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Yonggary

(1ère publication de cette chronique : 2016)
Yonggary

Titre original : Yonggary

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Shim Hyung-Rae

Année : 1999

Nationalité : Corée du Sud

Durée : 1h35

Genre : Quand Yonggary rencontre les CGI

Acteurs principaux :Harrison Young, Dan Cashman, Donna Philipson

Plissken
NOTE
2/ 5


La Corée, l'autre pays du Kaiju. Et en la matière, le méconnu chez nous Shim Hyung-Rae, acteur/producteur/réalisateur à la prolifique carrière, est une sorte de légende locale.
Shim Hyung-Rae ne l’a jamais réellement caché : son ambition profonde, c’est de conquérir le monde. À l’aube des années 2000, et malgré une carrière s'étalant déjà sur plusieurs décennies, les films du réalisateur n’avaient jamais réellement franchi les frontières sud-coréennes. Avec le succès des reboots de Godzilla et Gamera au Japon et le hit au box-office sur un plan international que fut le Godzilla de Roland Emmerich, Shim Hyung-Rae s’est alors dit que, après tout, c’était peut-être le moment de tenter sa chance.
Et tout donnait en effet l'impression que les astres étaient parfaitement alignés pour que l'ami Hyung Rae rencontre enfin le succès international qu'il cherchait tant. Voyant que les monstres géants faisaient un grand retour sur le devant de la scène, il décida de réveiller à son tour une créature alors endormie depuis plus de trente ans.


C'est en 1967 que Kim Ki-Duk (attention, il y a eu deux Kim Ki-Duk cinéastes en Corée du Sud... il ne s'agit pas de la même personne ayant réalisé Samaria ou Printemps, été, automne, hiver… et printemps) tentait l'aventure dans le genre Kaiju. Bonne pioche au niveau national : les Coréens se déplacèrent en nombre dans les salles obscures pour contempler un monstre de leur cru détruire des maquettes à coups de tatane. Aujourd'hui, le film est assez difficile à juger : Yonggary ne s'en sort pas trop mal pour certains, offre un spectacle affligeant pour d'autres... A vrai dire, la vérité est un peu à mi-chemin : rien de très honteux pour l'époque, au vu d'un budget qu'on devine limité, mais le métrage paraît tout de même bien cheap et kitsch si on le compare aux gros hits nippons sur lesquels il lorgne. Néanmoins, à l'époque, il s'est imposé comme une petite curiosité dans ce monde dominé par les Godzilla et King Kong, si bien qu'il a eu droit à sa petite carrière à l'international.



Pure coïncidence ou véritable hommage à la créature oubliée, il se trouve que Yonggu, le personnage phare de Shim Hyung-Rae (qu'il a interprété/mis en scène plus d'une dizaine de fois), a un nom qui se rapproche énormément de « Yonggary ». Voilà encore un autre signe du destin qui le poussait à réveiller la bête. Pensant que le monstre de 1967 était toujours populaire en Corée, il emprunta ce nom afin d’attirer les habitants du pays du matin calme dans les salles obscures, bien que niveau intrigue, le Yonggary de 1967 et le Yonggary de 1999 n'aient rien à voir. Le Yonggary de 1999 fut le film le plus cher de l'histoire du cinéma coréen. Un record que Shim Hyung-Rae battra lui-même peu de temps après avec D-War. Et pourtant, au vu du résultat, une question ne cesse de tarauder le spectateur : mais où Shim a-t-il bien pu balancer tout ce pognon ?


Peut-être pour le marketing à l'international. Pour le marché du film à Cannes, ils ont conçu une affiche sur mesure !


Pour ce qui est de la conquête du monde, Shim Hyung-Rae devra attendre. Le film fut un vrai flop, aussi bien en Corée qu'à l'international. De nombreuses raisons peuvent venir expliquer ce désastre, outre que le film soit exceptionnellement mauvais. Premièrement, si Shim Hyung-Rae s’est par la suite attaché les services de têtes d’affiche pour ses films à vocation internationale (Robert Forster pour D-War et Harvey Keitel pour The Last Godfather), le casting de cette production laissait quelque peu à désirer et n'avait aucun nom bankable. Encore une fois, le seul nom bankable du casting, c'était au final celui du monstre... que beaucoup avaient complètement oublié en Europe, voire même en Corée du Sud. Certes, prendre des acteurs occidentaux pour un film asiatique, afin de mieux le vendre en Europe ou aux États-Unis, c'est une méthode qui a déjà fonctionné. Néanmoins, cette astuce fonctionne mieux quand on prend des comédiens avec un minimum de talent. Il ne s’agit certes pas ici des pires gweilos comme a pu en dénicher Godfrey Ho, mais on se retrouve avec des acteurs dans un surjeu constant.

