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Dyanne Thorne
(1ère publication de cette bio : 2005)Consulter la filmographie / Consulter les films chroniqués
"Votre nom commence comme une caresse et se termine comme un coup de cravache", disait Jean Cocteau à Marlène Dietrich. Si elle fut quelque chose comme la Marlène du nanar, Dyanne Thorne se sera quant à elle distinguée par un nom commençant comme une griffure et se terminant comme un coup de trique. Attachée au cinéma d’exploitation dans ce qu’il eut de plus bas, Dyanne aura eu le privilège d’incarner tout à la fois les fantasmes inavouables de certains spectateurs et le délire le plus profond des amateurs de nanar.
Notre amie fut en effet l’actrice d’un seul rôle, qui demeurera longtemps le symbole des remugles les plus putrides du cinéma : celui d’Ilsa, la louve SS, tortionnaire sadique au buste proéminent, "héroïne" d’aventures aussi racoleuses que débiles. Le succès du personnage aura dépassé tout le monde, y compris et surtout son interprète, dont la carrière atteignit à la fois son zénith et son nadir.
Dyanne Thorne est née Dorothy Ann Seib le 14 octobre 1932 à Greenwich, dans le Connecticut. Avantagée par un physique attrayant et une poitrine aussi volumineuse que précoce, Dyanne renonce rapidement à ses études d’anthropologie pour suivre sa vocation d’actrice. Elle monte à New York et étudie à l’Actor’s studio sous la houlette des fameux Lee Strasberg et Stella Adler. Dyanne poursuit ensuite une très ordinaire carrière de comédienne, usant au début de divers pseudonymes (Lahna Monroe, Rosalee Stein…) : elle joue sur scène et à la télévision. On la voit dans des comédies musicales à Broadway. Mais Dyanne ne parvient pas à percer et en 1966, elle emménage à Los Angeles pour tenter sa chance dans les studios de télévision californiens et à Hollywood. On la voit dans de nombreuses séries télévisées (notons une apparition dans « Star Trek ») et quelques films. Mais cela ne suffit pas et Dyanne Thorne, bien qu’étant une actrice sérieuse et professionnelle, ne trouve pas de rôle qui la ferait passer à la vitesse supérieure. Un peu lassée de voir sa carrière patiner, elle retourne à Broadway et alterne son travail sur les planches new-yorkaises avec des tournées à Las Vegas où elle se spécialise dans l’interprétation de pièces comiques.
Parallèlement, Dyanne trouve un autre débouché dans le cinéma d’exploitation : une actrice belle et sculpturale, et surtout peu avare de ses charmes comme elle, ne pouvait qu’être accueillie à bras ouverts par les margoulins de la série Z. Dyanne Thorne commence à se faire remarquer dans de nombreux rôles déshabillés, notamment la parodie cochonne « The Erotic adventures of Pinocchio », où elle interprète une fée peu farouche. Autant dire que, davantage que son métier (réel) de comédienne, c’est la superbe paire de seins de Dyanne qui intéresse les metteurs en scène.
C’est en 1974, à 42 ans, l’âge où les poupées Barbie vont généralement se coucher, que Dyanne Thorne va trouver le rôle de sa vie. Don Edmonds, artisan de la série Z, l'engage en effet pour « Ilsa la louve SS ». Prévue pour un second rôle, Dyanne réussit à convaincre Edmonds de lui confier le personnage principal. Elle interprète une doctoresse sadique, sorte de mélange entre Josef Mengele et Isle Koch (dite « La Chienne de Buchenwald »), deux des criminels nazis les plus notoires. Officiant dans un camp de concentration, Ilsa multiplie les tortures et les sévices dans une débauche de scènes grivoises et racoleuses à base de litres de ketchup. Dyanne prend son rôle au sérieux : « Au moment où nous avons tourné ce film, les femmes avaient rarement l’occasion d’interpréter des personnages de pouvoir. J’ai donc apprécié ce défi. » Conscient des atouts de son actrice principale, le réalisateur nous gratifie d'un très long plan nichons, au bout de deux minutes trente de film...
Une belle entrée en matière
Le tournage est pénible : réalisé en 9 jours, au rythme de 20 heures de travail par jour (dans les décors de la série «Papa Schulz» !), le film est décrit par Dyanne comme une expérience « horrible et stimulante », menée sous la direction de producteurs fous. Son interprétation est aussi crédible qu’elle pouvait l’être dans un produit aussi racoleur : Dyanne réussit même à donner une dimension humaine et presque pathétique à son personnage de sadique perverse. Mais son travail ne pèse pas lourd dans la balance : le film est un succès de scandale par son mauvais goût assumé et remportera au final un triomphe planétaire totalement inattendu. Dyanne Thorne, actrice inconnue, se trouve brutalement hissée au rang de symbole de ce que le cinéma peut offrir de plus immonde. Le film est pesamment censuré dans plusieurs pays et totalement interdit en Allemagne.
