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Bruno Mattei
(1ère publication de cette bio : 2003)Consulter la filmographie / Consulter les films chroniqués
Bruno Mattei (1931-2007), alias Vincent Dawn, mais aussi, en vrac : Michael Cardoso - Norman Dawn - David Graham - David Hunt - Bob Hunter - Frank Klox - Werner Knox - Pierre Le Blanc - Jimmy B. Matheus - Jimmy Matheus - Jordan B. Matthews - J. Metheus - Martin Miller - Erik (ou Herik) Montgomery - Stefan Oblowsky - William Russell - William Snyder - George Smith
« J’aime bien mes films, ce sont mes enfants mais si j’en avais la possibilité, je les referais tous ». C’est par ces mots que Bruno Mattei, lapidaire, commente sa carrière dans l’interview qui lui est consacrée sur l’édition DVD des « Virus Cannibale ».
Roublard, toujours à l’affût du bon filon cinématographique et jamais gêné par l’idée de copier sur son voisin, Mattei est devenu le réalisateur archétypal du bis italien des années 1980. Quitte même à disputer à Ed Wood la couronne de plus mauvais réalisateur du monde. Sa spécialité ? Un peu de tout, du moment qu’il y ait des nichons, de la violence sadique, du gore outrancier et un tout petit budget.
Au départ, l’ami Bruno, né à Rome en 1931, travaille comme monteur, comme son père, dont il reprend la société de montage dans les années 50. Il se vantera d’avoir monté plus de 100 films, surtout dans le cinéma de genre populaire et continuera toujours, parallèlement à sa carrière de cinéaste, à manier ciseaux et colle pour d’autres productions. Il travaille ainsi aussi bien pour Sergio Sollima que pour Jesus Franco. C’est probablement sa formation de monteur qui explique sa passion immodérée du stock-shot...
C’est tardivement, dans les années 1970, qu’il passe derrière la caméra : d’abord pour faire des films érotiques de commande sous divers pseudonymes, n’hésitant pas à s’aventurer sur des créneaux particulièrement graveleux où de jeunes filles innocentes sont livrées à la débauche dans des prisons pour femmes aux gardiennes sadiques, dans des couvents aux pratiques fort peu catholiques voire dans des camps nazis. Il tourne même en partie le premier grand rôle d’Ilona Staller, alias la Cicciolina, dans « Cicciolina amore mio », un film soft qui vaudra pourtant à ses auteurs des condamnations à de la prison avec sursis, la censure italienne étant encore très tatillonne.
Sadisme et érotisme resteront toujours ses genres de prédilection (faut dire qu’avec des titres comme « Les Aventures sexuelles de Néron et Poppée » ou « Porno Holocaust »...) et fin renard, il n’hésitera jamais dans ses films à déshabiller ses actrices pour les raisons les plus futiles (qu’on se souvienne de l’actrice de « Virus Cannibale » qui se met toute nue et se peint des motifs rituels sur les seins pour aller tailler le bout de gras avec une tribu de papous...).
C’est pour les besoins de ce dernier film qu’il adopte son pseudonyme le plus connu, Vincent Dawn, choisi en hommage à « Dawn of the dead » (« Zombie ») de George Romero. Sous ce patronyme, il s’essaie aux différents genres en vogue dans le cinéma bis italien : le post-apocalyptique (« Les Rats de Manhattan »), le gore (« Zombi 3 », dont il reprend les rênes après que Lucio Fulci soit, selon la version officielle, tombé malade en plein tournage) ou le policier (« Cop Game »). Arrivant après la bataille, il tente de redonner vie jusqu’en plein milieu des années 1980 à des genres déjà dépassés depuis dix ans. Il tâte ainsi du western (« Scalps » d’après un scénario de Richard Harrison et « Bianco apache ») ou du péplum (« Les 7 Gladiateurs » avec Lou Ferrigno et Sybil Danning !), sans grand succès.
