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China O'Brien

(1ère publication de cette chronique : 2011)
China O'Brien

Titre original : China O'Brien

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Robert Clouse

Année : 1988

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h27

Genre : Métisserie sino-irlandaise

Acteurs principaux :Cynthia Rothrock, Richard Norton, Keith Cooke, Doug Wright, Patrick Adamson, David Blackwell, Stanton Davis

Kobal
NOTE
2.25/ 5

Flic de choc (as usual), China O'Brien démissionne après qu'elle ait accidentellement abattu un jeune voyou. Quittant la grande ville et ses bas-fonds puants, elle repart dans son pittoresque bled natal où elle retrouve son père, shérif démuni face à la corruption et à la criminalité. L'assassinat de celui-ci la précipite dans... LA VENGEANCE !
Que voilà un résumé digne d'une énième série B d'action comme il en pleuvait tous les 2 jours dans les années 80-90, laissant augurer d'un bon moment de plaisir décérébré à ses spectateurs en mal de testostérone bon marché. Et bonne nouvelle, la promesse est tenue !


Une VHS espagnole dessinée par quelqu'un qui n'a jamais dû voir un film avec Cynthia Rothrock.


Produit par la Golden Harvest, "China O'Brien" est réalisé par Robert Clouse, un habitué des bobines hong-kongaises à portée internationale ("Opération Dragon", "Le Jeu de la Mort", "Le Chinois" mais aussi des choses plus délectables comme "La Ceinture Noire", "Force Five" ou "Gymkata"). Le film est donc conçu à destination d'un public américain avide de tatanerie exotique digérée à la mode occidentale. Pari réussi, il gagne sur tous les tableaux, en cumulant les scories de ces deux cultures cinématographiques.


Peu importe que le look de Cynthia ne corresponde en rien au film, du moment qu'on profite des précédents succès du réalisateur.


Au menu, petite bourgade yankee, gros ploucs benêts, préoccupations électorales, copieuse cuisine familiale et bastons de lourdauds avec destruction de mobilier dans des bars miteux. Le plat est donc typiquement américain mais ô originalité, l'assaisonnement est asiatique : de fait, le script est traité avec une naïveté confondante tout droit sortie de cerveaux n'ayant connu de la démocratie qu'une illustration dans un dictionnaire en langue étrangère. Jugez-en : Sommers est un grand méchant fumeur de cigares à la toute-puissance criminelle à même de faire pâlir un dictateur sud-américain. Il peut organiser une production locale de drogue dans une masure délabrée et exposée à la vue de tous, torturer sexuellement ses petites amies lors de soirées entre amis, assassiner ses hommes déméritant voire tenter de tuer le shérif en pleine rue, tout cela en toute impunité. Pensez donc, il a acheté le (seul ?) juge de la ville qui passe désormais son temps à relâcher ses hommes de mains sous de fallacieux prétextes, prenant même le temps de proférer quelques remontrances humiliantes au shérif, poussant le vice jusqu'à le menacer à l'occasion de poursuites judiciaires pour acharnement professionnel !


Sommers, génie du mal, dans une posture de parrain du programme prévisionnel du bilan commercial du 2ème trimestre.

Une production artisanale qui favorise l'emploi local.


Mais comme Monsieur Sommers est un homme prévoyant qui connaît l'importance pour tout entrepreneur de la fraîcheur de ses informations, il a également placé une taupe au sein des forces de l'ordre. Carrément un adjoint, tant qu'à faire. Non content de taper ouvertement le carton avec les criminels, l'adjoint Lickner porte fièrement la félonie sur son visage, au point qu'un panneau lumineux clignotant "Traître" au-dessus de sa tête ne le rendrait pas plus suspect. Heureusement que le shérif est un homme intègre, confiant en la nature humaine et qui n'irait jamais soupçonner pareil procédé. Oui, on peut aussi le qualifier poliment de grosse andouille.


Lickner. On dirait Jean-Paul Rouve en train d'interpréter Joe Spinell dans "Maniac".

L'adjoint fidèle, considéré par les sous-titres français comme étant un "sbire du shérif" ! Y'a des fans du serial de Barracuda parmi les traducteurs de chez CMC ?


Mais ce qui devait arriver arriva. Ne pouvant plus tolérer qu'un minable petit flicaillon tente de l'empêcher de détourner du bois pour sa scierie (le Mal est partout), Sommers doit se résoudre à piéger sa voiture à l'explosif. Il n'avait cependant pas prévu que le détonateur allait également mettre en branle le mécanisme de la vengeance. Et oui, souvenez-vous, nous parlons tout de même d'un film avec Cynthia Rothrock, une actrice qui est loin d'avoir consacré sa filmographie aux œuvres indépendantes sur la peinture moldave au XIIIème siècle. Et donc Cynthia, parlons-en.


Oui, parlons-en de Cynthia.


