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JCVD

(1ère publication de cette chronique : 2008)
JCVD

Titre original : JCVD

Titre(s) alternatif(s) :Le Rois des Belges (Belgique), Van Dammage (USA)

Réalisateur(s) :Mabrouk El Mechri

Année : 2008

Nationalité : Belgique / France / Luxembourg

Durée : 1h37

Genre : Il faut sauver Jean-Claude

Acteurs principaux :Jean-Claude Van Damme, François Damiens, Zinedine Soualem, Karim Belkhadra, Jean-François Wolff, Anne Paulicevich

John Nada
NOTE
B.F./ 5


Une affiche qui nous dévoile un JCVD sans fard.


Comme cela avait été le cas pour le portrait d'Ed Wood qu'avait réalisé Tim Burton, Nanarland ne pouvait manquer de se pencher sur ce "JCVD" au concept alléchant. Sorte de film mi-docu mi-fiction où l'on retrouve Jean-Claude Van Damme dans son propre rôle, "JCVD" était attendu de longue date, tant par les cinéphiles curieux que par quelques irréductibles nourrissant l'espoir d'un improbable renouveau jeanclôdien. Une attente savamment entretenue par des teasers qui nous montraient l'action star belge comme on ne l'avait encore jamais vu : le visage marqué par le poids des ans, bluffant de justesse dans son jeu, avec une expression sombre et désabusée à mille lieux du sourire extatique et idiot qu'on lui connaissait à l'époque de ses frasques lexicales sur les plateaux télé. Au final, si "JCVD le film" ne nous aura pas entièrement convaincu, il mérite tout de même largement qu'on se penche dessus en ces pages ; d'autant qu'en France, il n'a malheureusement pas attiré les foules et semble pour ainsi dire être passé inaperçu.


Le pitch : à 47 ans, Jean-Claude Van Damme est un homme en crise, prisonnier d’une existence qui part en vrille. Entre ses problèmes fiscaux, la bataille juridique qui l'oppose à sa femme pour l'obtention de la garde de sa fille, les périodes de vache maigre du cinéma d'action (qui voient même Steven Seagal lui souffler un rôle), l'acteur belge est venu chercher dans son pays d'enfance, là où le mythe n’est pas totalement ébréché, le calme et le repos qu'il ne trouve plus aux Etats-Unis... Osons les grands mots : "JCVD" est une oeuvre protéiforme, ou tout du moins une oeuvre qui ne se laisse pas facilement catégoriser. A la fois portrait documentaire, film d'auteur, film de gangster (avec un art de la formule promo un peu malheureux, Jean-Claude Van Damme parle même de "comédie d'action"), c'est un film qui sur le fond se démarque du tout-venant des productions ciné habituelles, et rien que ça c'est déjà un bon point.


En fait, comme l'explique le réalisateur Mabrouk El Mechri, "dans JCVD, il y a deux films : un film d’action de Van Damme et un film sur Van Damme. L’un dans l’autre. Un jeu de poupée russe qui permet à l’acteur d’aller au-delà de lui-même, d’assumer et de dépasser son propre emploi. Une manière pour la star de se confronter à tous les aspects de son personnage public." Sur le papier, ce principe de mise en abîme, qui voit Van Damme l'acteur échouer au milieu d’un braquage qui dérape en prise d’otages, ne manque pas d'intérêt. On assiste ainsi à l’immersion d’un héros de cinéma dans la dure réalité, celle où les coups font mal pour de bon, où on ne tire pas des balles à blanc et où il n'y a pas de happy-end garanti. On découvre ainsi sans surprise qu'en dehors des plateaux de cinéma, une star de films d'action testostéronés est aussi vulnérable que n'importe qui. En se voyant dépouillé de sa toute-puissance et de son invincibilité, le personnage de Jean-Claude Van Damme y gagne d'autant en humanité, et il devient dès lors beaucoup plus aisé pour le public de s'identifier à lui, JCVD l'acteur déchu, le père malheureux, l'homme blessé, qu'à n'importe lequel des héros impavides et interchangeables qu'il a pu incarner dans ses films de tabasse des années 90. "Jusqu’ici, Van Damme avait toujours réussi à surmonter ses difficultés, mais dans JCVD, il est immergé dans une situation inextricable, où il n’a personne à sauver que lui-même (...) JCVD, où les initiales d’un homme qui n’a plus rien à perdre, épicentre d’une comédie noire et tonitruante sur sa vie."


Encore une fois, le concept de départ est on ne peut plus intéressant. Malheureusement, des deux films que contient JCVD - pour reprendre les termes d'El Mechri - le "film d’action de Van Damme" se révèle beaucoup moins intéressant que le "film sur Van Damme". En effet, cette histoire de braquage montée à grands coups de flash-backs / flash-forwards tarantinesques s'étire un peu trop en longueur, diluant l'intérêt du spectateur par son déroulement paresseux et son traitement archi-conventionnel. En revanche, le "film sur Van Damme" donne toute sa saveur à "JCVD". On y voit l'acteur de 47 ans ahaner sur le tournage de productions à petit budget, se faire humilier lors du procès pour la garde de sa fille dans une scène qui sent douloureusement le vécu, assister impassible à la diffusion télé d'un best-of de ses élucubrations métaphysico-cocaïnées, soupirer d'impuissance lorsque ses ambitions artistiques sont réduites en miettes par les exigences commerciales de son agent... Cette approche réaliste de la vie de Jean-Claude prend parfois des allures de chemin de croix, comme les prémices d'une hypothétique rédemption, mais le fan objectif qu'est El Mechri évite heureusement l'écueil de l'apitoiement mièvre et larmoyant en posant sur sa vedette malmenée un regard empreint d'une tendre ironie.


