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Donald Trump, The Chosen

(1ère publication de cette chronique : 2020)
Donald Trump, The Chosen

Titre original : Donald Trump, The Chosen

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Wilfredo Torres Jr

Producteur(s) :Wilfredo Torres Jr

Année : 2020

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h49

Genre : Condition Ciné QAnon pour sauver l’Amérique

Acteurs principaux :Wilfredo Torres Jr, Thomas Mundy, Eliza Gonzalez, Yadira Camacho

La Team Nanarland
NOTE
1/ 5


Dans les années 1980, sous Reagan on avait les films Cannon.

Dans les années 2020,  sous Trump on a les films Qanon.

Au moment où nous écrivons ces lignes le 3 novembre 2020, nous sommes en plein dans l'élection présidentielle américaine qui voit s’affronter Donald Trump et Joe Biden. Celle-ci a pris un tour tellement passionnel et irrationnel qu’on en est à craindre le pire pour la démocratie du pays.

Dans la dernière ligne droite de cette échéance, le cinéma sous toutes ses formes s’invite dans la campagne et pas de la façon la plus subtile qui soit. Si la majorité d’Hollywood roule plutôt pour Biden, témoin ce Borat 2 clairement conçu pour dézinguer l’Amérique trumpienne, les Républicains ne sont pas en reste avec des oeuvres glorifiant The Donald, le POTUS envoyé par Dieu et promettant la fin du monde si celui-ci n’est pas réélu. Des films souvent teintés d’un discours conspirationniste inspiré par les têtes pensantes de la révolution populisto-affairisto-conservatrice qui a porté le magnat de l'immobilier au pouvoir. Des Steve Bannon, des Ben Shapiro, des Alex Jones et surtout toute la nébuleuse Qanon qui voit en Donald Trump le dernier rempart et l’ultime sauveur face à une cabale mondiale de satanistes pédophiles socialistes ayant infiltré tous les rouages de l’Etat profond.

Ca pourrait être comique si ce n’était pas pris réellement comme une vérité révélée par une part croissante de citoyens. Des citoyens armés, de plus en plus lourdement armés...

C’est dans ce contexte inquiétant que Barracuda a débusqué ce Donald Trump: The Chosen de Wilfredo Torres Jr sorti un mois avant l’élection. Production semi-amateure mais qui se prend très au sérieux, au concept millénariste aussi dément que son filmage est catastrophique et ses moyens indigents.

Répète un peu ce que tu as dit sur moi, punk !

L’équipe Nanarland s’est réunie en urgence pour visionner la bête et si le consensus global est que, pris dans son ensemble, le film par sa médiocrité générale flirte avec le pensum indigeste, il contient aussi suffisamment de scènes et de concepts hallucinants pour retenir l’attention du nanardeur.

L'avis de Kobal

Attention à ne pas trop s'emballer car l'affiche et le titre sont un véritable hommage à Donald Trump et à son legs à l'humanité : la fake news. De fait, le film ne correspond pas vraiment aux promesses d'un marketing fort opportuniste qui, sans cela, ne l'aurait jamais sorti de son anonymat justifié. Torrès Jr tente de manière superficielle de raccrocher les wagons de la campagne présidentielle, en ajoutant à son vigilante-movie totalement oubliable quelques interventions d'un Trump qui n'est là que pour valider son propos réactionnaire de super justicier auto-désigné. Certes, tout cela reste dans la cohérence idéologique d'un même marasme alt-right.

Alors oui, les trop rares séquences Trump sont grandioses tant elles épicent rudement bien le navet : le "sosie" parvient à être physiquement encore plus improbable que son modèle, pourtant déjà bien reconnu dans ce domaine. Trônant sur un fauteuil que n'aurait pas renié Monty Burns, encadré de deux figurants vigiles du Président qui font reposer toute leur crédibilité sur leurs lunettes noires, le pauvre homme éructe sa guerre à l'insécurité et à la traite des mineures (?!) dans un salmigondis mystico-sécuritaire ridicule. J'avoue que le voir jeter sur l'Amérique l'opération Mindset et ses séides masqués, les Dark Angels, m'a de fait arraché quelques rires.

