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Entretien avec
Jean-Pierre Desagnat


Jean-Pierre Desagnat

Jean-Pierre Desagnat fut le réalisateur de Pas de roses pour OSS 117, Flics de choc ou encore Les Charlots contre Dracula. Il a travaillé pour Sergio Gobbi, pour André Hunebelle – notamment sur la trilogie Fantômas avec Jean Marais et Louis de Funès. Et puis, il a aussi occupé le poste de conseiller technique sur Drôles de zèbres, hallucinante comédie de Guy Lux ! Au milieu d'un entretien à bâtons rompus – où étaient évoqués Roger Fellous, François de Roubaix et bien d'autres – il nous a ainsi raconté, le sourire en coin, ses souvenirs du tournage. L'ensemble de l'entretien sortant largement du cadre des mauvais films sympathiques, nous avons fait le choix de ne reproduire ici que la partie concernant Drôles de zèbres, film qui nous tient à coeur.

Interview menée en février 2009 par La Team Nanarland.




Vous étiez conseiller technique sur ce film. Concrètement, en quoi cela consistait-il ?

J'avais déjà été conseiller technique sur des films comme La Situation est grave... mais pas désespérée (1976), Arrête Ton Char Bidasse (1977), c'est un poste où, en gros, on fait un peu tout, on fait de la production, on joue le rôle d'assistant, etc. Sur Drôles de zèbres, je fus d'autant plus mis à contribution que Guy ne connaissait rien au cinéma. Du coup c'est moi qui m'occupait du découpage technique, du placement de la caméra, et lui après il se débrouillait comme il voulait avec les comédiens. Assez mal à mon avis, d'ailleurs, mais ça je me gardais bien de le lui dire.

Ce film est le seul que Guy Lux ait réalisé. Sachant que ses ambitions artistiques en tant que cinéaste semblaient à peu près nulles, qu'est-ce qui l'a poussé à mettre en scène ce Drôles de zèbres ?

Il avait envie de tourner un film, ça ne va pas chercher plus loin.


Drôles de zèbres a un côté complètement azimuté, si bien qu'il donne l'impression que tout le monde s'amusait un peu à faire ce qu'il voulait sur le plateau. Laissiez-vous la part belle à l'improvisation ?

Non non, tout était écrit. Il y avait juste quelques trucs plus ou moins improvisés, de-ci de-là, avec Coluche notamment, Sim aussi... d'ailleurs j'ai doublé Sim à un moment, avec la robe et les hauts talons, parce que Sim ne savait pas courir.


Mine de rien, Drôles de zèbres réunit un paquet de vedettes ou semi-vedettes de l'époque. On devine que Guy Lux n'a eu qu'à piocher dans son carnet d'adresses et faire marcher ses connections dans le show biz...

Oh oui, pour lui c'était pas compliqué. On a même eu Claude François avec ses claudettes, parce qu'il venait chanter à Evian, où on tournait. Au départ, Guy, qui claquait une grosse partie de son fric au jeu, avait demandé au directeur du casino d'Evian de lui prêter le Grand Hôtel de la ville pour y installer son équipe. Le type a accepté mais en lui laissant les locaux vides, sans personnel ni aucun service. On était donc là-bas en plein hiver, sans chauffage ni eau chaude, et on a transformé l'hôtel en studio.

Guy Lux avait la réputation d'être assez tyrannique sur ses émissions de télé : comment était-il sur le tournage ?

Sur Drôles de zèbres, c'était très relax. Pour avoir bossé avec lui sur des émissions à Londres et à Madrid, je savais effectivement à quel point il pouvait se montrer dur et capricieux. Une des grandes qualités de Guy, c'était d'arriver à obtenir ce qu'il voulait. Il y arrivait presque toujours, mais quand il n'y arrivait pas c'était l'enfer. Sur le plateau de Drôles de zèbres ça c'est très bien passé parce qu'il n'y avait aucune pression. Le producteur avait peu d'argent, il n'a même pas pu faire de promo, du coup je crois que Guy se fichait un peu du résultat.

Auriez-vous quelques anecdotes de tournage à nous narrer ?

Là comme ça, j'ai d'abord une pensée pour le zèbre du film – en fait un cheval badigeonné de peinture. Je me souviens que quand Guy nous a demandé de transformer ce cheval en zèbre, l'accessoiriste et moi on s'est demandés comment on allait faire pour les moustaches. Au final, on est juste allés acheter un balai dont on a collé les poils sur le mufle de l'animal ! Pauvre bête... On est allés jusqu'à la faire monter sur le toit de l'hôtel pour les besoins d'une scène, et on a finalement causé sa perte un peu plus tard, du côté de Saint-Germain. Le terrain où on tournait ce jour-là était mouillé, le cheval a glissé et s'est fait percuter par la voiture qui le précédait. On a été obligés de l'abattre.


A part ça, je me souviens que Michel Leeb aimait bien les dames, et n'était pas peu fier de son succès auprès d'elles. Il changeait de claudette tous les jours, vu que Claude François, en tournée dans la région, était resté à l'hôtel pour 5, 6 jours avec sa troupe.

Sim et Alice Sapritch étaient amis, ils s'entendaient très bien, si bien que les scènes qu'ils tournaient ensemble fonctionnaient à merveille. Je me souviens notamment que la scène où il la masse est allée assez loin...


Katia Tchenko, elle, était toujours charmante, quelqu'un d'adorable qui n'arrêtait pas de se mettre à poil en disant "vous voyez, je suis une vraie blonde !".


Par contre, avec Coluche, ç'a été difficile. C'était le Coluche des tournées, pas encore le Coluche du cinéma, mais c'était déjà une grosse vedette, et pas du genre très sympa. Il est arrivé en Rolls avec toute sa clique, fallait pas toucher sa voiture, il faisait toutes sortes de manières. Il jouait le rôle d'un cuisinier, sauf qu'il avait des chaussures en chevreau blanc qu'il voulait pas salir, si bien que j'étais tout le temps en train de lui prêter les miennes pour les prises ! Comme son personnage mangeait ses plats, on avait dû lui faire venir des mets de traiteur qu'il mangeait vraiment, si bien qu'au bout de 3 ou 4 prises il n'avait plus faim. Guy lui disait alors "ben vas-y, fais semblant", et lui il répondait "ah non non non, moi j'fais pas semblant", et au final on devait attendre le lendemain pour terminer la scène.

- Interview menée par La Team Nanarland -