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Dar l'invincible 3 : l'oeil de Braxus
(1ère publication de cette chronique : 2022)Titre original :Beastmaster 3 : The Eye of Braxus
Titre(s) alternatif(s) :Aucun
Réalisateur(s) :Gabrielle Beaumont
Année : 1996
Nationalité : Etats-Unis
Durée : 1h32
Genre : Seigneur des bêtes à bouffer du foin
Acteurs principaux :Marc Singer, Sandra Hess, Casper Van Dien, Lesley-Anne Down, David Warner, Tony Todd
Dar l’invincible, le maître des bêtes, clone de Rahan aux pectoraux luisants, pourfendeur de vils seigneurs du mal débarque en 1982 en pleine vague héroïc fantasy accompagnant le Conan de John Milius. Sans être un chef-d’œuvre inoubliable, le film de Don Phantasm Coscarelli remplissait gaillardement son office et obtint un honnête succès au box office. Ça aurait pu et peut-être dû en rester là, mais le comédien Marc Singer ayant connu une soudaine notoriété grâce à la série V, les producteurs se sont dit qu’on pouvait facilement envisager une suite pour capitaliser dessus.
Cela nous a donné le risible Dar l'Invincible 2 : la porte du temps où, pour économiser sur les frais de tournage, ils nous ont fait une Maître de l’univers : ben ouais, le médiéval fantastique, même fauché, ça nécessite des costumes et des décors. Vous êtes marrants vous, le polystyrène et le carton-pâte, c’est pas donné alors on envoie le héros à notre époque, façon Les Visiteurs, et on laisse notre fier barbare biclassé ranger s’enjailler à Beverly Hills avec des loubards punks et des danseurs disco.
Faisant partie des premières pelloches chroniquées sur Nanarland, le film accumule toutes les tares du sword and sorcery discount, pour notre plus grand plaisir, mais rapporte encore suffisamment de pépettes pour envisager de remettre le couvert 5 ans après.
Le 2ème épisode se déroulant dans le monde moderne et le 3ème dans la cambrousse, on serait tentés de parler de Dar des villes et de Dar des champs.
Et Marc Singer de renfiler le pagne en cuir de l’homme des bois pour un dernier tour de piste. Sans enthousiasme certes, mais avec cette sorte de professionnalisme résigné de celui qui a vu sa carrière post-V sombrer dans le film de vidéo-club de plus en plus indigent. D’autant qu’à 48 ans, même s’il s’entretient encore, ça devient un peu compliqué de se balader quasi à oilpé pendant tout le film.
Il baguenaude dans les pâturages…
Tintin et Milou version bonhomme.
Et on ne va pas se le cacher, les ambitions déjà pas bien glorieuses de la franchise ont été encore revues à la baisse pour ce troisième volet. Le film est d’abord et avant tout conçu pour sortir à la télé aux États-Unis, et en vidéo-club ailleurs. Le budget va donc rester parcimonieux et l’aspect visuel le plus fonctionnel possible. La réalisation est confiée à la vétérante Gabrielle Beaumont qui a roulé sa bosse de réalisatrice télé multitâche depuis les années 70, de Shériff fais moi peur à Melrose Place, et dont le plus haut fait d’arme sera l'abominable comédie He’s my girl avec David Halliday. Bref, va pas falloir s’attendre à du génie, ni même à un quelconque female gaze sur la saga, non on serait plutôt dans le faudraitpasqueçacoûtetropcher gaze…
Le furet, sommet de la chaîne alimentaire de l’epicness.
Nous retrouvons donc notre ami Dar dans son royaume médiéval reconstitué dans l’arrière-pays californien, accompagné par sa ménagerie ambulante. Oui parce que, rappelons-le, Dar c’est The Beastmaster, celui qui murmure à l’oreille des bestioles et il ne se déplace jamais sans Sharak son faucon, Kodo et Podo ses furets chapardeurs, et Ruh son fauve de combat.
Oui je dis fauve parce que dans le premier, Ruh c’était une panthère, puis dans le 2 un tigre et là ce coup-ci c’est un lion famélique. Soit le directeur de casting animalier n'en avait rien à foutre ou était pété à l’alcool de quetsche, soit Ruh est particulièrement genderfluid voire speciefluid et refuse d’être catalogué dans une identité précise. Il ne nous appartient pas de juger ; seulement, quand on se fait les films à la suite ça déstabilise un brin.
Montage réalisé par @themikenorton. Dans le 1er opus, Ruh est en fait un tigre peint en noir !
