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Doutes: chronique du sentiment politique

(1ère publication de cette chronique : 2018)
Doutes: chronique du sentiment politique

Titre original : Doutes: chronique du sentiment politique

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Yamini Lila Kumar

Année : 2013

Nationalité : France

Durée : 1h22

Genre : Barbie(r) fait du cinéma

Acteurs principaux :Christophe Barbier, Benjamin Biolay, Laura Guirao, Suliane Brahim

Barracuda
NOTE
3/ 5



Flashback : en 2013 sort “Doutes : chronique du sentiment politique”, un film de Yamini Lila Kumar avec au casting l’éditorialiste Christophe Barbier, son compagnon à la ville, et le chanteur Benjamin Biolay. Projeté le temps de quelques séances, le film suscite l’indifférence générale du grand public et de la critique. Indifférence inversement proportionnelle à l’excitation qui traverse alors la rédaction de Nanarland.
Nous avions en effet ce film dans le viseur, alléchés par son casting et sa bande-annonce qui nous rappelait les excellents souvenirs nanars du “Jour et la Nuit” de BHL. Les chanceux Parisiens de l’équipe (le film n’est pas sorti au-delà du périphérique) se sont donc précipités en salle le lendemain de sa sortie.
Et puis plus rien.
Doutes est en effet devenu introuvable depuis sa trop courte exploitation et avec un film aussi verbeux, difficile de s’atteler à la chronique sans le revoir au moins une fois...
Flash-forward en 2018 : votre serviteur cherche un vieux mot de passe dans les tréfonds de son téléphone. Et, divine surprise, retombe sur des notes oubliées prises à la volée pendant la projection du film 5 ans plus tôt ! Enfin une chance de faire partager au monde les débuts de Christophe Barbier au cinéma ! Ce qui suit est donc une transcription telle quelle de ces notes (moins les fautes de frappe) avec quelques paragraphes autour pour tenter de les contextualiser, en fonction de mes souvenirs diffus.

Note : l’intégralité du script du film est disponible sur le blog de la réalisatrice, mais il nous a semblé plus amusant d’écrire cette chronique en ne nous basant que sur des souvenirs.


La bande-annonce promettait déjà le meilleur…



Barbier poivre et sel
Poule au pot / poule au Paul
Le Barbier sanglant du café de Flore
Des jeux de mot faiblards qui sont à l’évidence des premiers jets pour trouver le “genre” du film. Pour préciser tout de suite, le personnage de Benjamin Biolay s’appelle Paul et celui de Christophe Barbier, Chris, et leurs compagnes respectives sont Albertine et Judith..
S'ouvre sur une chanson de Biolay
Biolay bouffe les mots pendant que Barbier récite
Biolay s’emmerde
Effectivement, je me rappelle que ça saute aux yeux et aux oreilles dès les premières minutes : Biolay n’articule pas, on comprend un mot sur trois, on croirait entendre Lou Doillon qui aurait mué. En face Barbier récite son texte comme s’il avait un prompteur en face de lui. Deux styles de mauvais jeu parfaitement complémentaires.


Christophe Barbier n’a pas l’air totalement convaincu par ce qu’on lui fait jouer.


Paul dit "Je déteste les rideaux" mais c’est le résultat d’une intense réflexion. Par contre il aime sa mamie, qui porte Femme de Rochas. 5 minutes de monologue sur le sujet, le regard fixé sur sa bibliothèque. En fait on apprend plus tard que c'est parce qu'il aime espionner ses voisins et deviner s'ils sont de droite ou de gauche.
Parlant d'une de ses voisines d'en face qu'il espionne : "Elle s'est pas faite baiser depuis trois ans. Elle me fait penser à Cécile Duflot"
Une scène extrêmement gênante qui donne le ton du film : Benjamin Biolay est pontifiant, chiant et pas qu’un peu creepy. Je me souviens qu’il nous explique aussi qu’il arrive à savoir qui est de droite ou de gauche parmi ses voisins selon leur façon de s’asseoir sur les toilettes.


Benjamin Biolay et la clope qui l’accompagne tout au long du film.


"J'ai du mal à comprendre l'irascibilité de Paul"
Barbier est l'insondable sondeur
Je demande l’indulgence du lecteur et rappelle que ces calembours étaient un premier jet dans le feu de l’action.

Journaliste d'élite, Paul se rend compte que Christophe Barbier est condescendant.
"Les journalistes, ces petits malins qui font semblant d'attendre une réponse qu'ils ont déjà formé dans leur petite cervelle"
Je ne sais plus qui dit cela, mais c’est étonnant considérant que les deux protagonistes sont eux-mêmes journalistes. Biolay plutôt tendance Libé/Mediapart et Christophe Barbier dans le rôle de composition d’un éditorialiste de télé avec une écharpe rouge (mais de gauche).
Des dialogues dignes d'"Eaux Sauvages".
Je ne dirai plus jamais du mal de "La nuit du risque".
Ce film avait vraiment dû nous marquer pour le comparer ainsi à la fois à la référence des nanars politisés et à la références des dialogues pétés.