Et puis, le film est parsemé de catch-phrases toutes plus débiles les unes que les autres et qui auront beaucoup plus tendance à vous faire sourire qu’à vous projeter dans le feu de l’action. Les « Y a plus de morts que dans un film de Tarantino » ou alors « c’est ta mère qui t’as aussi mal élevé que ça quand t’étais un morbak » (en direction du monstre) font partie de mes préférées.








Un film sponsorisé par Tonygencyl

 


Les meilleurs comédiens du film.


Le film se déroulant aux États-Unis, Shim Hyung-Rae a tenté d'en donner une image fidèle. Sauf que, à trop vouloir représenter la société américaine, Shim va maladroitement mettre en scène des clichés assez gênants. C'est certainement involontaire et extrêmement maladroit, mais si on ne considérait que les personnages et les figurants, on pourrait avoir l'impression que le film est tout droit sorti d'une période remontant à bien avant les différents mouvements des droits civiques.
Si bien que…


Les personnages importants ou qui occupent une haute fonction dans la société seront blancs.



Pour ce qui sont des taches plus fastidieuses, on refilera ça à des afro-américains.



Bon, mettons aussi des Mexicains, histoire de respecter les quotas.



Nan sérieux les mecs, on avait dit pas de gonzesses dans le clan des chasseurs de monstres en uniforme !


Bon, d’accord, le pognon n’est pas passé pour embaucher des acteurs de renom. Passe encore… alors peut-être qu’il a su employer de véritables prodiges du stylo ? Après le tout, les films de monstres géants sont aussi l’occasion de donner une certaine réflexion de la place de l’homme sur Terre, de son rapport avec la nature, de mettre en valeur certaines idées écologiques, de… non ? Bon OK, arrêtons là tout de suite. Parce qu’encore une fois, il est d'emblée évident que Shim Hyung-Rae n’a pas engagé la crème de la crème des scénaristes. En fait, si on me disait que Shim a inventé son intrigue après son dix-huitième verre de Soju et sa cinquième chanson dans une soirée Noraebang, je n’aurais aucun mal à le croire.

Shim, lui-même, avait du mal à raconter son histoire lors d’une interview accordée quelque temps avant la sortie du film : Many years ago, a dynasty of monsters occupied and controlled Earth. After the monster dynasty was destroyed, humans controlled and occupied Earth, and after humans were gone, Yonggary controlled and occupied Earth. A document is discovered, a program which creates a space warp. Humans find this program document and the story starts to happen there. Then, when they’ve found it and operated the program, an alien being comes to earth from the stars - and Yonggary wakes up. And that’s where the story starts!

Que l’on traductionne par : Il y a bien longtemps, une dynastie de monstres occupait et contrôlait la Terre. Après que la dynastie de monstre aie été détruite, les humains ont contrôlé et occupé la Terre, et après les humains soient partis, Yonggary a contrôlé et a occupé la Terre. On découvre un document, un programme qui crée une déformation spatiale. Les humains trouvent le document de ce programme, et l’histoire démarre d’ici. Après l’avoir trouvé et qu’ils aient fait fonctionner le programme, une entité extra-terrestre débarque sur Terre – et Yonggary se réveille. Et c’est là que l’histoire commence !

Autant vous le dire, je n’ai absolument rien compris… et je crois que lui non plus. On peut juste dire qu’au niveau de l’intrigue, c’est un joyeux foutoir. On nous parle de monstres anciens dans d’anciennes prophéties. Ah mais non en fait, ce sont des extra-terrestres qui ont réveillé de gros monstres pour venir conquérir la Terre sans que l’on fasse de lien. Et on revient alors à ces histoires d’anciennes prophéties… mais en changeant de version ce coup-ci, parce qu’on sent bien qu'il y a quelques trucs qui collent pas. Et puis y a aussi des gens morts, qui en fait ne sont pas morts, mais qui au final ne vont pas servir à grand-chose. On ne comprend absolument rien à l’intrigue et à ses rebondissements. On préfère balancer encore plus d’incohérences, plutôt que de tout reprendre à zéro, à tête reposée.

