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La Malédiction de la Vallée aux Serpents

(1ère publication de cette chronique : 2025)
La Malédiction de la Vallée aux Serpents

Titre original : Klątwa Doliny Węży

Titre(s) alternatif(s) : L'Incantation de la Vallée des Serpents, Curse of Snakes Valley

Réalisateur(s) : Marek Piestrak

Année : 1988

Nationalité : Pologne / Union Soviétique

Durée : 1h40

Genre : Polonia Jones et la démocratie populaire du crâne de cristal

Acteurs principaux : Krzysztof Kolberger, Roman Wihelmi, Ewa Salacka

Jack Tillman
NOTE
2 / 5

 

Yo les jeunes ! Ça groove ? Que nos lecteurs milléniaux me pardonnent mais c'est à eux que je m'adresse avec ce phrasé suranné. C'est parce qu'aujourd'hui nous allons parler d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître (et que je n'ai moi-même pas connu d'ailleurs). Il était une fois la Guerre Froide, une époque où Américains et Russes étaient à couteaux tirés et s'affrontaient à coups de propagande, malgré des périodes de dégel en fonction des alternances au pouvoir. Oui, un peu comme aujourd'hui, sauf que la Russie était communiste, que le président des Etats-Unis n'était pas tout à fait aussi taré que maintenant et que, les réseaux sociaux étant encore balbutiants, la propagande se concentrait sur les oeuvres de cinéma. Nanarland a déjà pas mal défriché l'univers des nanars pro-USA de l'ère Reagan, mais qu'en était-il des nanars à l'est du Rideau de Fer ? C'est à cette question essentielle que nous allons tenter de répondre.

 

 

Nous sommes en 1987 à Varsovie. Le réalisateur bisseux Marek Piestrak (horreur, action, érotisme, space opera, il a touché à tout pendant la Guerre Froide) est convoqué dans le bureau austère de l'austère Général Wojciech Jaruzelski. Premier secrétaire du parti unique POUP (Parti Ouvrier Unifié Polonais), Président de la République Populaire de Pologne, Président du Conseil d'Etat, ex-Premier ministre et ex-ministre de la Défense Nationale, Jaruzelski dirige son pays d'une main de fer depuis son coup d'état du 13 décembre 1981, où il a décrété "l'état de guerre" et brutalement réprimé le syndicat ouvrier Solidarnosc. Bref, Jaruzelski, c'est pas un rigolo, plutôt le genre caricature de dictateur raide comme la justice communiste. En outre, Jaruzelski l'a mauvaise car son référendum imposé par la perestroïka en cours à Moscou vient de se prendre un camouflet de la part des électeurs polonais, excédés de devoir faire la queue devant des magasins vides grâce au génie économique de leur leader à poigne (situation aggravée par les sanctions occidentales pesant alors sur son régime). Autant dire que quand on est convoqué pour une entrevue avec lui, c'est pas pour échanger des blagounettes. Marek Piestrak attend sagement sur sa chaise que l'inquiétant chauve galonné assis en face de lui lui dise ce qu'il attend de notre cinéaste.

 

Une photo de ce boute-en-train de Jaruzelski pour vous plonger dans l'ambiance.

Le sympathique réalisateur Marek Piestrak, qu'on sent nettement plus détendu du squeele, sur le tournage de son film de loup-garou, "Wilczyca" (1983).

Jaruzelski : "Camarade Piestrak, nous avons une mission de la plus haute importance à te confier. Le triomphe de la cause du prolétariat mondial dépend de ton talent. Notre grand frère soviétique compte aussi sur toi. Les impérialistes américains empoisonnent le peuple avec leur propagande capitaliste. Tu dois les battre sur leur terrain. Regarde ces pièces à conviction..."

Jaruzelski brandit alors sous le nez du réalisateur deux VHS bootlegs aux jaquettes artisanales.

