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Champagne and Bullets

(1ère publication de cette chronique : 2023)
Champagne and Bullets

Titre original : Champagne and Bullets

Titre(s) alternatif(s) :Road to Revenge, GetEven

Réalisateur(s) :John De Hart, James Paradise

Année : 1993

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h30

Genre : Better Call Saoûl

Acteurs principaux :Wings Hauser, William Smith, Jimmy Williams, John De Hart, Pamela Jean Bryant, Elaine Young, Rebecca Warren, Cassandra Leigh

Kobal & John Nada
NOTE
3.25/ 5

LA CHRONIQUE DE KOBAL

Rick Bode est un super flic de Los Angeles et un artiste martial accompli. Mais lorsque l'assaut d'un mobil-home à dealers tourne mal (un flic ripou prend de mauvaises décisions et un collègue se mange une bastos), il est injustement radié des forces de l'ordre. Désormais chauffeur de limousine qui largue ses passagers en pleine brousse quand ils ont l’incorrection de lui jeter des petites culottes sur la tête, Rick peut recroiser dans un rade miteux Cindy, son ex-flirt qui doit bien avoir vingt ans de moins que lui.

Contrairement à la maxime, le coup de foudre peut bien frapper deux fois au même endroit.

Sûr de son charme puissamment musqué, Rick Bode la séduit comme au premier jour avec une chanson de country de son cru (Do the Shimmy Slide !), puis lui fait l'amour comme un Homme, sur une peau de bête, devant un feu de cheminée, flûte de champagne à la main, les mamelons de sa partenaire gonflés de désir érectile par le glaçon que notre séducteur passe langoureusement dessus. Et, zénith de la bacchanale polysensorielle, jamais ne cesse l'accompagnement musical country mettant en exergue sa voix d'airain.

Rick fait parler l'animal du déhanché érotique qui sommeille en lui (à droite, le guitariste Bill Mills qu’on avait interviewé ici).

Tout n'est plus alors que langueur, béatitude et longues scènes supplémentaires de sexe (fallait bien rentabiliser l’argent investi dans le recrutement de la playmate Pamela Jean Bryant), toujours sur fond de country chantée par notre couple (fallait bien rentabiliser les droits d'auteur). Rick en vient même à réciter une tirade de Shakespeare à sa belle, histoire de prouver que son personnage est aussi mauvais acteur que lui-même (une mise en abyme vertigineuse à ne pas tenter chez vous sous peine de créer un puissant vortex nanar). Mais il existe un vilain petit nuage jetant une ombre sur ce nouvel Eden : Cindy est en proie aux persécutions d'anciens compagnons de route, du temps où elle fréquentait innocemment une secte sataniste.

Rick ne lésine pas sur les scènes de fesse lui permettant de peloter avec méticulosité son actrice vedette, comme ici dans la baignoire…

…où là devant la cheminée, où il titille les tétons de sa partenaire avec un glaçon (Le feu et la glace ! La belle et la bête ! Rick, apprends-nous à faire l’amour !).

Ces méchants garçons lui cherchent des poux depuis qu’elle a osé quitter l'organisation, suite à un désaccord avec la ligne dogmatique officielle au sujet des sacrifices de bébés. Le spectateur s'en tape le front : fichtre, cela explique donc pourquoi des marlous mal élevés s'en étaient pris à elle à la fin du concert de country ! Heureusement, Rick n'avait eu qu'à lever le poing avec une profonde démotivation pour les réduire au silence. En effet, ses techniques martiales ont beau avoir la vigueur de Droopy et passer à plusieurs centimètres de la cible, elles ont tout de même un effet de destruction immédiate sur tout individu à proximité (sans doute l'effet de blast).

Pif ! Paf ! Justice est rendue !

Mais une telle rouste ne saurait suffire à éradiquer le Mal qui, dans l'ombre, continue de conspirer pour faire chuter les Justes. Il se pourrait même que le président de l'association des amis de Satan soit une vieille connaissance de Rick, du genre qui aurait pris du galon chez les bleus. Le réseautage luciférien, y'a que ça de vrai pour booster sa carrière.

Une cérémonie sataniste cheap-o-nanar…

…qu'accompagnent des acclamations extatiques…

…et où l’on sacrifie des p’tits bébés joufflus.

