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Alien Crystal Palace

(1ère publication de cette chronique : 2019)
Alien Crystal Palace

Titre original : Alien Crystal Palace

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Arielle Dombasle

Année : 2019

Nationalité : France

Durée : 1h37

Genre : Dans le cerveau d’Arielle Dombasle

Acteurs principaux :Arielle Dombasle, Nicolas Ker, Michel Fau, Joséphine de la Baume, Jean-Pierre Léaud

Kevo42
NOTE
4/ 5

Il n’est pas rare au cinéma que soit glissé un dialogue permettant au spectateur de bien comprendre les enjeux du film qu’il regarde. Deux phrases clés prononcées par les personnages d’Alien Crystal Palace permettent d’en saisir l’essence :

« Je comprends rien de ce qui se passe »

Et

« Pourquoi je m’inflige ça ? ».

La réponse à cette dernière question est inscrite dans le cœur du nanardeur prêt à réserver son samedi soir des semaines en avance, à traverser Paris sous la pluie pour aller dans le seul cinéma projetant Alien Crystal Palace, le nouveau film réalisé par Arielle Dombasle, avec l’espoir mêlé de crainte d’assister au pire, sachant qu’il ne nous décevra jamais.

Il ne sera question ni d’Alien ni de Crystal Palace dans ce film, mais d’alchimie herméneutique et d’amour contrarié entre un rockeur et une réalisatrice. Vu de loin l’histoire est relativement claire. Une secte férue d’antiquités égyptiennes veut réaliser un androgyne, être mythique fusion d’un homme et d’une femme. Pour cela, ils proposent à Dolorès Rivers (Arielle Dombasle) grande réalisatrice de vidéos d’art contemporain, de réaliser un biopic sur la dernière descendante des Pharaons. La musique de ce film sera réalisée par Nicolas Atlante (Nicolas Ker), un rockeur plutôt déglingue. Les deux sont censés être connectés au plan astral et tomber follement amoureux l’un de l’autre.

De près, les choses sont plus complexes, puisqu'on y croisera :

- Theo Hakola (rockeur américain, producteur des premiers Noir Désir dont Tostaki, la classe) en commissaire de la police herméneutique. On la reconnaît à ce que ses officiers portent des t-shirts en cuir avec « Police » écrit en caractères gothiques. Ils arborent aussi des sortes de gyrophares sur leurs casquettes, un accessoire pratique pour lire la nuit.
- Arielle Dombasle dans un rêve avec des lasers
- Des sacrifices humains au Caire
- Jean-Pierre Léaud en dieu Horus, tout en plumes et en servantes topless
- Un vague hommage au giallo
- Asia Argento qui vend du Beaujolais nouveau

A l’image du titre trouvé par un générateur aléatoire, il se passe toujours quelque chose de surprenant à défaut de cohérent dans ce film. Si le rythme ne paraît pas toujours constant, c’est que, comme le disait le Joker dans The Dark Knight, on a été trop vite frappé trop fort à la tête, nous rendant moins sensible aux autres coups.


Jean-Pierre Léaud fait le point sur sa vie. Comment en est-il arrivé là ?

Un des grands plaisirs que procure Alien Crystal Palace, c'est de voir Arielle Dombasle réaliser enfin son plein potentiel nanar. On pouvait nourrir deux craintes avant visionnage : que l’on ne ressente pas la personnalité de sa réalisatrice, ou qu’elle transcende son extravagance pour proposer quelque chose de très regardable et intéressant.

Heureusement Alien Crystal Palace est à la fois très personnel, très raté et surtout raté d’une manière très personnelle, tout comme Le jour et la nuit était un film que seul BHL pouvait commettre. On y croise la Arielle Dombasle abstraite, qui a travaillé pour les labyrinthes mentaux d’Alain Robbe-Grillet (on s’en souvient avec émotion), la personnalité extravagante qui a été modèle pour Pierre et Gilles, la femme très libre avec son corps du Crazy Horse, la chanteuse qui a travaillé avec Nicolas Ker, l’amie des poètes et hommes de théâtre expérimentaux, et on y retrouve même des éléments de sa vie personnelle.

Les multivers d’Arielle Dombasle fusionnent avec grande difficulté, sautant d’un genre à l’autre, intégrant des scènes érotiques au pied de biche dans son giallo ésotérique. Le plus étonnant est peut-être que la réalisatrice ne semble pas du tout chercher la cohérence. Il était certainement très important pour Arielle Dombasle d’évoquer le traumatisme enfantin de la mort de sa mère, mais enfin on ne voit pas tellement ce que cela vient faire là. D’autres éléments qui semblent très importants pour la narration ne débouchent sur rien. On a constamment l’impression de visiter un palais mental bien encombré qu’aucune Marie Kondo n’est venue réorganiser. Au moins peut-on être sûr qu’Arielle Dombasle s’est fait plaisir. Son personnage de génie de l’art vidéo a droit à des scènes saphiques totalement gratuites avec tout le casting féminin. Ainsi, on ne saura jamais pourquoi Asia Argento et elle dansent en pyjama satiné dans un lit alors qu’elles ne sont pas censées se rencontrer.


Michel Fau, le regard dans le vague, repense à des jours plus simples. Qu’elle paraît loin, La cage aux folles avec Francis Huster.