Avec en plus des sous-titres remplis de coquilles rédigés par le célèbre stagiaire de BFM.

Mais pris pour lui-même, Donald Trump The Chosen conserve bien peu d'attrait. Les fans enragés de Neil Breen apprécieront l'exploitation en boucle des mêmes séquences issues de banques vidéo ; les fans enragés de Morsay pourront également y trouver leur compte dans le côté margoulin vendeur de tee-shirt hors de prix de Torrès Jr ; les gens normaux, eux, pourront sourire du cabotinage hystérique du bras droit du chef des brigands (dont on louera le mérite de s'assumer comme les méchants de l'histoire) qui vient compenser l'état de mort faciale de certains acteurs (une pensée pour Tony, le partenaire du héros). Enfin, le procureur traumatisé au bord de l'effondrement émotionnel à la moindre évocation de sa jeunesse (avec un petit twist des familles en bonus) possède indéniablement un aspect risible.

Cette tour-horloge bon Dieu filmée en accéléré, elle va vous sortir par les yeux très très rapidement.

Mais difficile de ne pas ressentir un certain frisson lorsqu'on connecte ce propos réactionnaire débilo-inquiétant à la situation politique actuelle des Etats-Unis. Même si le film joue un peu contre son camp en montrant un pays ravagé par la criminalité alors que Trump est censé être au pouvoir depuis 4 ans, la tentative (plutôt ratée) de ridiculisation des Démocrates (ils sont caricaturés commes des défenseurs de la justice !), et la glorification des valeurs extrême-droitières, qui encouragent des milices à exécuter les voyous sans autre forme de procès, donnent l'impression d'avoir été téléporté aux Philippines pour un show de propagande pro-Rodrigo Duterte. La prise de recul nécessaire au rire est donc délicate et fait de Donald Trump The Chosen un film difficile à qualifier sereinement de nanar.

L'avis de Barracuda :

Il y a aux Etats-Unis une tradition du film politique indépendant à tout petit budget soutenant des causes ou des thèses parfois très éloignées du mainstream voire, pour dire les choses crûment, très éloignées de la rationalité. L'essentiel de ces films sont des documentaires où leurs auteurs développent leurs obsessions pour les extraterrestres, l'antéchrist, les expériences de contrôle mental ou plus récemment l'acte de naissance de Barack Obama, par exemple. 

Mais puisqu'on vous dit que Donald Trump a déjà trouvé le vaccin contre la Covid ! Nous sachons !!!

On trouve aussi quelques fictions qui sont souvent des instantanés très éclairants sur la psyché d'une partie de la population. Pour les années Obama, citons par exemple Amerigeddon, réalisé par un fils de Chuck Norris, mettant en scène une conspiration entre le gouvernement, l'ONU et des terroristes pour imposer une dictature socialiss' aux Etats-Unis, bien sûr repoussée grâce aux patriotes et au second amendement qui leur permet d'avoir autant de flingues que l'armée sinon plus. 


Alex Jones, Fox & Friends, ce film est recommandé par les meilleurs analystes.

Dans la même veine, on avait déjà évoqué sur notre blog et dans notre podcast The Way of the Shadow Wolves, roman séminal co-écrit par Steven Seagal himself, où Obama le musulman secret s'alliait encore à l'ONU et à Daesh, mais cette fois pour imposer le califat à l'Amérique.

Sinon en 2018 on a aussi eu ce film très très propagandiste, aussi connu sous le nom "The Trump Prophecy: A Voice of Hope; A Movement of Prayer" qui vous raconte en 2 longues heures comment un ancien pompier a reçu la visite de Dieu pour lui annoncer que Trump allait devenir Président et comment il a parcouru les Etats-Unis pour porter sa bonne parole.

