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New Délire

(1ère publication de cette chronique : 2024)
New Délire

Titre original :Saajan Chale Sasural

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Eric Le Roch, David Dhawan

Année : 2007

Nationalité : France

Durée : 1h25

Genre : Arrête de ramer t'attaques le malaise

Acteurs principaux :Jean-Marie Bigard, Luis Rego, Pascal Légitimus, Tabu, Charlotte de Turckheim, Mathilda May, Govinda, Karisma Kapoor, Serge Hazanavicius, Simon Abkarian, Hélène de Fougerolles

Barracuda
NOTE
1/ 5

Il n'y a pas vraiment de bonne ou de mauvaise raison de chroniquer un film sur Nanarland. En général on le fait parce que c'est un beau nanar et qu'on a envie d'en parler, de le faire découvrir, de partager l'excitation et le plaisir de la découverte.

Mais parfois, comme ici, on le fait pour garder une trace. Face à un film pas tellement drôle mais particulièrement curieux, embarrassant, improbable ou tout ça en même temps, on éprouve le besoin d'en parler, ne serait-ce que pour passer à autre chose. On se dit aussi que, dans une certaine mesure, si Nanarland n'en parle pas, alors qui le fera ?


Voyons d'abord l'objet New Délire de l'extérieur. La jaquette sonne comme un défi : "Un film Bollywood détourné par Eric le Roch", clame-t-elle comme s'il y avait de quoi en être fière, avant de mettre en avant le casting vocal le plus WTF de ce côté-ci des Portes du Soleil.

Alors qu'on est encore en train d'encaisser la moitié supérieure de l'image, l'écusson en bas à gauche tombe sous notre regard : "Pierre et Marie Curry ont adoré !" vante-t-il pour nous achever. Une création graphique touchant au sublime, promettant une œuvre capable d'atteindre les plus hautes cimes de la Cordillère du Malaise en combinant racisme à deux balles et humour décomplexé. Ou le contraire. On n'a même pas lancé le film qu'on se trouve déjà sur la défensive.

On n'est pas prêts. On sait seulement qu'on va prendre cher.


New Délire
n'est donc pas un film ordinaire : c'est un détournement humoristique dans la lignée de La dialectique peut-elle casser des briques ou La classe américaine. Il s'agit d'un remontage et d'un redoublage de Saajan Chale Sasural, comédie romantique sortie en Inde en 1996 réalisée par David Dhawan et mettant en scène les vedettes Govinda, Karisma Kapoor et Tabu.

Le film a connu un très large succès public en Inde lors de sa sortie, mais n'est pas particulièrement notable vu de France. Le choix de Saajan Chale Sasural comme base de détournement est d'ailleurs un premier sujet d'étonnement considérant que le cinéma indien produit régulièrement des films bien plus grand-guignolesques, qui auraient mieux prêté le flanc à la parodie.


Saajan Chale Sasural
  raconte la romance entre Shyamsundar Gupta (joué par Govinda dans la version originale, renommé Bobby et doublé par Pascal Légitimus dans New Délire), jeune paysan chanteur à la voix d'or monté tenter sa chance à la ville, et Divya Khurana (jouée par Tabu en VO, renommée Fanny et doublée par Mathilda May dans New Délire), fille du plus gros producteur de musique du pays (Jean-Marie Bigard). Leurs épousailles sont contrariées lorsque Shyamsundar apprend que sa première épouse (Karisma Kapoor / Paula en VF / Hélène de Fougerolles) qu'il croyait morte est bien vivante et qu'il se retrouve donc accidentellement bigame. Gags et quiproquos s'enchaînent lorsque le bellâtre tente de mener de front ses deux mariages et sa carrière naissante, tout en devenant la cible d'une redoutable groupe de Méchants™.

Voix off en verve : "Une robe goût-de-chiotte... Des lunettes Afflemou... Les invendus du catalogue des Trois Cuisses".

"Toi, avec tes bandes sur le front, tu peux toujours faire sponsor pour Adidas !" Ha ha ! Ha. Ha. Argh.

"Machin" le sidekick de Bobby, est doublé par Luis Rego en français. Le mec au casque à corne est une incrustation blague qu'on n'a pas comprise.


New Délire
reprend dans les grandes lignes la trame du film original, en rajoutant des blagues vaseuses, des bruitages "rigolos" et des gags visuels insérés plus ou moins à l'arrache dans l'image. Le montage est aussi plus court, 1h25 là où l'original d'après IMDB faisait 2h15 – très franchement ce n'est pas plus mal, je ne suis pas sûr qu'on aurait supporté trois-quarts d'heure de plus sans risquer à la fois la rupture d'anévrisme et celles des relations diplomatiques.

