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Battlefield Earth

(1ère publication de cette chronique : 2003)
Battlefield Earth

Titre original : Battlefield Earth

Titre(s) alternatif(s) :Terre champ de bataille

Réalisateur(s) :Roger Christian

Année : 2000

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h47

Genre : Délire scientologue

Acteurs principaux :John Travolta, Barry Pepper, Forest Whitaker, Kim Coates

mattg
NOTE
3/ 5


Cas douloureusement barré que celui de Battlefield Earth… Ce film de SF est adapté d'un livre de Ron Hubbard, gourou de la secte de scientologie. Ce qui nous laisse d’emblée présager qu'un nombre record de conneries va être atteint. L'histoire raconte comment, en l'an 3000, les hommes se sont libérés du joug d'extraterrestres, qui portent le nom délicat de Psyklos. Dès qu’on rentre dans les détails, ça devient du vrai n'importe quoi.


Bonjour, je suis Roger Christian, réalisateur de Battlefield Earth, et je vais vous montrer ce qu'il arrive quand on tourne un film bourré comme un coing !


Au début, un exergue nous explique qu'en l'an 3000, les hommes sont revenus à l'état sauvage. De plus des extraterrestres, les Psyklos, les maintiennent en esclavage. Le film commence alors, sur fond de musique new age. Puis on nous présente un village d'être humains en peaux de bêtes, et l’inévitable héros (interprété Barry Pepper, déjà vu dans La Ligne Verte, Il faut sauver le Soldat Ryan ou Trois Enterrements), qui vient juste de perdre son père devant les yeux impuissants de sa copine et du chef du village. On a droit à la séquence émotion + rage filmée au ralenti, cadré en gros plan sur le héros. Enfin pas si cadré que ça en fait, car pour se la jouer branchouille le réalisateur en fait des tonnes avec des plans décadrés et des ralentis à foison. Je n'ai rien en particulier contre ces techniques cinématographiques, mais abuser de ce genre d’artifice pour un oui ou pour un non confine tout simplement au ridicule le plus épais, d’autant que tout ceci est très mal foutu.


Et vive les plans penchés ! Comme dans la série télé Batman !


Après cette mort tragique, le village se réuni autour d'un conseil. Le héros veut partir se battre (contre qui et pourquoi, le spectateur ne le saura jamais). Le chef refuse. « Les démons sont arrivés sur Terre » clame-t-il en désignant une peinture sur pierre, qui aurait sûrement bien fait rigoler les habitants de Lascaux. Qu'à cela ne tienne : le héros veut se battre, insiste-t-il en mimant un démon (ou peut-être était-ce un singe, j’avoue avoir un doute).
En 10 petites minutes, Battlefield Earth vient de nous démontrer qu'il avait un potentiel nanar fort intéressant, mais ce n'est qu'un début.
Le héros décide de partir seul, sa copine lui file son porte-bonheur, puis il se retrouve dans la forêt sur son cheval. Quelque chose va effrayer son cheval : des statues dans le genre secte du Mandarom, en plus ridicule. Le metteur en scène laisse éclater son génie : la peur du cheval est filmée sous 4 plans différents (en haut, en bas, à gauche, à droite) puis c'est la chute au ralenti, le tout avec une image décadrée, si vous n'avez pas alors mal au cœur, c'est que vous avez le pied marin. Notre héros va rencontrer deux types qui vont devenir ses compagnons d’infortune cinématographique. Je vous livre un extrait de leur discussion pour donner le ton :
Eux : « Tu veux voir des Dieux ? »
Le héros : « Moi, je ne crois que ce que je vois ! »


Le héros, probablement refusé sur le tournage de Yor...