"Ce sont deux cassettes pirates de pamphlets bourgeois décadents que notre police secrète a saisi sur une bande de jeunes dissidents terroristes ennemis du peuple. Un interrogatoire poussé les a fait avouer qu'ils conspiraient avec la CIA pour détruire la nation polonaise en propageant des idées déviationnistes chez les prolétaires par le biais de ces cassettes clandestines à l'idéologie contre-révolutionnaire. Ces cassettes vidéo terroristes sapent le moral et la foi marxiste-léniniste de notre peuple. Il faut y mettre un terme !"

Marek Piestrak s'empresse d'acquiescer : "Certainement, camarade Général, certainement ! Mais comment faire ?"

Jaruzelski : "Tu vas visionner ces deux cassettes, camarade. Elles contiennent les aventures d'un archéologue individualiste bourgeois mises en scène par un capitaliste juif cupide. Tu vas aussi lire l'admirable nouvelle "Le Hobby du Dr. Traven", qui a été écrite par le camarade Wieslaw Gornicki, l'auteur génial de tous mes discours. Au fait, qu'as-tu pensé de ma dernière allocution télévisée ?"

Marek Piestrak sent le regard perçant du Général le scruter derrière ses lunettes fumées noires de dictateur nanar.

"Admirable ! Brillant, camarade Général ! Ton dernier discours à la nation fut sans doute la plus palpitante expertise sur le matérialisme dialectique qu'il m'ait été donné d'entendre !"

Jaruzelski, son impavide visage de gargouille vaguement déridé par une faible grimace de satisfaction : "Bien, camarade. Les peuples frères soviétique et polonais attendent de toi que tu conserves le rythme haletant, le souffle épique et l'efficacité de mes discours pour faire mieux que ces porcs capitalistes ! Le camarade Wieslaw Gornicki mettra sa plume à ta disposition pour l'écriture du scénario. Avec son sens du réalisme socialiste, nous obtiendrons un chef-d'oeuvre du cinéma populaire et ainsi aider le communisme a conquérir le monde !"

Et là, si le général Jaruzelski n'avait pas eu un manche à balai dans les fesses, il aurait pu éclater d'un "Mouhahaha !" triomphant.

(Je précise que tout le dialogue qui précède sort de mon imagination, mais si ça se trouve, ça s'est passé à peu près comme ça.)

 

 

Klatwa Doliny Wezy, sorti discrètement en France sous les titres La Malédiction de la Vallée aux Serpents et L'Incantation de la Vallée des Serpents, fut visionné par 32 millions de personnes à sa sortie dans les pays membres du Pacte de Varsovie, dont 25 millions de spectateurs rien qu'en Union Soviétique et un million en Pologne, en grande partie parce qu'en dehors de quelques dissidents cinéphiles courageux s'échangeant sous le manteau des VHS pirates grossièrement doublées en polonais ou en russe, la plupart des citoyens du Bloc de l'Est ne découvriront les aventures d'Indiana Jones qu'après la chute des régimes communistes. Klatwa Doliny Wezy n'en demeure pas moins un énorme succès commercial. La fiche Wikipédia consacrée au film nous apprend que l'ersatz soviéto-polonais de Marek Piestrak fit l'objet de projections secrètes au Viêt-Nam car il était considéré comme "trop américain" par le régime d'Hanoï ! L'oeuvre fut pourtant en partie tournée dans la République populaire du Viêt-Nam avec la coopération des autorités communistes locales. Plus habitué à voir la guerre du Viêt-Nam reconstituée aux Philippines, le nanardeur occidental savourera pour l'occasion l'exotisme que représente la vision d'un véritable figurant vietnamien grimé en Viêt-Minh mitraillant un hélicoptère de l'armée française dans une reconstitution de la guerre d'Indochine filmée sur les lieux-mêmes de l'action. La scène d'intro nous montre en effet le traître de l'histoire, Bernard Traven, un pilote français perdu dans la jungle et échouant dans un temple bouddhiste, dérober une relique en résine en forme de tête de serpent à des moines, qui lancent alors sur lui la malédiction du titre.

