Recherche...

F.A.R.T. the Movie

(1ère publication de cette chronique : 2013)
F.A.R.T. the Movie

Titre original : F.A.R.T. the Movie

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Ray Etheridge

Année : 1991

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h29

Genre : Qui sème le vent...

Acteurs principaux :Joel Weiss, Shannandoah Sorin, Robert Axelrod, Conrad Brooks, Kim Delgado, Donald L. Jordan, Rich Levier, Michael Montroy, Shannon Ratigan, Suzanne Rose

John Nada
NOTE
1/ 5


« Dans la stupidité il est un sérieux qui, mieux orienté, pourrait multiplier la somme des chefs-d’œuvre. » Cioran

C'est l'histoire d'un type qui pète. Dans l'ascenseur. Dans la rue. A l'arrêt de bus. Dans le bus. Il pète et il adore ça. Quand il pète, il affiche un sourire dégoulinant de niaiserie satisfaite. Autour de lui au contraire, les gens font la grimace, se pincent le nez, lui lancent des regards lourds de reproches. Et lui fait comme si de rien n'était, toujours avec cet air d'imbécile heureux. Quand il rentre chez lui, le type pète encore, une fois, cinq fois, vingt fois, il pète, sa femme rouspète, il re-pète, sa femme re-rouspète. Le type pète toujours. Sa femme est à bout de nerfs, elle crie, elle pleure, elle n'en peut plus. On sent que ça va vraiment péter.


Attention, cet homme va vous massacrer le bulbe rachidien, vous ruiner le cortex, calciner vos synapses et vous atomiser jusqu'au dernier neurone. Cet homme veut violer votre âme. Cet homme est le Mal. Cet homme… est un pétomane.



Avant / Après.




Les nouvelles victimes d'une lâche agression dans les transports en commun.


F.A.R.T. the Movie appartient à une sous-catégorie particulièrement navrante de la comédie pouet-pouet : la comédie prout-prout. Un proto-genre qui asphyxie lentement mais sûrement le cerveau du spectateur, pet après pet, prout après prout, jusqu'à former un épais nuage d'une redoutable toxicité. Attention, je ne parle pas d'un film qui berce l'intelligence et vous l'endort profondément, non, F.A.R.T. the Movie MUTILE l'intelligence, en quelques minutes à peine, ses gags spectaculairement idiots vous empoisonnent l'esprit comme autant de glandes à venin. Devant un spectacle aussi nocif, une zone du cervelet sonne l'alerte, tente de se révolter, on voudrait réagir, zapper, éteindre sa télé dans un pur réflexe d'auto-défense. C'est peine perdue : on est hypnotisé par tant de bêtise, fasciné de façon presque morbide devant ce Sahara scénaristique, ce Gobi visuel, ce Mojave interprétatif : ce néant artistique absolu qu'on encaisse avec un abattement incrédule, les bras ballants, les pensées en déroute. Plus que le degré zéro de l'humour, plus qu'une énième manifestation de la profonde inanité de l'existence, F.A.R.T. the Movie est une œuvre terrifiante sur le vide.


Ah non, c'est pas du vide, c'est de l'air !



Born to prout : ici, Russel mesure l'intensité sismique de ses pets (gag !).




Apprenez les gestes qui sauvent.


Alors que leur vie de couple semblait jusque là glisser comme un pet sur une toile cirée, Russell le pétomane et sa bien aimée Heather entament donc une orageuse scène de ménage, à l'issue de laquelle l'épouse outragée déclare que si un jour on se mettait à parler de pets à la télévision, Russell serait tellement captivé qu'il ne sortirait même plus de la maison. Et bien figure-toi cher lecteur adoré que COMME DE PAR HASARD c'est très exactement ce qui se produit : Heather sort littéralement s'aérer l'esprit, Russell se retrouve seul, allume la télé, et va bientôt être scotché devant une succession de programmes consacrés aux flatulences.


Je rote, je pète, rien ne m'arrête !



Y a de l'eau dans les gaz…


A partir de là, F.A.R.T. the Movie bascule dans le film à sketches, à l'instar du réjouissant Cheeseburger Film Sandwich ou du pas terrible Onion Movie. Au programme : de fausses pubs, des émissions en plateau, des reportages, des chansons, des témoignages, des jeux, et aussi quelques comiques de cabaret qui racontent des blagues avec une remarquable absence d'entrain. Il serait évidemment fastidieux - et surtout bien au-delà de mes forces - de vous dresser une liste exhaustive de toutes ces horreurs, aussi riches en méthane que dénuées de subtilité. Disons que le contenu est à la fois (a)varié et incroyablement constant dans la nullité. On a ainsi droit à l'inévitable description des différents types de flatulences : les pets foireux, l'acronyme "SBD" qui désigne les pets "Silent But Deadly" (puisqu'il est de notoriété publique que "A subtle fart has more power than a loud one"), etc.



Autant en emporte le vent.


