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Haseena Atom Bomb
Titre original : Haseena Atom Bomb
Titre(s) alternatif(s) :Atom Bomb, Haseena Atimbum
Réalisateur(s) :Saeed Ali Khan
Année : 1990
Nationalité : Pakistan
Durée : 1h55
Genre : Baston musicale psychédélique
Acteurs principaux :Mussarat Shaheen, Budder Munair, Shaheen, Shehnaaz, Nazia Hafiz
Tourné initialement en pachto et destiné à une distribution régionale, le film connût un tel succès qu’il fut doublé en urdu afin de pouvoir sortir dans le reste du pays, avec un montage différent. N’ayant pu visionner qu’une version dépourvue de sous-titres du film, il nous est impossible, en l’état de nos piètres connaissances linguistiques, de déterminer si nous avons vu la version en pachto ou en urdu : la vulgarité hallucinante du film nous fait cependant pencher pour la version en urdu, réputée plus coquine. Concernant les différences de montage entre les deux versions, la structure particulièrement chaotique de l’œuvre nous a fait supposer un charcutage en règle, mais selon une critique en ligne, les différences ne sont pas particulièrement notables. Si la version que nous avons pu voir correspond à l’intégralité du film (mais sa durée relativement courte pour un film de là-bas m’inciterait tout de même à penser qu’il manque quelques scènes), cela laisse rêveur sur l’équilibre mental des auteurs et du public visé. Mais nous allons détailler la chose plus avant…
Précisons tout de suite que le visionnage d’un film de deux heures en urdu non sous-titré peut en rebuter plus d’un. L’expérience de nanardeurs endurcis en matière d’œuvres turques les a cependant rendu assez intrépides pour s’y risquer et se prendre en pleine face l’expérience la plus épuisante connue depuis longtemps par les cinéphiles de l’extrême. Oui, il y a des scènes de blabla ralentissant l’action, mais l’usage de la touche avance rapide a vite fait de réduire la capacité de nuisance de séquences finalement assez courtes. La compréhension d’une intrigue manifestement assez confuse (d’autant qu’elle comporte des flash-back) en a évidemment pâti, mais sans nous empêcher d’apprécier « Haseena » à sa mesure d’expérience cinéphilique radicale.
Haseena la bombe atomique.
Le film nous conte les aventures de plusieurs personnages, dont l’un des principaux est Haseena, une chanteuse et bombe sexuelle locale (d'où son surnom d’ « Atom Bomb »), convoitée par une bande de gougnafiers plus ou moins moustachus. Alors qu’elle prend sa douche sous une cascade, les sbires d’un parrain local l’agressent et la poursuivent à travers les prés pour lui faire subir les derniers outrages.
Et si je me douchais toute habillée ?
Survient à cheval un jeune premier d’une cinquantaine d’années et de moins de 120 kilos, qui lui lance un tchador (lequel s’enroule automatiquement autour d’elle) pour préserver sa vertu, et entreprend de corriger d’importance les malandrins, à grand renfort de mouvements accélérés et de bruitages de dessin animé. Mise en scène hystérique, montage psychopathe, comédiens aux voix amplifiées par des effets de réverbération, baston épileptique : les scènes d’action sont de véritables chocs esthétiques assez difficilement descriptibles tant le tout est hallucinogène. Mais il ne s’agit que de l’un des aspects d’un film totalement surpuissant, qui vrille les yeux, la tête et les tympans pendant près de deux heures.
Le héros.
Les méchants dégustent !
Particularité de la copie pakistanaise : les coordonnées de l’éditeur défilent sans cesse à l’écran.
L’action, mêlée de mélodrame familial et de séquences musicales aussi interminables que savoureuses, n’arrête pour ainsi dire jamais, et finit par laisser le spectateur épuisé et pantelant, l'esprit plongé dans un état se situant quelque part entre l’hypnose et la transe mystique. En gros, les méchants, apparemment membres d’une bande de trafiquants de drogue qui terrorise la région, reviennent à la charge au domicile d’Haseena et la violent, tuant également son mari dans une scène odieusement copiée sur le flash-back final d’ « Il était une fois dans l’Ouest ».
L’autre héroïne.
Haseena va donc entreprendre de retrouver ses agresseurs (qui semblent ne plus la reconnaître), de les séduire à l’aide de numéros musicaux éléphantesques, puis de les tuer. Entre-temps, le sauveur moustachu de Haseena et une fille habillée en peau de panthère se fritent avec des membres de la même bande de dealers dans une série de bastons frénétiques et incessantes pour finalement découvrir (d’après ce que nous avons pu comprendre) qu’ils sont en fait frère et soeurs. Le fait que ces deux histoires parallèles n’aient visiblement pas été filmées à la même époque (la comédienne interprétant Haseena intervient bien dans les deux parties du film, mais avec des costumes différents) peut faire spéculer que la partie « viol et revanche » ait été rajoutée pour la version en urdu – nous serions alors en présence d’un véritable 2 en 1 pakistanais, mais la critique que j’ai pu lire semble indiquer qu’il s’agit bien du montage originel. Les pakistanais pratiqueraient donc le mélange de métrages, mais sans le faire exprès.
