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Popeye

(1ère publication de cette chronique : 2006)
Popeye

Titre original : Popeye

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Robert Altman

Année : 1980

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h53

Genre : Epinanar

Acteurs principaux :Robin Williams, Shelley Duvall, Paul L. Smith

Rico
NOTE
2/ 5


"- Ouais ben vous à Nanarland, vous vous moquez toujours des petits. Bruno Mattei, Jean-Marie Pallardy, Jesus Franco... Mais vous n’osez jamais vous attaquer aux cinéastes renommés qui font des films ratés !
- Ouah l'autre eh ! Et d'abord on a déjà parlé de Michael Bay ou de Luc Besson !
- Non j'ai dit cinéastes quand même...
- Ah, bon écoute, c'est vrai on a peut-être un peu tendance à se moquer des galériens de la série B, mais le propre des bons réalisateurs c'est de faire des bons films et pis c'est pas Supermovieland.com ici non plus.
- Ca m'étonnes pas, serviles avec les puissants, méprisants avec les faibles, vous devriez bosser à la télé.
- On aimerait bien... mais tu sais, depuis qu'on a failli se faire lyncher en place publique parce qu'on avait critiqué « Massacre à la tronçonneuse », on devient prudent... Et puis on rêve de se faire coter en bourse comme Google et Meetic ! Mais c'est vrai, tu as raison. Il faut parfois aussi faire preuve de courage. Faire un peu les poubelles des vaches sacrées du grand écran et prouver que même les plus grands peuvent faire des gros nanars bien ringards. Alors sois attentif aujourd'hui, nous allons te parler de « Popeye » de Robert Altman, avec Robin Williams."

 


Ben oui, malgré une double ration en moyens et en crédibilité, les plus grands peuvent aussi se planter. Prenons Robert Altman. Pas le dernier des ringards quand même. « M.A.S.H. », « Short Cuts », « Gosford Park »... Du bon, du gros, du lourd pour festivals de cinéma et critiques de revues respectables. Et bien voilà qu'en 1980, il s'est mis en tête d'adapter Popeye au cinéma. Oui, le dessin animé des années 1930 avec son marin shooté aux épinards. Une idée plutôt bizarre étant donné que le matériau original était déjà un peu limité au départ et que le personnage, né en 1929, avait quand même pas mal vieilli avec le temps. Mais bon, sous l'égide de Walt Disney et de Paramount associés pour l’occasion, voilà qu'il s'embarque sur ce projet disons... étrange.

L'histoire est réduite au minimum vital histoire de reprendre les principaux éléments du cartoon original : Popeye le marin recherche son père. Il arrive dans une petite ville portuaire sous la coupe du mystérieux Commodore et de son âme damnée Brutus. Là, il recueille un bébé, Mimosa, s'amourache de la longiligne Olive Oyl, convoitée par ailleurs par Brutus, et finit par devenir le champion de la ville contre le Commodore. Sur cette base aussi mince que le programme électoral de Ségolène Royal, Altman tourne 1h50 d’un film aussi vide qu’embarrassant.

Et pourtant il y a de l’argent : un village complet a été spécialement construit sur une île au large de Malte (que l’on peut d’ailleurs toujours visiter). On sent qu’un soin tout particulier a été apporté aux détails. Costumes, maquillages, bâtiments… c’est du sérieux, on voit que les techniciens se sont donnés à fond. Le film est d’ailleurs irréprochable techniquement (hormis le montage avec quelques curieuses sautes d’images peut-être dues à l’édition VHS).

 

 

 


Des décors particulièrement soignés.