Tout comme d’ailleurs le cri suraigu que pousse Dar pour interagir avec son faucon, souvent sans prévenir, et quand bien même il serait déjà en pleine conversation avec un autre personnage. Une sorte de phubbing primitif, quoi.
“Bonjour monsieur, je voudrais vous demander le… YAAAAAARRRHH !!, je disais, quel chemin vers la ville de… Mais pourquoi vous me regardez comme ça ?”Mais ne nous éparpillons pas et revenons à notre "maître des bêtes". Dans ce 3ème opus, Dar doit venir en secours à son frère, le roi Tal, qui a été enlevé par le méchant sorcier Lord Agon, dont les intentions de règne sans partage sur le royaume/le monde/l'univers requiert la récupération de l'Oeil de Braxus. Cette amulette s'avère être, par le plus grand hasard des coutures scénaristiques au fil blanc, en la possession des deux frangins. Lord Agon lance donc son armée de six gardes avec des casques spartiates ridicules à la recherche du morceau de médaillon en possession de Dar. D'où bagarre, magie et bagarre.
Comme nous le disions précédemment, Dar 3 transpire la misère téléfilmique catégorie Heroic-Fantasy au rabais. Le rythme est mou du fion, n'attendez aucune séquence spectaculaire en dehors des attaques du lion sur les figurants : on voit que c’est bien un véritable animal qui bondit au petit trot sur les méchants, ce qui apparaît assez dangereux, même avec toutes les précautions sans doute prises sur le plateau (une chaîne attachant l’animal peut parfois être vue furtivement au détour d’un raccord). De plus, l'histoire ne raconte pas grand chose. Les travers d'un genre souvent sacrifié sur l'autel des économies budgétaires, comme le rappelait notre épisode consacré du podcast. Une fois cela dit, concentrons-nous sur les éléments plus intéressants du film pour qui est venu explorer ces terres en quête d'un peu de divertissement nanar.
Les matte paintings flous baveux qui vous VHSsellise n’importe quelle remasterisation du film.
1ère sucrerie utilisée par Dar 3 pour séduire le nanarophile gourmet : le roi Tal. Plus précisément sa coupe de cheveux. Casper Van Dien est ici affublé d'une perruque blonde permanentée de surfeur californien dont la beauté assure sans nul doute sa légitimité royale. Et il lui faut bien cette exubérante chevelure pour lui donner un minimum de contenance quand on voit la misère de son campement royal tout en balsa, contreplaqué et tentures fin de série de chez Tati. La cascade capillaire qui se déverse sur ses épaules bronzées est un enchantement constant et justifie qu'on se scandalise de son enlèvement par le fourbe Agon, surtout pour le voir soumis à une étrange torture par des tentacules muraux très cthulhiens. Notez que ce stratagème, censé lui faire cracher où est la seconde partie du médaillon, l'empêche complètement de parler en lui recouvrant la bouche ; cet inconvénient ne semble pas perturber Agon qui se contente de mater sa victime en attendant sa mort par épuisement de l’âme. Une certaine forme de pornographie japonaise.
Protégez vos yeux de la puissance d’une telle perfection capillaire.
Avec ces figurants californiens tellement crédibles.
On comprend mieux pourquoi le pnakotique a une prononciation aussi étouffée.
2ème douceur sur le palais du nanardeur : Agon a un goût particulier en matière de sbires qu'il exige équipés de casques de hoplites sur la tête. Sans doute pratique pour masquer l'utilisation renouvelée des 3-4 mêmes cascadeurs, cela donne également une petite ambiance grecque qui assure l’exotisme et la diversité culturelle. Cette volonté d'inclusivité loin de tout stéréotype se confirme d'ailleurs lorsque surgissent à l'écran les "sauvages des montagnes" : imaginez une bande de potes bien typés caucasiens qui se griment en cannibales sud-américains échappés d'un Eurociné ou d'un film d'Umberto Lenzi. Prévoir, en compensation du maigre budget maquillage et costumes, de beaucoup gesticuler et de baragouiner des jappements pseudo-primitifs (“bougoubouna bleuah !”). Ces indigènes ont beau être hostiles et agressifs, on en vient à les prendre en pitié tant ils sont victimes des quolibets racistes de la part de tous les personnages, y compris des adversaires de Dar qui surgissent tels des Dieux hors de leur machine pour le sauver de son exécution tribale, en paiement d'une soi-disant dette d'honneur.
Montagnard Ferox.