La personnalité d’Arielle Dombasle se retrouve aussi dans l’utilisation de son réseau au service du film. Son capital relationnel lui permet d’avoir un casting pas honteux (l’acteur de théâtre Michel Fau, Jean-Pierre Léaud, Asia Argento, Théo Hakola, Joséphine de La Baume d’Au service de la France et même Christian Louboutin), dans des décors prestigieux, entre palais vénitiens et luxueuses résidences cairotes. Pour autant on sent aussi que peu de moyens ont été investis dans cette production destinée à ne pas être exploité, ou si peu. Dans le film, Arielle Dombasle est censée tourner une superproduction, mais on ne voit que deux acteurs, trois techniciens et quelques hommes forts pour de la figuration. Cette mise en abîme est à l’image d’un long-métrage qui crie misère à chaque plan. Tout est cheap et moche. On pense à l’introduction de Kill for love pendant toute la partie à Venise, ce qui n’est jamais bon signe. La photo est immonde, le film mal étalonné, le montage brutal. Pour un quatrième film en tant que réalisatrice, on est étonné de l’amateurisme qui se dégage d’un ensemble brinquebalant à tous les niveaux.


L’équipe technique du film au grand complet.

On y retrouve de nombreux codes propres au nanar :
- Les acteurs prestigieux présents une seule journée, dont toutes les scènes se passent dans le même décor. Mention spéciale à Jean-Pierre Léaud, déjà évoqué ci-dessus, dont l’apparition donne envie d’appeler la police pour maltraitance sur personnes âgées.
- Le 2-en-1 : le personnage de savant fou alchimiste joué par Michel Fau commente l’ensemble de l’action, surveillant les personnages depuis le périscope de son sous-marin. Cela peut paraître étrange raconté ainsi, mais ce n’est pas plus clair à l’écran. Le commissaire passe aussi de décor en décor, sans se soucier plus de faire avancer l’enquête que de respecter une quelconque continuité géographique.
- Les plans nichons dès que le rythme ralentit.


Calme, luxe et volupté... C'est cool d'être un dieu...

Dernier élément indispensable au nanar, le jeu des acteurs est… particulier. On ne peut parler d'Alien Crystal Palace sans évoquer la présence lunaire de Nicolas Ker. Dans les dialogues, on nous vend un homme mystérieux, au charme duquel toutes les femmes succombent. A l’écran, on voit un homme à la silhouette étrange, peu charismatique et qui surtout n’a clairement pas dû dessoûler de tout le tournage. Traversant l’écran d’un pas hésitant, il articule avec la diction d’un Michel Houellebecq et la puissance gestuelle des meilleures séquences Actor's studio de ce site. Chacune de ses apparitions titubantes a le potentiel d’un cut à la Nuit Nanarland. Ce n’est pas le meilleur signe quand il s’agit de l’acteur principal.


Tourné en 2017 et sorti en 2018, Alien Crystal Palace serait né de la collaboration entre Arielle Dombasle et Nicolas Ker pour l'album La Rivière Atlantique. Nicolas Ker a d'ailleurs contribué à la composition de la musique du film.  Il est décédé le 17 mai 2021, à 50 ans. 

Dans les seconds rôles, on repérera aussi Michel Fau, acteur qui même au théâtre est considéré comme intense et extravagant. Dans le rôle d’un alchimiste conçu par Arielle Dombasle, il apporte la puissance des hommes de scène peu habitués à la caméra. De manière générale, le jeu des acteurs n’est pas plus cohérent que le reste du film. Certains surjouent, d’autres lisent leur texte inutilement compliqué d’une voix plate et monocorde, personne n’est vraiment juste. Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce film qu’une seule vision ne peut suffire à épuiser.
Alien Crystal Palace, c’est une histoire d’amour où les personnages principaux font tout pour ne pas être ensemble.
Alien Crystal Palace, c’est un giallo dont l’identité de l’assassin n’intéresse personne.
Alien Crystal Palace, c’est la puissance du nanar d’auteur à la française. Pour reprendre l’expression d’Hermanniwy, c’est Doutes réalisé par Norbert Moutier.
Dans les bonus du DVD de Devil Story, Frank Henenlotter évoquait le film de Launois en ces termes : « Je ne dirais pas que c’est un bon film. Je ne dirais pas que c’est un mauvais film. Je dirais : mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? » Cette phrase résume parfaitement ce que l’on ressent à la vision d’Alien Crystal Palace. La marque des grands.


Arielle Dombasle, prête à enchaîner sur le prochain X-Men.

On retiendra la réponse d’Arielle Dombasle à l’accusation d’avoir commis une série B voire Z :

J’adore tout genre au cinéma. Notam­ment les films de zombies qui m’excitaient au plus haut point quand j’étais au lycée, j’aime la peur, l’angoisse, le sang, la violence, le déchaînement des passions. J’assume tout cela gaie­ment. Je suis singulière. Mon cinéma l’est aussi. Quant à mon image, c’est quelque chose dont on n’est pas maître. Donc il faut faire en sorte de ne pas en être esclave. La volonté la plus grande qu’on porte en soi, c’est la volonté de vérité. Et quant à ces histoires de premier et de second degré, ma réponse c’est qu’il faut être funambule. L’hu­mour, la dérision sont des copains, c’est une façon de ne pas être aveugle à soi-­même par principe et de rester des énigmes à nos propres yeux. Comme dit un proverbe chinois : « On a besoin de têtes brûlées, pas de moutons ».

On espère donc qu’elle prendra bien cette chronique.

- Kevo42 -
Moyenne : 3.75 / 5
Kevo42
NOTE
4/ 5
Barracuda
NOTE
2/ 5
Kobal
NOTE
4.75/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5
Wallflowers
NOTE
3.5/ 5
Hermanniwy
NOTE
4.5/ 5
Drexl
NOTE
4/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Pas de blu-ray étonnement, mais le film est disponible en DVD chez "Epicentre" qui a déjà sorti les précédents films d'Arielle dans un packaging reprenant l'affiche originale. Il y a quelques bonus, dont des interviews bien hallucinées de Ker et Dombasle ou un making of du shooting photo de l'affiche justement.

Les menus du DVD sont à la hauteur du film, qu'on se rassure.