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Dracula

(1ère publication de cette chronique : 2025)
Dracula

Titre original : Dracula

Titre(s) alternatif(s) : Dracula: A Love Tale

Réalisateur(s) : Luc Besson

Producteur(s) : Luc Besson

Année : 2025

Nationalité : France

Durée : 2h09

Genre : Luc Besson’s Francis Ford Coppola’s Bram Stoker’s Dracula

Acteurs principaux : Caleb Landry Jones, Christoph Waltz, Zoë Bleu, Ewens Abid

Barracuda
NOTE
2 / 5

Quand vos deux derniers films sont des Direct-to-Nanarland, il faut commencer à se méfier. En enchaînant Arthur Malédiction (qu’il est réputé avoir shadow-réalisé) et ce Dracula, Luc Besson se rapproche des rivages loqueteux de Neil Breen ou Steven Seagal. Quelle déchéance pour l’ancien roi du cinéma français…

En même temps, c’est lui qui l’a cherché.

Jamais remis financièrement de l’échec de Valérian, son image abimée par des scandales divers et variés (la faillite de ses studios à Saint-Denis, des accusations de viol et de harcèlement sexuel au sujet desquelles il a bénéficié d’un non-lieu dans la seule affaire examinée par la justice), Dracula devait représenter le retour de Luc Besson sur le devant de la scène du cinéma hexagonal et mondial : un gros budget de 50 millions d’euros, l’adaptation d’un roman mythique, son acteur fétiche Caleb Landry Jones dans le rôle-titre, 2025 serait l’année de la renaissance. On fera semblant d’oublier qu’il s’agit en réalité de sa troisième tentative de retour après Anna et Dogman, deux échecs.

Cette fois, vous allez voir ce que vous allez voir !


Quand la bande-annonce du film tombe, les réactions sont unanimes : « Tu t’es trompé de lien, tu m’as envoyé celle du Dracula de Coppola. » Et puis non, la confirmation est tombée sur les téléscripteurs : c’était bien la BA du nouveau film de Luc Besson. Pour un producteur déjà condamné pour contrefaçon, ça la fiche mal, d’autant plus quand est dévoilée l’affiche du film, qui n’est rien moins qu’une repompe sans pitié ni pardon d’un fan-poster créé pour le Nosferatu de Robert Eggers par l’artiste Eileen Steinbach, dite SG_posters.


Les jeu des sep... des trois différences à tout casser.


Mais peut-être, se demande le spectateur naïf, si le film de Luc Besson ressemble autant à l’adaptation de Coppola, c’est normal : les deux films adaptent le même matériel après tout ? Sauf que non.

Bien qu’intitulé “Bram Stoker’s Dracula”, le film de Coppola prend en réalité certaines libertés avec le roman. Aussi, quand Luc Besson déclare en interview : “En relisant le roman, j’ai été frappé par le romantisme absolu de cet homme qui attend 400 ans pour retrouver l’amour de sa vie,” on se dit qu'il se fout de notre gueule : cette intrigue où Dracula voit en Mina Murray la réincarnation de son amour perdu et se lance à sa poursuite n’existe tout simplement pas dans le roman, où Dracula est un prédateur opportuniste sans lien préexistant avec ses victimes. Elle est par contre au cœur du film de Coppola (lui-même inspiré sur ce point du film La Momie de 1932). Luc Besson, prends-nous pour des cons…

"Vous prendre pour des cons ? Pas de problème, je sais faire !"


On ne va pas épiloguer parce que franchement ça n’en vaut pas la peine, mais la conclusion qu’on en tire est assez évidente : contrairement à ce qu’il raconte partout, Luc Besson n’a sans doute même pas lu le bouquin, il a juste revu le film de Coppola et en a repris les scènes les plus marquantes (citons notamment toute l’introduction au 15e siècle et la visite de la fête foraine). Oubliez le Dracula de Coppola, voici le Draculo Crapuleux.

Un point pour le film : le design des armures a plutôt de la gueule, et pour une fois n'est pas simplement repris du film de 1992.

En revanche, le décor de la fête foraine fait plutôt étriqué, et la scène passe complètement à côté de ce qui faisait son intérêt dans le film de Francis Ford Coppola.


De l'autre côté de la caméra, on ne doute pas que Caleb Landry Jones ait travaillé avec diligence pour entrer dans le personnage, mais le résultat est sans appel : avec sa peau fripée et sa tentative d’accent roumain, son Dracula est un sosie physique et vocal de Tommy Wiseau et une fois qu’on l’a repéré, on ne voit plus que ça. Le clou est enfoncé dès les premières minutes du film : un montage de scènes d’amour entre Dracula et sa dulcinée (absente du roman mais qui s’appelle Elisabeta comme dans le film de Coppola – j’arrête sinon je vais m’énerver) à base de lit de roses et de draps en satin rouge, avec le futal qui reste pendant le sexe et une bonne giclée de vaseline sur la caméra… 50 millions d'euros et Luc Besson pose tout de suite une ambiance de téléfilm érotique du dimanche soir de M6.

