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Le Mort dans le filet
Titre original :Ein Toter hing im Netz
Titre(s) alternatif(s) :L'ile du sadique, Dans le filet du sadique, A Corpse hangs in the web, Body in the web, The Spider's web, Horrors of spider island, Girls of spider island, It's hot in paradise
Réalisateur(s) :Fritz Böttger
Année : 1960
Nationalité : Allemagne / Yougoslavie
Durée : 1h25
Genre : Tétons teutons
Acteurs principaux :Alexander D'Arcy, Dorothée Parker, Barbara Valentin
C'est lors d'une soirée bis à la Cinémathèque début mars 2006 que j'ai découvert ce film, qui s'avère bénéficier d'une certaine réputation. Je me suis en effet rendu compte après quelques recherches qu'il est même considéré comme un classique de la série Z allemande des 60's (la classe, non ?). Car si on a ici incontestablement affaire à du cinéma d'exploitation, l'inclusion d'éléments fantastiques et l'incompétence du réalisateur à donner un minimum de cohérence à l'ensemble font définitivement pencher la balance du côté du nanar, et ce pour notre plus grand plaisir. Mais de quoi s'agit-il au juste ?
Du nichon et du streumon, il est pas beau mon film ?
New York, fin des années 50. Huit superbes danseuses de cabaret courent le cacheton. Suite à une petite annonce, elles sont engagées par Gary, un impresario professionnel jusqu'au bout des ongles des orteils. Leur mission sera d'aller remonter le moral des GI's à Singapour. Jusque-là tout va bien. C'est le moment de préciser que cette production allemande fait de louables efforts pour dissimuler ses origines et faciliter ainsi son exportation. Dans la version distribuée aux États-Unis, le réalisateur utilise d'ailleurs le pseudonyme Jaime Nolan. Les personnages portent quant à eux dès la version originale des noms anglo-saxons et on a droit à de jolis stock-shots des rues embouteillées de New York en introduction. On notera également que Gary est interprété par une vraie star, Alexander D'Arcy, acteur en bout de course qui a fait ses classes en France chez René Clair ou Jacques Feyder avant de rejoindre Hollywood et d'ajouter à son palmarès Leo McCarey, Elia Kazan, Marilyn Monroe et Lauren Bacall. On le retrouvera quelques années après chez Corman, Russ Meyer mais aussi Samuel Fuller.
D'Arcy à son heure de gloire (à sa droite c'est sûrement la serveuse du resto).
Tant que j'en suis à la distribution, il me faut mentionner le seul autre nom un peu connu parmi les actrices : Barbara Valentin. Pin-up teutonne aux moues délicieusement vulgaires (la voix de Bardot dans le corps de Jayne Mansfield), elle tourne ici son deuxième film. Elle rejoindra quelques années plus tard la troupe de Fassbinder pour de mémorables seconds rôles, notamment dans le très beau « Tous les autres s'appellent Ali » (1974). Mais revenons au vrai cinéma et à Fritz Böttger.
Barbara Valentin, laissez le charme agir.
L'objectif premier de cette entreprise ne fait pas de doute. L'intrigue et les situations qui en découlent ne sont évidemment qu'un prétexte pour balader le spectateur en compagnie de jolies femmes dans des tenues plus ou moins affriolantes pour l'époque. Il semble d'ailleurs qu'il existe plusieurs versions du film, où les plans les plus coquins ont été retirés en fonction de la permissivité de certains pays. Les différents titres plus ou moins racoleurs en rendent d'ailleurs bien compte. Déjà, la séance de casting dans le bureau de l'impresario dure un bon quart d'heure au cours duquel ces demoiselles défilent les unes après les autres, se trémoussent en musique et nous dévoilent leurs épaules et leurs jolies gambettes (Ouhlala !). On imagine que la température de la salle devait bien monter en 1960. Puis la joyeuse bande s'embarque à bord de stock-shots d'avion. Malheureusement, une panne non identifiée fait se crasher le stock-shot d'un autre avion en flammes au beau milieu de l'Océan Pacifique. Malgré le choc, on retrouve Gary et ses drôles de dames dans un canot de sauvetage, assoiffés et pagayant avec les mains pour accoster sur une île providentielle. Bien qu'improbable, cette survie était nécessaire pour que le film continue, reconnaissons-le. Nos amis trouvent donc refuge sur cette terre mystérieuse et sauvage. Après un petit repérage des lieux et un bref passage sous une cascade d'eau de source qui va mouiller comme il faut les maillots, la petite troupe découvre une cabane. Une atroce vision les attend à l'intérieur :
Horreur ! Le titre du film disait donc vrai !