On a également droit à une parodie de discours de prédicateur, dans laquelle un gourou religieux prodigue à ses ouailles des conseils façon "La Bible revue par un anti-pétomane". Fervent partisan d'un régime sans pet, le révérend J. Purgess, de Rectum, Mississipi (gag !) nous apprend ainsi que les pets sont l'oeuvre du Malin, mais que pour nous autres pécheurs "la lumière est au bout de l'intestin".


Celui qui a vécu par les pets périra par les pets.


On nous assène aussi quelques faux spots publicitaires, dont la nullité n'est plus seulement gênante mais carrément douloureuse. Jugez plutôt : pour les personnes qui sont éloignées de leur famille et souffrent de solitude, "Fresh Wind" propose de reproduire les odeurs de pets de ses proches. L'exemple est donné avec un étudiant, qui a le mal du pays et à qui "Fresh Wind" permet de recréer l'atmosphère familière de la vie à la maison en quelques prouts : ceux du père, de la mère, de l'Oncle Charlie et du chien Fluffy... (une sorte de "madeleine de prout" en fait ?)


Achetez mon produit qui pue du cul.


Un des passages les plus psychotroniques reste à mon goût "Who cut the cheese?" ("Qui a pété ?"), un jeu télé façon "Questions pour un champion du pet" dans lequel s'affrontent trois candidats, devant un public invisible composé d'applaudissements enregistrés. Le principe est d'une violente simplicité : un présentateur fait écouter un bruit de pet, et les concurrents doivent retrouver qui en est l'auteur parmi plusieurs célébrités (s'agit-il d'un prout de Madonna ? de Cher ? de Roseanne Barr ?). Avant de répondre, les candidats doivent péter en guise de buzzer. Le potentiel comique très relatif de ce sketch se cramponne de toute sa maigre énergie sur un running-gag pathétique : le candidat le plus brillant, celui qui connaît les réponses, n'arrive pas à péter, et n'est donc pas autorisé à prendre la parole. En désespoir de cause, on voit son visage se crisper en une grimace écarlate, il contracte ses muscles abdominaux, il force, on le sent proche de l'apoplexie et soudain PRRRRRR !!!! Le malheureux candidat vient non seulement de souiller son pantalon mais aussi le plateau télé. Certes, le spectateur sentait venir ce pet foireux depuis plusieurs minutes déjà, mais en voyant le jeu se terminer ainsi, il réalise avec effroi et consternation qu'il s'agissait du climax comique du sketch, une sorte de bouquet final irrésistible sensé parachever le nec plus ultra de la rigolade. Terrifiant.



"If you know the answer to the question, you have to FART first!"


Que les auteurs qui ont écrit ces gags, le réalisateur qui les a mis en scène, les comédiens qui les ont joué, aient pu à un moment donné ne serait-ce qu'envisager que ces gags puissent être drôles, ça en dit selon moi aussi long sur la nature humaine que tous les conflits qui déchirent le globe ou que toute l’œuvre de Dostoïevski. Un internaute a d'ailleurs retrouvé un des types crédités comme auteurs au générique de F.A.R.T. the Movie, un certain Drew McWeeny, et voici la réponse que ce dernier lui a faite : « En 1990, alors que j'étais à Los Angeles depuis environ deux semaines, j'ai dégotté mon tout premier boulot de scénariste auprès d'un type un peu louche devant les bureaux d'une agence immobilière à Eagle Rock. Mon partenaire en écriture et moi, nous lui avons écrit deux sketches payés 150 $ chacun. Honnêtement, j'ai toujours cru que les choses en resteraient là, et que nous n'en entendrions plus jamais parler. Je suis ravi d'apprendre que le projet s'est concrétisé. Non. Sérieusement. Vraiment. » [source : Film Drunk]


Des acteurs qui en font des caisses.



Un réalisateur qui enfile les perles (il s'agit d'un trio de musiciens pétomanes).


F.A.R.T. the Movie pousse la logique de son sujet jusque dans ses ultimes retranchements, en faisant du pet le seul et unique ressort comique de tout ce qui ce passe à l'écran pendant 90 minutes. Vous vous souvenez d'Idiocracy de Mike Judge ? (si ce titre ne vous évoque rien, je vous incite à combler vos lacunes de toute urgence). Dans un futur où l'humanité a dégénéré, on y découvrait notamment un cinéma où une foule de spectateurs riait niaisement devant le dernier blockbuster, qui se résumait à un cul filmé en gros plan et pétant. Et bien ce film existe déjà, nous vivons en pleine idiocracie ! Bienvenue donc dans la "coussin-péteur-ploitation", un univers régressif où la fascination pour le pipi, le caca, et les prouts est devenue la norme. Russell, notre héros pétaradant, milite bruyamment pour le droit inaliénable de lâcher des fouines. Russell, c'est pas juste quelqu'un qui pète, c'est quelqu'un qui aime péter. Sa philosophie, véritable manifeste pour une pétomanie décomplexée, se résume à "Je pète donc je suis", ou à des considérations métaphysiques aussi profondes que "le gros côlon est-il à moitié plein ou à moitié vide ?". Russell, c'est le duo "Terrance & Phillip" à lui tout seul et en live.