« Satan, on t’aime ! »

Aaah, si tout le film pouvait être comme la vie de Rick, quel beau nanar nous aurions là. C'est donc terriblement dommage que Champagne and Bullets diverge progressivement vers les déboires de son vieux pote Huck, désormais chômeur alcoolo victime des persécutions acharnées de son ex-femme qui lui réclame sa pension alimentaire. Quitte à mettre en scène une fausse agression pour l'envoyer croupir en taule. En fait, Huck souffre d'être incarné par un meilleur acteur que Rick : Wings Hauser, qui a juste zéro charisme là où le maître d’œuvre profite du charme d'un charisme négatif le rendant tout de suite plus intéressant pour le nanardeur. Le rythme tout aussi mollasson de cette seconde partie se fait donc un peu ressentir.

Durant son incarcération, Huck semble pris de delirium tremens et en vient à ingérer un produit ménager. Hospitalisé, il va être réconforté par sœur Rebecca (interprétée par la compagne d'alors de John De Hart), qui s'avérera avoir plus d'un tour dans sa soutane.

Certes, il reste malgré tout de belles pépites. Comme les inénarrables chansons country de Rick, qui continuent à couvrir la mauvaise qualité sonore de dialogues déjà bien dégradés par les accents mâchouillés de cowboys. Ou le mariage en survêt' de notre héros, splendide de mocherie. Sans oublier ce plan mythique où Rick, embrassant sa belle à pleine bouche, tente de poser sa flûte de champagne à l'aveuglette, galérant gentiment jusqu'à ce que la main secourable d'un technicien du destin entre dans le champs pour la saisir.

Mariés sans même un premier regard sur la tenue.

Le cinéma, c’est avant tout un travail d’équipe.

« Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film » disait Alfred Hitchcock et ici, la Némésis de nos héros mérite pleinement qu'on s'y attarde. Normad est en effet le couteau-suisse de l'adversité : il est tout autant le flic ripou qui poucave injustement ses collègues pour les faire virer de la police, le nouvel amant de l'ex-femme de Huck, le juge qui le condamne à de la taule pour défaut de paiement de sa pension, le magnat de la drogue local et surtout, le leader sataniste de Los Angeles qui tue des p'tits bébés : n'en jetez plus ! Incarné par un William Smith à bout de souffle, le regard souvent hagard si ce n'est aviné, donnant l'impression de lire son texte sur les papiers judicieusement placés devant lui, Normad est le mal incarné qui requiert un héros à sa hauteur.

William Smith porte tant bien que mal le film sur ses épaules voûtées.

Hips !

Pour mettre un terme aux noirs agissements de Normad, Rick Bode, en pleine montée de bad-assitude, se lance dans une sidérante séance d'infiltration de son repaire, armé d'un arc et d'une arbalète (!), avec comme apothéose une ultime baston entre éclopés arthritiques, feat. le coup de genou le plus laborieux du monde, avant qu'un bon incendie vienne nettoyer ce bazar. Et zou, retour à la maison, histoire de s'enfiler une dernière chanson de country triste et un petit twist complètement nawak que je ne divulgâcherai pas (même si ça me démange beaucoup tellement c'est idiot). Cherry on the cake, la chanson du générique de fin s'intitule Champagne and Bullets, la marque des grands.

Rick part à l'assaut de l'antre du Mal. Avec son arbalète.

Un twist se cache sur cette photo.

Au-delà de sa facture 100% zédarde, qui ne le destine pas à un large public mais fera le bonheur des nanarophiles chevronnés, Champagne and Bullets a ceci d'intéressant qu'il fraie dans les eaux troubles de ces réalisateurs auto-proclamés dont les productions cinématographiques ne visent qu'à asseoir leur haute opinion d'eux-mêmes. En l'occurrence, le narcissique aux commandes se nomme John De Hart, et à l'instar d'un Neil Breen agent immobilier à succès de Las Vegas, il se trouve être avocat pénal à succès de Los Angeles.



