
NOTE
2.5/ 5

 


Deux hommes engagés dans un duel sans merci. Ils vivent pour le danger et l’adrénaline, mais là où l’un respecte l’honneur, l’autre a vendu son âme à la magie noire et invoqué un démon pour prendre l’avantage. La sueur perle sur les visages. La tension est à son comble. Les dés sont jetés…

Littéralement. Car le duel à mort de ces deux gus se joue au 421. Éloignez les enfants, ici c’est pas Jumanji.

(NDLR : on n’y connaît rien en dés, mais de ce qu’on en a lu, la variante présentée ici ne serait pas le 421 mais plutôt le zilch. Ça ne change rien au fond, nos lecteurs nous permettront cette approximation pour la simplicité de la lecture).

L’un des pouvoirs magiques du cinéma, c’est d‘emmener le spectateurs derrière des portes closes. Qu’il s’agisse de partager la vie des rois ou d’entrer dans les bas-fonds de la ville, la caméra soulève le voile d’univers dont on ne soupçonne parfois même pas l’existence, pour les sublimer ou au contraire en montrer la réalité crue.

Avec Ninja Force Brutale, le spectateur est gâté puisque ce ne sont pas un mais deux mondes cachés qu’on lui dévoile : celui de la guerre des ninjas contre les puissances démoniaques, et surtout l’univers brutal et sanglant des tournois de dés underground de Hong Kong.

La rencontre du vice et... du vice.

Il existe un sous-genre qui traverse les cinémas japonais, hongkongais et taïwanais de films construits un peu comme des films de kung-fu mais où les arts martiaux sont remplacés par l’habileté à divers jeux de société type dés, billard, mah-jong ou poker. Si on devait transposer ça en France, imaginez Vincent Cassel et Olivier Marchal se défier au Docteur Maboule dans l’arrière-salle enfumée d’un rade de Marseille pendant que Richard Bohringer, le patron rangé des voitures, offre sa sagesse à qui veut l’entendre.

Notez que c’est plus ou moins ce qu’il se passe dans Plein Fer de Josée Dayan, mais avec la boule provençale et Serge Reggiani.

Le concept n’est pas ridicule en soi, mais peut le devenir assez vite quand l’intensité dramatique de l’action dépasse de trop les enjeux posés par le scénario. Selon la bonne vieille technique du 2-en-1, Ninja Force Brutale ajoute ainsi toute une histoire de ninjas et de vampires particulièrement tirée par les cheveux à l'un de ces films de casino. Le métrage martyrisé est The Stunning Gambling, sorti en 1982.

Une jaquette vhs hongkongaise de The Stunning Gambling.

Ninja Force Brutale n’usurpe pas la deuxième partie de son titre puisqu’il s’ouvre sur rien moins que la partie de 421 la plus extrême de l’univers. Le Roi des Jeux fait face au Roi des Jeux pour…oui, alors attendez, si on en reste aux surnoms VF ça ne va pas être facile à suivre (en anglais c’est le “Gambling Master” contre le “Gambling King”), donc on va utiliser leurs noms : Myer c’est le gentil, Baker c’est le méchant. Reprenons.


Sur un air connu : “Les rois des jeux… se battent entre eux… c’est qu’il y a de la place, mais pour un pas pour deux…”

Myer fait donc face à Baker dans un duel à mort de dés. En smoking au milieu d’un cercle de jeu, ils conviennent que le perdant devra se suicider parce que c’est le genre de chose tout à fait normale que n’importe qui fait pour occuper son jeudi soir quand il n’y a rien à la télé.

La première phase de l’affrontement se fait par sbires interposés. Celui de Baker invoque le pouvoir des vampires pour tricher et exécuter un trick dantesque (lisez : éclaté au sol) où il enfonce une pile de dés dans la table puis tape pour la faire jaillir en l’air, rattrape les dés au vol dans une assiette et présente fièrement un sextuple six.


The Number of the Beast !

