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L'Amour chez les poids lourds

(1ère publication de cette chronique : 2009)
L'Amour chez les poids lourds

Titre original : L'Amour chez les poids lourds

Titre(s) alternatif(s) :Convoi spécial, Love trucks

Réalisateur(s) :Jean-Marie Pallardy

Année : 1978

Nationalité : France / Italie

Durée : 1h30

Genre : Ulysse revient

Acteurs principaux :Jean-Marie Pallardy, Mike Monty, Jean Luisi, Jean-Claude Strömme, Georges Guéret, Elizabeth Turner, Nikki Gentille, Annick Borel, Ajita Wilson, Johnny Wessler, Franco Daddi, Gilberto Galimberti, Giacomo Furia, Paola Maïolini, Ely Gal

Drexl
NOTE
2.25/ 5

Sous un soleil écrasant, un imposant camion (un gros-cul, pour les puristes) s'arrête au beau milieu d'une carrière. Son conducteur, Jeff, accablé par ce climat étouffant, sort de sa cabine. Des voix féminines surgies de nulle part l'hypnotisent alors avec violence, à en croire ses gesticulations et ses borborygmes. Trois créatures vêtues de voiles vaporeux font leur apparition, avec leur cortège de promesses lascives et autres bouteilles de champagne et de whisky servies sur des plateaux d'argent. Alors qu'elles se livrent à des caresses filmées de façon adorablement vulgaire sur fond de musique crypto new-age, Ulysse se réveille à l'arrière de son bahut. Profil de baroudeur qui en a vu d'autres, sourire mutin et torse frondeur, il enfile son pantalon et part à la recherche de Jeff, son précieux sidekick.




Jeff et les sirènes du désert...



...heureusement pour lui, Ulysse n'est pas loin.

Pendant ce temps, à quelques centaines de milliers de kilomètres de là, un autre convoi s'apprête à vivre ses propres aventures extraordinaires. Jojo, routier aussi débonnaire que moustachu, tombe par hasard sur un avenant travesti dans les toilettes d'une station-service. L'occasion rêvée de jouer une bonne blague à son sidekick, Jeannot.


Jojo le routier et un travelo de station-service... attention, gag en vue !

Après une série de quiproquos d'un mauvais goût achevé, les deux compères arrivent au Truck Stop, un relais routier tenu par la mythique Pénélope : convoitée par tous les camionneurs, elle attend avec de plus en plus d'impatience le retour de son Ulysse (qui, selon la prophétie d'un vieux paysan aviné, va tous « leur foutre sur la gueule » quand il reviendra). Les tensions ne tardent pas à s'exacerber.




Le bien nommé Truck Stop, où Pénélope souffle le chaud et le froid disciplinaire, entre autorité et libertinage.

De leur côté, Ulysse et Jeff "récupèrent" chez leurs sirènes de terrain vague italien. Dans une superbe villa, ils se prélassent dans des hamacs ou font des longueurs dans la piscine, le tout entourés de personnes très peu vêtues. Mais, encore une fois, ces fameuses tensions rejaillissent lorsque Calypso, la maîtresse des lieux, devient un peu trop insistante dans ses avances vis-à-vis de l'infortuné Ulysse ; lui, le mythique routier, désormais dévolu à servir de sex toy à une fantasmagorie dramatiquement éculée. Le tout avec de pensants plans de coupe sur un perroquet râleur.


Pendant que Pénélope se fait du mouron...



...Ulysse fricote avec Calypso (l’actrice trans Ajita Wilson, plus connue pour ses films produits par le regretté Dick Randall).





Roâââ, roâââ, vous n'avez pas la forrrme aujourrrd'hui !

Histoire de calmer les ardeurs des habitués du Truck Stop à son égard, Pénélope les soumet au supplice de la clochette, pour savoir si l'un d'eux est digne de l'honorer. Le jeu est simple : ladite clochette est attachée au sexe de chaque participant. De toutes leurs forces, ils devront rester stoïques face au spectacle de deux naïades se papouillant sur une table. Très vite, les éliminations pleuvent (notons l'humiliation de Mike Monty, pris honteusement la main dans le sac de la tricherie).