Les passions déchaînées par Donald Trump ont entraîné dans son sillage une pléthore de margoulins prêts à dire aux supporters les plus fervents du Président (ou à ses adversaires) ce qu'ils veulent entendre contre quelques dollars. Les ouvrages et films au sujet du complot du deep state et de la menace crypto-communiste contre le Président se comptent par dizaines, et depuis quelques mois prennent une tournure parfois inquiétante sous l'influence du mouvement "QAnon". Cette mouvance protéiforme, complotiste et violente, se diffusant sur les réseaux sociaux, est fédérée autour d'une théorie aussi échevelée que populaire selon laquelle Donald Trump lutte depuis 4 ans en secret contre un réseau de pédophiles trafiquants d'enfants satanistes buveurs de sang (sérieusement) incluant hauts-fonctionnaires, intellectuels, milliardaires et, ça tombe bien, littéralement tous ses adversaires politiques.

C'est dans ce contexte que vient s'inscrire le film Donald Trump: The Chosen, réalisé en partie grâce à une épique campagne de crowdfunding lancée en avril 2020 ayant réuni 585$ sur un objectif de 89 000 (non, il n'y a pas d'erreur) et sorti en octobre de la même année. On ne se jette pas habituellement sur toutes les croûtes du genre mais celui-là, avec ses références improbable au Covid et son imitateur de Donald Trump à faire pâlir d'envie Johnny Cadillac, on s'est dit que ça valait le coup de s'y risquer. 

Wilfredo Torres Jr., le réalisateur, producteur, scénariste et acteur principal, ça a l'air d'être un sacré malin. Pour ce film comme son précédent, Room 236, Torres Jr. a non seulement a fait appel pour la plupart des rôles à des acteurs débutants qu'il a payé en visibilité et en "crédit IMDB", mais il les a fait payer 30 balles pour avoir le droit de venir à la première. Sur le site officiel, il vend aussi des t-shirts avec l'affiche du film : 89$ pièce. 

Wilfredo Torres Jr.

En interview, il assume vouloir draguer autant les partisans du Président (au sein desquels il semble clairement se ranger) que ses adversaires dont il espère qu'ils pratiqueront le hate-watching, ce sera toujours ça de plus dans sa poche. Il faut croire que c'est une stratégie efficace puisque nous sommes là à chroniquer un quasi-navet qu'on n'aurait même pas touché du bout d'un bâton en temps normal.

Le résultat de cette course à l'opportunisme, c'est que le film ressemble à un patchwork monté en dépit du bon sens, conçu à la hâte pour sortir à tout prix avant les élections de 2020 et la fin possible de la mode trumpiste. Sur un canevas classique de flic-qui-ne-supporte-plus-ce-laxisme-et-se-fait-justice-lui-même, il ajoute Trump et QAnon, puis voyant qu'il reste de la place il en remet aussi une couche sur le coronavirus. 

Par ailleurs ancien gardien de prison, Wilfredo Torres Jr. affiche sans complexe son obsession pour la justice expéditive. Chez lui, oubliez la pauvreté, la santé ou l'éducation, tous les maux de la société américaine n'ont qu'une seule cause : le crime, et plus particulièrement les "career criminals" (une expression employée des douzaines de fois dans le film - en français on parlerait de "délinquants d'habitude" ou éventuellement de "grand-banditisme") qui terrorisent la population partout, tout le temps. Ici les enlèvements d'enfants sont monnaie courante, tout le monde sait qu'ils sont envoyés à l'étranger pour servir d'esclaves sexuels, les médias en parlent sur le même ton qu'ils annoncent la météo mais personne ne veut rien y faire. Sauf le héros. Et Donald Trump. Et son armée de patriotes justiciers masqués, les "Dark Angels".


L'armée des Dark Angels. Who watch the Watchmen ?


Qui reçoivent non seulement un masque mais aussi un couteau .


Et une montre détectrice de crime probablement piquée dans les labos de Lucius Fox.