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Le chef, sans doute vénèr’ d’avoir été dérangé alors qu’il n’avait pas fini de se raser.
La 3ème friandise, moins grosse mais au petit goût relevé bien sympa, c’est le bras droit d'Agon. Son look de clochard aux cheveux en pétard est parfois contrebalancé par le port d'une paire de lunettes totalement anachronique qui lui donne un côté intello attrayant. Le soupçon de légèreté humoristique (volontaire) qu'il apporte au film fonctionne d’ailleurs plutôt bien, quand il se plaint ainsi d'être un éternel conseiller de l'ombre qui a officié auprès de nombreux sorciers maléfiques, et que ça commence à bien faire de devoir trouver au pied levé des sacrifices adaptés aux exigences de Lord Agon. Ce dernier a en effet régulièrement besoin de succuber l'énergie vitale des jeunes gens vigoureux du pays afin de maintenir sa propre subsistance, à défaut de quoi il retrouve son teint de vieillard, tel Johnny au réveil avant son peinturlurage collagéné matinal.
Le personnage le plus pratchettien du film tant il apparaît presque méta.
Un Lord Agon interprété avec une lassitude presque palpable par un David Warner qui semble se dire qu’il n’a franchement pas fait la Royal Shakespeare Company pour en être réduit à faire le zouave dans ce genre de productions mais qui, quand on regarde sa filmographie forte de 228 films depuis les années 60 au moment où nous écrivons ces lignes, apparaît aussi comme quelqu’un qui ne sait pas toujours dire non quand il s’agit de signer un contrat…
Haut les mains, vieux sagouin ! Le nanar est ton gagne-pain !
La garde robe d’Agon étant un hommage évident à l’oeuvre de Gustav Klimt.
Surveillant notre héros avec un palantir de chez Wish.
Évidemment, pour retrouver son frère, notre Beastmaster peut compter sur le prompt renfort de quelques sidekicks interprétés par des acteurs à la notoriété certes un peu vendeuse mais pour autant pas trop chers dans les fichiers de Pôle Emploi spectacle. On retrouve au casting Tony Todd, alias Candyman, dans le rôle de Seth, personnage récurrent de guerrier noir plein de sagesse. Il succède d’ailleurs à John Amos qui tenait le rôle jusque-là. Il ne démérite pas vraiment mais on se demande quand même ce qu'il fiche ici. Son ressort humoristique consiste à se plaindre que malgré son rôle de conseiller, il n'est pas écouté par Dar. Une dénonciation d'une relation de Maître (des bêtes)-Esclave ?
Dar et ses amis.
Non Dar, ne touche pas à ce truc laissé par les méchants au milieu de nulle part, ça sent le piège à des kilomètres…
Oh le boulet…
Parmi les alliés de fortune, impossible enfin de ne pas citer cette stupéfiante remarque en préparation d'une rencontre avec une troupe de deux forains : "les Bohémiens sont des êtres complexes". Sûrement le bon sens de la sociologie lapidaire des temps anciens. En effet, difficile de conserver sa contenance face à un acrobate tête à claque maquillé comme pour un concert de Marillion et à une pseudo-enchanteresse spécialisée en transformation de gens en animaux.
Bonjour, c’est ici pour la quête épique ?
Morgana, interprétée par Lesley-Ann Down (Quand la Panthère Rose s'emmêle, La grande attaque du train d’or !) qui a l’air de vivre sa meilleure vie tant elle s’éclate à surjouer la sorcière/femme fatale exubérante mais au coeur d’artichaut pour qui sait s’y prendre.
Nous pourrions évoquer pas mal d'autres petits aspects rigolos, comme l'auto-emberlificotage de dernière minute du scénario pour donner une impression de contenu, la relation cucul la pral' entre Dar et une mercenaire aussi permanentée que son frère Tal (Pallardy, sors de ce script incestueux !), interprétée par Sandra Hess, la Sonya Blade de Mortal Kombat : destruction finale (on a les CV qu’on mérite).
C’est cool pour les filles, Louboutin fait aussi des épées !
Il faudrait aussi parler de la musique qui a le mérite d’expérimenter des trucs assez étranges au clavecin (de fait, on a souvent l'impression d'entendre l'interlude d'un album de Cradle of Filth). Le responsable de ces ambiances dissonantes est Jan Hammer, le virtuose du synthé derrière la bande originale de Deux flics à Miami et qui, là clairement, ne sait pas ce qu’il fait, parce que la grande aventure médiévale épique au clavier Yamaha pour un gars qui est spécialisé dans le jazz fusion et le polar atmosphérique, ben c’est pas facile tous les jours.