"Celui qui fait sonner la p'tite clochette sort du jeu : il a perdu."







Mike Monty à Jean luisi : "Arrête de t'agiter, tu vas faire sonner ma clochette !"

Très vite, Ulysse fait part de sa lassitude quant au style de vie dionysiaque dans lequel son comparse se complairait volontiers jusqu'à la fin de ses jours, au détour d'un dialogue en forme de cri du cœur (« J'en ai marre de baiser sans arrêt (…) je te dis que je veux rentrer chez nous. Je veux retrouver ma femme et revoir tous mes amis. Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Tous les jours il faut baiser cette femme, et moi je commence à ne plus en avoir envie du tout, voilà ! (…) tu devrais bien essayer d'aller prendre la place un de ses jours, ça je te… hein… On verrait bien si ça te plairait de tringler matin et soir, pendant les repas, la sieste, sans jamais reprendre haleine, vas-y tu verras ! »). Ulysse pense à sa Pénélope « et aux copains qui sont en train de pleurer sur nous ».


« C'est mignon, il prend son cul pour une épuisette ! »



L'ambiance est bonne chez les camionneurs.

En fait de jérémiades, les potes en question oublient toutes convenances dans une scène placée sous le signe de l'anarchie la plus totale. L'on y fricote avec la gueuse, l'on s'y jette dans l'eau, l'on s'y colle des bourre-pifs, l'on s'y met des poissons dans le séant (d'où une réplique assez folle, quand on y pense : « C'est mignon, il prend son cul pour une épuisette »), l'on y tripote des filles avant de se refiler des gnons dans la poire, l'on s'y lance dans les arbres, l'on s'y lisse les moustaches d'un air concupiscent… On ne sait trop où tout cela va nous mener, mais une chose est sûre : l'ambiance est délétère, tant au niveau de l'action que de la mise en scène, en mode automatique.


Pif !



Paf !

Dès lors, les camionneurs du Truck Stop et Ulysse vont vivre d'autres péripéties du même tonneau, d'autres obstacles à traverser avant que les choses ne rentrent dans l'ordre, que le couple depuis longtemps séparé puisse fusionner de nouveau sous les vivats des spectateurs atterrés. À la grâce de cette fameuse tension crescendo, le climax du film oscille avec incertitude entre partouze, baston générale et course dans les champs (?). Mais une fois le mâle dominant de retour, le calme peut retomber sur cette singulière communauté, mi hippie / mi "beauf camp" pour étalon routier bourru.




La moustache, talon d'Achille du routier.

Comme vous l'aurez compris via ce résumé un rien orienté, il faut prendre L'Amour chez les poids lourds pour ce qu'il est : une pause récréative entre deux projets plus émotionnellement tendus pour son réalisateur (Le Ricain et La Donneuse). Jean-Marie Pallardy s'adonne ici avec un entrain presque communicatif aux joies de la comédie paillarde sans queue ni tête ayant pour partie contribué à sa renommée. L'ambiance est au relâchement le plus total, tant au niveau d'un script se basant sur une seule idée (adapter L'Odyssée d'Homère en érotique chez les camionneurs), exploitée uniquement en surface, qu'au niveau de l'interprétation.




Ulysse aux prises avec le fameux cyclope de la mythologie antique.

Le film est en effet guidé principalement par son atmosphère "bon enfant", propice à moult improvisations tant dans sa mise en scène, erratique à souhait, que dans l'enchaînement complètement improbable de ses péripéties. Il faut voir les séquences se déroulant au Truck Stop pour se prendre de plein fouet le bordel artistique ambiant, source de gags approximatifs (avec notamment un Jean Luisi en pathétique roue libre), de grivoiserie décomplexée et de bastons douloureusement empesées, signes extérieurs de testostérone mal gérée. Et si les scènes tournant autour d'Ulysse semblent bénéficier d'une attention particulière, c'est simplement pour asseoir la superbe de son acteur principal / réalisateur…


Groovy baby !