Comme toujours avec les comédies qui entassent 10 gags par minute, il y en a une poignée qui fonctionne : un running-gag de Pascal Légitimus s'exclamant "Vous n'aurez pas ma liberté de penser !" chaque fois que Bobby se fait malmener dans les bagarres, le générique de Fort Boyard qui se lance pendant une scène de cascade, ou cette réplique lorsque Bobby vient libérer ses dulcinées emprisonnées : "Je vais vous détacher, est-ce que vous avez du K2R ?!" nous ont ainsi fait rire au premier degré. C'est tout, oui ça fait trois. [NDLR : Et encore Barracuda est le seul ici à avoir ri à la blague du K2R] [Note de Barracuda : J'assume.]

Voyez, ici, s'ils avaient juste écrit " José Bové", ça faisait une blague, mais en écrivant "José Beauvais", ça fait DEUX blagues en un seul plan ! C'est ça la puissance de l'humour français !


Un mot sur les inserts visuels, qui sont à la fois la principale originalité du film par rapport à ses modèles de détournements, et la source des blagues les plus affligeantes. Un mot disais-je, ou plutôt, une série de caps car les mots nous manquent.

Mouhahaha le "Concours de vieilles moches" au "Pek'Noz" !!!!!!!

Ce film est un vrai remontage... Mahal ! Vous l'avez ? Remontage Mahal !

Il y a aussi un gag récurrent qu'on n'a pas compris, avec l'insertion d'un mec qui joue au golf à l'arrière-plan d'une dizaine de scènes.


Si New Délire échoue comme comédie c'est parce qu'il n'est pas très drôle, et s'il échoue comme nanar c'est parce qu'il n'est jamais très surprenant. Qu'est-ce qu'on se dit en voyant la jaquette et en lisant le résumé ? Que tout le projet sera d'une condescendance insupportable envers le cinéma indien, que les blagues seront consternantes et que la seule inconnue, c'est de savoir si ce sera un peu raciste, moyennement raciste ou très raciste. Et c'est exactement ce qui se confirme au visionnage. La toute première réplique du film voit Bobby se plaindre "des Roumains qui ont envahi les rames de métro". La blague sur "Pierre et Marie Curry" est recyclée trois fois dans le film. La seule chose peut-être qu'on n'avait pas venu venir, ce sont les "tarlouzes", "lopettes" et autres "pédés" saupoudrés généreusement tout au long du métrage, sorti on le rappelle en 2007.

Quand on tient une bonne vanne, on ne la laisse pas filer comme ça !


Et la fin.

On a repoussé ce moment tant qu'on a pu, mais il faut qu'on vous parle de la fin.

Nous sommes juste avant la séquence de chant finale. Alors que Bobby doit choisir entre ses deux dulcinées, Pascal Légitimus et Eric Le Roch interrompent le film et apparaissent face caméra. Ils invitent (fictivement, en fait c'est un mini-sketch) le spectateur à voter par SMS pour décider laquelle des deux épouses deviendra légitime et laquelle réactivera son compte Meetic. Et ils le font… déguisés en "Indiens". Avec sur le front le point rouge hindou traditionnel. En full brown face. 

Amenant une réponse définitive à la question du niveau exact de racisme du film.


Ponctuée de blagues sur le foot, la gastro, Limoges et Thierry Ardisson, la séquence n'est pas drôle, elle n'est pas non plus nanarde à proprement parler, mais elle provoque certainement un sentiment de gêne d'une intensité rarement vécue ailleurs. En plus elle est interminable (3 minutes en temps réel, 3 heures à se cacher les yeux derrière ses doigts en temps ressenti).

*Soupir...*

On en revient à la source de cette chronique de New Délire : ce genre de dérapage filmique aussi incontrôlé qu'improbable, cette cascade qu'il n'aurait jamais fallu tenter, ce moment de cinéma qu'on encaisse comme un atémi à la gorge et qui vous laisse pantelant de honte dans votre fauteuil… si on n'en parle pas sur Nanarland, qui le fera ?

Au moins ils ont eu l'air de s'amuser en le faisant...

- Barracuda -

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

Le film a eu droit à une sortie au cinéma dans quelques salles, et le DVD se trouve encore facilement d'occasion en ligne.