Le cadavre est dans une position si inconfortable qu'on le voit très bien bouger lors des plans rapprochés (et ne riez pas, je voudrais bien vous y voir à faire le mort debout en agrippant un filet de pêche mal tendu !). On apprend par la suite qu'avant de jouer le mort dans le filet, l'homme était un professeur étudiant les gisements d'uranium de l'île. Face à une aussi atroce découverte, les filles n'ont bien sûr qu'une seule réaction. Elles décident immédiatement de construire un radeau pour fuir ce lieu maléf... Euh, non pardon, elles décident de faire un peu de ménage dans la baraque et de se mettre en bikini. Je sais c'est idiot, mais je suis sûr qu'un psy pourrait expliquer ça (fuir la réalité ?). Cela dit, on voudrait nous faire croire que ces héroïnes sont sans cervelle qu'on ne s'y prendrait pas mieux. Sur le plan de l'érotisme, on sent que le réalisateur tâte les limites de ce qui était permis à l'époque. Une scène de douche nous montrera ainsi l'une des actrices de dos se frictionnant le corps. Et la grande scène de baignade topless est filmée d'un peu loin pour ne pas tout révéler mais suffisamment près quand même pour qu'il n'y ait aucun doute quant aux talents affirmés des interprètes. L'imagination du spectateur fait le reste.
— Mon Dieu, un mort dans un filet ! Mais qu'est-ce qui a bien pu faire une chose pareille ?
— C'est sûrement la chaleur.
— Tu as raison. Allons prendre une douche !
Il faut bien comprendre qu'on est là face à ce genre de film où le spectateur a toujours 10 000 longueurs d'avance sur les personnages. Qui dit toile d'araignée géante dit araignée mutante, c'est pourtant simple. À intervalles réguliers, le réalisateur ne se prive pas pour nous balancer des inserts de la bête, systématiquement accompagnés des modulations de theremin qui vont bien. Imaginez une marionnette poilue et ridicule avec de grands yeux noirs et des dents pointues qui se serait faite recaler du Muppet show (et c'est vrai qu'on a un peu honte pour elle). Bon, laissez tomber l'effort d'imagination, voyez plutôt :
Ça le fait hein ?
Si avec ça mon CV n'impressionne pas Jim Henson, je me reconvertis dans l'immobilier.
Donc, pendant que quelques nanas font la vaisselle ou sèchent leur linge, l'homme de la bande, Gary, se fait gentiment asticoter les hormones par le reste de ses protégées. La nuit venue, au lieu de tirer son coup, il préfère cependant aller explorer les environs. Pas de chance : au détour d'un arbre, la fourbe araignée lui saute dessus. S'ensuit une lutte terrifiante où l'acteur serre de toutes ses forces la peluche autour de son cou en crispant la mâchoire.
Aaarrrrrhhhhh ! A moi police secours !
Je me plaindrai à mon syndicat !
Gary parvient à abattre le monstre avec son revolver mais trop tard, il s'est fait mordre. Deux cuts plus tard, le voilà soudain transformé en craignos monster. Et s'il y a bien une chose de sûre, c'est que ce n'est pas le département maquillage qui a bénéficié de la meilleure part d'un budget apparemment bien maigre. Quelques poils et de la boue sur la gueule, les cheveux hirsutes, trois petites dents ridicules qui dépassent, et des mains en mousse griffues. Filmé en plan large et de dos, on pourra même s'abstenir d'appliquer ces artifices.
Même le Baygon vert est sans effet.
Si ça c'est pas du regard de sadique !
