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Undefeatable

(1ère publication de cette chronique : 2004)
Undefeatable

Titre original : Undefeatable

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Godfrey Ho

Année : 1993

Nationalité : Hong Kong / Etats-Unis

Durée : 1h28

Genre : Je joue maaaaal

Acteurs principaux :Cynthia Rothrock, Don Niam, John Miller, Donna Jason

John Nada
NOTE
3.5/ 5


De Godfrey Ho, on connaissait déjà ses films de kung fu tournés au début des années 80 pour Joseph Lai, petits produits d’exploitation fauchés et assez mal foutus mais pas vraiment nanars. Et puis évidemment, là encore à l’instigation du producteur Joseph Lai, ses films de ninja de la seconde moitié des années 80, des nanars en puissance se doublant d’arnaques corsées pour les acteurs s’y étant fourvoyés. Au début des années 90, le jeune Godfrey cherche à s’émanciper de la tutelle de son mentor et saisit bientôt l’opportunité de s’exiler aux Etats-Unis. Après les John Woo, Tsui Hark, Ronny Yu, Jet Li, Jackie Chan et autres Chow Yun Fat, c’est là encore un exemple malheureux de ce qu’on appelle la fuite des cerveaux. Or, à l’instar de ses compatriotes susnommés, Godfrey va connaître quelques problèmes d’adaptation. En 1992, il réalise et co-produit Honor and Glory pour les firmes « Filmswell International » et « Action Star Pictures », un direct-to-video ayant pour tête d’affiche la gaillarde Cynthia Rothrock, pourtant reléguée dans un rôle de quasi faire-valoir.


Pour calmer les quelques appréhensions pré-visionnage, généralement en forme d’interrogations du genre « s’est-il un peu calmé avec l’âge, as-t-il mûri, aurait-il… mon dieu, fait des progrès ? » il suffit de se dire que non, Godfrey Ho est et restera toujours Godfrey Ho, et qu’ici on n’aura pas droit à 20 ou 30 minutes de Ho plus ou moins tempéré par Lai comme au bon vieux temps des nanars ninja 2 en 1 mais 1h30 non-stop ! Malheureusement, Honor and Glory oscille mollement entre médiocrité drôle et médiocrité éprouvante, s’avérant au final plus proche d’un navet que d’un authentique nanar. C’est l’échec. Son public de fidèles le boude, Nanarland organise une pétition réclamant son retour à Hong Kong, bref Godfrey doute et entre alors dans une période d’intense réflexion pour tenter de comprendre les raisons d’un tel faux-pas. Un an plus tard, en 1993, il réalise soudain son erreur : la mode est au kickboxing, full contact et autres death matchs incarné par Van Damme & consorts. Godfrey se dit qu’il serait de temps de s’y mettre. Un matin il se lève, se sentant d’humeur créative, se regarde dans la glace et bafouille d’un ton revanchard « L’heure est enfin venue pour moi de montrer au monde incrédule ce dont je ne suis pas capable, l’heure est venue pour moi… de réaliser un nouveau film ! ».


Boumbadaboum, quelques temps plus tard, là où d’autres en seraient encore aux repérages, Godfrey boucle sa contribution annuelle au côté obscur du cinéma avec Undefeatable, qu’il réalise et co-produit là encore sous le pseudo de Godfrey Hall – une volonté manifeste de favoriser son intégration – à nouveau pour les deux compagnies aux noms aussi prétentieux que vains (Filmswell International et Action Star Pictures, haha) et avec grosso modo les mêmes acteurs, aussi bien principaux (Cynthia Rothrock, John Miller, Donna Jason) que secondaires (Richard Yuen, Gerald Klein, Hang Yip Yim, Sung W. Lim etc.). Il faut voir là une preuve de l’abnégation exemplaire de Godfrey Ho qui, en reconduisant quasi intégralement l’équipe de Honor and Glory, fait l’aveu implicite mais évident que cet échec était son échec, comme un coach qui assume l’entière responsabilité pour la défaite de ses joueurs. En homme intègre, fidèle à l’image qu’il a laissé de lui à Hong Kong, Godfrey admet pudiquement ses erreurs mais ne s’avoue pas vaincu. Il sait qu’il joue gros, que ses fans l’attendent au tournant et ne toléreront pas un nouveau navet, mais Godfrey se montre confiant, tournant son regard vers l’horizon et appréhendant l’avenir avec sérénité, car il a un joker de taille. Ce joker, c’est Don Niam.


Surprise, étonnement, stupéfaction… La « Godfrey Ho’s Touch » !


