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Mafia Vs Ninja

(1ère publication de cette chronique : 2007)
Mafia Vs Ninja

Titre original :Hong men jue e zhe

Titre(s) alternatif(s) :Mafia contre Ninja

Réalisateur(s) :Robert Tai

Année : 1984

Nationalité : Taïwan

Durée : 1h27

Genre : Tatane volante

Acteurs principaux :Alexander Lou, Eugene Thomas, Silvio Azzolini, Charlema Hsu, Wong Hap

Drélium
NOTE
3/ 5

Alors qu'Alexander Lou et Robert Tai la ramènent en force sur Nanarland, il était grand temps qu'un autre de leurs films poids-lourd soit mis à l’honneur et que nous nous aventurions une nouvelle fois sur les chemins glissants du ninja taïwanais. Si vous voulez bien vous donner la peine :



Réalisé fin 1983, début 1984 par celui que certains considèrent comme le maître des attaques ninjas, ce film narre les aventures de Jack Doe et de son acolyte Charlie Woo, qui arpentent les rues de Honk Kong à la recherche d’un job.

Faisons un petit point ninja. Dans le monde des films de ninjas qui dépotent, il y a tout d'abord le Japonais considéré comme initiateur, Shô Kosugi qui jouait aux Etats-Unis dirigé par Menahem Golam dans une série de nanars un brin surannés débutée par « L'Implacable Ninja » (« Enter the ninja », 1979) et qui donnera naissance à une myriade de sous films de ninjas US. Il y a ensuite quelques ninjas HK, très respectables comme celui de Liu Chia Liang dans « Shaolin contre ninja » (1978), d'autres un peu moins propres sur eux comme ceux de Chang Cheh dans « Super Ninjas » (1982), puis viennent les vrais gros cancres de la classe qui sont aussi les plus allumés comme souvent. A ma droite, le légendaire Godfrey "Monsieur 2-en-1" Ho le Hongkongais, et à ma gauche, Robert "final nawak" Tai le Taiwanais suivi de près par son compatriote et bon camarade Wu « The Super Ninja » Kuo Jen alias Ng Kwok Yan.

Considéré par certains (les mêmes) comme le véritable père fondateur de l’action nawak ninja 80’s, Robert Tai a déjà tâté du ninja dès 1979 mais souhaite maintenant taper plus fort pour prouver au monde entier que la baston nawak ninja ça le connaît, et le bastonneur qu’il fooo avec sa baston nawak ninja, c’est Alexander Lou.


Si vous connaissez ce regard, c’est que vous avez déjà vu un de ses nombreux films de Ninjas.


Par contre ce que vous connaissez peut-être moins, c’est le festival de tics nasaux qu’il va effectuer pendant 1h27. Car Alexander Lou, en plus de ressembler à une vague manipulation génétique entre Rambo et Bruce Lee, se permet ici de copier comme jamais le petit Dragon dans ses cris, ses tics et un bon lot de positions typiques. L’ambiance du début de métrage est au kung-fu urbain des profondeurs proche d'un sous sous « Fureur de vaincre », et Alexander ne va pas se gêner pour singer avec la subtilité qu’on lui connaît la légende de Bruce Lee, le jeune justicier des campagnes qui débarque en terrain véreux, terrain de préférence infesté de méchants japonais joués par des Chinois. Sauf que lui ne va pas philosopher sur la non violence et repousser au maximum le moment d’envoyer tout le monde dans le décor. Alexander, dès la première scène, tatane et va continuer à tataner sans relâche tout ceux qui veulent tataner avec lui, c'est-à-dire tout le monde.

Il rencontre par hasard un jeune citadin trublion champion de cabotinage intensif, Charlie Woo. Ils se tatanent alors gentiment en guise de présentation, et voilà, ils sont maintenant super copains !

Les héros ont été présentés, le film peut donc narrer les mésaventures de Jack et Charlie à Hong Kong. Très rapidement, Jack va comprendre qu'il ne fait pas bon se promener seul la nuit et sans que l'on sache vraiment pourquoi, la bagarre démarre :


« Bruce Lee ? Nan, connais pas »


« Le costume de Bruce Lee ? Non, non, connais pas »


Pendant ce rude combat, Jack en profite pour sauver la vie d'un homme qui s'avère être le parrain de la ville et qui propose à Jack de devenir son garde du corps.