 

"Tu es un homme. Va en Indochine défendre la liberté... Tu deviendras UN CHEF !" (cette accroche d'une affiche de recrutement de l'armée française m'a toujours fait marrer, perso)...

Anecdote de tournage (qui en dit long) : Marek Piestrak a dû renoncer à la plupart des scènes avec l'hélicoptère, pour lesquelles il a attendu sur le plateau pendant un mois entier. Lorsque l'hélicoptère a enfin été livré, il s'est avéré qu'il ne pouvait voler qu'une seule fois et qu'après avoir atterri, il ne pouvait plus reprendre l'air car ses batteries étaient trop faibles. En outre, la jungle a dû être remplacée par des morceaux de feuillage collés devant la caméra pour donner l'impression d'une végétation dense et luxuriante.

"Tiens, prends ça, matos soviétique de merde !"

Un petit discours anticolonialiste approuvé par le Komintern, histoire de trancher avec l'impérialisme de son modèle hollywoodien.

Le patronyme du méchant est probablement un clin d'oeil au romancier (et aventurier) B. Traven, auteur du "Trésor de la Sierra Madre".

 

De l'exotisme, le film en a encore à revendre car la suite nous emmène voyager dans un autre bastion du socialisme, la France de François Mitterand (premier dirigeant occidental à avoir accueilli une visite diplomatique du Général Jaruzelski après son coup de force, rappelons-le) ! C'est dans cette contrée étrange et mystérieuse où les gens roulent en R5 que nous retrouvons le méchant Bernard Traven qui, après une carrière de mercenaire (il fut notamment le conseiller de l'empereur Bokassa), est devenu un riche collectionneur d'antiquités. On sait d'emblée qu'il est un traître car il n'y a pas qu'à Hollywood que les Français sont fourbes (souvenez-vous du méchant René Belloq dans le film de Spielberg). Le héros en revanche est un bon Polonais appelé Jan Tarnas. Jan Tarnas n'est pas un inconnu pour les complétistes du nanar car il est joué par Krzysztof Kolberger, le héros monolithique de Mission Ninja, film d'action suédois anti-communiste (co-produit avec la Pologne de Jaruzelski !) dans lequel notre brave Krzysztof, encagoulé en mercenaire ninja d'élite, cassait du sbire du KGB dans des hectolitres d'hémoglobine pour le compte de la CIA.

 

Une contrée étrange et lointaine où on peut se faire servir des cafés sur la terrasse des brasseries. Un exotisme à même de dépayser le spectateur polonais de 1988.

Yo les jeunes ! Ça aussi, c'est grave exotique : un mec qui écoute discrètement de la musique sur son walkman au lieu d'en faire profiter toute la rue ! Voyage au pays des boomers !

 

Ici, ce cher Krzysztof se voit confier la mission d'incarner un clone d'Indiana Jones, mais en plus prolétaire, en moins bourgeois. Pas le genre à enseigner à des gosses de riches dans une gigantesque fac américaine au parc immense et à la pelouse taillée au millimètre près, non. Jan Tarnas est un modeste professeur d'archéologie enseignant à la Sorbonne. C'est là que vient le chercher le tout aussi inexpressif Bernard Traven, qui a besoin de notre héros, spécialiste des langues anciennes asiatiques, afin de déchiffrer un parchemin mystérieux trouvé dans la relique volée aux bonzes du début. Cette découverte entraînera l'archéologue Jan Tarnas, le fourbe antiquaire Bernard Traven, ainsi que la collante journaliste de France-Soir Christine Jaubert, dans une trépidante aventure sous Tranxène s'employant à marcher dans les traces du héros créé par Steven Spielberg et George Lucas, le talent et le budget en moins.