Il en faut plus pour impressionner le disciple de Myer qui sort un poignard de guerre de sa poche et se le plante dans le bras pour montrer qu’il est tellement hardcore qu’il peut vaincre même à une main. Et s’il perd quand même, il se le plantera dans l’autre bras. Avec quelle main il compte faire ça ? On ne le saura jamais car l’une des compagnes de Baker réplique en lui soufflant une double fléchette dans les yeux avec un fume-cigarette truqué. Ambiance…

"On va jouer ça selon les règles du Petit Bangkok..."

"Argh ! La photo de mes yeux ! C'est mon seul point faible !"

Et les ninjas dans tout ça ? Pour expliquer leur présence il faut s'intéresser au scénario. Accrochez vos ceinture et ne sortez pas vos bras du véhicule, le grand 8 du nawak s’apprête à partir.

Myer est le Roi des Jeux. Baker est Roi des Jeux aussi mais veut devenir le seul Roi des Jeux. Pour cela, il pactise avec un sorcier pour obtenir l’aide surnaturelle de vampires [NDLR : en fait des Jiangshi, personnages de revenants maléfiques du folklore chinois n'ayant pas grand chose à voir avec Dracula mais communément assimilés à des vampires dans les versions occidentales des nombreux films qui les mettent en scène].

Le stratagème fonctionne, Baker gagne, d’abord aux dés puis au poker, et Myer se suicide sous les yeux de son fils histoire de bien marquer le coup. C’est alors que surgit de nulle part, sinon du fond de la bouteille de schnaps de Tomas Tang, le fantôme de la femme de Myer, qui apparaît devant le frère de ce dernier pour l’abjurer de le venger. Ça tombe bien, le frangin est un ninja et avec quelques copains il va entreprendre d’aller maraver le sorcier et les vampires, tandis que dans l'autre film le fils de Myer va recruter un autre joueur professionnel, Weber, pour se venger de Baker.

Les guerriers de l'ombre contre les seigneurs des ténèbres !

Les ninjas vont aussi tabasser quelques loubards à l'occasion.

Le milieu du film est assez mou. Le spectacle des ninjas affrontant les vampires sautilleurs est plutôt rigolo mais un peu répétitif et on finit par s’ennuyer. Le plus marrant en fait ce sont les dialogues entre les personnages qui maugréent contre “ces fichus vampires” qui emmerdent le monde sur le même ton qu’ils râleraient contre les jeunes qui font du bruit après 22h sur le parking du Foir’Fouille de Sarreguemines.

Les vampires sèment la terreur !!!



L'occasion d'assister à des démonstrations de techniques ninjas ancestrales : ici le "grand coup de chaise dans la face".

La nanardise remonte en flèche quand on revient enfin au casino, pour l’affrontement final entre Weber et Baker, qui ferait passer Casino Royale pour un tournoi de belote coinchée au camping de Palavas-les-Flots. Une ambiance encore soulignée par la bande "originale", qui balance pour l’occasion une improbable reprise au synthé de Eye of the Tiger, la chanson emblématique de Rocky 3 (on entend également dans une autre scène un morceau emprunté à la BO de Terminator).

"It's the eye of the tiger, it's the cream of the fight..."

Pour commencer, le sbire à lunettes de Baker retente le même tour de passe-passe avec son assiette mais se fait humilier par une collègue de Weber (ce n’est jamais très clair qui sont tous ces gens qui forment l'entourage des divers Rois des Jeux), qui nous sort un trick encore plus fumé où elle jette les dés contre le mur comme des balles de fusil, avec une telle force qu’ils restent fichés dedans. Frustré, l’homme à lunettes jette un dé en l’air et le tranche en deux au vol. Avec une assiette. Et du coup au lieu de faire 6 ça fait 7, mais ça ne suffit pas pour gagner.


On aurait tout de même ajouté trois points pour le style.

Par contre ici, on aurait déduit le prix des dégâts. Il va falloir faire venir le plâtrier, ça va couter un bras à réparer !

"Quelqu'un a demandé un bras ?"

Ce n’est pas clair à première vue mais ce n’est pas une redite du premier duel, et cette fois dans la deuxième manche les deux adversaires ne s’affrontent pas au poker. Non, à la place nos Gérard Majax et Garcimore cantonais vont se départager sur leur capacité à distribuer les cartes le plus vite possible, avec un arbitre qui les chronomètre, dans ce qui est toujours un duel à mort rappelons-le. On attend avec impatience que ça devienne discipline olympique.