En fait, les Dieux en question, ce sont d'autres statues bien laides, situées dans les décombres de vieilles villes américaines. Ils se cachent dans les ruines d'un centre commercial. A noter que le héros ne sait pas ce que c'est qu'une vitre, car il va se cogner dessus sans savoir ce qui lui arrive. Puis ils font du feu, avec un vieux sapin de Noël qui traînait dans le centre commercial, pour manger. Suite des discussions métaphysiques :
Eux : « Là d'où on vient, une femme bien, c'est dur à trouver ! »
Tout à coup un méchant surgit (au ralenti évidemment, un vrai tic de mise en scène). C'est un Psyklo (les méchants Martiens, je rappelle pour ceux qui ont oublié), il va dérouiller tous nos héros à coups de laser. Le dernier se fait tirer dessus dans le dos, en courant, avant de se vautrer sur plusieurs vitres, le tout au ralenti. Les plus cinéphiles auront reconnu une scène de Blade Runner, où Harrison Ford dérouille une réplicant. Et bien dans BattleField Earth, c'est la même, plan pour plan. Sauf que c'est mal filmé. En outre, le directeur photo croit pertinent d’appliquer un filtre vert, qui devient la couleur dominante à l'image. C'est très laid, mais il faut bien que le directeur de la photo fasse des trucs pour justifier son cachet.


Si les rastas sont de méchants envahisseurs extraterrestres, on peut déjà déterminer que Grenoble est leur base (pas très) secrète !


Nos héros se retrouvent donc dans une espèce de cité futuriste, recouverte d'un dôme (car l'atmosphère des Psyklos y est maintenue, ils ne peuvent pas respirer l'air terrestre. C'est un peu idiot, je sais, mais c'est comme ça). C'est alors qu'apparaissent John Travolta et Forest Whittaker, qui jouent tous les deux de méchants Psyklos. Je pourrais vous décrire en détail leur look qui est, comment dire… singulier. Mais une photo suffira pour mesurer l'étendue du désastre.


Franchement, si on n'a pas été capables de battre ça, c'est que l'humanité n'était pas digne de survivre...


Le héros tente de s'enfuir avec un flingue des Psyklos, mais il se fait attraper par Travolta. L’occasion de vous livrer un nouveau dialogue de haute volée :
Un méchant : « C'est pas possible qu'un homme puisse se servir d'une arme !! »
John Travolta : « Peut-être qu'il va te tirer dessus, mais peut être aussi qu'il va me pousser un troisième bras ! »
Dans l’esprit du roman La Planète des Singes, les humains sont tous en cage. Arrive la sempiternelle scène de distribution de nourriture. Sauf qu'un humain vient chercher le héros, car il veut manger avant lui. Un pote du héros essaye de le raisonner. Nouveau dialogue idiot:
Le pote : « Arrête, essayons de rester en vie. »
Le héros : « Bien, alors battons-nous ! » dit-il avant de dérouiller celui qui venait le chercher.


Allons bon, me v'la dans « Ilsa chez les extraterrestres » !


Pendant ce temps Travolta se fait refuser une promotion auprès de sa hiérarchie. Du coup il part se bourrer la gueule. Puis Whittaker lui apprend l'existence d'une mine d'or.
Interlude
L'or est la ressource la plus importante de l'univers dans ce film, un peu comme l'épice dans Dune.
Fin de l'interlude
Après cette découverte, Travolta décide de former les humains, et en particulier le héros et ses deux compagnons du début, pour extraire l'or. En fait, en guise d'éducation, le héros recevra un coup de laser en pleine figure qui va lui apprendre la langue des Psyklos, ainsi que leur science, le tout en 2 mn façon Matrix (mais en moins bien, vous l’aurez deviné). En fait il apprend les maths (la géométrie et le triangle équilatéral en particulier).


O.K. ben moi je vais refaire le film au caméscope, ça pourra pas être pire.


Puis le héros a droit à une séance de pilotage des vaisseaux des Psyklos. La formation se traduit par un jeu vidéo façon Wing Commander. A noter que quand le héros va tourner à droite, il se penche à droite, de même quand il doit tourner à gauche. Sauf une fois ou le monteur a inversé les directions (il se penche à gauche, pour tourner à droite).
A noter aussi que Travolta va faire pression sur le héros en enlevant sa copine (qui avait quitté son village) et en tuant un de ses compagnons. Le héros n’est pas seulement triste, il est carrément très colère (mâchoire crispée, regard rageur vers le sol, grrrr…). Le compagnon qui a survécu le rassure avec cette nouvelle phrase d’anthologie :
Le pote : « Tu es un penseur, tu respectes les penseurs... »
Les humains décident alors de se rebeller en prenant comme leader notre héros. Il va donc se lever au ralenti, sous la clameur générale, avec un hochement de tête d'admiration et de suffisance somptueusement ridicule.