Son grand truc pour faire passer un téléfilm fauché avec quatre acteurs minables dans un terrain vague pour une superproduction hollywoodienne, c’est le stock-shot. Poussé à un degré rarement vu, il transforme dans « Virus Cannibale » une forêt espagnole en jungle équatoriale de Papouasie en ajoutant aléatoirement dans son métrage des images d’animaux (y compris africains ou américains) ou des danses tribales volées à un documentaire, et tant pis si au passage le format et la qualité de l’image ne sont pas les mêmes...
La grande force de Bruno Mattei, c’est son absence notable de complexes : il n’est certes pas le premier réalisateur italien à s’inspirer fortement des succès du box office U.S. mais lui va aller plus loin. Il ne va pas simplement copier les films des autres, il va les photocopier ! Reprenant sans vergogne non seulement le scénario, mais carrément des plans entiers de productions américaines, il enchaîne sans état d’âme des remakes à peine déguisés du « Zombie » de Romero (« Virus Cannibale »), de « Rambo II » (« Strike Commando »), de « A la poursuite du diamant vert », « Les Aventuriers de l'Arche perdue » et « L'Arme fatale » – tout ça à la fois – (« Mission Suicide : Strike Commando ») ou de « Braddock, Portés Disparus III » (« Double Target »). Le summum du genre n’est autre que l’hallucinant « Robowar », décalcomanie complète de « Predator », avec vue subjective du monstre en fausses couleurs, équipe de mercenaires avec un rigolo binoclard et un éclaireur indien qui reste en arrière affronter mano a mano le Robowar en question et Reb Brown prenant les même poses que Schwarzy.
Evidemment, le résultat est toujours pitoyable et hilarant. C’est l’époque où notre Bruno enchaîne les films aux Philippines, alors paradis des tournages (beaux décors naturels, techniciens formés sur place, figurants pas chers…) et emploie au passage, aux côtés de stars hollywoodiennes dans la panade, les seconds couteaux habituels du bis philippin tourné pour l’export : Mel Davidson, Mike Monty, Jim Gaines…
Poussant le bouchon toujours plus loin, il n’hésite pas à tenter de faire passer ses films pour les suites de grands succès américains. C’est ainsi qu’après avoir longtemps caressé le projet d’un « Alien III » avant le film officiel de Fincher il nous offre dès 1990 un « Terminator II » vite rebaptisé « Shocking Dark » face à des menaces de procès de Cameron et dont l’affiche pille allègrement le visuel de l’original. Il récidivera quelques années plus tard avec un outrageusement minable « Jaws V », film de requin (pas plus nul que le IV en tout cas) où il détourne en plus la musique de Star Wars ! Bien entendu, après quelques pirouettes judiciaires, « Jaws V » devient « Cruel Jaws », mais pendant ce temps là, la confusion marche à plein et Bruno vends son film comme des petits pains sur le marché international de la vidéo. Encore plus fort, son film n’hésite pas à piller largement dans les images de « La Mort au Large » d’Enzo G. Castellari, film qui était déjà à la base un plagiat farci de stock-shots.
Quand il n'est pas réalisateur, il tâte aussi de la production. C'est ainsi qu'après avoir remplacé dans des conditions houleuses Lucio Fulci sur le plateau de « Zombi 3 » (voir la chronique de ce film pour comprendre toutes les embrouilles de ce tournage), au côté de son compère Claudio Fragasso, il profite de la présence de son équipe de tournage aux Philippines pour demander à Claudio d'enquiller sur un « Zombie 4 : After Death » torché à la va-vite. Lui de son côté tourne en même temps « Mission Suicide : Strike Commando ». Quitte à rentabiliser une session de tournage dans une jungle à l'autre bout du monde, autant en tirer le maximum et multiplier les films dans un laps de temps très court. D'où une saison 1987/88 particulièrement productive. Mattei s’appuie d’ailleurs largement sur la force de travail de son collaborateur Claudio Fragasso en lui faisant tourner certaines scènes de ses films : Fragasso serait d’ailleurs, à l’en croire, en partie l’auteur du mémorable « Les Rats de Manhattan ». On veut bien le croire, ce film étant un peu mieux réalisé que la moyenne des œuvres de Mattei… Fatigué et fâché d’avoir vu Mattei tronçonner le montage de l’un de ses films – on peut être réalisateur nanar et avoir le sens de l’honneur – Fragasso finira par se tourner vers le cinéma de prestige (avec le polar « Palerme Milan aller simple », qui casse la baraque au box-office italien), puis vers le petit écran, tandis que son ancien patron s'enfoncera de plus en plus profondément dans les arcanes de la série Z. Y’a pas de justice !