Baker attaque très fort, distribuant les 52 cartes en tout juste 9 secondes les doigts dans le nez, triées par ordre et par couleur. Décèlerait-on une lueur de doute dans le regard de Weber ? Sa main tremble-t-elle au moment de vérité ?

Non.

Il attrape une bouteille de whisky, la vide cul-sec et distribue tout le paquet en 8 secondes et demie. Dans un rebondissement parmi les plus génialement cons du cinéma, il s’avère que Weber est le Drunken Master de la distribution de cartes à jouer.


Le bon plan : il n'y a pas de contrôles anti-dopage dans les tournois clandestins !



REP A SA Patrick Bruel !

Pour Baker, c’est la grosse louze, bête et brutale. Il ne lui reste plus qu’à ravaler son humiliation et à se faire sauter la cervelle devant tout le monde. Cela donne lieu à un double twist totalement éclaté où, dans un intervalle de 5 minutes, on voit Baker se tirer une balle dans la tête, puis révéler que ce n'était qu'une ruse et qu'il est toujours vivant... puis se faire exploser sa voiture par les ninjas du film d'à côté. Ninjas qui reprennent le volant pour la conclusion : ils trouvent enfin la bonne technique pour tataner les vampires, trucident le magicien (très belle explosion de tête en mousse au passage) et débarrassent le voisinage de cette bande d’emmerdeurs.

"Le petit bonhomme en mousseuh..."

Ninja Force Brutale est un exemple rare de film de ninjas de chez Filmark sans “gweilo” et à ce titre le nanardeur pouvait craindre un spectacle de moindre qualité. Les combats entre les ninjas et les jiangshi oscillent effectivement entre le martialement correct et le gentiment rigolo : voir une paire de virils ninjas se faire mettre raclée sur raclée par ce qui ressemble plus à des intermittents du spectacle juchés sur des pogo-sticks qu'à de redoutables morts-vivants assoiffés de sang suffira à faire sourire, voire mieux si on n'est pas trop exigeant. Le doublage très peu convaincu fait le reste, et puis le film n'est pas très long de toutes façons, ça passe bien.

Toutefois, le morceau de choix ce sont clairement les démonstrations de force complètement pétées des joueurs de casino, qui assurent le spectacle sans faiblir et dans un style qui tranche suffisamment avec le tout-venant de la production de ninjas 2-en-1 pour justifier le visionnage même aux plus blasés.

Les jaquettes française...

...et américaine.

ADDENDUM : Comme suggéré dans le corps de la chronique, nous avons pu voir la version complète de The Stunning Gambling, le film qui a servi de base à Tomas Tang et Godfrey Ho pour créer Ninja Force Brutale. C'est une occasion rare de comparer le film original à la version sabotée et ninjatée arrivée dans nos salles et nos magnétoscopes.

Comme on pouvait s'en douter, The Stunning Gambling est un bien meilleur film que Ninja Force Brutale. Il prend le temps de plonger le spectateur dans son ambiance (notamment grâce à sa BO) et de développer les enjeux financiers autour de la rivalité entre les joueurs professionnels. Pas de surnaturel, ici Baker triche de façon classique pour gagner. Les tricks de jeu restent assez mal fichus (aux dés et au poker s'ajoutent des démonstrations de force aux dominos auxquelles nous n'avons strictement rien compris), mais le film arrive suffisamment à poser son style, qu'on peut rapprocher du shōnen japonais, pour qu'ils n'apparaissent pas aussi ridicules que dans Ninja Force Brutale.

The Stunning Gambling semble être sorti au moins à Hong Kong et en Inde, mais a priori jamais en France.


- Barracuda -
Moyenne : 2.69 / 5
Barracuda
NOTE
2.5/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
1.75/ 5
Jack Tillman
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 5/ Pièce de Collection

Barème de notation

Ninja Force Brutale n'est sorti qu'en VHS, que ce soit chez nous chez "Fil à Film" ou ailleurs dans le monde. En anglais il s'appelle généralement Ninja The Violent Sorcerer, parfois écrit avec une fôte "Ninja The Violent Sorceror".