Recherche...

L'Exécutrice

(1ère publication de cette chronique : 2024)
L'Exécutrice

Titre original : L'Exécutrice

Titre(s) alternatif(s) : Aucun

Réalisateur(s) : Michel Caputo

Producteur(s) : Jean-François Davy

Année : 1986

Nationalité : France

Durée : 1h34

Genre : PN comme Police Nationale

Acteurs principaux : Brigitte Lahaie, Richard Allan, Dominique Erlander, Michel Modo, Pierre Oudrey, Betty Champeval

tof121
NOTE
2.5 / 5

L’industrie du cinéma est un monde complexe et cruel. Un monde qui peut dévorer ses auteurs les plus doués et les sacrifier sur l’autel du profit. Un monde dans lequel les artistes sont souvent dépossédés de leurs productions. Combien de films géniaux furent-ils ainsi mutilés par des monteurs-mercenaires, sur ordre de producteurs peu scrupuleux ? Dès lors, tout véritable cinéphile a à cœur de se référer aux films dans leur état le plus proche possible de ce qu’avait voulu leur réalisateur. Nous allons aujourd’hui rendre compte du visionnage d’un de ces joyaux, le director’s cut de L’Exécutrice. En effet, d’emblée, un panneau nous annonce que « Ce film [nous] est présenté dans sa version d’origine, inédite et restaurée, conformément à la volonté du réalisateur ». 

Le projet d'affiche du réalisateur Michel Caputo, avant que René Chateau ne vienne remarketer tout ça.

Merci à Michel Caputo de nous avoir fait parvenir son travail dans sa forme originelle. Espérons qu’il pourra en faire autant pour ses autres réalisations, comme Blanche Fesse et les sept mains, De la croupe aux lèvres, ou, dans un registre encore plus hard, Les planqués du régiment et Arrête de ramer, t’attaques la falaise !

Pour tenir le rôle principal de son film, Michel a choisi une actrice chevronnée qu’on a par exemple vue dans N’oublie pas ton père au vestiaire, Te marre pas, c’est pour rire ou Pour la peau d’un flic. Le réalisateur sait de quoi elle est capable, puisqu’elle était déjà de la partie (fine) dans d’autres de ses œuvres, comme Confidences d’une petite vicieuse très perverse. Cette fois, le registre sera légèrement différent, puisqu’il y aura un scénario (en fait, une repompe [hem] de celui de Sybil, Tous les trous sont permis, et même de ses lignes de dialogue, y’a pas de petites économies) et que les scènes de sexe seront simulées. Ce film est donc l’occasion pour Brigitte Lahaie (Martine), puisque c’est d’elle qu’il s’agit, de révéler l’ampleur de son talent. 

Un talent sans limite, selon cette jaquette DVD.


Pour le reste du casting, Michel Caputo va continuer à piocher dans son carnet d’adresses. Ainsi, Michel Modo (le commissaire), Dominique Erlanger (Mme Wender) et Betty Champeval (Bleke) ont déja tourné pour lui dans sa bidasserie… quand ce n’était pas déjà dans certaines de ses œuvres plus lestes, tel Pierre Oudrey (Valmont, l’acolyte de Martine). L’Exécutrice est donc une belle histoire d’amitié. Bref, un réalisateur de porno tente (une fois de plus) de sortir du genre, et d’emmener avec lui toute son équipe. Il peut donc compter sur une belle complicité et sur un savoir-faire éprouvé en matière de plans nichons. Mais suffira-ce pour produire un bon polar ? Le suspense est intenable.

Heureusement le film démarre sur de bonnes bases : Martine se prélasse dans son jacuzzi et nous montre obligeamment ses seins. Pourquoi ? Et pourquoi pas ? Ensuite, et sans transition, nous assistons à un tournage sado-maso, à une tentative de livraison de cassettes porno frauduleuses et à l’intervention musclée de Martine… Elle est en effet une flique de choc, même si courir, se battre ou manier des armes ne semblent pas sa spécialité. Ce qui fait sans doute l’essentiel de sa qualité, c’est son art de la planque : dans sa Renault, à côté d’une ferme isolée, en rase campagne, elle parvient à passer inaperçue et à surprendre les malandrins en plein méfait.