Ce sens de la dérision doux-amer, qui constitue peut-être l'aspect le plus réussi du film, est sans doute à mettre autant au crédit du réalisateur qu'à celui de sa tête d'affiche. D'une sobriété salutaire, Jean-Claude Van Damme fait en effet montre d'un réel talent de comédien, prouvant à ses détracteurs qu'il est tout-à-fait capable d'endosser un rôle qui ne se résume pas à un broyage de burnes sur fond de beuglement. L'homme jadis célèbre pour ses high kicks et ses aphorismes abscons nous bluffe ici par l'aisance avec laquelle il manie l'auto-dérision, notamment lorsqu'il nous dévoile quelques arcanes du nanar business (une pensée pour les réalisateurs chinois, la répartition des coûts de production d'un DTV tourné en Bulgarie et la queue de cheval de Steven Seagal).


Pour ce qui est de l'aspect technique, viennent peser dans le plateau "plus" de la balance une jolie photographie aux teintes mordorées et une réalisation qui, malgré quelques effets de style très dispensables, traduit des progrès certains de la part de El Mechri depuis son premier film, "Virgil". On saluera notamment une ambitieuse construction en plans-séquences, qui vient renforcer l'aspect documentaire de "JCVD" et permettre à sa vedette de briller à nouveau. Deux de ces plans-séquences auront retenu notre attention en particulier, deux scènes portées à bouts de bras par un Jean-Claude en état de grâce. Le premier tient lieu d'introduction au film, et nous montre qu'à 47 ans, le tataneur belge jouit encore d'une excellente condition physique. Le second prend la forme d'un monologue de 6 minutes environ, déclamé face caméra et les larmes dans les yeux, et qui en aura soufflé plus d'un, même si on pourra regretter le côté un peu "passage obligé" de cette séquence. Précisons tout de même que si "JCVD" prend volontiers la forme d'un écrin épousant la personnalité à géométrie variable de sa star, le reste du casting ne démérite pas, qu'il s'agisse de Karim Belkhadra en braqueur fan de Van Damme (partie prenante dans une des répliques les plus drôles du film), de François Damiens ou de Zinedim Soualem et sa coupe de cheveux tout droit sortie d'"Un après-midi de chien".


Zinedim Soualem...



...et Karim Belkhadra.


"JCVD" s'avère donc une réussite partielle, un film honnête mais non abouti au vu du potentiel de départ, notamment par manque de rebondissements et d'inventivité. Certes, Jean-Claude Van Damme n'est pas Ed Wood et Mabrouk El Mechri n'est pas Tim Burton, mais il y avait sans doute matière pour aller plus loin tant le registre du beautiful loser est riche en possibilités. Reste le plaisir, à ne pas bouder, de découvrir un portrait de Van Damme réellement touchant, une oeuvre singulière aux allures de plaidoyer via laquelle El Mechri s'efforce de redonner un peu de lustre au blason d'un homme victime d'une moquerie si facile et répandue qu'elle en est devenue écœurante. Un film un peu bancal qui, à l'image de l'idole qu'il entend réhabiliter, rattrape en grande partie ses maladresses par ses bonnes intentions et sa dimension humaine.


Le réalisateur Mabrouk El Mechri entouré du casting de "JCVD".

- John Nada -
Moyenne : 0.00 / 5
John Nada
NOTE
B.F./ 5
Kobal
NOTE
B.F./ 5
Rico
NOTE
B.F./ 5
Labroche
NOTE
B.F./ 5
Wallflowers
NOTE
B.F./ 5
Drexl
NOTE
BF/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

Le film est sorti en DVD chez Gaumont dans une version irréprochable, et avec tout un assortiment de bonus sympas : commentaire audio du réal, scènes coupées commentées (5 mn), les indispensables teasers (17 mn), un making of signé Frédéric Benudis et joliment baptisé "Vent d'âme", et surtout 2 docus de poids. Le premier, "Une journée avec Jean-Claude Van Damme" (53 mn), est réalisé par Mabrouk El Mechri et se déroule dans les rues de Bruxelles quelques jours avant la sortie du film "JCVD". Le second, "Dans la peau de Jean-Claude Van Damme" (46 mn), est un témoignage de Van Damme confiant à la caméra son histoire et ses erreurs. L'ensemble approfondit judicieusement le film "JCVD" en nous montrant l'acteur et l'homme tel qu'on le ressent dans le métrage : plus lucide que certains ne le pensent, sincère jusqu'à l'excès et profondément humain.