Contrairement aux apparences, Braxus n’est pas une idole ninja.
La preuve ! Le respect est mort même pour les divinités de chez Mattel !
Mais en vrai, voilà que nous nous devons de dégainer le seul et véritable argument pour vous convaincre de vous farcir 1h20 des aventures mollassonnes de Dar et de ses animaux, la cerise plus grosse que le gâteau, cerise qu'on aura bien caramélisée au praliné avant de l'étouffer sous des hectolitres de chantilly : l'invocation réussie du fameux Braxus en titre. Là où sa vénération par des gens du commun nous laissait croire qu'il s'agissait d’une divinité protectrice, le bonhomme s'avère être une infâme Entité Suprême du Mal qui a bien l'intention de niquer tout le game. Mais pour y parvenir, il faut se matérialiser sur notre plan astral, et quoi de mieux pour cela qu'un gros costume ringard en latex qui vous assure le charisme d'une gloumoute de Sentaï ? Surtout quand le design abominable a bravement et contre toute logique humaine survécu à l’analyse critique du département artistique et de la production.
La star tant attendue. Son charisme est tel que chacun voit en lui sa créature totem : nos followers l’ont ainsi comparé à Donatello, un Koopa, ou un Dinosaure de la série éponyme ! Braxus is the all syncretism !
Dernier fleuron des effets spéciaux fauchés à l’ancienne, tout en latex et caoutchouc, arrivant en retardataire en 1996 juste avant l’invasion du numérique low cost, Braxus a en plus cet atout charme que d’espérer naïvement qu’il pourra encore faire illusion alors qu’objectivement, personne n’a plus l’air d’y croire. Non seulement devant et derrière la caméra, mais aussi devant ou derrière l’écran de télévision !
Grâce à sa pratique assidue des exercices yogiques, Braxus est parvenu à ouvrir son 3ème oeil. Autant vous dire que ça va perforer du chakra à coups de gnons !
Et pourtant, bien décidé à tartiner jusqu'aux confins de l'horizon le bonheur qu'il génère chez le spectateur jusque là un peu léthargique, Braxus s'offre en bonus une voix française d'outre-tombe joyeusement ridicule, dont il se sert pour déclamer les pires absurdités maléfiques mouhahaha je vais vous détruire, avec en sus une bonne couche d'auto-satisfaction enjouée mouhahahaha je suis le plus fort, tel un enfant en pleine montée de toute-puissance alors qu’il se venge de ses petits malheurs en piétinant ses jouets. Evidemment, sa confrontation laborieuse avec Dar et ses alliés, considérant sa corpulence caoutchouteuse, n'aide en rien à le rendre plus crédible mais cela a le mérite d’achever de faire exploser sa cote nanar (et nous avons bien dit cote) dans un firmament étoilé qui vous purifie l’âme de tous vos soucis.
Casimir sous stéroïdes.
La célèbre méthode brevetée de peeling spirituel par rayonnement multicolore fluo.
Dar 3 prouve ainsi que la misère traînarde d'un film peut être le plus bel écrin à son feu d'artifice final. Tout à sa confiance en un avenir serein, il se paie le luxe de se conclure sur une ouverture vers une suite qui n'arrivera jamais au cinéma ; c'est en effet une série qui reprendra les rênes de sa ringarde destinée, Marc Singer ayant alors la lucidité de céder sa place à Daniel Goddard (Cane Ashby dans les Feux de l’amour, pour notre silver lectorat), pour trois saisons de balade dans les bois. So long, Beastmaster…
La version télé, ça fait tout de suite plus sérieux...
Cote de rareté - 3/ Rare
Barème de notationMême si le film est un habitué des diffusions télé sur les chaînes de la TNT, il n’a eu droit chez nous qu’à une édition VHS d’époque chez “Universal”.
Plus étonnant, même aux Etats-Unis The Beastmaster 3 n’a pas eu droit à une édition DVD : il y a bien eu une cassette, un laserdisc… et puis c’est tout. Alors comme aux States le droit de rééditer des films de patrimoine qui ne sont pas ressortis en numérique est bien plus permissif qu'en France, on peut, en cherchant un peu, trouver des passionnés qui vous gravent un DVD-R artisanal comme chez “Classic Movies Etc.”
La seule édition DVD officielle connue pour l’instant est autrichienne, chez "Endless Classics / Cargo”. Cela reste du basique cependant : version allemande, version anglaise, une bande-annonce et puis c’est tout…