Haseena séduit un de ses violeurs…
…puis le tue avec une hache en aluminium.
Pour bien décrire le choc représenté par le film, il faut insister sur son esthétique. L’état de la copie que nous avons visionnée, si déplorable que les bobines semblent avoir été rayées image par image avec une lime à ongle (par moments, il y a tant de rayures qu’on dirait qu’il pleut ; et ce, pour un film datant de 1990 !), est à la hauteur de l’ensemble : outre la réalisation clipesque et névrotique et la photo surexposée, le film déverse sur le spectateur ébahi un tombereau de couleurs hideuses et criardes, le pompon étant décroché par les costumes de Haseena, dont les chants et danses sont accompagnés de chorégraphies et d’effets de lumière disco totalement hallucinatoires. Quant à la bande-son, elle n'est pas en reste et nous massacre les oreilles avec un mélange de tout et n'importe quoi, rageusement mixé n'importe comment, musique orientale et bruits de perceuse se mêlant dans la fureur la plus totale.
Mais avant toute chose, « Haseena Atom Bomb » est un formidable festival de gueules, chaque personnage étant affublé d’une tronche de cake pas possible et/ou d’un look à se taper la tête contre les murs. Moustaches (vraies et fausses) à hurler, défroques innommables : on se croirait parfois devant un défilé du carnaval de l’horrible.
En dépit de toute prétention à la galanterie, nous nous voyons contraints de dire que la palme revient aux personnages féminins. On découvre ici le goût immodéré des Pakistanais pour les femmes très en chair, ce qui n’a rien de répréhensible : mais on se rend surtout compte que ce penchant concerne essentiellement les grosses archi-vulgaires maquillées comme des travestis et habillées comme des pétasses de night-clubs varois. Certes, ce constat peu flatteur peut passer pour l'attitude d'un moraliste effarouché, mais il faut voir le film pour se rendre compte à quel point Haseena et sa copine en pantalon de panthère sont totalement ahurissantes de poufferie. Les chorégraphies des numéros musicaux, qui frôlent l’obscène (mais que font les censeurs pakistanais ?) nous achèvent en montrant les héroïnes secouer leurs bourrelets dans des collants couleur chair, ou se frotter le cul sur l’herbe en poussant des glapissements. Tout ça pendant dix bonnes minutes, tandis que des sbires moustachesques les regardent en bavant de concupiscence. Un vrai choc culturel.
Malgré les incroyables moment de vulgarité que constituent la plupart des numéros musicaux, ce sont bien les bastons qui viennent nous achever, atteignant des sommets de délire qui laissent loin derrière les pires moments de « Death Warrior » : les personnages passent littéralement leur temps à se distribuer des baffes monumentales, avec des variantes toutes plus délirantes les uns que les autres. Un personnage de flic utilise en effet pour les bastons un médaillon portant le nom de l’imam Hussein (petit-fils de Mahomet et grande figure du Chiisme), dont il se sert comme d’un poing américain : il empoigne le médaillon après l’avoir embrassé et cogne ensuite les méchants, qui valdinguent dans le décor. Pour ne rien gâter, ce pin’s islamique pare également les balles ; la baston religieuse, un genre à découvrir.
Prends donc le pin’s de l’imam en pleine gueule, malandrin !
Quant à la copine de Haseena, quand elle est en difficulté dans une baston, elle appelle aussitôt une sorte de chevalier servant, qui surgit de nulle part tel un diable de sa boîte, et tatane énergiquement les méchants avec des grimaces impayables et des mouvements plus raides que ceux de Cüneyt Arkin en fin de carrière.
Et quand on croit avoir tout vu, le principal héros se met à tuer les méchants avec une seringue géante, qui lui sert à les embrocher puis à aspirer tout leur sang. Voir ce gros moustachu occire des sbires grimaçants à l’aide de cet énorme machin en plastique est sans doute l’une des expériences les plus épouvantables jamais subies par un humain normalement constitué, mais le rythme du déversoir à conneries est si frénétique que l’on s’en rend à peine compte.
Vous aurez remarqué que le méchant en a perdu sa moustache de peur...
Là, ils attaquent les méchants au monte-charge.
« Haseena Atom Bomb », sorte de mélange dément entre « Le Justicier braque les dealers », « En Büyük Yumruk », « Flic ou Ninja », « Les Demoiselles de Rochefort » et « 4 heures de sexe non-stop avec des grosses », inflige un choc aussi radical que celui des films turcs les plus extrêmes et laisse pantois le spectateur le plus blasé. Entre l’épouvante des numéros musicaux et les bastons à se rouler par terre, c’est à une sorte de guignol pakistano-cocaïné que nous assistons avec ravissement ; c’est d’une violence jamais vue, mais on en reprendrait volontiers, comme tout bon masochiste qui se respecte.