Kim Coates, éternel second couteau depuis le milieu des années 80.


Ensuite Travolta laisse les humains récolter l'or dans la mine. Il repasse les chercher 14 jours plus tard. Et alors là, il va s'en passer des choses en 14 jours. Plutôt que d'extraire de l'or, ils vont le chercher à Fort Knox (le héros a les cartes des USA, sans qu'on sache pourquoi), comme ça se sera plus rapide. Puis ils vont faire un détour par Washington DC pour découvrir l'arsenal militaire des USA qui fonctionne encore après 1000 ans d'abandon. En moins de temps qu'il ne faut pour dire ouf, les humains ont le temps d'organiser une rébellion, de ressortir tout l'arsenal, les avions, les bombes nucléaires et tout et tout, puis de se former en autodidactes à l’utilisation de tout cela.
Quand Travolta revient, comme prévu, au bout de 14 jours, les humains sont tous prêts à attaquer les Psyklos. L’heure de la baston finale est donc venue.


Faut dire aussi que pendant ce temps-là, Travolta est parti draguer...


Le plan du héros consiste à téléporter (on ne sait pas comment, mais on s'en fout, c'est un nanar) un de ses potes avec une bombe nucléaire sur la planète des Psyklos pour tout faire péter, puis de faire éclater le dôme avec des bombes pour asphyxier les Psyklos qui restent. Sous le dôme, les humains cassent tous, les Psyklos leur tirent dessus. C'est une fois encore très mal filmé, avec des plans au ralenti, décadrés, avec une prédominance du bleu. C'est donc une fois encore très laid.

Les Psyklos ont beau s'y mettre à cinq pour tirer sur le héros, ils le loupent comme les gros méchants patauds qu’ils sont. On voit également des humains habillés comme dans La Guerre du Feu débarquer en pilotant les avions de chasse de l'armée des USA pour attaquer les vaisseaux des Psyklos (façon Independance Day, déjà un nanar). Là on n’est plus dans un film mais dans un jeu vidéo.

Le héros fait exploser les bombes du dôme, mais ce dôme n'a pas éclaté, alors un camarade du héros projette son vaisseau sur le dôme pour le faire éclater. En vain : non seulement c'est ridicule, mais en plus, ça ne marche pas. Cet homme là ayant de la suite dans les idées (et dont le vaisseau transportait pourtant assez de dynamite pour faire exploser tout Paris) attrape son bazooka et tire dans la dynamite, ce qui fera enfin péter le dôme. Tout cela est, à l’image de ce qui a précédé, ridicule.

Enfin le héros se frite avec Travolta, qui veut appeler des renforts sur sa planète. C'est à ce moment précis que l'humain qui y a été téléporté fait exploser sa bombe nucléaire et atomise complètement la planète psyklo. Travolta est maîtrisé, car par erreur il s’est fait exploser une bombe sur le bras (pas très futés ces Scientologues), mais attention il vit encore ! Les humains sont libres, séquence émotion entre le héros et sa copine. Travolta finit le film enfermé dans une cage.


Cours Forest ! Barre toi de ce film, tu ne mérites pas ça !


Le pire c'est que la fin laisse présager une suite possible…
Avec Battlefield Earth on a donc droit à :
- Une mise en scène ultra-clippée, avec une utilisation outrancière des ralentis, des plans décadrés et d’éprouvantes effusions de vert, de bleu, de violet (j'ai pas fait attention mais tous l'arc-en-ciel doit y passer).
- Des costumes, accessoires, décors, coupes de cheveux foncièrement risibles : statues affreuses, peaux de bêtes façon La Guerre du Feu pour les humains, coupes de cheveux rasta, mains poilues et entrejambes outrageusement renflés pour les Psyklos…
- Des acteurs viscéralement mauvais. La palme revient quand même à John Travolta qui cabotine comme si sa vie en dépendait.
- Un scénario sans queue ni tête, où il se passe plein de choses sans qu'on sache jamais vraiment pourquoi ni comment elles arrivent.
- Des dialogues ineptes sublimés par une interprétation complètement nulle.
- Le tout est évidemment accompagné d'un message mystico-scientologue, forcément nauséabond mais avant tout éminemment crétin. Bref, de quoi justifier la place de Battlefield Earth sur ce site.