Jean Luisi et le gag du téléphone / fer à repasser...

Tout hallucinant qu'il soit, L'Amour chez les poids lourds souffre cependant d'un rythme contraint par les "exigences" primesautières de son metteur en scène, plus attentif à décrire les ambiances viriles de saines camaraderies sexuées entre routiers qu'à suivre les canons narratifs traditionnels.


Le retour du mâle dominant.

Enfin, on sait que le scénario d'un remake exempté de scènes coquines existe, qu'il s'appelle Pénélope Bistro (et qu'a priori, Alain Chabat, sollicité par Pallardy pour le réaliser, préféra alors tourner Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre – qui sait quel aurait été son destin s'il en avait décidé autrement…), et que son auteur aura à cœur de le concrétiser tant que sa vigueur tourangelle naturelle le lui permettra. Soyons sport, et souhaitons lui bon courage.

- Drexl -

Entretiens

Moyenne : 1.81 / 5
Drexl
NOTE
2.25/ 5
MrKlaus
NOTE
2/ 5
Rico
NOTE
2/ 5
Labroche
NOTE
1/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation


L'éditeur Le Chat qui Fume a accompli un travail de restauration, allez, disons-le, remarquable pour l'ensemble de la collection. Comme expliqué dans le bonus Le Journal d'une Restauration, le processus a été assez périlleux : après avoir numérisé toutes les copies d'un même film, il a fallu 1/ faire le tri entre les versions érotiques et les versions hard, 2/ gérer tous les problèmes de copies souvent issues de plusieurs chutes de pellicules, comme des bandes noires pas droites (d'où des recadrages parfois assez hardcore !), des couleurs délavées, des bandes-son désastreuses, des restes de scotch, témoins de la précipitation du montage… Et on en passe. Un travail de longue haleine, dont on savoure le résultat en tirant chapeau bas aux félins clopeurs.


Concernant L'Amour chez les poids lourds cependant, l'image présente un léger problème de désentrelacement dans les tiers supérieur et inférieur de l'image, ainsi qu'un grain assez peu satisfaisant pour une édition DVD. Des scories qui seraient inadmissibles sur le dernier blockbuster mais qui ici ne gâchent pas plus que ça la vision du film.

En bonus, on peut trouver un entretien d'une heure avec le réalisateur, Le journal érotique de Jean-Marie Pallardy. L'interview est filmée en plan fixe, dans un décor rococo, émaillée d'extraits "sulfureux" donnant furieusement envie au fan hardcore de s'envoyer l'intégralité de sa filmo dans la foulée. Le réalisateur y revient brièvement sur ses origines (pas vraiment la période de sa vie sur laquelle il est le plus disert…), ses débuts au cinéma, les conditions de tournage épicuriennes de ses œuvres érotiques, ses diverses collaborations, ses démêlés avec la censure. Le tout avec une verve typiquement pallardienne : une lecture totalement premier degré de sa filmographie, réfutant toute tentative d'analyse (voir comment le pauvre interviewer est rudoyé en fin d'entretien !), n'admettant ses fautes qu'à demi-mot (notamment sur le traitement, pas toujours très correct, de ses actrices), tout en assumant coûte que coûte ses œuvres. Son unique regret reste de n'avoir pas su demander plus d'argent à ses producteurs pour que ses films soient de meilleure facture… L'entretien ne couvre que le volet érotique de sa filmographie, et passe malheureusement outre ses films plus "traditionnels".


Outre Le journal érotique de Jean-Marie Pallardy et Le Journal d'une Restauration, cette édition DVD concoctée par Le Chat qui Fume propose également les 10 bandes-annonces de la collection Pallardy (qui ne sont malheureusement pas des bandes-annonces d'époque) ainsi qu'une galerie de cent photos issues de la collection privée du réalisateur.