 

La "sensation de la Sorbonne" donne des cours d'Histoire à des élèves qui n'en ont rien à cirer de ce qu'il raconte, quand ils ne sont pas en train de se payer sa tête. N'empêche, le film réussit à anticiper la déchéance du professeur Henry Jones Jr. dans "Indiana Jones et le Cadran de la Destinée".

Faut dire, avec la tête qu'il a...

Bwahaha, le bouffon ! Il s'adresse à son interlocuteur en le regardant avec sa loupe !

 

Harrison Ford, son sex-appeal viril en diable, son chapeau de feutre, son blouson de cuir, son fouet, son humour et son énergie vous ont fait rêver ? Jan Tarnas ne vous fera pas le même effet, déambulant dans la jungle avec son petit casque colonial à la "Tarnas au Congo", ses petites lunettes rondes d'intello, son bermuda ridicule de boy-scout et ses grosses chaussettes montantes d'un rouge pétant.

Vous avez tremblé quand Harrison Ford et Karen Allen sont tombés dans une fosse remplie de serpents ? Marek Piestrak s'est dit que c'était une bonne idée et a refait la scène à l'identique, sauf que les héros sont équipés d'un improbable gaz anti-serpents (ressemblant méchamment à un banal fumigène) fourni par le sidekick russe du héros polonais (qui nous apprend que les gaz sont les seuls existants, la haute technologie soviétique ayant de grosses limites budgétaires), donc en fait les héros ne risquent rien.

Vous avez frémi quand Harrison Ford saisissait avec précaution l'artefact au début des Aventuriers de l'Arche Perdue, déclenchant un piège mortel ? Ça tombe bien, Marek Piestrak s'est aussi dit que c'était une bonne idée.

Vous avez aimé le personnage de Willie Scott dans Indiana Jones et le Temple Maudit, qui passe les trois-quarts du film à hurler de terreur ? Comment ça, elle vous les a brisées menu ? Bon, ben, tant pis pour vous, parce que Marek Piestrak s'est aussi dit que c'était une super idée de mettre une potiche en détresse hurlante dans son film.

Vous avez retenu votre souffle devant la scène du pont suspendu au dessus d'un précipice vertigineux et d'une rivière infestée de crocodiles sanguinaires ? Marek Piestrak a repompé la séquence sauf que là, le pont est suspendu à trois mètres au dessus d'une banale rivière infestée de rien du tout et la traversée dure trois plombes, sans aucune sensation de danger et de suspense, même quand la potiche trébuche et se retrouve suspendue au dessus du vide sous le regard bovin des héros. Ce qui est très ironique, c'est que cette cascade molle fut dans la réalité bien plus dangereuse que celle, spectaculaire, du blockbuster américain. Dans une absence totale de sécurité élémentaire, l'actrice Ewa Salacka dut effectuer elle-même sa cascade avec seulement un technicien en contrebas pour la rattraper au cas où elle tomberait pour de vrai. Le cinéma d'action polonais, ça vaut décidément celui des Philippines.

 

L'héroïne se croit à un défilé de mode organisé par Jean-Paul Goude. Le héros, par contre, ça demeure un grand mystère...

Dans la famille des baroudeurs, je voudrais le cousin polonais asthmatique d'Indiana Jones.

Avec sa petite moustiquaire de chochotte.

Le seul plan nichon du film.

Le premier hurlement de notre scream queen polonaise.

"HIIIIIIIIIIIIIII !!!"

"HIIIIIIIIIIIIIIII !!!"

Un macchabée qui n'aurait pas juré chez Bruno Mattei.