Ce qui frappe (littéralement) l’œil en premier lieu, c'est qu'elle paraît avoir conservé la même costumière tout au long de sa carrière. Difficile d'affirmer si ce choix aux dessins impénétrables lorgne vers la philosophie existentielle ou plutôt vers la psychiatrie lourde. Qui était cette personne et pourquoi cet acharnement à subir ses trouvailles vestimentaires ? Lui devait-elle la vie ? Ou bien était-ce sa meilleure ennemie qu'elle aimait savoir à ses côtés plutôt que dans son dos ? Voire... se pouvait-il que ce soit Cynthia elle-même qui arbore ses propres tenues issues de son enfer personnel ? Le mystère demeure, et quelque part, cela vaut mieux comme ça. Quoi qu'il en soit, le résultat à l'écran est un désastre dont la constance dans la mocheté a toujours de quoi fasciner même le plus rodé de ses fans.


Défilé Miss Roumanie 1988.

Bon, il est vrai que les figurants ne sont pas bien mieux lotis.


Enfin, être mal sapée n'a jamais empêcher de savoir lever la jambe. Alors, ça donne quoi la baston ? Il n'est certes pas question de contester à Cynthia Rothrock son excellent niveau martial qui lui a permis de s'imposer auprès du gotha mondial et d'assurer avec honneur ses séquences d'action. Mais il faut reconnaître qu'ici, la mise en œuvre de son talent souffre d'un cruel manque d'originalité, la faute à des chorégraphies simplistes dignes d'un "mauvais" (hem) épisode de Walker Texas Ranger. Et que je me baisse quand tu places ostensiblement un high kick, et que j'attends tranquillement que tu sortes un low kick pour esquiver par un petit saut, etc. Même lorsque le responsable chorégraphe s'essaie enfin à quelques fantaisies, le résultat sombre malheureusement dans l'artificialité la plus ridicule. Ainsi cette courte séquence débile où un jeune peau-rouge se tortille inutilement sur le toit d'une voiture, dans des échanges de coups tellement téléphonés que même E.T. pourrait enfin appeler chez lui. A quoi ça sert donc d'embaucher la fine fleur martiale si c'est pour réaliser de la vulgaire castagne de bar ? Robert Clouse craignait-il de déstabiliser le public américain avec un spectacle jugé trop novateur pour de pauvres cerveaux asphyxiés par le gras des chips ?


Biker peau-rouge contre employés de scierie. Des affrontements qui font rêver.

On s'approche dangereusement d'une ambiance "White Fire", là.


A la rigueur, l'application trop académique de ses compétences par Cynthia Rothrock passe plutôt bien dans la sympathique première scène où elle rosse des voyous en détaillant à voix haute chacune de ses techniques... aux noms japonais car issus de l’aïkido, art nippon par excellence. Mais alors : pourquoi China O'Brien ? Enfin c'est évident, tout client de vidéo-club sait que la tatane, c'est des histoires de chinoiseries tout ça. Tout comme il sait d'ailleurs que les flics américains sont tous d'origine irlandaise ! Quoi qu'il en soit, la suite du métrage est beaucoup plus terne avec l'emploi d'un banal kickboxing, certes énergique, mais bien loin de la folie dynamique, sans doute trop éprouvante, des polars hong-kongais de Miss Rothrock.


Cela dit, certains acteurs ne dépareilleraient pas en tant que gweilo exotique.


A ses côtés, on retrouve son vieux pote Richard Norton, ici dans le rôle de son ancien wannabe petit-ami de lycée. Proche du faire-valoir servile, il est surtout convié à l'accompagner dans ses débordements de violence, avec le même bridage de son talent (c'était le prof de gym du groupe ABBA, tout de même). On lui reconnaîtra toutefois un meilleur goût vestimentaire, Richard préférant les valeurs sûres comme la tenue intégrale en jeans (veste, chemise et pantalon).


Richard Norton a constitué avec Cynthia Rothrock un couple de vieux bourlingueurs du cinéma HK qui a tellement bien marché à l'écran qu'ils se retrouveront régulièrement dans plusieurs films d'action ("Rage et Honneur 1 et 2", "Lady Dragon"...).


Enfin, le 3ème larron à casser du gros lard est Keith Cooke, de son vrai nom Keith Hirabayashi. Son personnage, Dakota, mérite qu'on s'y attarde un instant pour qui aime les concepts foireux. Il porte en effet une sorte de prothèse de main qui a de quoi laisser perplexe. Obligé d'y visser une tige pour conduire sa moto (!), l'attirail est en fait une sorte de gros bracelet de métal ressemblant vaguement à un écrou enserrant une main gantée de noir. La justification scénaristique est à la hauteur de la crédibilité de cette attelle de fortune : le naïf Native American s'est vu molester gratuitement par les sbires de Sommers alors qu'il venait de retrouver sa prosti-môman. Résultat, une main écrabouillée sous un coup de talon et une perte de repères identitaires qui le conduit à devenir biker. Apparemment, le pauvre n'était pas suffisamment nécessiteux pour avoir droit au medicare. Mais ce qui est encore plus fort, c'est que la véritable raison de cet élément totalement incongru dans le film est bel et bien une fracture de la main de Keith Cooke, survenue quelques temps avant le début du tournage, obligeant l'équipe à improviser. C'est beau la magie du cinéma.