Investissant ses économies durement gagnées à faire éviter la prison à des délinquants (non, je n'exagère rien, il publie sur son site des témoignages de clients satisfaits [NdA : depuis l'ébauche de rédaction de cette chronique il y a de nombreuses années, le site a malheureusement fermé mais le lien reste consultable]), John se lance dans la réalisation de son film (qu'il a lui-même scénarisé et produit, bien évidemment) en 1993. Il parvient à réunir une équipe d'acteurs de troisième zone à la filmo impressionnante de cachetonnage (114 crédits imdb pour Wings Hauser, 276 pour William Smith, dont le stupéfiant Dans les griffes du dragon d'or... réalisé par Jimmy Williams qui joue un sbire dans le présent film) à qui il a peut-être sauvé la mise dans une histoire de conduite en état d'ivresse ou plus probablement de trafic de dope à la gloire de Satan, et c'est parti ma poule. L'exploitation en salles étant réduite à une sortie technique, le film connaît un long anonymat.

Jimmy Williams, à gauche, en sbire cruel exécutant avec sadisme les basses besognes du grand méchant (vous pouvez lire notre interview de Jimmy ici).

Il ressort finalement en vidéo quelques années plus tard sous un nouveau titre, Road to Revenge. A la demande du distributeur, le nouveau montage plus court de dix minutes ajoute d'inutiles plans extérieurs de rues et d'immeubles pour servir de transition entre les scènes, vire toutes les scènes de fesse (dont la séquence dans le spa avec la chanson I’ll Be With You) et une grosse partie de l'interminable monologue d'Hamlet, ajoute en surimpression des flammes sur la baston finale, n'assume plus son twist improbable et propose un générique de fin ringard avec plein de petits effets vidéo moches.


En 2007, De Hart remet le couvert avec une troisième version intitulée GetEven. Insatisfait de la précédente mouture qu'il juge trop aseptisée, il remet une partie des scènes érotiques en ayant toutefois le bon goût d'oublier les deux agressions sexuelles (sa meilleure idée), ajoute encore de nouvelles scènes de transition (quelle obsession !) qui semblent être en CGI moches (!), rend audible un dialogue qui était alors couvert par une chanson de country, ressuscite son twist d’origine et surtout, grand moment halluciné, insère n'importe comment une séquence où, coiffé d'un bandana, il s'entraîne à taper dans un sac de frappe avant de donner un susucre à son caniche vêtu d'une ceinture noire. Lunaire.

Rick Bode contre le sac de frappe.

The black belt dog.

Pendant longtemps, le film était auto-édité en DVD et vendu sur le site pro de John De Hart. Oui, vous avez bien lu : là où un avocat lambda aurait sans doute préféré voir disparaître une casserole de jeunesse (à 45 ans ?), De Hart la propulse en tête de gondole, en même temps qu'il promet à sa clientèle monts et merveilles devant les tribunaux. L'éditeur Vinegar Syndrome est depuis passé par là, avec une édition déraisonnablement premium pour une telle œuvre : restauration HD de Champagne and Bullets, commentaire audio de De Hart, pastille audio en complément et les deux versions alternatives en bonus (en basse définition, faut pas déconner).


L'AVIS DE JOHN NADA


En termes de vanity project, on connaissait des pointures comme Tommy "The Room" Wiseau ou Neil Breen, l’agent immobilier de Las Vegas reconverti cinéaste nanar engagé. On peut compléter le podium avec John De Hart, avocat à la ville et super flic à l’écran, qui culmine magnifiquement sur l’échelle de l’ego trip nanar. « J’en ai eu marre de ne pas arriver à décrocher de rôle de héros, alors j’ai écrit un premier jet de seize pages, petit à petit j’y ai ajouté des choses et quand c’est devenu un scénario je l’ai réalisé. C’est comme ça qu’il faut faire, on ne peut compter que sur soi-même. »

The Rick.

Comme nous le confiait un jour le producteur Ted Chalmers, « Tant qu’il y aura des gens prêts à hypothéquer leur maison pour faire un film, il y aura des nanars. » De fait, John De Hart a cassé sa tirelire pour écrire, produire, interpréter et réaliser ce mauvais film d’action conçu tout entier comme un piédestal, que dis-je, un écrin à sa magnifique personne. « On a tourné pendant une vingtaine de jours. J’ai réussi à avoir Wings Hauser, William Smith et Pamela Jean Bryant, qui ont fait un super boulot. C’était de vrais professionnels. Et on a tourné ça comme un film professionnel. »

Rick Bode prend naturellement la pause cool de vrai mec au sommet de la chaîne alimentaire. Notez les deux doigts élégamment glissés dans la poche du pantalon en cuir vachette pleine fleur, le cheveu qui ondule sauvagement sur la nuque, le regard tourné vers l’horizon lointain, et le dessous de bras garanti sans auréole. Quel homme ! Epouse-moi Rick Bode !

