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Cool as Ice
(1ère publication de cette chronique : 2008)Titre original : Cool as Ice
Titre(s) alternatif(s) :Aucun
Réalisateur(s) :David Kellogg
Année : 1991
Nationalité : Etats-Unis
Durée : 1h25
Genre : Rap à fromage
Acteurs principaux :Vanilla Ice, Kristin Minter, Deezer D., Kevin Hicks, Naomi Campbell, Allison Dean, John Newton
C'est bien connu, ce qui était à la mode se démode assez rapidement et nous vaut parfois, avec les années, quelques splendides perles du nanar. Mais dans le cas de ce qui, même à l'époque de sa conception, était ringard ou à côté de la plaque, le plaisir est double : de la nanardise au carré, en quelque sorte. Ce « Cool as Ice » constitue un intéressant bestiau qui, déjà parangon de mauvais goût en 1991, n'a fait que gagner en patine ringarde avec le passage des ans. « Cool as Ice » est un écrin lamentable construit pour un joyau en toc : Vanilla Ice, l'immortel interprète de « Play that funky music » et « Ice, ice, baby », qui squatta le haut des hit-parades entre 1989 et 1991, le temps de pourrir une partie de l'adolescence de l'auteur de ces lignes.
Dès qu'un individu quelconque attire l'attention des foules, il se trouve invariablement quelqu'un pour avoir l'idée de lui faire tourner un film en vedette, avec des résultats tenant souvent de l'accident industriel. « Viva Knievel ! » avec Evel Knievel, « Cadence de Combat » avec Hulk Hogan, « Spiceworld » avec les Spice Girls comptent parmi les échecs notoires subis par les « films de célébrité ». « Cool as Ice » est l'un des derniers de cette longue liste de projets condamnés dès leur conception : torché en deux coups de cuillère à pot autour d'un scénario anémique digne d'un feuilleton AB, cet embryon de film musical a pour seule qualité de ridiculiser la star qu'il était censé exalter.
Le scénario du film tient du simple prétexte : Vanilla Ice interprète le rôle d'un jeune rappeur trop cool, à la garde-robe trop classe et à l'attitude trop rebelle. Il ne vit que pour la musique, tu vois, et il parcourt les Etats-Unis avec ses trois copains renois, tu vois. Ils roulent en motos jaune canari, parce que c'est des rebelles nés pour être sauvages, tu vois. Même que parfois les habitants des petites villes ne les comprennent pas, parce qu'ils n'ont jamais vu de jeunes sauvageons qui portent des fringues fluo, des casquettes à l'envers, et qui disent « yo ». Mais Vanilla Ice, c'est comme James Dean, tu vois : derrière ses attitudes de jeune godelureau risque-tout bat un cœur gros comme ça, éperdu de sensibilité et d'amour de la vraie musique de jeune, tu vois ? Il va faire la conquête de la jeune fille de la bonne société qui a su émouvoir son cœur d'artiste, et il va la convertir à la vraie vie, au rap et aux casquettes à l'envers, tu vois ?
Je vois.
Je vois surtout que « Cool as Ice », plus que de la bluette post-adolescente ou du film musical, tient surtout du documentaire sur le mauvais goût vestimentaire tel que pouvaient le concevoir en 1991 les cinglés du marketing dans leurs cauchemars les plus cocaïnés. Vanilla Ice est un rappeur discutable et un acteur exécrable. Mais, en tant qu'icône de la mode, il est GRAND. On devrait l'empailler et l'exposer sous une vitrine, dans un musée d'art moderne d'abord, puis dans un musée tout court pour l'édification des générations futures. Chacune de ses apparitions est un feu d'artifice d'agressions visuelles : couleurs orange, verte, jaune et mauve fluo, pantalons moulants, shorts à rayures, coiffure à motifs d'éclairs, sourcils à demi rasés. C'est du bonheur. Vanilla n'est pas un comédien, c'est un manifeste post-dadaïste lancé à la face du monde, par lequel l'artiste authentique proclame une bonne fois pour toutes que le ridicule, il n'en a rien à foutre !
United colors of tête de thon !
J'ai dit plus haut que Vanilla Ice était un acteur exécrable. C'est encore en dessous de la vérité. Bien que notre héros possède une indéniable photogénie, chacune de ses tentatives pour jouer la comédie a pour résultat un véritable festival d'œillades bovines dont on ne voudrait pas dans le pire des romans-photos italiens. Sans être Stuart Smith, Vanilla Ice n'est pas loin d'atteindre le statut moyennement enviable d'acteur nanar complet, capable de désintégrer de l'intérieur les films où il joue ! Respect.