Totalement dépassée par le succès du film, Dyanne se retrouve soudain grillée dans une partie du milieu cinématographique ; des amis lui tournent le dos. « Mon mari est juif, et il a pété un plomb quand il a lu le scénario. (...) Je n'arrivais plus à joindre les directeurs de casting, les agents artistiques avaient peur de me représenter. » Elle tient d’autres rôles, mais ne tarde pas à devoir, pour travailler, reprendre son personnage dans « Ilsa gardienne du harem », où débute le jeune Max Thayer (avec en prime une scène de sexe gratinée entre Dyanne et Max !). Gratifiée d'un pourcentage sur les recettes, Dyanne semble avoir compris le potentiel bouffon du film, car son interprétation verse cette fois dans le cabotinage le plus hallucinatoire. Elle dira cependant avoir été déçue de constater que le film dégénérait en bouffonade, personne sur le tournage ne se souciant de travailler correctement. La post-synchronisation est en outre totalement expédiée, ce qui fait que son personnage n'a plus d'accent allemand dans la moitié des scènes.
Rencontre au sommet entre Dyanne Thorne et Max Thayer.
Ses producteurs la convainquent ensuite de s’embarquer dans le tournage d’une production suisse, « Greta : haus ohne männer », réalisée par l’ineffable Jess Franco, roi du cinéma bis famélique. Dyanne Thorne y interprète un rôle de matonne sadique dans une prison de femmes. Le personnage est assez proche d’Ilsa, mais elle n’y voit pas malice : « Naïvement, je ne comprenais pas que tout était prévu pour faire un film d’exploitation. M. Franco est un metteur en scène de talent, dont j’espérais qu’il ferait un film avec du sens. Je me suis faite avoir. » Pire encore, le film sera vendu ici et là sous le titre « Ilsa – the wicked warden », distributeurs et producteurs voulant le refourguer comme un nouveau film de la série des Ilsa. A noter la ribambelle de titres français dont cette oeuvrette glauque et sadique sera affublée : « Pénitencier de femmes perverses », « Greta la tortionnaire » et « Ilsa : ultimes perversions ». Malsain à souhait, le film fera un tort considérable à son actrice principale.
Dyanne se dépêche ensuite de toucher le fond en tournant un troisième et dernier Ilsa, « Ilsa la tigresse du goulag » où, de nazie, Ilsa devient communiste !
Un quatrième film était prévu, au titre hallucinant de « Ilsa meets Bruce Lee in the devil’s triangle », mais il n’aurait jamais été tourné, bien que certains (des farceurs ?) affirment avoir vu des copies clandestines de ce film, qui aurait été réalisé, mais non distribué pour des problèmes de droits. Entre temps, les producteurs, peu à l'aise devant le film de Jess Franco (qu'ils ne se privent pourtant pas de distribuer), finissent par résilier le contat de Dyanne Thorne, qui sent un peu trop le souffre.
Sans contrat ni agent, accablée par la tournure de sa carrière, Dyanne décide de couper court au désastre et quitte Hollywood, pour aller travailler dans le milieu théâtral de Las Vegas, où sa réputation professionnelle est intacte. Elle y connaîtra une seconde et fructueuse carrière, interprétant essentiellement des pièces comiques et faisant également des numéros de magie. Très active sur scène, faisant quelques apparitions espacées au cinéma, Dyanne s’investit également dans des activités cultuelles : son mari et elle ont en effet ouvert leur propre chapelle, où elle est ordonnée prêtresse. On voit ainsi l’ex « louve SS » tenir de très sérieuses conférences dans des séminaires religieux !
Longtemps gênée par son ancienne "gloire" du temps des Ilsa, Dyanne finira par surmonter son amertume et jeter un regard distancié et amusé sur sa carrière au cinéma. Elle se prêtera de bonne grâce à des interviews et assurera même le commentaire audio de certaines éditions DVD de la série des Ilsa !
Elle nous a hélas quitté le 28 janvier 2020, emportée par un cancer du pancréas. Nous envoyons toutes nos pensées à sa famille et notamment à son époux Howard Maurer avec qui elle a partagé 44 années de bonheur.
Dyanne, qui a failli être une victime du monde impitoyable du nanar, s’en est finalement très bien sortie grâce à ses compétences professionnelles. Mais si l’actrice valait sans doute mieux que son rôle fétiche, c’est bien pour ses prestations de tortionnaire sadique qu’elle persistera dans la mémoire des cinéphiles dégénérés. Qu’on appelle le genre où elle s’illustra « nazi-exploitation », « nazisploitation » ou « gestaporn », il aura toujours un superbe visage, celui de la belle Dyanne à l'arrogante poitrine !
Films chroniqués
Filmographie
1987 - Aria
1987 - Real men
1985 - Hellhole
1979 - Up yours
1977 - Pénitencier de femmes perverses/ Ilsa ultimes perversions / Greta la tortionnaire (Greta, haus ohne männer / Ilsa the wicked warden / Ilsa : absolute power)
1977 - Ilsa la tigresse du goulag (Ilsa the tigress of Siberia / Tigress)
1976 - Wham bam thank you spaceman
1976 - Ilsa la gardienne du harem / Ilsa la chienne du sheik / Ilsa gardienne du harem des rois du pétrole / Harem / Les esclaves du désir (Ilsa the harem keeper)
1976 - Beyond fulfillment
1976 - Chesty Anderson
1975 - The Swinging barmaids
1975 - Ilsa la louve SS / Ilsa la louve des SS / Le SS était là, les Gretchen aussi (Ilsa she-wolf of the SS)
1972 - Blood sabbath
1971 - Point of terror
1970 - Love me like I do
1970 - The Erotic adventures of Pinocchio
1967 - The President’s analyst
1964 - Sins in the suburbs
1963 - Love with the proper stranger
1962 - Lash of lust
1960 - Who was that lady ?