« Oui patron, si y a de la baston, on est d'accord »


Les présentations sont à peine terminées que Jack se met au travail en démasquant un traître qui tentait de réduire le parrain en poussière à l'aide d'une bombe artisanale. Le combat démarre et le suspense est de suite zénithal :


« Mon dieu, vais-je mourir ? »


Malheureusement, les captures d’écran seront toujours moins fidèles que la vidéo, c'est pourquoi je vous propose de jeter un oeil à un petit mix maison afin de mieux comprendre en particulier le genre d'effets spéciaux qui débarquent subitement d'on ne sait où, notamment la technique du "reverse" :
LA TECHDICK RIVERS
Un éminent aperçu du niveau d’intensité nawak auquel Robert Tai peut parvenir sans forcer. Attention, la ninja mauve qui apparaît ici n'utilise pas la "technique reverse", c'est bien le cascadeur qui fait lui-même le va-et-vient, le tout accéléré façon dessin animé.

Revenons à notre histoire. Le traître tué précédemment était à la solde du grand ennemi japonais : « The JAPANESE ». Grand maître des arts Ninja et tout et tout, en un mot : Le Boss. Cet acteur, Tong Lung, ancien champion de Tae Kwon Do qui n’est autre que le frère d’Alexander Lou, en plus d'être exécrablement mauvais, possède sans doute l'un des rires sadiques les plus indiscrets de l'histoire du cinéma (il y en a tellement), et l’avantage certain pour nous spectateurs que sous son pyjama Ninja, on le reconnaît facilement vu son corps taillé en apéricube.


Lookalike ?


« Personnellement, j'ai toujours aimé la mode ninja turc »


Pour mettre fin au règne du parrain, et ainsi pouvoir distribuer son héroïne en toute tranquillité, il décide d’engager 4 sous-boss venus des 4 coins du monde (2 du Japon et 2 des Etats-Unis, comme ça, euh, tous les continents sont représentés).


Un mini maître Ninja qui manie l’épée-fouet comme personne.


Un gros moustachu samouraï qui ne jure que par son katana : Ching Kuo Chung, le gros attitré du kung-fu taiwanais.


Un kickboxer noir qui se bat à mains nues : la première apparition à l’écran du subliminal Eugene Thomas.


Le meilleur pour la fin, le croupier lanceur de couteaux, spécialisé dans le découpage de pommes : la première apparition à l’écran du tripesque Silvio Azzolini.


Pour bien nous montrer les capacités extraordinaires de nos 4 mini-boss, Robert Tai nous offre une magnifique démonstration de force et prend plaisir à présenter ses deux gweilos attitrés, Eugene Thomas et Silvio Azzolini, signe de sa volonté d’intégrer une touche occidentale et s’ouvrir ainsi au marché international. Comme dans les autres films de Robert Tai où ils apparaissent, Eugene et Silvio cabotinent ici avec une ferveur d'une phénoménale intensité, régalant les adeptes de jeux d'acteurs excessifs et involontairement caricaturaux.






« J’ai fait de la compote, quelqu’un en veut ? »


« Non. Bon, quelqu'un a de la pâte pour une petite tarte ? Je me sens bien d'attaque là. »


Ce groupe de 4 constitue une stratégie que Robert Tai aime à utiliser dans beaucoup de ses films. Il s'agit pour lui de présenter un bestiaire façon « Street Fighter » le plus représentatif possible, pour ainsi mettre au placard toutes les présentations et autres dialogues superflus afin de se concentrer sur la tatane. Il faut bien avouer que vu les tronches stéréotypées qu'arborent d'emblée nos combattants, inutile de s'étaler sur leurs pensées philosophiques. Vous voulez de la tatane ? Vous aurez de la tatane.

Le parrain est malheureusement pour Jack promptement assassiné, ce qui le met au chômage technique mais surtout dans un état de rage vengeresse extrêmement prometteur pour la suite du film :


Raaah. Alexander, même méchant, il a toujours l'air trop sympa.