Si on veut résumer à ce qu’il y a de plus minimum : une gigantesque armée de deux extra-terrestres a réveillé un monstre ancien pour tué tous les humains. Ça, c’est un des trucs que j’ai pigé. Et je l’ai pigé parce que les extra-terrestres, quand ils expliquent leur plan machiavélique, ils le font en français, ce qui est quand même vachement sympa de leur part. Bon, ils font bien deux-trois conneries au passage nos aliens, mais ce n’est pas grand-chose comparé à la bêtise dont font preuve les personnages humains, non aidés par les nombreuses incohérences dont regorge le film.


- Dites, Professeur, c’est quoi le machin que vous avez ramené là ?



- C’est un diamant que j’ai trouvé pas loin du squelette de Yonggary.



- Professeur, j’ai esquissé ce dessin alors que Yonggary attaquait le camp et qu’il a été à deux doigts de m’écraser. Une chance que je me promène jamais sans mes Crayola.



- Regardez Professeur ! Ça coïncide de ouf ! C’est sûrement un diamant que les extra-terrestres utilisent pour manipuler mentalement Yonggary !



1) Le fait que la bestiole soit 1000 fois plus grande que ton dessin, niveau échelle, ça te gêne pas ?
2) Comment tu as deviné juste en voyant le diamant que c’est un truc qui sert à manipuler mentalement les créatures ?
3) C’est quand même une sacré bol qu’un extra-terrestre qui n’a jamais mis les pieds sur Terre ait oublié son diamant ce jour-là !


Bon, je transporte des enfants, et j’ai un trou devant moi...



...et un dragon qui me crache du feu au cul…



Pas le choix, je tente la ligne droite, tant pis si la marmaille est effrayée…



MAIS C’EST MORTEEEEEEL ! VAS-Y ON RECOMMENCE LE VIEUX !


Alors oui, je sais ce que vous vous dites là. Des acteurs bancals et un scénario pourri, ça ne suffit pas pour faire un Kaiju désopilant. L’important, c’est la vraie star du film, la créature. Et d’ailleurs, vu que le film est centré sur la bête… c’est sans doute-là que tout le pognon est passé. Comment dire cela sans être trop vexant pour Shim Hyung-Rae ? Bah… disons que… la créature doit bien être la créature la plus moche de tous les Kaiju Eiga, et que s’il a dépensé des millions pour ce truc, je lui conseille d’appeler Julien Courbet.

Des mochetés, on en a vu dans ce genre. Du papier mâché, du caoutchouc, des costumes ringards, des chaussettes dans une main, des stock-shots de lézards en faisant croire qu’ils sont super méga grands. Oui, tout ça, on connaît. Mais j’ose assurer que la créature de ce Yonggary est bien plus moche que tout cela.

Le problème ici, ce n’est pas que le design est raté, c’est que Shim Hyung-Rae a misé sur du tout CGI. Sauf que visiblement, ni lui, ni aucune des quarante personnes qui composaient son équipe ne semblait savoir comment s’y prendre pour produire des effets potables. Aucun élément de la bête ne semble réaliste. Ses yeux, ses dents, son corps, ses griffes, sa langue,… il n’y a rien chez elle qui pourrait nous faire croire qu’elle est bel et bien présente, à côté des autres personnages qui composent le film. Au niveau de la créature, pour un film qui a coûté plusieurs millions, on se trouve à un niveau qui est en dessous de l’amateurisme.










T’as pas une gueule de porte-bonheur...