Lorsque, dans les années 1990, la production italienne s'essouffle, Mattei se tourne vers la télévision, comme de nombreux vétérans du bis italien. Il réalise quelques téléfilms érotiques mais les années héroïques semblent derrière lui.
Avec le temps, ses films, jugés cheap et mal fichus à leur sortie ont pris une sorte d'aura mythique, grâce à des amateurs de cinéma décalés qui, de Tarantino à Kassovitz (qui aurait, dit-il aimé faire un film sur le making-of de « Les Rats de Manhattan ») ont conféré à Mattei le statut de cinéaste culte.
Bruno Mattei reprend sa caméra à l’aube des années 2000 pour nous offrir une flopée de nouveaux films plongeant avec délice dans le revival du bis des années 80. Tout d'abord quelques téléfilms érotiques : « Belle Da Morire 1 et 2 », « Capriccio Veneziano », « Privé » dont les Italiens font une grande consommation.
Des producteurs facétieux et surtout amoureux du bis (on a parlé d'une participation de fans allemands) décident ensuite de contribuer à financer le retour de Mattei derrière la caméra pour de petits films tournés en vidéo. Coup sur coup, Mattei retrouve les joies des tournages aux Philippines et enchaîne des titres réjouissants comme « Snuff Killer », « Land of Death », « Cannibal World » (qu'il tente de faire passer pour la préquelle de « Cannibal Holocaust » !), « The Tomb » où il retombe avec délice dans tous ses travers : budget de misère, action ringarde, plans nichons et stock-shots à tous les étages, complaisance dans le gore crapoteux, bref Bruno sait pourquoi les gens achètent ses films et joue le jeu. A noter que « The Tomb » va même jusqu'à avoir le titre alternatif italien de « Non aprite quella tomba » (N'ouvrez pas cette tombe), qui plagie « Non aprite quella porta » (N'ouvrez pas cette porte), le titre italien de... « Massacre à la tronçonneuse » ! Le résultat est d’une pauvreté artistique hallucinante : image digne d’un porno de bas étage, interprétation innommable d’acteurs-serpillères dont même l’ANPE-spectacle ne voulait plus, effets spéciaux indignes d’un festival du Super-8 amateur. Il retrouve au passage Mike Monty, puis Jim Gaines pour les besoins de films de morts-vivants (« Island of the Living Dead ») et de prison de femmes (« The Jail : a women’s hell », où Monty, décédé en août 2006, fait sa dernière apparition à l’écran).
Hélas, alors qu'il était reparti pour nous offrir de nouveaux délires comme il en a le secret, il est atteint par des problèmes de santé. Hospitalisé en mai 2007 dans une clinique d'Ostie près de Rome, il s'éteint le 21 mai 2007, alors même que son dernier film, « Zombies : The Beginning » (il aura eu du culot jusqu’à la fin !) était proposé au marché du film de Cannes. Le cinéma bis italien perd une de ses dernières grandes figures encore en activité et Nanarland l'une des ses références.