Jack et Charlie (enfin, surtout Jack) vont devoir liquider les 4 sbires, tataner quelques ninjas et finalement péter la gueule du méchant JAPANESE. On ne peut faire plus basique à comprendre...

Et ça commence par le mini Maître Ninja, qui va mourir de la main de Charlie Woo et le tout en vidéo s’il vous plaît. Vous pourrez mieux saisir avec ce petit extrait l’essence même du combat ninja à la mode Robert Tai, clairement difficile à décrire avec des mots simples.

"ATTENTION CA VA ALLER VITE"

Bon, ça vous a plu ? C’est normal, c’est géniaaal ! Epileptique comme pas deux, câbles dans tous les coins, mouvements de caméra complètement impossibles, effets spéciaux système D sans filet, travellings ninjas hallucinogènes, fureur nanarde au paroxysme, c’est du no limiiiit !

Au tour maintenant du gros samouraï de passer à la casserole, le tout devant des sacs de drogue qui brûlent. Voilà le résultat :


La toile de jute ultra inflammable.


« Aaaargh, Mein Kampf, je meurs ! »


Après 2-3 tics nasaux et une partie de poker vouée à duper l'ennemi, Jack décide de s’occuper du sort funeste du croupier. Avec l'aide de Charlie le comique, Jack se rend au temple pour faire sa fête au balafré :


Silvio : « - Et toi, t'as pas un peu de pâte pour une petite tarte ?... »
Alexander : « - Attends, après la gym. »



Silvio : « - Et toi non plus t'as pas un peu de pâte alors ?... »
Charlie : « - Attends, après mes conneries. »


Notez que ce décor de temple ci-dessus est un des lieux de tournage favoris de Robert Tai, que l'on retrouvera dans plusieurs de ses films. Oui, bon d'accord, on s'en fout.

"Alors… Le maître Ninja, c’est Charlie qui s’en est occupé… Le gros nazi, il rôtit avec sa cocaïne… Le croupier ne fera plus de compote ni de tartes… Ah ben il me reste le black-kickboxer qui habite au même endroit que tout le monde."
Ah oui, car un point bizarre que je n'ai pu éclaircir, c'est que Jack sait où trouver chacun des 4 gros lards. Il lui suffit d'en avoir buté un et de marcher quelques mètres pour croiser le suivant. Vachement pratique, avouez-le !


« Toi j’te préviens, je t’aurai prévenu ! »


« Ben, viens, je suis en pause là justement »


Jusqu'ici, les combats sont restés presque compréhensibles et Alexander a pu se la jouer un maximum en montrant ses biscoteaux huilés et ses bretelles qui claquent, mais les choses vont définitivement empirer puisque nous atteignons maintenant les 15 dernières minutes synonymes d’intensité nanarde. En effet, Jack se rend dans le Q.G du JAPANESE afin, vous vous en doutez, de lui botter le train. Mais ce qu'il n'avait pas prévu, c'est l'apparition soudaine de tonnes de ninjas, qu'il va devoir s'empresser de zigouiller. Et là, c'est le drame. Les combats basculent définitivement dans un autre monde. Le but avoué du réalisateur était de pousser son art tout à fait personnel des câbles et de la dynamique des machins volants à son paroxysme pour repousser les limites du genre jusqu'ici inexploitées à ses yeux. Les moyens de production sont dérisoires, le bordel incommensurable, mais Tai aux commandes sait parfaitement ce qu'il veut montrer et sait aussi très bien se faire respecter sur le plateau, quitte à engueuler tout le monde un bon coup, et recommencer autant de fois qu'il le jugera nécessaire toute la sainte journée s’il le faut. Que le résultat soit nanar ou pas n'est pas son problème.

Pour illustrer cela, rien de tel qu'un petit instant au coeur du boxon : ATTAQUE DES MOTTES EXPLOSIVES

Cette légendaire attaque des mottes explosives, en particulier la dynamique avec laquelle elle est proposée ici (des bâtons qui tirent les mottes à terre) n'est qu'un embryon de ce qu'elle donnera ensuite dans son futur « Ninja the Final Duel ». Elle est depuis devenue un classique Tai que nombre de réalisateurs décérébrés reprendront à leur compte ultérieurement mine de rien.