Des cascades et des combats d'une meveilleuse crédibilité !


Derrière cette sordide activité se cache Madame Wenders, une crypto-lesbienne impérieuse et maléfique. En bonne business woman, la mère maquerelle a une solide stratégie commerciale : enlever une mineure dans une école, pendant les cours, pour la vendre à un pervers mafieux à chapeau mou. Son plan est vachement malin, visiblement, puisqu’il suffit d’une fausse ambulance, d’un peu de chloroforme et d’un brin d’audace pour réussir le coup. Martine et son collègue Legrand, qui planquaient à proximité parce qu’ils avaient été prévenus, auraient pu serrer la bande. Malheureusement, ils ont oublié qu’ils avaient une voiture et ont tenté de poursuivre l’ambulance à pied. Caramba !

« Bonjour, je suis un méchant Parrain à chapeau mou qui fait de la traite de Blanches, fume un cigare, parle d’une voix étranglée et amuse beaucoup le nanardeur »


Bref, la gamine est enlevée et Mme Wenders qui surveillait tout depuis sa voiture (histoire de prendre des risques inutiles) se fait la malle… Martine est contrariée. Elle se précipite donc au Cloître, le night-club « olé olé » de sa suspecte n°1, et, découvrant que des mineures s’y produisent, arrête la précitée.

C’est le début des ennuis, car Martine s’est attaquée à forte partie. Dans la suite de ses aventures (qui nous font regretter la fermeture du Martine Cover Generator), elle couchera avec des collègues, soupçonnera le commissaire de mollesse, roulera en Peugeot 104, refusera de porter une arme, portera une arme, perdra la trace de Mme Wenders, retrouvera Mme Wenders, s’introduira dans des repères interlopes (soit des sex-shops, soit des plateaux de tournage de films porno), se fera attaquer par des gens qui ne savent pas se battre, et après avoir revendiqué sa posture pacifico-légaliste deviendra enfin l’exécutrice tant attendue pour démanteler le réseau criminel de Mme Wenders (constitué, pour l’essentiel, de son fils, de deux bras cassés, d’une junkie et d’un réalisateur de X).

Où pourrait-on situer la planque ? Hmmmm, à l’étage d’un sex shop, cette fois ?


Elle jouera souvent de malchance, comme cette fois où, ayant enfin compris que les poursuites étaient plus faciles en voiture, les flics perdront tout de même la filature de Mme Wenders lorsqu’elle s’enfuira en courant, en talons hauts. Ils ignoraient qu’elle avait été championne de course à pied dans sa jeunesse (sic). Mais à la fin… oh mon Dieu, voilà que je m’apprête à spoiler… Arrêtons-nous ici pour nous pencher sur l’objet filmique et en dévoiler la teneur nanarde.

Pour résumer, on pourrait dire qu’après avoir vu L’Exécutrice, Six Pack apparaît finalement comme un bon film, Anconina fait un flic crédible et Ne réveillez pas un flic qui dort aurait dû recevoir l’Oscar® du meilleur film en langue étrangère. Bref, le présent métrage se vautre de la première à la dernière minute, et c’est pour ça qu’on l’aime. Car le bougre est généreux : ça galope, ça tire, ça pétarade, ça ne parle qu’en punchlines trop et mal écrites, ça se fout à poil à qui mieux-mieux. On ne s’ennuie pas un instant.

La revanche des blondes.