Fart & Furious.



Pfff… Tout ça, c'est du vent.



Allez, et maintenant on applaudit bien fort le groupe "Medecine Wheel" qui nous interprète la chanson "Life's a Gas" ("La vie est un pet").


Extraordinairement bête, infiniment idiot, immodérément absurde, parfaitement imbécile, spectaculairement con, farouchement débile, prodigieusement inepte, intensément niais, suprêmement crétin, féériquement nul, invinciblement stupide : F.A.R.T. the Movie est de ces films abrutissants qui vous ensorcellent de sottise. """Comédie""" d'une extrême non-drôlerie, tellement nulle qu'elle décourage même l'ironie, c'est une œuvre comme seules les sociétés post-modernes et décadentes peuvent en engendrer. Une œuvre made in Grand Satan où la bêtise humaine et le cynisme mercantile exultent de concert sur la carcasse agonisante du bon goût, en lui sautant à pieds joints sur la gueule et en lui pétant à bout portant dans les narines. Une œuvre au-delà du nanar, au-delà du navet, à vivre comme une expérience quasi-nihiliste. Mais attention, je vous le dis comme je le pense : un visionnage répété de ce film conduirait n’importe quel sujet sain à la camisole de force !


Bon… et sinon à part ça, ça farte ? Vous voulez une projection en odorama les amis ?


Sur le site officiel du film (oui, il existe un site officiel pour ce truc !), on apprend quelques anecdotes amusantes. Par exemple, le fait que la petite annonce que les producteurs voulaient faire paraître afin de recruter des techniciens pour le tournage ait été refusée par plusieurs publications à cause du mot "fart", qu'ils ont dû changer en "windbreakers". On y apprend aussi que le film a été tourné en 30 jours, pour un budget total de 43 000 $. On rapporte enfin qu'au cours du tournage, un des acteurs du film, Conrad Brooks, aurait déclaré au producteur en se marrant : « J'ai désormais le privilège d'avoir travaillé sur les deux pires films de tous les temps… "Plan 9 From Outer Space" et "FART". »


Chouette, me voilà enfin en odeur de sainteté auprès de Nanarland !


Précisons que Conrad Brooks (image ci-dessus) est une figure de la série B. Il a commencé sa carrière d'acteur en tenant de petits rôles, notamment dans les films de Ed Wood ("Glen or Glenda", "Jail Bait", "La Fiancée du Monstre", "La Nuit des Revenants", "Plan 9 From Outer Space"). Sa carrière a connu un gros hiatus entre 1960 et 1985, puis le regain d'intérêt du public pour Ed Wood lui a permis de se relancer. On l'a d'ailleurs vu dans le "Ed Wood" de Tim Burton, "I Woke Up Early the Day I Died" (un film de 1998 adapté d'un scénario inédit de Ed Wood), un remake titré "Plan 9" en 2013, ainsi qu'une quantité extravagante de zéderies aux titres ronflants tels que "Bikini Drive-In", "Blood Slaves of the Vampire Wolf", "Rollergator", "Zombiegeddon", "Soul Robbers from Outer Space", "Invasion of the Reptoids" ou encore "Dans les griffes du dragon d'or"…

- John Nada -
Moyenne : 2.17 / 5
John Nada
NOTE
1/ 5
Rico
NOTE
1.5/ 5
Labroche
NOTE
4/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation
Ce F.A.R.T. the Movie a sournoisement attiré notre attention après que Joe Pickett et Nick Prueher aient exhibé la jaquette du film dans le Volume 6 de leur vénéré Found Footage Festival. Le film n'est bien entendu sorti qu'aux Etats-Unis, tout d'abord dans une édition VHS condensée de 30 mn dans des magasins locaux comme Spencer's Gifts, ou Funny Side Up. Puis dans sa redoutable version longue de 90 minutes, toujours en VHS. En 2007, Golden West Films, le studio qui a produit F.A.R.T. the Movie, ressort la chose en DVD multi-zone. La sulfureuse galette numérique est disponible sur le site officiel du film, et via Amazon.com, au prix de 13 $ environ. S'il est déjà très délicat de recommander la vision d'une telle abomination à l'usage courant, on la déconseillera à plus forte raison aux non-anglophones, du fait des nombreux jeux de mots intraduisibles qu'il contient, et qu'on retrouve jusque sur la jaquette ("This movie needs to be aired out").


Attention, en 2000 est sorti un autre film baptisé F.A.R.T. the Movie! (visuel ci-dessous). Il s'agit d'une comédie pas finaude (en même temps avec un titre pareil...) réalisée par un certain Matt Berman, et qui est également connue sous le titre moins connoté Artie.