Albertine boit les paroles de Chris et Paul.


Un film de suspense gastronomique : Biolay va-t-il faire du poulet ou une fondue ? Que fabrique Chris dans la cuisine quand sa femme rentre chez elle ? Et est-ce qu'il l'a fait lui-même ou acheté chez Picard ?
L’essentiel du film s’articule autour de Paul, Chris et leurs compagnes, qui s’invitent mutuellement à dîner ou vont au resto et discutent politique entre deux bouchées. Au cours d’une scène pleine de suspense, Benjamin Biolay prépare un molle poblano (une recette mexicaine de poulet au cacao) et toute la salle retient son souffle en attendant de voir si la cendre dégueulasse de sa clope au bec va tomber dans la casserole (spoiler : non).

Sa femme est juive et chaque fois il ne lui offre que des livres et des films sur la Shoah. On imagine que ça lui plaît vu qu’elle passe son temps devant Arte.
On parle ici du personnage de Christophe Barbier et de son épouse Judith, qui lui fait remarquer qu’il ne lui offre que des cadeaux qui parlent de la Shoah, et que certes ça l’intéresse mais qu’elle n’aurait rien contre des sujets un peu plus légers.
Barbier imite Sarkozy, on dirait Roger Hanin.
Un grand, un très grand moment de comédie que nous regrettons amèrement de ne pas pouvoir partager avec vous.
Biolay n'aime pas les vieux parce qu'ils jouent au bridge
Il fait toujours sa fixette sur ses voisins d’en face façon “Fenêtre sur cour” dans le 11e arrondissement.


Echarpe Rouge vs. Cardigan Blanc. Round 1. Fight !


"Est-ce qu'on est prédéterminé ou surdéterminé par un nom ?"
- Je vais prendre le 50/50, Jean-Pierre
Non seulement les personnages se prennent la tête sur tout et n’importe quoi, mais les dialogues sur-écrits et ampoulés n’aident pas à les prendre au sérieux et contribuent pour beaucoup à la nanardise du film.
Chris se fait enguirlander par sa femme parce que Sarkozy expulse des Roms, sans qu'elle lui reproche pour autant d'y être pour quelque chose (d'ailleurs il n'y est pour rien). Ce n'est pas très clair.
"La gauche, ce n'est pas comme ta mère."
Entre les aides à la presse et la participation du CNC à Doutes, Barbier peut prétendre au statut de fonctionnaire.
PAF ! Vous avez vu comment on dénonce sur Nanarland ?! Tremblez riches et puissants !
La femme de Biolay vient se confier à Barbier parce qu'elle déprime, il la branche sur la Libye. Elle se venge en lui faisant croire qu'elle couche avec DSK. C'est l'escalade dans la violence !
Sans doute la scène où le film bascule. Je me rappelle que chaque réplique nous avait plongé un peu plus profondément dans la confusion et l’ébahissement. Albertine, la compagne de Paul / Biolay, essaie de dire à Chris que ça va mal dans leur couple, ce dernier lui rétorque que les décisions, c‘est difficile à prendre, par exemple on ne sait pas quoi faire en Libye. Albertine répond en parlant de Marguerite Duras. Barbier enchaîne sur je ne sais plus quoi, et Albertine, frustrée, conclut en lui assénant qu’elle couche avec Strauss-Kahn et se barre.
Barbier prononce "Ayatollah Coménie"
En fait je n’en sais rien, si ça se trouve c’est la prononciation correcte.
Monologue de la femme de Biolay dans sa loge. What. The. Fuck. "Dans abandon, il y a don"
Une scène interminable et de mémoire peut-être la plus pompeuse du film, ce qui n’est pas peu dire. Judith est actrice de profession et ici on la voit dans sa loge seule face à un miroir pontifier pendant facilement 5 ou 10 minutes.
L'annonce que DSK a agressé une femme à New York, de Biolay à ses potes, est géniale.
Pour développer : Paul débarque sans prévenir au petit matin chez Chris et sa femme. Fébrile et paniqué, il leur explique que c’est la fin du monde, le cataclysme, la Troisième Guerre mondiale : DSK a été arrêté pour agression sexuelle. En face les deux autres ont encore la tête dans le cul et semblent surtout se demander comment le foutre dehors sans avoir l’air méchants.


Paul en plein tourment sentimental pendant l’affaire du Sofitel.