L’un des points forts du film est que l’esthétique de ses personnages est très proche de celle du dessin animé. Popeye est interprété par un Robin Williams débutant plutôt plus sobre qu'à l'habitude (le rôle avait initialement été prévu pour Dustin Hoffman). Il se contente de tordre son visage et de marmonner continuellement, la pipe au bec, et ne s'anime vraiment que dans les (rares) scènes d'action. On lui a rajouté les biscotos proéminents qui font le charme du personnage et comme l’original, on ne comprend pas un mot sur deux de ce qu’il raconte. Shelley Duvall est aussi parfaite en Olive Oyl, perchée sur ses bottes quasi orthopédiques et dont la silhouette de haricot vert se balance dans tous les sens comme si elle semblait être perpétuellement sur le point de tomber.  A signaler aussi Paul Smith – il fut (entre autres) le sosie quasi officiel de Bud Spencer dans les faux Trinita qu’il tourna en Italie et le maton dans « Midnight Express » – qui reprend les airs de brute irascible et excédée de l’original pour interpréter le méchant Brutus.

 

 

 


Un casting à la hauteur, il faut le reconnaître.


Le gros problème qui se pose ici est comment donner une allure de dessin animé à des personnages vivants. Et c'est là qu’arrive le premier gros problème : à force de vouloir reproduire "en vrai" un matériau excessif et daté, le film finit par baigner dans une atmosphère assez délétère où rien ne fonctionne et où on a l'impression d'assister impuissant et vaguement gêné à un fabuleux naufrage. En fait dans ce film, tout concourt à une sensation d'étrangeté, tout sonne faux : les péripéties sont ineptes, les dialogues se veulent drôles sans réussir à l'être et les figurants en font des tonnes mais de façon très scolaire, s'échinant à se déplacer, à tomber ou à agir comme des personnages de dessin animé. En outre, comme les personnages secondaires n'ont finalement pas grand chose à faire, ils se contentent le plus souvent de s'agiter à l'arrière plan comme des automates. Et pourtant on sent qu’ils se sont tous défoncés pour tenter de donner un produit qui se voudrait drôle et entraînant. Les décors sont beaux, les acteurs en font des tonnes, la musique tonitrue de bon cœur, et malgré cette débauche d’énergie rien n’accroche le spectateur qui en est réduit à l’ennui poli, voire même carrément à la gêne quand il pense au talent gâché des individus entraînés dans ce naufrage. Le résultat ressemble à ces petits roumains aux grands yeux bruns tout tristes qui viennent laver votre pare-brise au carrefour et qu’on fait semblant de ne pas voir tout en se sentant vaguement salaud.

 

 

 


Du bon gag fin, le personnage qui ne cesse de shooter dans son chapeau en essayant de le ramasser.


Il n’en reste pas moins qu’au second degré, le film en devient drôle quand il essaye de transposer en live les outrances du dessin animé. De nos jours, le numérique permet de faire virtuellement n’importe quoi, y compris de reproduire les excès d’un « Tom et Jerry » (cf. « Le Mask », « La Souris » ou « Comme Chien et Chats »). En 1980, non. Pas très à l’aise avec les effets spéciaux, Altman en rajoute sur le latex et les effets mécaniques pour obtenir l’effet dessin animé désiré du style biceps qui grossissent à vue d’œil, méchant projeté dans les airs etc.

 

 


Le résultat déçoit car il est ostensiblement raté. Le final qui voit le tabassage d’une pieuvre géante en mousse est d’ailleurs un grand moment de n’importe quoi filmé. C’est aussi là que l’on comprend que vouloir mettre en images réelles une bande dessinée ou un dessin animé non réaliste n’est PAS une bonne idée. C’est pas fait pour ça !

 

 

 


Une authentique pieuvre en latex.


Second problème, le rythme. Transformer la matière de dessins animés de six minutes en film d’une heure cinquante nécessite de savoir construire une narration avec un sens du timing et un tempo irréprochable. Et là ? Ben… Altman délaye l’histoire en multipliant les personnages secondaires « pittoresques » et insiste sur le marivaudage entre Popeye et Olive. Peu de délires, peu de bagarres homériques, bref pas grand-chose de ce qui faisait l’intérêt du personnage. Non pas que ce ne soit pas une démarche intéressante de vouloir complexifier les choses… Mais tenter de complexifier Popeye ! Je ne suis pas certain que le public visé au départ, à savoir les enfants (car n’oublions pas que c’est une production de tonton Walt) soit vraiment apte à suivre un « Short Cuts » chez les marins mangeurs d’épinards ! Les résultats décevants au box-office le confirmèrent.