De plus, chose sans doute totalement involontaire de la part de Shim Hyung-Rae, c’est que la cruauté de la bestiole n’impressionne pas plus que ça. Soyons clair, si je me retrouve demain dans la même rue que Godzilla ou même King Kong, je sais bien qu’il vaudra mieux pour moi que je change de trottoir. Par contre, si je croise ce Yonggary dans la rue, je prierai pour que l’armée de l’air n’envoie pas ses avions. Nan parce qu’au final, si on fait le compte d’immeubles détruit dans le film par le monstre et par les avions, et bah le monstre arrive vachement loin derrière. Les scènes d’action sont ainsi construites. Yonggary est pourchassé par toute la flotte aérienne de l’armée américaine. Et ils sortent toute l’artillerie, mitrailleuses et missiles à tête chercheuse. Mais en tout et pour tout, on doit avoir que 3 ou 4 missiles qui arrivent sur la créature. La centaine restant ira valdinguer dans les immeubles environnants. Alors, oui, c’est vrai, dans les films américains, ils font tout péter. Mais alors là… là… on va au-delà de ça. L’armée défonce tout. Et on ne parle jamais de « plan d’évacuation » ou de « victimes collatérales ». On détruit tout, et puis c’est tout. Cette incapacité de l'armée, ultra entraînée et dotée de matériel hyper sophistiqué, à ne pas réussir à viser un monstre de 30 mètres de haut provoquera plus d’un rire. Les dialogues sur l’invincibilité supposée de la créature alors qu’elle n’encaisse au final pas grand-chose aussi.






Oups, désolé…







Encore désolé…





Et si j’me mets de dos, vous y arrivez ou pas ? Ah bah nan...

 



Désolé…



Meilleure réplique de toute cette séquence : « Comment a-t-on pu le rater ? »







Comment elle est partie loin celle là !



Désolé…







Vazyjessai !



Cépourtanpacompliké !







Désolé…





Sérieusement les gars, je l’ai même pas esquivée celle-là !



Désolé…



Après de longues minutes de combat intense, le chef d’escadron nous achève par un : « Allez les gars, en formation, on y retourne ! »


En guise de grande bataille finale (mais pas vraiment en fait), Shim Hyung-Rae s’est dit qu’il devait innover et apporter quelque chose de grandiose à son film et au genre. Fichtre, il doit conquérir le monde tout de même. Il va lancer une horde de soldats en jetpack armés d’armes en apaprence très conventionnelles, mais qui tirent en fait des genres de lasers à une taille absolument pas à l’échelle. S'engage alors une grande bataille de Piou-Piou-Piou avec des armes pseudo-futuristes face à des BEUARGH et des crachements de feu de la créature. Et vu qu’on est dans une œuvre plus ou moins inspirée par un film de Roland Emmerich… on ne se gênera pas pour pomper le final de Independance Day au passage.










Ça fait plaisir de voir que l’argent du contribuable a été dépensé dans un outil spécialement adapté à l’attaque d’un monstre de 30 mètres de haut. Ils avaient déjà tout prévu.


Le film en a encore sous la casquette, avec l'apparition d'un second monstre, qui réussit l'exploit d'être encore plus moche que le premier. C’est comme si vous sortiez d'un dîner avec les Bogdanov et que vous tombiez sur Donatella Versace. Cette apparition ringarde à souhait s'accompagne de dialogues au diapason dans les bureaux de l’armée, dans le genre « Ah bah oui, mince, on avait mal lu la prophétie, regardez bien ici, cette phrase, en fait ça veux dire qu’il y a un autre gros monstre ». Une pirouette pour justifier le fait que les extra-terrestres (qui n’ont au final pas grand-chose à voir avec cette prophétie) envoient leur bestiole.






J’ai des pinces, alors j’suis plus fort !



Dernière petite incohérence pour la route.



Les aliens décident de faire péter la ville avec de grosses bombes.



Une explosion qui ira jusqu’à mettre à mal Yonggary.



Alors qu’il était au sol et à deux pas de Yonggary lors de la gigantesque explosion, le chef de l’escadrille de jetpack, seul survivant de son escouade, ressort comme un winner pour venir poutrer du monstre géant.


Yonggary fait certainement partie de ces films dont la démarche est plus nanarde que le film en lui-même. La naïveté et les incompétences détonnent méchamment avec les ambitions de son réalisateur, qui visait un blockbuster à même de conquérir les marchés étrangers. Néanmoins, les éléments du film sont assez variés pour faire sourire et ne manqueront pas de régaler les nostalgiques de la grande période des nanars à monstres géants.

- Plissken -
Moyenne : 2.75 / 5
Plissken
NOTE
2/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

 

Des éditions DVD françaises avec quelques bonus génériques sur les kaijus se trouvent encore facilement dans des bacs, ou encore sur le net comme celle de chez "Swift Editions", ou sa reprise dans la collection "les plus grands films de science-fiction" aux "Editions Atlas".