Le regard flou, la démarche bovine et le charisme en berne, John De Hart évolue avec une bonhommie ravie dans cet univers fantasmé dans lequel il est le démiurge. Comme dans un de ces livres-jeux où l’on pouvait pour quelques francs incarner un aventurier de l’espace ou un barbare pourfendeur de monstres (Un livre dont vous êtes le héros), John De Hart s’est payé avec Champagne and Bullets un film dont il est le héros omnipotent. L'œuvre se situe dans un univers en apparence similaire au nôtre et pourtant en complet décalage. Dans cette réalité parallèle qui n’existe que dans la tête de John De Hart, John De Hart incarne la référence ultime et impérissable en matière de force, de charme et d’intelligence.

L’homme séduit la femelle en lui récitant du Hamlet.

John De Hart / Rick Bode y impressionne tout le monde quand il chante (très mal) de la country, la seule musique qu’écoutent les honnêtes gens. Il épate la galerie en racontant des blagues consternantes hilarantes au resto. Le John De Hart Universe est un lieu irrésistible où le summum de l’élégance consiste à arborer moustache, polo multicolore, pantalon en cuir moulant et bottes en peau de serpent. Où le comble du chic consiste à se marier en survêtement blanc, ou à déclamer d’interminables passages de l’œuvre de Shakespeare pendant que votre fiancée, sagement assise, vous écoute avec un sourire pétrifié.

Rick Bode et ses tenues qui chient la classe. Ici la version mariage.

Et là la version enterrement. Dans cet univers taillé pour lui, John De Hart ose tout.

Quel âge a t-il ? Quel âge son personnage est-il censé avoir ? C’est un mystère, mais peu importe : nanti des pleins pouvoirs scénaristiques, John De Hart peut tout, y compris botter le cul des trafiquants de drogue qui font rien qu’à sacrifier des bébés à Satan pour faire fructifier leurs viles affaires. Car Rick Bode est un guerrier. D’ailleurs John De Hart est un guerrier aussi. Du moins il l’affirme. « Oui bien sûr que je pratique les arts martiaux – je fais du kung-fu, je suis ceinture noire en taekwondo, et j’ai étudié le Shodokan. J’ai commencé les arts martiaux par la boxe, alors les scènes de combat ne m'ont pas posé de problème. » Je ne sais pas si De Hart sait jouer de la guitare, mais il joue très bien du pipeau. Impossible en effet de croire qu’il possède ne serait-ce qu’une ceinture jaune en quoi que ce soit quand on le voit se battre à l’écran. Sans même évoquer sa gestuelle pachydermique, rien que cette façon qu’il a de cligner systématiquement des yeux quand il tire un coup de feu, donne un coup de poing ou un coup de genou anéantit toute crédibilité et confine au comique de répétition.


Pour briller au firmament tel l’archange de lumière qu’il rêve d’être, John De Hart appuie son rôle de héros sur trois béquilles trois autres personnages : l’Amante, l’Ami et l’Ennemi, une sorte de Sainte Trinité en forme de trépied qui sont en fait autant de faire-valoir.

- Pamela Bryant (Cindy) joue la femme qui va permettre de montrer que notre héros est un amant parfait, viril, drôle et sensible à la fois (il nique comme un lapin, fait des blagues, la défend contre les méchants, lui récite de la poésie etc.).

- Wings Hauser (Huck) joue l’ami en pleine déconfiture, qui va permettre de montrer que notre héros est un homme généreux, loyal et fidèle (il aide son pote envers et contre tout, paye sa caution etc.).

- William Smith (Normad) est le salaud ultime qui va permettre de montrer que notre héros est un combattant hors-pair, aussi fort que courageux.

Ça c’est la théorie qui fonctionne dans un scénario sur papier. Parce qu’à l’écran, ça ne fonctionne pas vraiment. Quand il est avec Pamela Bryant, John De Hart ressemble moins à un amant fougueux qu’à un vieux monsieur en complet décalage physique et vestimentaire avec sa partenaire.