Keith Cooke, encore un martialiste complet et de haut niveau (Wu Shu, Tae Kwon Do, Karate)... tout ça pour jouer dans les "China O'Brien", "Picasso Trigger", "Mortal Kombat 2" et autre "Karate Tiger 4" !

Lickner, lui, ne s'est pas embarrassé d'autant de talent pour poursuivre sa carrière en tournant dans quelques épisodes des "Nouvelles Aventures de Robin des Bois" (je sais qu'il y a des fans par ici) ou en interprétant un figurant ninja dans "Les 3 Ninjas se déchaînent" (avec Hulk Hogan, dont la filmographie n'est décidément pas bien glorieuse).

D'autres acteurs dont le talent se lit sur le visage..


Donc, nous parlions de la vengeance. Aha, y va y avoir de la sacrée bagarre, du gnon dans les dents et des talons aiguilles dans les rotules, alors... Hem, comment dire. Oh oui, Cynthia n'hésite pas à calmer les rustres qui lui mettent des mains aux fesses en les assommant d'une clé de poignet. Y'a bien quelques rixes généralisées... Mais la vengeance, en l'occurrence, elle a plutôt lieu dans les urnes. En effet, le film opère à mi-parcours un surprenant virage pour se transformer en course à l'élection pour le poste de shérif. La probe China face à l'escroc Sommers. Le spectateur assiste donc à des meetings politiques, des distributions de tracts et même une parade à l'américaine (filmée à l'insu de la foule qui pensait réellement soutenir une actrice inconnue à l'élection locale !). Évidemment, Sommers ne pourra se contenter de faire voter les morts et de bourrer les urnes comme le premier homme politique corse venu, et il tentera heureusement de mettre quelques bâtons plus musclés dans les belles jambes de son adversaire (ainsi que des cadavres dans son coffre).


Un défilé durant lequel la caméra du réalisateur est malmenée.

Toujours aussi efficace : un contre-champs de sales trognes pour lier tout ça.


Là encore, le traitement scénaristique est assez naïf. Nos héros parviendront ainsi à empêcher le détournement d'une urne par les malfrats, au prix d'une longue bastonnade dans une salle de gym (ah, la joie d'utiliser les agrès). La démocratie triomphe ! Mais quid des autres bureaux de vote, censés également être aux mains des partisans malhonnête de Sommers ? Et bien tant pis, Cynthia et Richard ne peuvent pas tabasser partout en même temps.


A VOTÉ !


Le virage concerne également la réalisation qui devient plus professionnelle. La première partie du film souffre en effet d'une mise en scène suffisamment ringarde pour faire sourire, avec de courtes scènes encadrées de fondus au noir impromptus, des plans flous ou bien encore cette séquence ridicule où Cynthia court au ralenti vers la voiture en flammes de son père. Pour tout dire, Robert Clouse terminera quasiment sa carrière sur le diptyque China O'Brien. A noter par ailleurs que le compositeur ne s'est pas plus foulé en dupliquant studieusement tout du long du film le même riff de gratte (au demeurant sympathique).


La scène arrache bien des larmes, mais plutôt de rire.

Tiens, un figurant éclair à ne pas louper si l'on est branché par le style "hippie far west fusil d’assaut".


Tout ça pour dire que oui, "China O'Brien" aurait pu être une banale série B comme tant d'autres. Mais que là, non, faut pas pousser mémère dans les orties : on se marre bien trop souvent pour que cela soit honnête. Et si l'on n'est pas dupe du produit fini, c'est tout de même avec un grand plaisir que l'on suit les sympathiques mésaventures de Cynthia Rothrock et de sa bande de potos. Il faut bien le reconnaître, à Nanarland, on l'aime bien Cynthia, d'autant plus qu'elle jouit d'un réel charisme qui lui permet encore une fois de s'en sortir avec les honneurs. Et puis ce film, c'est un peu elle, à mi-chemin entre l'Amérique et l'Asie.


Finalement, sa garde-robe est cohérente si l'on considère que le XVIème arrondissement parisien est à ce mi-chemin.



- Kobal -
Moyenne : 1.56 / 5
Kobal
NOTE
2.25/ 5
Rico
NOTE
1/ 5
John Nada
NOTE
2/ 5
Jack Tillman
NOTE
1/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation
Le film est récemment sorti en DVD dans la collection Hong-Kong Boulevard de Metropolitan, en double feature avec... "China O'Brien 2", pardi ! Une suite néanmoins en-deçà de son aîné, malgré quelques idioties rigolotes et un caméo de Billy Blanks.
Cette collection servant à vendre des films avant la fin de leurs droits de distribution, le contenu éditorial se résume au strict minimum : pas de VF, pas de chapitre, pas de bonus, mais une qualité audio/vidéo honnête. On n'en demandera pas plus pour ce genre de films.


Le DVD zone 2.


Toujours plus fort encore, une VHS américaine qui met en avant une autre actrice, que je ne suis pas encore parvenu à identifier.

Actrice qui a été recyclée sur cette flying jaquette de "Karate Tiger 2", aux côtés de la véritable Cynthia !