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Arthur Malédiction

(1ère publication de cette chronique : 2023)
Arthur Malédiction

Titre original : Arthur Malédiction

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Barthélemy Grossmann

Producteur(s) :Luc Besson

Année : 2022

Nationalité : France

Durée : 1h27

Genre : Luc, je suis ton pire !

Acteurs principaux :Mathieu Berger, Thalia Besson, Lola Andreony, Yann Mendy, Ludovic Berthillot

Rico
NOTE
3/ 5

Un film d’horreur basé sur le culte d'Arthur et les Minimoys ? Really ? On n'y croyait déjà pas à l'annonce du concept et pourtant ce film a déboulé en salle à l'été 2022, quasiment par surprise, après une campagne marketing express. Le résultat à l’écran, scénarisé par Besson himself, s'avère tellement balourd, mal joué, réalisé avec les pieds et surtout puissamment débile qu’on passe en 1h27 de la désolation à l’hilarité, le film décrochant instantanément la timbale de nanar de l’année.

Je m’explique.

On a tendance parfois à se dire qu’en ce nouveau millénaire il est difficile pour une grosse production d’obtenir le prestigieux label Direct to Nanarland. Le nanar instantané, la catastrophe industrielle usinée par des professionnels censément compétents, avec un budget confortable, qui s’avère immédiatement risible dès le visionnage sans même passer par la patine du temps et la case maturation pour devenir le reflet kitsch vintage de son époque.

Vous me rétorquerez Fleuve Noir ou Cats et je vous répondrai touché, mais bon cela reste des exceptions et clairement en ce début de décennie 2020 on ne pensait plus trop voir débouler de tels ratages sur nos écrans.

Enter Luc Besson. L’enfant prodige des années 80-90 devenu mogul du cinéma français est en ce moment au 36ème dessous. Entre le plantage de son gargantuesque Valerian et le semi échec d’Anna, qui ont faillit entraîner la faillite d’Europacorp racheté par un fonds de pension américain, les accusations à répétition de plagiat et de comportement douteux avec ses collaborateurs et surtout les procès pour agressions sexuelles, le bonhomme est rincé comme jamais et d’aucuns dans le milieu critique s’en réjouissent ouvertement, sortant déjà les petits fours et la rubrique nécrologique.

Mais c’est aussi oublier que le bonhomme est insubmersible et surtout qu’il a gardé dans sa manche ce qu'il voit comme son arme secrète : son talent de scénariste pour nous offrir le succès surprise qui allait mettre tout le monde d’accord et sa boîte financièrement à flot.

D’autant qu’il a la certitude d’avoir dans ses cartons une licence qui a laissé un souvenir impérissable : Arthur et les Minimoys. L'histoire d'un jeune garçon découvrant sous la maison de son grand-père l'accès au monde de minuscules créatures sympathiques, les minimoys, menacés par le cruel Malthazard et son armée de séides. Lancée entre 2006 et 2010, la franchise de trois épisodes a certes attiré un total de 6 millions de spectateurs en France pour le premier mais les épisodes suivants ont peiné à atteindre la moitié de ce score d'origine. Aux Etats-Unis, la franchise a fait un bide et les deux derniers films ont carrément été remontés en un seul sorti directement en vidéo à la sauvette... Mais qu'à cela ne tienne, Besson reste persuadé que son Minimoys-verse a laissé une trace immarcescible dans la pop culture : 13 millions de spectateurs au final pour la trilogie en France, une attraction au Futuroscope, un secteur dédié à Europapark.

Les enfants qui ont découvert Arthur à l'époque ont désormais 20 ans, et qu'est-ce qui leur plaît en ce moment aux jeunes ? Les films d'horreur ! Alors pourquoi ne pas mixer les deux:  tu la vois la poule aux oeufs d'or ?

Et clairement on ne l’avait pas vu venir celui là, tourné en 33 jours en scred entre deux périodes de confinement, à l’été 2020, sur les lieux mêmes où les extérieurs d’Arthur et le Minimoys avaient été construits, dans le parc du château normand des Laitiers où Besson a installé les locaux de Digital Factory, sa société d’effets spéciaux et qui, laissée à l’abandon, avait connu un petit succès chez les fans d’urbex.