Et puis il y a les chansons. Puisqu’on est dans un film Disney, il faut que les personnages chantent. Et pour une fois la V.O. fait encore plus fort que la V.F. car les acteurs interprètent eux même les chansons. Et Faux. Celles-ci sont d’ailleurs assez catastrophiques dans l’ensemble, se contentant la plupart du temps de répéter toujours la même phrase. La palme revenant à « He needs me» interprétée par Shelley Duvall (chanson reprise par P.T. Anderson dans « Punch Drunk Love »).
"He needs me", même les Américains n'y croient pas.

La version française a au moins le mérite d’être musicalement un peu plus juste que la V.O. mais reste encore bien drôle du fait de la nullité des lyrics originaux. Evidemment reconnaître la voix de Jacques Balutin parmi les seconds rôles est toujours un petit plus pour le nanardeur nostalgique des années 1970.

 

 


Une débauche d'effets pas drôles.


Bref un beau ratage, parfois trop long, parfois parfaitement crétin qui pour une fois est signé d’un grand nom du cinéma. Ce qui en un sens nous rassure un peu, nous pauvres losers qui ne feront jamais rien d’autres que de gloser sans fin sur de prétendus mauvais films qu’on serait de toute façon bien incapable de faire nous-mêmes.



La mise en ligne de cette chronique a entraîné sur le forum pas mal de réactions contrastées. Si certains comme Zord ou Pythéas ont crié au navet pur et simple, Popeye possède quelques défenseurs. Ainsi Alcatel :


A priori, Robert Altman était loin d'être le réal le plus approprié pour ce film d'aventures gentillet, à une époque où l'un des meilleurs clients des vendeurs de came de Beverly Hills ne pensait que cinéma critique à petit budget. Il ne s'est pas impliqué personnellement, ça se voit : le film est parfaitement vide de tout propos. Personnellement, ça me convient parfaitement. « Popeye » assume de A à Z ce pour quoi il a été fait : le fun. Pour passer 1h30 agréables devant l'écran. Il y réussit très bien. Grâce à la technique, les décors, les acteurs à mes yeux très convaincants, et les effets spéciaux savamment bricolés. L'histoire est bien racontée... Il y a quoi ? Peut-être des sautes de rythme ? Et encore. Une imagerie un peu kitsch et surannée, même pour l'époque... Mais c'est un peu fait exprès, non ? Non, pour moi, je n'ai rien vu, rien, dans ce film, qui justifie sa présence sur ce site. Il amuse, il divertit, et il le fait bien. Et si on me demande de le revoir au premier degré, je suis partant deux fois plutôt qu'une.

 


I'm Popeye the sailorman... tchouk tchouk !

Dernier détail, Altman a avoué depuis s'être plus inspiré de la bande dessinée d'origine bien plus sombre que du dessin animé qui popularisa chez nous le personnage. Il avait d'ailleurs aussi un peu sciemment sabordé le projet suite des mésententes avec les producteurs qui voulaient faire de popeye un nouveau succès issu d'une BD à la Superman.

- Rico -
Moyenne : 1.63 / 5
Rico
NOTE
2/ 5
Labroche
NOTE
1.5/ 5
Wallflowers
NOTE
1.5/ 5
John Nada
NOTE
1.5/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation

 

Le film a fini par ressortir chez "Paramount" dans une belle copie DVD ou Blu-ray qui met en valeur l’esthétique soignée du projet mais hélas dénuée de bonus. C’est un région 1/A et il n’est nanti que des versions originales. On le trouve même en édition "boite d'épinards" !

 


En France il n’existe que des copies VHS, deux éditions aux visuels similaires, chez "Film Office" et "Walt Disney Home Vidéo", puis une ressortie chez ce dernier éditeur sous un visuel fort gnan-gnan.