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Deux grandes figures s'en sont allées


Deux grandes figures s'en sont allées

Nous avons appris le décès cet été de deux grandes figures du cinéma qu'on aime.

Le 19 août, Shin'ichi "Sonny" Chiba décédait à 82 ans du Covid-19 (merci les JO de Tokyo). Artiste martial complet (karate, judo, kenpo), il restera à jamais dans la mémoire des cinéphiles le héros de la franchise Satsujin Ken (The Streetfighter, dont le premier opus était sorti en France sous le titre... Autant en emporte mon nunchaku !) et, pour le grand public, Hattori Hanzo dans le diptyque Kill Bill de Tarantino (et pour la génération Gloubiboulga, le père d'X-Or dans la série éponyme). Figure majeure du cinéma d'exploitation nippon des années 1960 et 1970, il aura égayé de sa dynamique présence un nombre colossal de titres hauts en couleurs - parmi lesquels, précisons-le, très peu de nanars, à l'exception de bandes ultra-kitsch comme l'inoubliable Robots 2000, Odyssée sous-marine.



Autre acteur disparu cet été : William "Big Bill" Smith. Et là, prenons le temps de nous pencher sur un type qui a eu une putain de carrière, et aussi une putain de vie. Né en 1933, il grandit dans un ranch du Missouri, que sa famille devra abandonner suite au dust bowl (les grandes sécheresses qui ruinèrent le Middle West, coeur agricole des Etats-Unis). On est en pleine Grande Dépression, les Dirty Thirties que dépeindra si bien John Steinbeck dans son roman Les Raisins de la colère. A 18 ans, Bill Smith s'engage et part combattre en Corée dans les rangs de l'US Air Force. Le fait qu'il parle plusieurs langues (Anglais, Français, Italien, Russe, et aussi un peu d'Allemand et de Serbo-croate) l'amène à mener des missions secrètes pour la NSA et survoler l'URSS. Sportif accompli, il pratique le football américain à un niveau semi professionnel, la musculation et le culturisme, le kung-fu, la boxe (palmarès de 31 victoires pour 1 défaite au niveau amateur), il est champion de bras de fer, champion de fouet, fréquente assidûment les compétitions de ski et de motocross. Il a enseigné le russe à l'université de Californie, travaillé comme pompier, cascadeur, prof de gym, maître nageur sur la Côte d'Azur, et a tenu en tout près de 300 rôles au cinéma et à la télé.


William Smith : The Man.


Dans les années 70 il joue très souvent des rôles de dur à cuire, de cowboy farouche, de méchant de Blaxploitation (5 films), de biker avide de castagne (notamment dans Les Machines du Diable, où son gang de deux roues et lui sont envoyés par l'Armée affronter les Viet-congs !), et joue aussi les premiers rôles dans des films d'horreur et de SF comme Bébé vampire ou Invasion of the Bee Girls. Dans les années 80, il se bastonne avec Clint Eastwood dans une des scènes de bagarre les plus longues et les plus cultes du cinéma (Ça va cogner), se fait embaucher par des pointures comme Coppola (Rusty James) ou John Milius, qui lui fait jouer un Soviétique dans L'Aube rouge, et le père d'Arnold Schwarzenegger dans Conan le barbare. Et puis peu à peu, l'âge venant, il rejoint la triste cohorte de ces has been à l'aura déclinante, et se compromet dans une ribambelle de nanars aux titres ronflants comme Cybernator, Hell Comes to Frogtown, Legend of the Roller Blade Seven, Manosaurus, The Erotic Rites of Countess Dracula, Dans les griffes du dragon d'or ou Zombiegeddon, traversant ses scènes comme un navire sans gouvernail.

William Smith chez Andy Sidaris : la virilité incarnée.


Dans l'interview qu'il nous avait accordée, Jimmy Williams, qui avait eu l'occasion de diriger William Smith à plusieurs reprises, le décrivait ainsi : « C’était quelqu’un de merveilleux. Une fois qu’il s’était engagé sur un film, il était prêt à endurer n’importe quoi. Je l’ai vu enchaîner 18 heures de tournage d’affilée, subir les pires trucs, et il ne se plaignait jamais. Il était terriblement costaud, et jouait les gros durs à l’écran parce que c’est ce qu’on lui demandait de faire, mais dans la vraie vie c’était quelqu’un d’absolument adorable. » William Smith était pensionnaire depuis plusieurs années du Motion Picture Home (une maison de retraite pour anciens acteurs et techniciens du cinéma et de la télévision). Lui qui incarnait autrefois la force brute et virile, à travers d'innombrables rôles de machos bagarreurs au physique de mâle alpha, s'est éteint le 5 juillet dernier, à l'âge de 88 ans.