Travolta, tout fier de son film.


Addendum :

Comme aucun studio "mainstream" ne voulait vraiment financer ce projet catastrophe ni ses éventuelles suites (les tomes suivants de l'oeuvre de Ron Hubbard véhiculent plus fortement les idées de la scientologie, là où le film de Travolta se contente de poser les bases, un peu comme un prélude), le projet a été proposé à des studios plus indépendants. C'est Franchise Pictures, qui a déjà produit auparavant des films pour Stallone ou Bruce Willis, qui financera finalement Battlefield Earth. Le patron de Franchise Pictures, Elie Samaha, est connu dans le métier pour être le spécialiste du financement des projets "persos" des stars d'Hollywood que les gros studios ne veulent pas, notamment en les convainquant de baisser fortement leur cachet voire de participer eux-mêmes au financement)

Le scénario original écrit par J.D. Shapiro (auteur du Sacré Robin des Bois de Mel Brooks) sera totalement remanié contre son gré. Il ira récupérer lui-même son Razzie Award pour la catégorie "pire scénario" s'excusant d'avoir écrit "le pire film qui existe". Shapiro raconte souvent avec humour son aventure et ses relations professionnelles avec la scientologie et leur vanity project. Travolta lui aurait dit que son premier script était "La Liste de Schindler de la science-fiction". Toutes les modifications demandées provenaient de l'Eglise de Scientologie.

Quant à Franchise Pictures, elle sera poursuivie en justice des années plus tard par plusieurs investisseurs qui l'accusent d'avoir gonflé artificiellement la plupart des budgets de ses films, notamment pour BattleField Earth dont le budget était, rappelons-le, officiellement de 76 millions de dollars.

Petite anecdote : lorsque Travolta demanda aux journalistes venus à l'avant-première s'ils avaient aimé le film, il paraît que personne n'a osé répondre, laissant planer une longue hésitation, avant que l'un d'eux brise le silence en criant "We love you John !"

Pour finir, laissons le mot de la fin à la critique Rita Kempley du Washington Post, qui déclara au sujet du film : A million monkeys with a million crayons would be hard-pressed in a million years to create anything as cretinous as "Battlefield Earth".

Le scénariste J.D. Shapiro lors de la remise de son Razzie Award pour la catégorie "pire scénario" en 2000.

- mattg -
Moyenne : 2.68 / 5
mattg
NOTE
3/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5
Peter Wonkley
NOTE
4/ 5
MrKlaus
NOTE
1/ 5
Barracuda
NOTE
2/ 5
Drexl
NOTE
2.5/ 5
John Nada
NOTE
2.75/ 5
Labroche
NOTE
3/ 5
Kobal
NOTE
3.75/ 5
Hermanniwy
NOTE
1/ 5
Wallflowers
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

C'est qu'il y croyait vraiment le Travolta, à l'adaptation des romans de son gourou. Battlefield Earth devait être le premier volet d'une colossale trilogie qui allait faire date dans l'histoire de la S-F. Evidemment, après s'être ramassé au box office et avoir essuyé les quolibets de la critique, Johnny Boy, producteur du désastre (qui faillit engloutir son come-back amorcé avec Pulp Fiction) préféra surseoir et oublier ses rêves d'extraterrestre mégalomane.

La version Blu-ray existe en français, édité par ESC.

 


Le DVD "Warner" reste conforme à ce qu'on peut attendre d'un blockbuster : commentaire audio de Roger Christian (dont on peut quand même se demander s'il n'a pas sciemment sabordé la mise en scène de ce projet de commande à force d'effets à deux balles), making of, documentaires sur les maquillages et les effets spéciaux.