The Room version 1480.

"Oh, Hi Mark !"


Dracula n’est toutefois pas qu’un décalque plan par plan de Coppola. Luc Besson y a aussi injecté ses propres idées, qui débouchent systématiquement sur les moments les plus ratés du film.

Pièce à conviction 1 : Le champ de mines médiéval. Voilà Elisabeta et une poignée de gardes à cheval poursuivis à travers la campagne valachienne et tombant sur… un grand terrain couvert de centaines de pièges à loup cachés sous la neige. Qui les a mis là ? Pourquoi ? Qui les a fabriqués ? On ne le saura jamais.

 

Le champ de mines de Thiercelieu


Pièce à conviction 2 : Les personnages féminins. Quand Luc Besson dit qu’il veut redonner à Dracula sa dimension romantique et érotique, il faut traduire que toutes les actrices sous sa direction jouent comme dans un porno. Gémissements constants, pâmoisons exagérées, mimiques de désir surjouées, montre en main il faut attendre 62 minutes pour qu’une femme ait autre chose à jouer dans son film qu’une simulation d’orgasme. Sidérant.

"Oh ouiiiii !!!"

"C'est boooon !"


Pièce à conviction 3 : Le parfum. On est injuste en disant que Besson s’est contenté de revoir le film de Coppola : il a aussi vu Le Parfum de Tom Tykwer, adapté du roman de Patrick Süskind. Voici donc Dracula, gentleman de la Renaissance, parcourant le monde pour rassembler les ingrédients d’un parfum capable de subjuguer les hommes et rendre les femmes esclaves de leur désir pour lui. C’est pas dans le bouquin, c’est complètement incohérent puisque Dracula est déjà établi comme ayant des pouvoirs mystiques puissants, mais écoutez, Dracula-le-romantique ne cochait pas encore toutes les cases du prédateur sexuel de bar-tabac, maintenant c’est fait.


Pièce à conviction 4 : L’attaque du château. Nos héros ont traqué Dracula jusque dans son antre et s’apprêtent à tenter le tout pour le tout pour sauver Mina, seuls avec leur courage… et avec un bataillon des forces spéciales roumaines appuyées par une batterie d’artillerie. Le repaire du monstre est forcément un peu moins intimidant quand vous avez Chuck Norriscu et la Delta Force 1899 armés jusqu'aux dents à vos côtés. Deux éléments vont toutefois équilibrer les forces en présence : en 400 ans, Dracula n’a pas appris que la parfumerie, il s’est aussi mis au kung-fu ; et les canons n’ont aucun scrupule à tirer complètement au hasard sur le château, dégommant leurs camarades encore plus efficacement que Dracula et ses gargouilles en 3D. Ça devrait être le climax du film, c’est une pantalonnade où il ne manque que les rires enregistrés.

La Légion saute sur Dracolwezi

 Le film intègre en effet des espèces de gargouilles-tortues-ninja qui font du kung-fu.


Le film suinte l’opportunisme par tous les pores. On ne voit jamais autre chose qu’un projet sans la moindre étincelle créative, monté pour renflouer les finances de son réalisateur, misant sur un chef-d’oeuvre de la littérature en guise de titre propre à attirer les foules et les acheteurs étrangers, et sur un autre chef-d’oeuvre, du cinéma cette fois, comme storyboard pratique et pas cher pour que ça puisse se monter rapidement.

 
Le design de Dracula vieux est (encore) une repompe éhontée de Gary Oldman, mais avec un gros tas de mousse ajouté au milieu. Le look n’est pas repris du roman où il est décrit comme ayant le crâne dégarni, des sourcils broussailleux et une moustache tombante.


On était venu pour une copie sans génie du film Coppola, et c’est donc une heureuse surprise en un sens de découvrir que le film va plus loin que ça et arrive réellement à surprendre dans sa connerie. Caleb Landry Jones compose une caricature de Gary Oldman passée par The Room, et le voilà en seigneur des ténèbres version Marque Repère mettant à bas les empires grâce à Bleu de Chanel et la maîtrise du kickboxing. Face à lui, Christoph Waltz semble attendre désespérément que Quentin Tarantino le rappelle tandis que les actrices sont réduites au statut de potiches en pâmoison.

"Je lui ai déjà laissé trois messages..."


Et le nanardeur réduit à se demander si Luc Besson ne va pas bientôt mériter sa fiche sur le site…

- Barracuda -

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

Le film a terminé son exploitation en salle en France, et il est largement disponible en DVD et Blu-Ray depuis décembre 2025, avec un making of de 15 mn et un documentaire de 30 mn sur la figure de Dracula.