D’emblée, il faut pointer que, pour ce qui est de la qualité de la réalisation, et surtout du montage qui part totalement en vrille dans le dernier acte, la filiation est plus évidente avec les films pornographiques de Caputo qu’avec Peur sur la ville. Certes, il y a une intrigue policière, mais le jeu des acteurs… mes aïeux ! Presque tous les dialogues, même les plus dramatiques, sont débités avec la même intériorité qu’une scène de surprise causée à une jeune vierge à gros poumons par l’arrivée inopinée d’un plombier solidement gaulé. Ce n’est pourtant pas dû à un manque de bonne volonté : Brigitte Lahaie donne tout ce qu’elle peut dans la limite de ses moyens, tout à tour tristounette d’avoir perdu des proches dans des explosions nanardes ou déterminée face au crime organisé ; Dominique Erlanger tente d’incarner une femme à la limite de la psychopathie et se risque même à l’un ou l’autre « mouhaha » ; Pierre Oudrey, son acolyte, oudrey bien, mais n’peut point (pardon), incarne un dur à cuire fier d’être désigné comme raciste et violent ; et Michel Modo est en pilotage automatique sur un mode jeanfoutiste tranquille mais sympathique. Le résultat global est donc assez peu convaincant, mais très amusant.

Madame Wenders, femme fatale de la maquerellerie et championne de course à pieds en talons aiguilles.


Au-delà du talent dramatique des comédiens, le lien du film avec l’industrie pornographique se retrouve évidemment dans son scénario et la mise en scène de l’enquête dans les milieux interlopes, ce qui est, on l’a compris, l’occasion de nous montrer de la fesse, du nichon et même un peu de quéquette (saluons l’exhaustivité). Bienvenue dans le Paris Interdit et ses spectacles de strip tease, ses parties fines dans des immeubles abandonnés, ses tournages de films hard, tout y est. Mais l’ensemble apparaît souvent glauque, malgré un enrobage parfois chic avec body painting ou ajout de petites bougies dans les partouzes. Et surtout, trigger warning indispensable, les violences sexuelles sont régulièrement présentes à l’écran, particulièrement via ce sbire de Mme Wenders (incarné par la vedette X Richard Allan, dit Queue de béton) qui passe son temps à (tenter de) violer toutes les femmes qu’il croise. Si cette représentation détestable correspond à la vision que le réalisateur a du milieu dans lequel il travaille depuis des années, on comprend son désir de passer à autre chose.

En pleine opération d’enlèvement d’écolière, Richard prend une petite pause viol d’infirmière chloroformée (au grand dam de son collègue qui incarne par nécessité un soupçon de critique morale de ces pratiques). Notons la petite affiche de prévention dont on ne sait si elle a une vocation humoristique.


Mais, que Michel Caputo tente ou non d’exorciser ses démons, il faut reconnaître qu’il le fait de manière singulièrement échevelée. Car le scénario part dans tous les sens : des VHS porno, certes, mais aussi de la drogue, des Chinois, des secrets de famille, des random bagarres avec des clochards sapés comme dans un futur lointain, des otages victimes d’un syndrome de Stockholm foudroyant et qui couchent avec leurs ravisseurs, des revolvers et riot guns qui s’enrayent, des punchs inflammables… Bref, tout est confus et invraisemblable à tel point que c’en est admirable. Ainsi, quel génie a pu écrire une séquence où, pour faire croire qu’il s’est fait tabasser par les méchants qui voulaient lui faire avouer où se terrait Brigitte, le commissaire se colle deux sparadraps sur la figure… et où ça marche ? (La question est rhétorique, le scénario est de Michel Caputo). Au fait, oui, je n’ai pas évoqué l’éléphant dans la pièce du script, à savoir que le personnage de Modo a, au vu et au su de tous, une relation très proche avec la mère maquerelle et qu’il passe son temps à savonner toutes les tentatives de l’arrêter, sans déclencher plus que quelques grommellements mécontents de ses équipes. Cela donne des scènes particulièrement surréalistes !

Ivre de ses manipulations, le commissaire boit du petit lait.

Gangs of Paris.


Et qui est prêt à avaler l’idée qu’un receveur des postes se balade avec un fusil à pompe depuis qu’il s’est fait faucher un truc, et bute de sang-froid deux voyous qui agressaient Martine dans un parking souterrain ? Qui peut croire que, acculée, la méchante préfère faire sauter son otage avec une caisse entière de dynamite (il ne manque que le logo Acme) plutôt que de se servir d’elle comme monnaie d’échange ? Bref, ce film s’adresse plus au nanardeur qu’au hardeur.