Il débauche un yes man en la personne du plasticien Barthélemy Grossman dont le CV filmique est fort de quelques courts-métrages, d’un peu d’animation (Les Lascars) et de deux épisodes de la série télé maison No Limit. Il recrute pour tous les postes techniques les étudiants de son école de ciné pour compléter le tournage. On y reviendra d'ailleurs sur le tournage de ce film et sur ses conditions plus que douteuses, car depuis les langues se sont déliées sur les nombreux entrechats de "Luc l’embrouille" sur le droit d’auteur et le droit du travail.

On recrute un casting composé de jeunes acteurs inconnus. Et pour parachever le tout, notre Ras’ Al Guhl du cinéma français propulse sa fille Thalia Besson comme premier rôle féminin.

Et puis au début de l’année 2022, commence sur les réseaux sociaux une mini campagne virale. De mystérieux graffitis dans les grandes villes de France, un peu de teasing mollement repris dans les médias et surtout quelques affiches aux visuels intrigants et un premier trailer au printemps à l'ambiance un peu Blair Witch.

La sauce commence à prendre, plus sur un mode hébété qu'enthousiaste devant le concept de film d’horreur dans le monde des Minimoys, mais baste ! Les graines de la curiosité sont plantées, la machine est lancée et fin juin (quasi au moment de la fête du cinéma, au cas où), Arthur Malédiction débarque dans les salles.

Si la surprise a été totale au moment de la sortie, l’effarement l’a été aussi après celle-ci.

Bon, avertissement préalable si vous n’avez pas vu le film : on va être obligé de spoiler parce que c’est la révélation même des mystères de l’intrigue qui constitue le plus grand sujet de nanardisation de l’ensemble.

Alex est un fan hardcore absolu d’Arthur et les Minimoys et depuis ses 10 ans se refait régulièrement et religieusement la trilogie devenue culte avec ses amis d’enfance.

Ok la révélation finale est la deuxième source de nanardisation de l’ensemble.

Non, non rien n'a changé... Tout tout peut continuer... Yé Yé !

Toujours est-il qu’à l’heure de son 18ème anniversaire, et alors qu’il est en pleine montée d’hormones à la vue de sa copine Samantha cosplayée en Princesse Selenia, ses amis, interprêtés par une belle brochette de stéréotypes sur pattes (le psychorigide, le gros black rigolo et gaffeur, la coincée timide, la délurée et même le couple probablement gay mais c'est pas dit clairement) lui révèlent que Pilou et Momo, deux connaissances à eux, ont posté des vidéos où ils ont localisé la maison où a été tourné le film et lui proposent de partir passer le week-end à l’explorer comme on partirait en pèlerinage.


Alex déguisé en Arthur qui échappe aux flics parce que... Je sais pas, parce qu'une production Besson doit forcément avoir une scène où la police passe pour des imbéciles

Alex tout tourneboulé par le cosplay de Samantha.""Mais c'est vrai que tu as pris des seins !" (finesse des dialogues de Besson qui, je le rappelle, parle ici d'un personnage joué par sa propre fille)

Oh mais tu en as une grosse collection Alex !

Bon par contre ça fait deux jours qu’ils sont partis en éclaireur et qu’on n’arrive plus à les joindre, mais ça doit sûrement être le réseau.

Et voici la petite bande partie sur les routes de la France profonde retrouver la maison et là, ça commence tout de suite à déraper sévère. Le village à proximité du site dans lequel ils s’arrêtent est l’une des plus incroyables collections de clichés de French rednecks comme les adore notre cinéma de genre, avec petits vieux inquiétants à la fenêtre, et bandes de jeunes dépressifs aux peintures faciales échappés d’un Guerriers de la nuit pour salle des fêtes.



Quand on arrive en v... au village, les gens changent de trottoirs...