Albertine fait croire à Paul qu'elle le trompe avec DSK, mais en fait c'est pour le ramener à elle et ça marche, Paul est d'accord parce que DSK incarne la puissance sexuelle, et qu'il vote pour lui. (Seulement, il y a une chose qu'elle n'avait pas prévu et c'est la soudaine apparition de Rose, elle a déjoué tous ses plans !)
Apprendre que sa compagne couche avec DSK a en effet un puissant effet aphrodisiaque sur Paul. Si j’ai bien compris, l’idée, qu’on qualifiera pudiquement d’audacieuse, c’est qu’il a l’impression de faire ainsi indirectement l’amour à la gauche du gouvernement, incarnée par Dominique Strauss-Kahn, ce qui est apparemment son idéal érotique autant que politique.
Judith se plaint qu'elle ne peut parler à aucun des personnages du film. Du coup c'est le spectateur qui prend cher (cf. monologue dans la loge).
Je ne suis plus du tout sûr mais je crois que ça correspond à une nouvelle scène particulièrement hermétique où Judith parle à son psychothérapeute. Elle évoque notamment son rapport à sa judéité en expliquant qu’elle ne rate jamais un Thema sur Arte.


Au moins 2% de l’audience des Thema d’Arte sur cette image.


"Je crains que ce ne soit pas Hollande qui puisse ré-enchanter la gauche." La puissance du recul.
Chris et sa femme sont au bord du divorce parce qu'il ne vote pour personne. En gros.
Ca doit être vers ce moment du film que se situe la réplique culte de Christophe Barbier reprise dans la bande-annonce : “Quand tu me regardes, tu ne trouves pas que je ressemble à un canton suisse ?”, mais honnêtement je n’en suis pas sûr.
"Un attentat intellectuel, esthétique et moral" du coup ça rend insupportable ce qu'a fait Albertine. Sauf qu'en fait elle n’a rien fait. C'est compliqué.
Là, je bloque, ça ne me rappelle strictement rien.


Quand ils ne mangent pas ensemble, les personnages passent leur temps à se téléphoner.


Paul fait une vidéo Youtube pour dire qu'il déménage à Levallois à cause de l'affaire DSK.
Il réalise du même coup que Strauss-Khan est un social libéral, ce qui le pousse au suicide. SÉ-RIEU-SEMENT. La cervelle du spectateur explose en même temps que la sienne. La grosse déception, c'est que Benjamin Biolay reviendra quand même chanter le générique de fin.
Le final explosif du film. Chris, Judith et Albertine reçoivent un télégramme (!) de Paul avec visiblement un lien vers sa chaîne Twitch ou l’équivalent en 2013. Ils se connectent et tombent sur un live stream où Paul commence par leur expliquer qu’il veut déménager à Levallois-Perret, qu’il a réalisé sur le tard que DSK n’est finalement pas l’incarnation de la pureté du socialisme ni politiquement ni sexuellement, puis il sort un flingue et se tire une balle dans la tête (« SA TOURN MAL !!!!! » comme disent les jeunes sur Youtube). Intense moment de flottement, puis éclat de rire général dans la salle (c’est-à-dire trois nanardeurs et deux autres spectateurs dont au moins un s’est aussi marré tout au long du film).
Doutes, c'est quand on essaye de comprendre les motivations des personnages. Parfois aussi le sens des dialogues.
"Maintenant que la gauche n'est plus, je n'ai plus de raison d'être."
"Levallois, c'est pas beau, c'est pas loin."
"Je n'aurais pas pu te quitter pour cette raison même qui m'attachait à toi" Et vice et versa.


Judith en plein doutage...


Le film s'achève sur des images des dernières vacances de Christophe Barbier en Italie. Comme ça, gratuitement, pour le plaisir. Où on découvre définitivement que Barbier se prend pour Mitterrand.
Effectivement grosse impression d’images de film de vacances à Venise recyclées dans les dernières minutes. Je ne sais plus exactement comment mais il y a tout un échange sur comment Christophe Barbier a choisi son écharpe rouge légendaire par mimétisme avec Mitterrand.
Un mélange entre Jean-Michel Apathie, Cyril Lignac et Macha Berenger.
Un tiers de politique, un tiers de cuisine, un tiers de diatribes incohérentes déclamées au coeur de la nuit à des inconnus que ça n’intéresse pas. Un bon résumé du film.

Depuis la rédaction de cette chronique, nous avons appris de la bouche de Jean-Marie Vauclin (qui a distribué le film) que c'est le père de la réalisatrice qui lui a fourni le budget, d'un montant de 60 000 €, pour le réaliser. Merci papa.

- Barracuda -
Moyenne : 3.80 / 5
Barracuda
NOTE
3/ 5
Kobal
NOTE
3.5/ 5
Zord
NOTE
5/ 5
Drexl
NOTE
4.5/ 5
Rico
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 7/ Jamais Sorti

Barème de notation

Depuis sa courte exploitation en salle, le film n’a jamais été édité en DVD. Une copie dort certainement quelque part à la BNF ou à la Cinémathèque, mais qui sait quand elle reverra le jour.