 

Comme le disait Barracuda à propos du film dans un des épisodes du podcast Nanarland, la première partie parisienne n'est pas très nanarde, en dehors du running-gag involontaire des serpents qui surgissent à chaque fois que les protagonistes consultent le manuscrit (la malédiction !) mais ne tuent que des figurants qui ne faisaient que passer par là au lieu de s'attaquer aux héros. C'est à partir du moment où nos aventuriers se lancent dans la jungle que l'aiguille du nanaromètre commence vraiment à s'exciter. Accompagnés d'un guide militaire vietnamien et d'un moine bouddhiste ninja as du shuriken et des disparitions surnaturelles, nos baroudeurs se mettent à crapahuter dans la brousse du Laos (l'intrigue ne se déroulant pas au Viêt-Nam pour une raison inconnue) en quête de "la Vallée de la Force et du Pouvoir" où se trouve un mystérieux temple en ruines.

 

 

Dans ce temple les attendent les quatre Khumans. Qu'est-ce que les Khumans ? Le premier, c'est la fosse aux serpents déjà mentionnée ; quant au deuxième Khuman, il s'agit d'un couloir avec des statues tirant des rayons lasers ultra low-cost avec les yeux ; le troisième Khuman est un grotesque craignos monster parmi les plus ringards de la création, sorte de grosse marionnette de chenille géante bricolée en catastrophe par un technicien polonais car la maquette de monstre fournie par les collaborateurs russes s'est avérée être totalement incapable de bouger ; enfin, le quatrième Khuman est une momie alien en papier mâché reposant dans un sarcophage en plexiglas avec un vase contenant un artefact extraterrestre. Le bonze nous avertit que l'artefact doit rester dans le temple car "s'il tombait entre de mauvaises mains, la malédiction s'abattrait sur l'humanité entière et le monde serait en danger de destruction". On n'est évidemment pas surpris quand le fourbe Bernard Traven trahit les héros et s'empare du vase pour devenir le maître du monde grâce à ses pouvoirs magiques. En revanche, ce qu'on ne comprend pas, c'est que Jan Tarnas choisisse de ramener l'artefact à Paris malgré les avertissements du moine (en plus, quand il jette un coup d'oeil sur l'artefact dans l'avion en partance pour l'Europe, notre héros a vraiment la tête d'un type conscient d'avoir fait une grosse bêtise).

 

Allez, tous en choeur : LE SERPENT !

PIOU PIOU !

PIOU PIOU !

PIOU PIOU !

Vous aurez bien sûr remarqué que les rayons lasers ne sont jamais correctement alignés avec les yeux des statues.

La minute craignos monster.

On accuse Marek Piestrak d'avoir plagié Spielberg mais, en fait, c'est l'Américain qui lui a tout piqué dans "Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal" !

 

Après quelques trahisons nébuleuses, Jan Tarnas et l'artefact tombent aux mains d'une méchante organisation secrète. On suppose qu'il doit s'agir de la CIA mais ce n'est pas explicitement dit. Peut-être du fait que dès son arrivée au pouvoir, Mikhaïl Gorbatchev avait interdit de produire tout film qui puisse offenser les Américains et parce que la Russie était co-productrice du film, l'aspect propagandiste, bien réel, n'est pas aussi frontal qu'on aurait pu s'y attendre. Marek Piestrak n'a visiblement pas pu caser des Américains aussi ouvertement caricaturaux que les Russes dans Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal. Cependant, le nom de leur chef moustachu, monsieur Breecher, laisse peu de doutes sur la nationalité des méchants. Le spectateur s'amuse alors de retrouver les clichés des films de la Guerre Froide mais avec un manichéisme inversé. Torturé, le fier héros communiste au visage tuméfié, entre deux sarcasmes adressés à ses tortionnaires, exige de voir le consul de Pologne, ce qui fait ricaner le méchant capitaliste occidental. Mais ce dernier sera puni car en cherchant à découvrir le contenu de l'artefact alien, monsieur Breecher se fait éclabousser par un liquide visqueux qui le transforme en grotesque monstre mutant échappé d'une série Z des années 50. Le méchant mutant finira désintégré par le GIGN de service à coups de lance-flammes tirant des rayons lasers. Pensant tenir l'arme absolue avec cet artefact extraterrestre, le big boss de l'organisation secrète décide de l'envoyer par précaution sur l'atoll de Mataiva (en Polynésie française), mais la cocasse maquette d'avion le transportant disparaît dans un vortex nanar. A la fin, Jan Tarnas s'en sortira heureusement indemne, avec juste une phobie des Haré Krishna qui défilent rue des Ecoles.