L'honneur suprême d'une femme : faire à manger pour un mâle alpha comme Rick Bode.

Quand il est avec son pote Huck, Rick Bode se fait voler la vedette par un Wings Hauser en totale roue libre, qui par moments semble presque faire exprès de se déchaîner à l’écran pour éclipser totalement De Hart. Ce dernier laisse d’ailleurs deviner de façon à peine voilée que Wings Hauser n’a pas été facile à canaliser : « Quand les lignes de dialogues que j’avais écrites lui plaisaient, il les disait. Si elles ne lui plaisaient pas, il ne les disait pas. Je n’ai pas cherché à lui tenir la bride, du moins tant qu’il ne sortait pas trop du cadre dirons-nous. » Il n’y a guère qu’avec le vétéran William Smith qu’un certain équilibre est atteint quand les deux personnages sont à l’écran.

William Smith, confit dans l'alcool, titube derrière son autel en carton.

D’un côté William Smith, la voix si pâteuse et le regard si vitreux qu’on jurerait sentir l’alcool rien qu’en le regardant, ânonne son texte comme il peut. De l’autre John De Hart, en mode néo-cowboy, marmonne ses répliques comme s’il avait une patate chaude dans la bouche. Côté baston, l’affrontement final entre Smith et De Hart ressemble à une empoignade entre clochards fin saouls, avec des mouvements patauds, et des coups lents et raides comme des barreaux de chaise. De la vraie bagarre d’ivrognes ! Du free fight d’hospice !

Déferlement de violence dans le service de gérontologie. La direction de la maison de retraite condamne des actes graves.

John De Hart étant un artiste complet, il compose et interprète plusieurs chansons du film (en se dandinant comme une dinde congelée). Et qui de mieux que John De Hart pour parler en toute objectivité des talents de chanteur de John De Hart ? « Ma voix couvre trois octaves, je la dois aux cinq années que j’ai passées dans un chœur d’église, alors croyez-moi je sais chanter. » Cet aspect du personnage est important, il le complète, c’est la touche finale qui fait de notre héros un tout, entier et sans failles. John De Hart est un joyaux aux multiples facettes. John De Hart c’est l’Amour, la Justice, la Force, l’Amitié et la Musique Country.


A l’instar de titres devenus cultes sur le tard comme Miami Connection ou Dangerous Men (ressuscités par Draft House Films), Champagne and Bullets a connu une exploitation éclair dans une poignée de salles, puis une édition VHS pour le moins discrète, puis quasi-sombré dans l’oubli, avant d’être finalement exhumé en blu-ray par le méritant éditeur Vinegar Syndrome. Comment John De Hart explique t-il un tel échec commercial ? « Il a été projeté dans quelques salles, mais quand vous sortez un film dont vous êtes à la fois le réalisateur, la vedette, que la fille tombe amoureuse de vous, que vous faites la musique, mettez la raclée à 20 types et en tuez 13, la réaction des gens est ce qu’elle est… Disons qu’il y a une certaine résistance du public, et je n’en dirai pas plus, voilà. »

Rick Bode. Un homme intègre.

 

DERNIERES PRECISIONS DE KOBAL :

 

Malgré son âge vénérable lors de l'enregistrement du commentaire audio présent sur l’édition blu-ray, John De Hart ne semble pas avoir acquis une sagesse particulière ni un regard très critique quant à la qualité de son film. Il parle ainsi de « trait de génie » pour qualifier ses choix, et se targue d'avoir courageusement abordé de nombreuses thématiques dans son œuvre, dont les violences conjugales « bien avant l’affaire O.J. Simpson » ! Il est d'ailleurs très fier des chansons du film dont il a composé un certains nombre, tout particulièrement The Shimmy Slide (qu'il a pour le coup achetée). Artiste assumé, il se revendique du surréalisme pour expliquer ses choix de décors (« du noir et blanc en couleurs »). Et il justifie son déhanché peu chaloupé par d'importantes douleurs dorsales (car sinon, il danse bien mieux que cela) et son regard de poisson mort par la prise d’antalgiques induite par ces douleurs.

Do the Shimmy Slide !