Dans la série "figurants qui jouent aux durs et qui y croient" (pour les aider, certains des membres de la bande de Cynthia portent une casquette signalant "NASTY BOY" ou "NASTY GIRL")


Et en effet, grâce lui soi rendue, il ne faut pas longtemps avant de pouvoir se rassurer complètement sur la teneur nanarde de l’objet : fidèle à lui-même, son absence de talent plus éclatante que jamais, Godfrey Ho s’impatronise une nouvelle fois en défenseur du poncif et du stéréotype face à la menace sournoise de l’originalité, sans parler de la qualité qui rôde toujours, à l’affût de la moindre scène. Que nenni, celle-ci n’aura pas une seule seconde sur 90 minutes de métrage ! Belle performance Godfrey, même après avoir conquis tous les cœurs de Nanarland avec tes canailleries ninja, tu n’as pas pris la grosse tête et a su rester intègre, ton incompétence tant technique qu’artistique étant plus manifeste que jamais ! Un bel exemple pour toutes celles et ceux qui se sont lâchement laissés corrompre par la grosse machinerie hollywoodienne. Même aux States on peut faire des nanars comme à Hong Kong, encore faut-il y mettre du cœur !








Quoi ma mulette, qu'est-ce qu'elle a ma mulette !!


Ainsi, si le comble de la nullité semble être atteint dès la première scène (voir captures d’écran ci-dessus), mal filmée, mal jouée, mal montée qu’elle est, on se rend très vite compte qu’il ne s’agit là que d’un galop d’essai, un étalonnage primaire établi en vue d’améliorer ses performances, bref une sorte de record personnel que Godfrey va s’appliquer à battre et à rebattre dans la suite du métrage, le plus souvent avec un franc succès.
















Des combats filmés un peu n’importe comment…




Mmmh... C'est si bon un steak


Allons-y pour l’histoire, quelque chose de complètement révolutionnaire vous allez voir : Kristie (Cynthia Rothrock, oh yeah) est une street fighteuse, une combattante des rues qui accepte de se battre n’importe où (ruelle sordide mais pas trop, entrepôt désaffecté mais pas trop) contre n’importe qui pour de l’argent sous le regard niais des trois mafieux d’opérette qui organisent les paris et qui s’efforceront toujours de prendre de vraies mines de durs, ne parvenant qu’à se ridiculiser aux yeux du spectateur évidemment. Parallèlement, un kickboxer à la mulette arrogante (Don Niam, mon nouveau héros) se fait lourder par sa grosse, qui adorait porter des robes à fleur. Via un flash-back d’un pathétisme surréaliste, le spectateur de plus en plus consterné apprend que lorsqu’il était préadolescent, sa mère les avait abandonnés d’une façon assez semblable son père et lui. Du coup le kickboxer pète un câble, se transforme manu militari en tueur en série en puissance et, entre deux « muUummy, don’t let meEe, oh noOo, muUumy don’t goOo » hurlés dans le vide, va dès lors s’acharner à trucider toutes les malheureuses portant des robes à fleurs (ne riez pas, elles sont nombreuses !). Parmi les greluches victimes de leur mauvais goût vestimentaire, on compte bientôt la sœur de Cynthia Rothrock. Le drame idiot face auquel on se sent impuissant. Sauf que comme depuis des années l’essentiel de l’argent récolté par ses combats lui servait à financer les études de sa sœur chérie, Cynthia a la rage et se met à hurler dans le vide elle aussi…






















Après avoir passé en revue la réalisation labellisée Godfrey Ho et le scénario qui foulerait pas une patte à trois canards, abordons maintenant l’interprétation. En ce qui concerne Cynthia Rothrock, star du film, pas grand-chose à dire. Même si le poids des ans commence doucement à se faire sentir (ça paraît toujours plus cruel chez une femme…), l’ex-championne américaine est la seule à tirer tant bien que mal son épingle du jeu, tant au niveau de ses prouesses martiales que de son jeu d’actrice (même s’il me semble qu’à l'occasion de quelques cabrioles aériennes, la tataneuse est doublée par un gus furieusement emperruqué). Niveau crédibilité ça pêche toujours côté vestimentaire mais ça c’est quelque chose de récurrent dans sa carrière à Hong Kong.








The good (Cynthia Rothrock), the bad (Don Niam) and the ugly mullet.


Dans le rôle de l’inspecteur Nick DiMarco on retrouve John Miller, authentique Al Pacino des sous-bois qui cache des pecs luisants sous sa chemise de flicard. Celui-ci, médiocre de chez médiocre, parvient presque à sauver la face grâce à la présence providentielle de son acolyte de service Mike (Gerald Klein), un authentique tocard qui semble couver quelque chose comme une mononucléose puissance 10 et promène invariablement sur tout ce qui l’entoure le même regard de cocker triste. Méchanceté mise à part, ce loser intégral ne semble servir à rien d’autre qu’à mettre en valeur John Miller, grâce aux lois de la relativité. Pourtant, vous avez sans doute déjà percuté via les captures d’écran supra qu’il en était un autre qui, de par sa prestation difficilement qualifiable, parvenait à booster les talents d’interprétation relatifs de tout le reste du casting.