EXCLUSIF, le seul ninja qui change de sexe selon les plans :


Victor...


...Victoria.


Le jeu est applicable à toute la scène puisque l'actrice qui joue la ninja mauve est une inconnue qui ne sait absolument pas tataner. Robert Tai règlera bientôt le problème avec sa ninja mauve préférée, Alice Tseng, reine des ninjettes naturistes que l'on verra dans « Ninja the Final Duel » et « Shaolin Dolemite ».


"Youpi ! On a gagné !"


« Mafia Vs Ninja » se positionne comme la première véritable explosion du style outrageusement bordélique de l’action ninja façon Robert Tai. A cette époque, il n'a pas encore coupé tous les ponts avec son expérience de la Shaw Brothers au côté de Chang Cheh. La première demi-heure est donc assez classique du genre non seulement dans sa narration au ras des pâquerettes, ce qui est presque évident pour un kung-fu, mais aussi lors des deux premiers combats qui sont encore bien old school, techniques et ma foi assez violents et rapides pour friser de justesse les normes de qualité old school, dans la droite lignée des artisans du genre. Néanmoins, il apparaît déjà un petit quelque chose de typiquement Tai dans le montage cheap et bougrement énervé et les "reverses" sauvages qui laisse à penser que tout n'est pas normal dans ce film. Les combats suivants confirment et sont de suite beaucoup plus délirants dès l'apparition du quatuor de mini boss. N'oublions pas les authentiques athlètes de l'opéra et du Tae Kwon Do qui forment le noyau dur du réalisateur, à commencer par Alexander Lou. Leurs prouesses physiques sont bien réelles, et c'est bien là tout le paradoxe Robert Tai, qui mélange jusqu'à ne plus rien distinguer vrais athlètes, vraies techniques martiales, action clairement nanarde et jeu d'acteurs imbuvable.

Alexander Lou confirme aussi son énorme capital sympathie naturel, et sa motivation fait toujours plaisir à découvrir en dépit de sa palette de sentiments plus que limitée.



Suite à son succès sur le marché local (et oui les conneries comme ça, ça cartonnait localement !), ce petit kung-fu sera complété de nouvelles scènes pour donner une série télé taiwanaise de 3 x 1h30 sortie en VHS en 1984 et intitulée « Mafia Kids » qui n'apporte pas grand chose de plus au final. Avec « Mafia Vs Ninja », Robert Tai a tout de même réussi à s'exporter un peu partout à l'international comme il le souhaitait, en particulier en Grande-Bretagne et dans les Caraïbes. Nous retrouverons dès lors de multiples éditions VHS puis DVD du film sorti depuis dans de nombreux pays du monde dans des versions peu regardantes sur la qualité et le doublage.

Que les adeptes des films de ninjas « 2 en 1 » made in Godfrey Ho se rassurent, les films de ninjas de Robert Tai ont beaucoup à offrir eux aussi : action non-stop (et carrément survoltée durant les 15 dernières minutes), ninjas volants en mousse, bruitages miteux et casting riche en tronches marquantes, relayées par des doubleurs comme on n'en fait plus (mention très spéciale à celui du parrain). Là où Godfrey Ho ne livre que des œuvres vénales avec le mépris tranquille du cancre, Robert Tai apporte au film de ninja une dimension ludique et rafraîchissante, avec cette énergie et cet enthousiasme excessifs jusqu'à la maladresse qui rendent l’ensemble de sa filmographie profondément attachante.

Merci à A-andré pour l'iconographie.

- Drélium -
Moyenne : 2.33 / 5
Drélium
NOTE
3/ 5
MrKlaus
NOTE
2/ 5
Kobal
NOTE
3/ 5
Wallflowers
NOTE
1/ 5
Barracuda
NOTE
3/ 5
Jack Tillman
NOTE
2/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation


Plusieurs rééditions DVD US existent et sont facilement trouvables sur Internet. Plusieurs éditions VHS assez rares dont deux françaises (voir en haut de page) ont aussi vu le jour.


La série télé « Mafia Kids », qui n'est que le film allongée de nouvelles scènes, est uniquement disponible en 3 VHS taiwanaises plus que rares.

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