Enfin, dernière couche du mille-feuille cynique, de façon totalement aléatoire le récit va faire référence au coronavirus pour dire que c'est très grave, mais que le Président Trump va tout régler d'un coup de décret juste à temps pour sa réélection triomphale en 2020. Le film s'achève d'ailleurs sur un panneau post-générique assez surréaliste (et qui trouve le moyen d'être mal cadré) souhaitant un prompt rétablissement au Président et à la Première dame, touchés par l'épidémie.


Comme indiqué plus haut, nous ne sommes pas dans le grand nanar. On s'ennuie ferme 80% du temps à regarder le réalisateur jouer pour la caméra ses pauvres fantasmes d'auto-défense aussi banals que rances, et le montage est tellement aux fraises qu'il arrive à rendre quasiment incompréhensible une histoire pourtant déjà vue cent fois au vidéo-club.

Et puis de temps en temps, Donald Trump arrive et le visage du nanardeur s'éclaire. Pour jouer le Président, Wilfredo Torres Jr. est resté solide sur ses appuis et s'est à nouveau tourné vers un amateur : Thomas Mundy, ouvrier du bâtiment new-yorkais, connu surtout auprès de sa famille et de ses collègues pour ses imitations de Trump (et ayant acquis une modeste notoriété youtubienne après que ces derniers ont filmé une de ses imitations).

S'il tient plutôt bien la diction et la gestuelle si particulière de Donald, physiquement en revanche Thomas Mundy ressemble plus à Boris Johnson, ce qui est assez déstabilisant. Filmé dans un décor complètement kitsch, entouré de gardes du corps aux uniformes improbables, et débitant des monologues plus absurdes les uns que les autres, ses trop rares apparitions sont de véritables fulgurances nanardes.

Outre Trump, on rigole aussi un peu quand intervient une très vague sosie de la députée démocrate et bête noire des conservateurs Alexandria Ocasio-Cortez. Invitée d'une émission de radio (que le montage fracassé semble faire durer trois semaines sans interruption), elle en profite pour répandre des fumisteries gauchistes comme la nécessité d'une procédure pénale et le droit à un procès équitable.


Et avec ça, on a à peu près fait le tour de ce qu'il y avait à se mettre sous la dent pour le nanardeur dans Donald Trump The Chosen. Si Wilfredo Torres Jr. semble sincère dans sa passion délirante pour l'auto-défense, tous les éléments autour de Trump et du coronavirus semblent avoir été ajoutés en catastrophe et de façon totalement cynique pour tenter de draguer le spectateur avant qu'il ne soit (peut-être) trop tard le 3 novembre.

Ce sont aussi les seuls moments intéressants du film, mais ça ne pèse pas bien lourd noyé dans deux heures de médiocrité crasse. 

Et le châtiment sera à la hauteur du crime !

Alors n'oubliez pas d'aller voter, losers !

- La Team Nanarland -
Moyenne : 1.08 / 5
La Team Nanarland
NOTE
1/ 5
Rico
NOTE
1/ 5
Kobal
NOTE
0.5/ 5
Barracuda
NOTE
0.5/ 5
Drexl
NOTE
2/ 5
Jack Tillman
NOTE
1.5/ 5

Cote de rareté - 7/ Jamais Sorti

Barème de notation

Le film n'a été accessible qu'en V.O.D., sur le site Connectedfilms.com de Wilfredo Torres en passant par Vimeo pour sa diffusion. On pouvait le louer pour 4,99 $. Problème le site Connectedfilms.com est devenu depuis Connectedfilms.net et a été délesté d'une grosse partie de son contenu, tout comme sa chaîne Youtube hébergeant matériel publicitaire et bandes annonces du film. Wilfredo Torres Jr s'étant coupé des réseau sociaux et étant reparti dans l'anonymat, le film est devenu depuis invisible et ne circule plus que sous le manteau. De là à y voir un complot de l'état profond...

En plus comme les choses ne se sont pas bien passées lors de l'élection, il n'est pas prêt de sortir en blu-ray pour être diffusé dans les écoles aux Etats-Unis. 

Ceci aussi est bien une image du film !