 

Les méchants Américains et leurs collaborateurs français disposent d'un matériel high-tech dernier cri pour percer le secret du vase extraterrestre.

La transformation image par image désopilante du méchant.

La deuxième minute craignos monster.

"GRROAAR ! GRROOAARRH !"

Ghostbusters !

En si peu de temps de présence à l'écran, il a réussi à éclipser tout le reste du casting et à conquérir le coeur de tous les nanardeurs du monde.

A rebours des films d'auteur sociaux de la Nouvelle Vague polonaise des années 70, la chape de plomb imposée par Jaruzelski dans les années 80 fut paradoxalement un petit âge d'or pour le cinéma de genre polonais, à l'inverse de ce qui s'était passé en République Tchèque dix ans plus tôt (où la "normalisation" avait eu raison de toute la production fantastique locale). Avec donc quelques résultats aussi amusants que le film de Marek Piestrak, connu comme "le Ed Wood polonais". Tout au long de sa carrière, le réalisateur s'est efforcé de réaliser le genre de cinéma populaire qui lui plaisait, inspiré des films hollywoodiens qu'il avait découverts enfant au sortir de la Seconde Guerre mondiale et juste avant que le régime stalinien ne les interdise.


Une affiche tchécoslovaque...

...une affiche égyptienne...

...et une autre en portugais, preuve que le film s'est quand même bien exporté !

D'une colossale maladresse, fauché comme les blés d'un kolkhoze et réalisé comme un téléfilm mou, La Malédiction de la Vallée aux Serpents est un nanar mineur (il y a de grosses longueurs, surtout au début) mais contient des fulgurances très rigolotes. Donnant généreusement dans le Pulp bon marché et disposant de quelques beaux décors (le temple de My Son dans la province de Quang Nam a de la gueule), il suscite une irrésistible sympathie avec ses effets spéciaux hallucinants qui montrent que la crise économique n'a pas épargné le cinéma en Pologne et en Union Soviétique à la fin des années 80. Tentative absolument pathétique mais finalement touchante de faire aussi bien voire mieux que les Ricains, le film correspond pleinement à la définition du nanar par le décalage énorme entre ses intentions et le résultat ringard mais foncièrement attachant. Un film qu'on aime justement pour ses défauts.

 

 

Le réalisateur Marek Piestrak s'est par la suite défaussé en disant que tout était de la faute des Russes si son film était aussi ridicule. Il a aussi soutenu que son oeuvre n'était pas du tout une copie des Aventuriers de l'Arche Perdue ! Décidément, j'adore ce mec ! En tout cas, son Indiana Jones en carton cartonne dans les festivals consacrés aux nanars en Pologne, en Estonie et en Russie, ce que Marek Piestrak semble plutôt bien prendre, du moment que les gens aiment toujours son film, même si aujourd'hui c'est pour en rire. Le titre du film a même donné son nom au prix Waz, soit le "Prix du serpent", décerné aux pires films polonais (l'équivalent polak des Razzie Awards ou des Gérards). C'est dire la renommée nanarde qu'a acquise cette oeuvre culte dans ses pays d'origine.

 

- Jack Tillman -

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Un coffret DVD polonais édité par Kino Polska propose le film avec trois autres classiques de la SF polonaise : Test pilota Pirxa (1978) de Marek Piestrak, Milczaca gwiazda alias L'Etoile du Silence (1959) de Kurt Maetzig et Sygnaly MMXX alias Signal : Une Aventure dans l'Espace (1970) de Gottfried Kolditz. Il existe également un DVD russe édité par Ruscico mais hélas uniquement en russe sans sous-titres.