Mais le top est atteint lorsqu'ils tentent de demander leur chemin aux habitants d'une maison isolée, décorée avec des pieds coupés et têtes d’animaux empaillées en façade extérieure, et sont accueillis par la version Eco+ de Philippe Nahon qui, fusil à pompe à la main et entouré de chiens (des Irish Wolfhounds, lévriers traditionnellement chasseurs de loups, comme nous l'a fait remarquer une de nos lectrices), filmés au ralenti pour essayer de rendre impressionnant ces braves boules de poils, leur intime l'ordre de fuir en surjouant la folie et en souriant de toutes ses dents pourries... Décidément depuis Devil Story, rien n'a changé en Normandie.




Ce personnage qui reviendra plus tard en improbable deus ex machina, ses choix de décoration extérieure, ces pieds coupés, rien ne sera expliqué dans le film vous vous doutez bien...

Cela ne refroidit pas pour autant l’enthousiasme des jeunes qui finissent par laisser leurs voitures en orée d’un bois et partent à la recherche de la maison mythique, découvrant enfin le décor d'Arthur qui n'a quasiment pas bougé depuis le tournage.

C'est là que le film patine un peu avec un gros coup de mou lorsque les jeunes se lancent dans l’exploration des lieux, où subsistent non seulement des accessoires du film mais aussi des traces d’habitation récentes attribuées à Pilou et Momo toujours manquants. Cela permet certes de developper un peu les personnages mais ceux-ci sont tellement clichés et creux, et leurs réactions tellement peu vraisemblables, qu'on a surtout envie qu'ils se fassent boulotter par un essaim de minimoys affamés. Comme l’ami Kobal l’a souligné au visionnage, on a affaire à la bande de jeunes la plus clean de l'histoire de la série B : pas une bière, pas un joint, alors qu'ils partent en camping sauvage dans la maison d'Arthur et les Minimoys.

On baguenaude dans les pâturages...

Heureusement, au bout d’une vingtaine de minutes sur place et alors qu’on commence à se dire que la malédiction du film touche surtout le spectateur, on rentre enfin dans la partie slasher où les jeunes vont y passer les uns après les autres de façon complètement random mais toujours parfaitement stupide, dans des scènes dont on vous laisse la surprise (même si on va un peu vous spoiler les meilleurs morceaux dans les photos qui suivent). Les choses commencent à s’accélérer pour se mettre à partir en vrille dans un final complètement abusé.

Tiens c'est quoi ça ?

Momo ! (A noter que celui-ci est blessé mais encore vivant et, une fois descendu, sera complètement oublié dans la forêt par ses camarades pour tout le reste du film)

Douglas, c'est toi ? 

Oh mon Dieu ! C'est affreux !

Le plus beau lance-roquette de Tchekhov du film, ce personnage dont on nous annonce dès le début qu'elle est phobique des abeilles.

Puis nos héros découvrent un énorme essaim dans la grange.

Devinez où elle va se refugier quand elle se met à flipper devant les mystères de la maison.

Résultat... Le Pharmacien de garde serait si fier !

A noter que ses copines à moins de 5 m n'entendent rien du tout, occupées qu'elles sont à écouter une chanson en partageant les mêmes écouteurs !

Bon je vous l'ai dit, on spoile le final mais désolé, c'est là que le film entre à deux pieds vigoureusement dans l'histoire du nanar :

Les derniers survivants sont soudainement attaqués par les grands guerriers africains du film original qui les capturent pour les sacrifier rituellement aux minimoys en les écrasant avec des cordes.


Quand soudain jaillissent des gars déguisés en séides dirigés par un pseudo Malthazard grimaçant comme jamais, qui s'en prennent aux Masaï comme à nos héros, à l'arme blanche.


Surgit enfin le vieux redneck du début qui démastique tout le monde au fusil à pompe, permettant à Alex et ses dernier amis de survivre alors qu'au loin retentissent les sirènes des forces de l'ordre...

"Je vous avais dit de pas venir ici ! Ces terres sont... sacrées !  Vous reviendrez plus jamais vous avez compris !" (Si seulement ça pouvait s'appliquer à la volonté de relancer la franchise Minimoys)

Le monologue final du gendarme qui vient expliquer aux survivants le fin mot de toute cette histoire finit d'achever le film dans le ridicule le plus total.