Sources :
Imdb
Divers fanzine et sites spécialisés, dont Trash Time et celui hélàs disparu de Norbert Moutier
Interview sur le DVD américain de « Virus Cannibale » (Anchor Bay)
Films chroniqués
Filmographie
2007 - Zombies: The Beginning (Zombi: La creazione ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
2006 - Island of the Living Dead (L’Isola dei morti viventi ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
2006 - The Jail: A Women's Hell (Anime Perse ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
2005 - Belle Da Morire 2 (sous le pseudo de Pierre Le Blanc)
2004 - The Tomb / Non aprite quella tomba (sous le pseudo de David Hunt)
2003 - Snuff Killer - La Morta in diretta (sous le pseudo de Pierre Le Blanc)
2003 - Nella Terra dei Cannibali / Land of Death (sous le pseudo de Martin Miller)
2003 - Mondo Cannibale (sous le pseudo de Vincent Dawn)
2002 - Capriccio Veneziano (sous le pseudo de Vincent Dawn)
2002 - L'Altra Donna / Privé (sous le pseudo de Vincent Dawn)
2001 - Belle Da Morire (sous le pseudo de Vincent Dawn)
1996 - Ljuba / Body and Soul (sous le pseudo de Vincent Dawn)
1995 - Legittima vendetta (sous le pseudo de Vincent Dawn)
1995 - Cruel Jaws / Jaws V (sous le pseudo de William Snyder)
1994 - Dangerous attraction (Attrazione pericolosa ; sous le pseudo de Pierre Le Blanc)
1994 - Omicidio al telefono (sous le pseudo de Frank Klox)
1994 - Eye without a face (Gli occhi dentro ; sous le pseudo de Herik Mongomery)
1993 - Three for all (Tre pesci, una gatta nel letto che scotta ; sous le pseudo de David Graham)
1990 - Desire (Desideri)
1989 - Shocking Dark / Spectres à Venise / Terminator II (!) ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
1988 - Cop game (Giochi di poliziotto ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
1988 - Robowar (Robowar - Robot da guerra ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
1988 - Strike Commando II (Trappola diabolica ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
1988 - Zombi 3 (non-crédité, co-réalisé avec Lucio Fulci et Claudio Fragasso)
1988 - Zombie 4 : After Death (coproducteur, réalisé par Claudio Fragasso)
1987 - Rendez-vous in Trieste (Appuntamento a Trieste ; série télé)
1987 - Double Target (Doppio bersaglio ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
1987 - Strike Commando ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
1987 - Nato per combattere ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
1986 - Scalps (Scalps, venganza india ; sous le pseudo de Werner Knox)
1986 - White Apache (Bianco Apache ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
1984 - Les Rats de Manhattan / Les Survivants de la deuxième humanité (Rats - Notte di terrore ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
1983 - Révolte au pénitencier de filles / Révolte au pénitencier (Belgique) (Emanuelle fuga dall'inferno ; sous le pseudo de Gilbert Roussel)
1983 - Les Sept gladiateurs (I Sette magnifici gladiatori)
1982 - Pénitencier de femmes (Violenza in un carcere femminile ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
1981 - Les Aventures sexuelles de Néron et Poppée (Nerone e Poppea ; non-crédité et co-réalisé avec Antonio Passalia)
1981 - Caligula et Messaline (Caligola e Messalina ; co-réalisé avec Antonio Passalia et Jean-Jacques Renon)
1981 - Porno Holocaust (Holocausto porno ; non-crédité et co-réalisé avec Joe D'Amato)
1981 - Virus Cannibale (Inferno dei morti viventi ; sous le pseudo de Vincent Dawn)
1980 - Les novices libertines (La vera storia della Monaca di Monza ; sous le pseudo de Jimmy Matheus)
1980 - L’Autre enfer (L'Altro Inferno ; sous le pseudo de Stephan Oblowsky)
1980 - Sesso perverso, mondo violento
1979 - Le Sexe Interdit / Fantasmes africains (Sexual Aberration - Sesso perverso)
1979 - Ciciolina Amore mio (sous le pseudo de Jimmy Matheus)
1978 - Emanuelle and the Erotic Nights / Emanuelle e le porno notti nel mondo n. 2 (sous le pseudo de Jimmy Matheus / inédit en France)
1977 - Mondo erotica (Le Notti Porno nel Mondo ; sous le pseudo de Jimmy Mattheus)
1977 - KZ9 Camp d’extermination
1977 - Les Perversions du 3ème Reich / La maison privée des SS / Hôtel du Plaisir des SS (Belgique) (Casa privata per le SS ; sous le pseudo de Jordan B. Matthews)
1976 - Emmanuelle et Françoise (Emanuelle e Françoise le Sorelline ; non-crédité, co-écrit et a priori co-réalisé avec Joe D'Amato)
1976 - Love Sacrifice (Cuginetta... amore mio!)
1970 - Armida, il dramma di una sposa (sous le pseudo de Jordan B. Matthews)