Cet inattendu rebondissement fait définitivement exploser le taux de nanardise du film. À partir de là, déjà que c'était pas brillant, le réalisateur abandonne toute logique dans la poursuite de son récit. Le Spiderman moisi va jouer à cache-cache avec les donzelles, et en étrangler une à l'occasion. Malgré ça, entre deux hurlements histoire de faire bonne mesure, celles-ci persistent à se balader en bikini fleuri, barboter topless sur la plage, hanter la jungle de leurs gloussements ou organiser des surboums avec deux mecs de passage, Robbie et Joe, les assistants du professeur, arrivés là en barque avec du ravitaillement. Oui, vous avez bien lu : en barque. Je rappelle qu'on est censé être sur une île paumée au milieu du Pacifique, mais c'est pas grave, ils font la traversée en barque, à la rame, tranquille.
Ach, Mensch ! Du Robbie !
Pour se disputer les faveurs de ces messieurs, il y aura du crêpage de chignon chorégraphié à deux à l'heure (Barbara Valentin se fait notamment fouetter), des verres de Johnny Walker lancés au visage (le ravitaillement en question semblait surtout consister en caisses de whisky) et des réconciliations émouvantes entre cruches. Ces scènes de flirt donnent sans doute lieu aux meilleurs dialogues du film, tant elles apparaissent comme un grand moment de surréalisme alors même que la crainte et l'horreur devraient régner. D'ailleurs à aucun moment les assistants ne s'inquiètent de l'absence du professeur. Manifestement, les filles leur ont fait perdre la tête. Pendant un instant on se croirait en plein beach movie.
Une lobby card mexicaine bien colorée.
Ignorant ce qui est arrivé à Gary, les blondasses tentent une battue. Comme par hasard, c'est celle qui gardait la maison toute seule qui se fait avoir. Un gros plan nous montre son visage noyé dans une mare, tandis que dans le plan large la même mare a apparemment bien eu le temps de sécher, et c'est à peine si les cheveux de la morte prennent l'eau. D'autres raccords foireux viendront encore nous réjouir, notamment lors de la poursuite finale censée se dérouler en pleine nuit alors qu'il fait grand jour un plan sur deux. On notera tout de même que l'homme qui signe la photographie n'est autre que Georg Krause, qui tournait trois ans plus tôt « Les Sentiers de la gloire » pour Kubrick. C'est finalement le feu qui aura raison du monstre et les survivantes regagneront New York sur un bateau à moteur surgi d'on ne sait où (j'ai pas tout suivi). Deux d'entre elles sont promises au mariage avec leur assistant du professeur respectif.
— Ouf ! Nous avons survécu à cet enfer ! Il s'en est fallu de peu...
— Oui hein. Et sinon, qu'est-ce qu'on bouffe ce soir chérie ?
Bref, voilà un spectacle tout à fait honnête et bien calibré pour nous les mâles (le film aurait été condamné par l'Office catholique à l'époque) qui se déroule dans une ambiance de vacances vraiment agréable, avec suffisamment d'étonnements pour assurer un bon rythme. La zique jazzy quasi omniprésente ajoute à la décontraction de ce sympathique ensemble, plein de scènes absurdes, cheapos et rigolotes, avec des effets de trouille qui tombent à plat.
Un roman-photo du film, authentique rareté éditée dans la collection Star Ciné Cosmos.
Aucune explication ne sera explicitement donnée sur la présence de l'araignée. On peut cependant facilement déduire que les recherches du professeur sur l'uranium ont indirectement provoqué sa mutation. Pour autant, le réalisateur a oublié de nous servir le couplet attendu sur les dangers de la science. On peut aussi s'amuser à imaginer que d'autres créatures ont pu être irradiées à leur tour (coming soon : Le Mort dans le filet 2, retour à l'île du sadique ?). Le vrai mystère c'est la métamorphose de Gary et ce qui motive ses va-et-vient à part frôler les fesses des greluches. Peut-être que l'araignée et sa toile expriment les pulsions sexuelles refoulées de l'homme qui, en leur donnant libre cours, perdrait de ce fait son humanité. Wow, en fait contrairement aux apparences, ce truc est un brûlot féministe !
Cote de rareté - 3/ Rare
Barème de notationLa version uncut se trouverait sur le DVD Alpha video :
Le film a également "bénéficié" du traitement de la collection « Mystery Science Theater 3000 », avec ses insupportables personnages incrustés qui commentent le film. A fuir à tout prix :
Il serait vraiment intéressant de tomber sur la version française du film, en espérant un doublage qui augmenterait le quotient nanar des dialogues.