Il corrige également quelques approximations de cette chronique sur le contexte de production, à savoir qu'il menait encore des études de droit à cette époque (il passera le barreau deux ans plus tard), le film devant lui servir de tremplin vers le vedettariat. Les conditions de tournage étaient bien évidemment rudimentaires : peu ou pas de répétitions, pas de contrôle quotidien des rushes, De Hart ayant découvert le résultat une fois les bobines développées. Le bar à cowboys et bornes d'arcade est en fait le sous-sol de sa maison, le jacuzzi est dans sa salle de bain et le restaurant où il dîne en amoureux est le Polo Lounge, situé à Beverly Hills, un de ses restaurants fétiches fréquenté par des célébrités et sur lequel il se montre intarissable d'éloges (dommage de ne pas être parvenu à le mettre en valeur à l'écran). Peut-être faut-il y voir un lien avec les magnifiques polos qu'il porte dans le film, et qui comme le reste de ses tenues proviennent de sa garde-robe personnelle ?

Collection JDH 1993.

De Hart a par ailleurs de savoureuses justifications aux nombreuses scènes de sexe. Tantôt il justifie la longueur excessive de ses ébats par la nécessité de pouvoir apprécier la musique d'accompagnement (ça serait dommage de l'écourter... surtout après l'avoir fait looper !), tantôt par la nécessaire authenticité d'illustration de la vie conjugale (un vrai documentariste !). Il reconnaît du bout des lèvres que les séquences de violence sexuelle pourraient apparaître « controversial », mais il fallait bien ça pour que ses « bad guys » soient « really baaaaad ». Et puis « ce sont des choses qui arrivent dans la vraie vie ». A noter que la longue scène du jacuzzi lui a coûté sa relation amoureuse de l'époque, sa compagne (co-productrice du film et également interprète de la bonne sœur) ayant ensuite décidé de le larguer après lui avoir diaboliquement pillé son fric (dixit De Hart). Sachant que le bonhomme est multi-divorcé, cela apporte un savoureux éclairage sur l'amertume qui embaume la scène de dispute entre Huck et son ex-femme, et où celle-ci simule avoir été victime d'une agression.

♪ Drinkin' champagne and lovin' you till the break of dawn ♪
♪ Not knowing the sound of bullets will soon be strong ♪ 
♪ Champagne and bullets, a dangerous pair ♪

Tourné en 16 mm, le film aurait coûté 300 000 $ environ pour 20 à 30 jours de tournage et 16 mois de montage (la faute à un monteur peu motivé, faut vraiment tout faire soi-même !). Un budget très modeste mais décent pour un petit projet indépendant. De Hart semble avoir voulu faire les choses dans les règles, avec une véritable équipe technique. Il reste par contre peu disert sur l'origine de sa fortune, alors qu'il n'était qu'étudiant et qu'il avait auparavant travaillé comme chauffeur de limousine. Oui, comme dans son film.

Le démarrage en côte, talon d’Achille des justiciers américains.

Il explique d'ailleurs que l'histoire de Champagne and Bullets lui est venue après avoir transporté une jeune femme qui se disait poursuivie par une secte sataniste pratiquant le sacrifice de nouveaux-nés, et qui aurait été retrouvée morte une semaine plus tard dans un troublant accident de la route. Bouleversé, De Hart aurait même proposé une rançon pour qui retrouverait le(s) coupable(s), mais sa bonne action aurait amené la police à enquêter sur lui !

Comme tout obscur réalisateur profitant d'un modeste revival, il annonce avoir le script d'une suite dans un tiroir, même que Wings Hauser se serait dit prêt à rempiler.

- Kobal & John Nada -

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

L’édition blu-ray multizone de Vinegar Syndrome comprend donc trois versions du film, modifiées au cours du temps par John De Hart :

- Champagne & Bullets, la première version, proposée dans un master 2K scanné et restauré à partir du négatif original en 16 mm, en VO avec sous-titres anglais
- Road to Revenge (premier remontage), à partir d’une source vidéo SD
- GetEven (second remontage), à partir d’une source vidéo SD

Niveaux bonus, cette édition éditée à 6000 exemplaires propose un commentaire audio de John De Hart, une interview audio de John De Hart, une bande-annonce de GetEven, ainsi qu’un poster réversible.