"C’est une bande de jeunes, ils viennent d’une grande ville, ils n’ont rien à faire du coup ils organisent des jeux de rôles. Il y a 3 ans c’était l’équipe de Batman contre celle de Superman, ils sautaient des immeubles pensant qu’ils pouvaient voler, et puis cette année c’est à cause du film Arthur et les Minimoys, ils ont découvert la maison du tournage, depuis c’est la folie, ils prennent de la drogue, ils arrivent le week-end et ils s’affrontent jusqu’à la mort. Comme quoi un film ça peut faire des dégâts."


Mais tout cela était-il si simple(t) ? Coco si ce film marche on fait une trilogie à tiroirs, plus fort que Nolan !

Malheureusement pour Besson, le film, unanimement dézingué par la critique (même le Youtuber Durendal, connu pour être un des rares défenseurs de l'oeuvre de Luc, n'a pas voulu essayer de le sauver celui là !) s'est globalement planté au box office, terminant à 170 000 spectateurs malgré la fête du cinéma. Toutefois, comme le budget était resté modeste à 2.2 millions d'euros, il est probable qu'Europacorp n'ait pas essuyé de véritables pertes.

Pour parachever le tout, le film sort dans un parfum de scandale, quand un jeune réalisateur qui a travaillé avec le producteur s’interroge publiquement sur les similitudes du film avec son propre court Followed sorti 5 ans avant, avec en vedette Shayna, une autre fille de Besson, sans avoir été informé de la reprise de son idée.

Puis plusieurs étudiants de l'école de la Cité, la formation cinéma créée par Luc lui-même, ont rapporté sous couvert d'anonymat les conditions chaotiques du tournage. En effet ce dernier aurait lancé le projet comme un concours de scénario autour du concept d'une histoire d'horreur liée à la maison d'Arthur puis, mécontent du résultat aurait racheté 200 euros tous les scripts et écrit un premier traitement avant de laisser des étudiants non expérimentés (et donc à peine payés) s'occuper des postes techniques du film, même si ce n'était pas leurs spécialités, ceux-ci devant même jouer les figurants ou les cascadeurs pour tenir les délais de tournage. Ce qui permettrait de comprendre le côté amateur de certaines scènes, même si Besson aurait supervisé la réalisation et tourné des reshoots pour compléter l'ensemble. Ce que réfute d'ailleurs le réalisateur Barthélemy Grossmann, qui annonce de son côté avoir bien été seul maître à bord du projet et avoir travaillé avec des équipes professionnelles (lire cet article d'Ecran Large sur le sujet).

En fait, même si on préfère ici en rire, ce film fait un peu mal au coeur. Conçu comme un coup de poker financier facile, ni fait, ni à faire cinématographiquement comme scénaristiquement, méprisant avec le genre horrifique comme avec les quelques nostalgiques de la trilogie originale, Arthur Malédiction est de loin l'un des pires ratages de Besson, n'ayant même pas la compétence technique minimale de ses productions habituelles. 

Mais au moins il est drôle et à l'instar d'un Brocéliande ou d'un Promenons-nous dans les bois, il devrait gagner un certain statut déviant dans de futures soirées cinéma arrosées. On aura juste une pensée pour tous les jeunes comédiens débutants qui espéraient lancer leur carrière avec ce film, et qui vont désormais devoir traîner ça sur leur CV...

Comme quoi un film ça peut effectivement faire des dégâts.

Vous la voyez cette belle carrière qui s'offre à nous après le triomphe de ce film ?

- Rico -
Moyenne : 1.75 / 5
Rico
NOTE
3/ 5
Kobal
NOTE
1/ 5
Wallflowers
NOTE
2.5/ 5
Hermanniwy
NOTE
0.5/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Signe du peu d’espoir d'Europacorp dans son produit après la volée de bois vert critique et publique que le film a reçu, on n’a eu droit qu’à une pauvre version DVD distribuée par "ESC", tout ce qu’il y a de basique, sans fioritures ni autre bonus qu’une bande-annonce et une galerie d’affiches. Dans le milieu on appelle ça un enterrement de première classe.

Seuls les Allemands et les Italiens ont pu bénéficier d’un blu-ray respectivement chez les distributeurs "Capelight Pictures" et "Midnight Factory" avec la VF originale, mais là aussi dans une édition toute simplette qui n’a même pas la galerie d’affiches.

Fluch !