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The Disaster Artist


The Disaster Artist

Titre original : The Disaster Artist

Titre(s) alternatif(s) :L'artiste du désastre

Réalisateur(s) :James Franco

Année : 2018

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h44

Genre : Dîner de cons

Acteurs principaux :David DeCoteau, Sharon Stone, James Franco, Dave Franco, Seth Rogen, Alison Brie, Jackie Weaver, Zac Efron, Bryan Cranston, Judd Apatow, Kevin Smith, Zach Braff, Kristen Bell

Drexl
NOTE
0/ 5


Inutile de mentir : à Nanarland, l’adaptation du livre de Greg Sestero et Tim Bissell sur le making of de The Room était vécue comme l’événement immanquable de ce début d’année. La sortie du livre en français, une double séance du film ahurissant de Tommy Wiseau en sa présence au Grand Rex, toutes les étoiles s’alignaient. La présence de James Franco en tête du projet aurait pu mettre la puce à l’oreille mais que voulez-vous, nous restons de grands romantiques persuadés qu’un artiste désastreux n’attend que de trouver le bon sujet, en l’occurrence, celui d’un monumental mégalomane désespéré de plaire au plus grand nombre avec une œuvre absconse. La présence au casting de toute l’équipe du podcast rigolard How did this get made, d’une demi-douzaine de stars hollywoodiennes fans autoproclamées de The Room aurait dû entretenir le doute.

 


Le signe le plus inquiétant vint de James Franco lui-même, pendant la cérémonie des Golden Globes, qui le vit récompensé d’un trophée pour sa performance dans The Disaster Artist. Dans un pur moment « oh je ne m’y attendais pas du tout, du coup j’ai préparé quelque chose », il fait monter Tommy Wiseau sur scène (Greg Sestero ne méritant visiblement pas tant d'honneur), le prend dans ses bras puis l’empêche de parler au micro, retenant à peine un éclat de rire moqueur. Même s’il lui doit sa reconnaissance, Wiseau doit rester à sa place, celle d’une bête de foire, dindon de la farce juste digne de susciter les lazzis sans pouvoir y répondre. Greg Sestero, lui, continue d’assister à la prise d’otage de sa carrière par le phénomène – voir son absence totale de réaction à la scène, ou son impassibilité sur les dizaines de photos prises par les spectateurs du Grand Rex les soirs de projection.

 


Moment de gêne aux Golden Globes quand James Franco empêche Tommy Wiseau de prendre la parole.


Le livre The Disaster Artist pouvait résonner à cet égard comme un appel au secours de Sestero, à la fois contre le culte intimidant du film, de plus en plus prononcé au fil des années au détriment de tout espoir de le dépasser, mais aussi contre la férule aliénante de Wiseau, largement décrit comme une sorte de vampire psychique, nourri de la jeunesse et de l’esprit d’initiative de son jeune ami. Que ce soit dans la description déprimante du quotidien d’un jeune comédien motivé mais sans contact ni rien d’exceptionnel, dans la bataille permanente pour échapper à la surveillance de Wiseau, dans la description kafkaïenne d’un tournage mis à mal par l’ego de son créateur, dans la tentative finale de percer le mystère Tommy (à ce jour irrésolu, si ce n’est dans le documentaire Room Full of Spoons de Rick Harper dont Wiseau bloque la sortie), le livre offrait quantité de pistes fascinantes à explorer. Le problème étant que l’adaptation de James Franco n’en choisit aucune.

 


Sharon Stone, une des nombreuses vedettes à participer au projet.


Le film reste à une surface confortable de tous ces sujets, se cantonne à un anecdotique rigolo, à une blague pour happy few sans grand intérêt. Franco impose sa performance en attraction principale de sa fête foraine pour invités triés sur le volet de leur second degré. James s’est gaulé, James porte une perruque, James force l’accent bizarre, James pousse l’incarnation toujours trop loin dans le malaise, sans jamais servir autre chose que lui-même. Qu’il adapte Steinbeck (dans In Dubious Battle / Les Insoumis), Faulkner (dans The Sound and The Fury) ou même qu’il se projette dans les scènes de club gay de Cruising (dans Interior.Leather Bar.), Franco n’en a toujours eu que pour son image de sous créateur, vampire du travail des autres. James Franco n’est finalement qu’un Tommy Wiseau arty, avec plus d’allant et d’entregent. The Disaster Artist aurait pu être une discussion passionnante, il n’est qu’un dialogue de sourd entre un réalisateur extraterrestre et son pendant respectable, qui se pense ô combien supérieur.

 


James Franco incarne Tommy Wiseau. On appelle ça une mise en abyme.


La déception surpasse peu à peu le caractère sympathique de la reconstitution, le côté fan service petit bras. Le pire surgit néanmoins en fin de film, lors de la première projection publique de The Room, massacre crispant rythmé par les rires cyniques de tous les participants. Un condensé de méchanceté à l’état brut, ne souffrant qu’une nuance infime, mal écrite, profondément gênante, à même d’interroger les fondateurs de Nanarland sur le bien-fondé de leur passion. Cette scène servira d’arme difficilement contestable pour étayer la détestation des amateurs de nanars, foule de lynchage moquant l’impudent qui aura osé sortir de la grammaire cinématographique majoritaire. Pas la peine de tergiverser ou d’embellir la réalité, le rire est souvent le premier réflexe de défense esthétique face à l’inconnu, à l’ailleurs cinématographique. Chez Nanarland, depuis bientôt 17 ans, ce n’est que le premier stade d’un véritable exercice en curiosité, d’une envie de défricher, de comprendre, d’aller de découvertes en découvertes, de faire partager cette face cachée du cinéma en mettant en avant, de façon ludique, ses aspects les plus hallucinants. On ne pourra pas empêcher certains spectateurs des Nuits Nanarland de hurler des vannes parfois méchantes, parfois relous pendant les projections, on ne pourra pas dissuader certains émules du site d’épancher une méchanceté qui nous fait franchement flipper. Par contre, on peut tout à fait avancer que nous ne nous reconnaissons pas du tout dans The Disaster Artist, que le film représente même la vision la plus sinistre de notre cinéphilie.

 


Dans sa description du personnage d’Ed Wood, Tim Burton n’est jamais dupe de la précarité du talent de son personnage principal, ce qui ne l’empêche pas de dépeindre son enthousiasme, sa foi à toute épreuve avec une admiration sincère. Ed Wood est un portrait de cinéphile par un autre cinéphile, un hommage à l’émotion constante, sublimé par une scène de plébiscite final fantasmée, sans doute le plus beau cadeau imaginable à la mémoire du réalisateur conspué. Dans Panic sur Florida Beach, le personnage de John Goodman, fortement inspiré de William Castle, est décrit certes comme une forme d’escroc, mais comme un bateleur passionné par son art. C’est bien le plus triste dans The Disaster Artist : on n’y ressent aucun sentiment pour le personnage de Tommy Wiseau, aucun amour pour le cinéma.

 



- Drexl -
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Drexl
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Rico
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Navet/ 5
John Nada
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B.F./ 5
Wallflowers
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Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Aussi étonnant que cela puisse paraître et quoiqu'on puisse penser du film, celui-ci a connu chez "Warner Bros" une sortie physique quasi confidentielle chez nous. Aucune VF ni VOSTF sur le blu-ray international et juste des sous-titres sur la version zone 2. Côté bonus c'est maigre là aussi, on trouvera aussi un making of du film.