L'échec de « Cool as Ice » ne tient pas uniquement dans l'incapacité de ses auteurs à faire de Vanilla Ice un comédien crédible, il réside également dans l'inconsistance générale de l'univers qui l'entoure. Si la volonté d'en appeler vaguement aux mânes de James Dean est assez évidente, la parenté avec les célèbres « révoltés » du cinéma s'arrête là. Bien qu'ils voyagent à moto comme les héros de « Easy Rider », Vanilla Ice et ses copains sont sans doute les rebelles les plus gentils de toute l'histoire du cinéma. On les voit bien bloquer la circulation du fait d'une panne de moto mais, à part ça, nos héros sont des loulous qui aident les vieilles dames à traverser, ne mettent pas les doigts dans leur nez, paient leur ticket de métro et disent bonjour à la dame. Au point que la seule raison de leur « marginalité » semble être leur goût vestimentaire, auquel cas on conviendra qu'ils ont bien cherché l'opprobre. Observons par ailleurs que, pour des marginaux apparemment sans emploi fixe ni gros contrats musicaux, ils voyagent sur des motos assez rutilantes.
Ice et ses potes.
Les bouseux n'ont évidemment jamais vu de djeunz aussi branchés.
Une mention spéciale sera décernée à la veste de Vanilla Ice, recouverte d'expressions provocantes comme « Down by law », « Danger » ou « Sex me up ». Le personnage n'en reste pas moins d'une gentillesse déconcertante, un peu à la manière d'un premier communiant qui s'exhiberait avec un t-shirt anarchiste et un faux piercing.
…et des attentats à la pudeur capillaire.
La mise en scène de David Kellogg, ancien réalisateur des vidéos de « Playboy », se montre assez fonctionnelle, mais cède sur le plan visuel à la tornade de mauvais goût incarnée par Vanilla Ice : couleurs jaune canari et mauve pétaradant, éclairages de vidéo-clip avant-gardiste, tout est fait pour agresser les rétines du spectateur qui voudrait s'endormir pour échapper au cauchemar.
Attention les yeux...
La faiblesse du film, qui l'empêche d'être une véritable bête à concours nanarde, tient sans doute à son scénario : trop limité, soutenu par une vague intrigue policière indigne d'une aventure du « Club des cinq », le récit échoue à maintenir l'attention, et perd gravement de son rythme dans la dernière demi-heure.
Un peu trop mollasson pour être une comédie, pas assez sérieux pour être un mélo, « Cool as Ice » n'est pas non plus à 100% un film musical, les chansons étant trop peu nombreuses pour vraiment rythmer le film, bien que leur caractère furieusement daté justifie à lui seul l'inclusion dans cette catégorie. Les quelques numéros musicaux de Vanilla Ice – notamment la chanson du début, accompagnée par Naomi Campbell en choriste ! – valent en effet le détour pour leur côté documentaire sur la musique FM de base du début des années 1990. Un film d'archéologie musicale, en quelque sorte.
Hélas, sorti juste au moment où la popularité de Vanilla Ice commençait à décliner, le film fut un échec cuisant et quitta l'affiche au bout de trois semaines aux USA. Il sortit directement en vidéo chez nous. Quant à David Kellogg, il mit huit ans à tourner un autre long-métrage : ce fut « Inspecteur Gadget », avec Matthew Broderick.
Naomi Campbell en début de carrière. A noter que la choriste est meilleure que le chanteur.
Yo les djeunz ! Pour avoir l'air encore plus cool, faites un V avec les doigts !
Si le quotient nanar n'est pas aussi élevé qu'on aurait pu l'espérer sur l'ensemble du métrage, la tentative désespérée de faire de sa vedette une vraie star de cinéma constitue une kitscherie très appréciable. A condition de ne pas trop attendre d'un film qui tient parfois du téléfilm pour la forme, on pourra prendre un certain plaisir pervers à suivre les consternantes aventures sentimentales de Vanilla Ice, le rappeur blanc né pour être sauvage. Une petite suggestion pour les éditeurs vidéo : et si on le ressortait en double DVD avec « 8 Mile », le film d'Eminem ? Ca vaudrait bien le pack « Overdose » / « Requiem for a dream » !
Cote de rareté - 3/ Rare
Barème de notationUn petit DVD bas de gamme est sorti à la sauvette en zone 1 chez "Universal" (visuel en début de chronique). Pas de bonus où de VF à prévoir. En France c'est pire il ne reste plus que les VHS d'occaze de chez "CIC" !