Une belle générosité qui se retrouve également dans ses nombreuses scènes de morts nanaresques (c’est un festival) et son lot de répliques ineptes :

"– Vous allez où ?
– Ailleurs.
– J’ai toujours rêvé d’aller là-bas."

"- Le seul indicateur sérieux que j’connaisse, moi, c’est l’indicateur des chemins de fer"

"- Renifle, ça dégage les bronches !"

La nouvelle formule du spray anti-rhume.


Ce qui fait aussi plaisir, c’est une petite référence nanarde, glissée par Michel Caputo ou son chef décorateur, comme s’il voulait nous indiquer la catégorie à laquelle le film appartenait. En effet, au cours d’un interrogatoire serré de la méchante, on voit distinctement au mur du bureau de Martine, une affiche alternative créée pour le film Le Cowboy, de Lautner (1984), mettant en scène Aldo Maccione, dieu s’il en est de la nanarditude (merci à Sledge Hammer d’avoir retrouvé la piste de cette affiche).

Le grand Aldo, présent en esprit sur le tournage.


On notera encore un bon fond de clichés sur les flics : ce sont des durs, amoureux des armes (« Touche-le… [son flingue] alors, on s’sent quelqu’un d’autre, hein ? »), racistes (« Allez bamboula, va pointer dans ta savane ») et violents (Valmont qui bute de sang-froid un type, par pure vengeance personnelle). Martine, elle n’aime pas ça… sauf qu’à la fin, elle comprendra que Valmont avait raison et elle prendra le gun qu’il lui avait offert pour dégommer les méchants… Le message n’est donc pas très clair. Cela étant, quand on fait doubler des « Chinois » en post-synchro avec des accents imitant « l’accent chinois »,  c’est un peu difficile de faire la leçon… Joie des années 1980. Ajoutons à l’ensemble que, s’agissant d’un polar solidement burné, il comprend son lot de poursuites et de cascades. Malheureusement, la production n’a permis la location que d’une Peugeot 104 pour les premières.

« Cramponnez-vous, fillette ! » Ah, les flics, ces mâles alpha en Peugeot 104 !


Quant aux cascades, bien que réglées par le spécialiste Rémy Julienne, elles sont relativement peu spectaculaires… Faire tomber Valmont de sa grosse moto en jetant des boîtes en carton vides sur la rue, ça ne coûte pas cher, mais ça n’est pas très impressionnant. Une course-poursuite par ailleurs hilarante dans sa gestion folle des distances entre protagonistes, changeant à chaque plan.

Doux Jésus, des cartons entreposés de manière fortuite sur les bords de Seine !


Bref, à l’arrivée, voilà un bon petit nanar dont la générosité en diable et la sympathique foirade l’emportent sur son côté plus crapoteux. Il s’y passe toujours quelque chose, ce qui nous fait regretter que Brigitte et ses potes n’aient pas prolongé l’expérience. Quand je pense que L’Exécutrice aurait pu devenir une franchise !

- tof121 -
Moyenne : 2.83 / 5
tof121
NOTE
2.5 / 5
Kobal
NOTE
2.5 / 5
Jack Tillman
NOTE
3.5 / 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

Le film fut d’abord exploité en VHS par René Chateau (ce qui prend sens quand on rappelle que le monsieur était à l’époque en couple avec Brigitte Lahaie) avant de connaître la joie des éditions DVD à pas cher. Il a depuis bénéficié d’une belle ressortie en HD chez "Le Chat qui fume", dans un montage revu par Michel Caputo (on cherche encore les différences) :

Le bluray comporte quelques bonus mettant en scène Michel Caputo (qui explique avoir investi le livret A de sa mère dans la production), Brigitte Lahaie et Christophe Lemaire.

Attention à ne pas confondre L'Exécutrice avec L'Exé"Q"Trix, retitrage (opportuniste ?) d'un autre film pornographique avec Brigitte, mais réalisé cette fois par Patrice Rhomm et originellement nommé... Touchez pas au zizi !