Nos deux flics semblent sûrs d’eux…


...mais en même temps pas trop.


La vraie perle nanarde du film, sorte d’heureuse révélation, c’est bel et bien Don Niam dans le rôle du méchant kickboxer psychopathe Stingray. Acteur nanar jusqu’alors inconnu au bataillon (et pour cause, à part deux figurations et un mini-rôle dans un porno soft, sa filmo est un néant absolu), Don Niam est un phénomène difficilement explicable, quelque chose qu’il faut vraiment voir à l’écran pour en mesurer toute l’ampleur. Le fait que celui-ci soit attifé d’une chatoyante mulette ne suffirait pas en soi à en faire l’objet de quolibets systématiques (encore que, c'est si génialement photogénique…). Non, ce qui permet de le montrer régulièrement du doigt en éclatant d’un rire de bambin ravi tout au long du film, c’est que le lascar joue incroyablement mal, pas aidé il faut dire par les répliques du style « Mummy don't go… don't leave me mummy… I promise to be good… mummy take me with you… » évoquées plus haut qu’il annone péniblement en fixant la caméra de ses yeux exorbités à l’extrême (il en tremble le pauvre, ça doit être épuisant à force). C’est bête à dire mais, nanarement parlant, j’ai vraiment eu ce qu’on pourrait appeler le béguin, pour ne pas dire le coup de foudre. Don Niam filmé par Godfrey Ho, c’est quelque chose de quasi mystique, une rencontre au sommet entre deux artistes au talent estropié, une communion touchante et fragile entre deux freaks du 7ème art, d’autant plus inestimable qu’elle restera unique, un évènement hautement mémorable qui vous ferait croire dur comme fer à l’existence de quelque omnipotente divinité du nanar. Je sais qu’on risque de trouver que j’en fais encore des tonnes mais regardez bien les caps et osez me dire que vous n’avez pas envie d’y croire !


Bonjour monsieur le coiffeur, ça serait pour prendre rendez-vous… oui, c’est encore cette satanée mulette, même au sabre je n’arrive plus à la discipliner… non, c’est devenu invivable j’vous jure !


Tiens, voilà c’que j’en fais moi de ta robe à fleurs !


Beware, a flying mullet !!










Et hop ni vu ni connu, d'un coup de mulette magique je te transforme un
navet en nanar !


Un mot encore sur le budget, d’une indigence flagrante : il suffit de voir les locaux du commissariat, dont on ne voit rien justement, ou le bureau de l’organisateur de combats, un fourbe qui ne pense qu’à l’argent : un bureau avec un téléphone posé dessus, trois photos de combat accrochées aux murs et un cigare au coin du bec pour souligner le côté homme d’affaires magouilleur du personnage. Misérable.


Veuillez mesurer un peu votre langage mademoiselle, vous semblez oublier qu’ici nous sommes dans un, euh… hum, commissariat !


Alors Godfrey, j'ai pas l'air d’un boss plus vrai que nature comme ça ?!




Meeerd-euh, ma belle chemise neeeuv-euh, j’avais pas l’droit de m’salir !




ESPECE DE SALAUD, A CAUSE DE TOI MA MERE VA M’TUER !!!








La façon ignoble mais complètement absurde dont meurt le méchant Don Niam achèvera les abdominaux du spectateur, qui auront décidément bien travaillé durant ces 90 minutes de poilade (ça a du bon le nanar). En ayant sans doute la conviction d’être allé au bout de ses tares dans cette compétition en solo, Godfrey Ho, comme un ultime défi lancé à d’improbables challengers de la réalisation nanarde, a orgueilleusement titré son chef-d’œuvre Undefeatable, soit Imbattable. Dans le genre « jusqu’où peut-on aller trop loin » la légende du roi Ho continue. Tout le monde à genoux et gare aux mécréants !




Allez poulette, viens un peu te stimuler l’odorat !


Addendum :


Les mauvaises habitudes sont difficiles à perdre. Surtout quand on n'y met aucune bonne volonté. Ainsi, Godfrey Ho n'a eu aucun scrupule à mixer des scènes d'Undefeatable avec de nouvelles mettant en vedette la tataneuse sino-nippone Yukari Oshima et Robin Shou ! Sorti sous le titre de Bloody Mary Killer, le résultat serait plus fourni qu'Undefeatable en gore et en plans nichons, mais pas moins minable. Plutôt qu'un authentique "2-en-1", il semblerait qu'il s'agisse en fait d'une version alternative destinée au marché asiatique, Undefeatable étant lui à destination du marché occidental.




Sur amazon.com, on trouve cette VHS de l'éditeur "Tai Seng Video", au format NTSC avec sous-titres anglais


Pour être complet, signalons que les chorégraphies des combats d'Undefeatable ont été orchestrées par Douglas Hung et surtout le Grand Maître Tai Yim (également scénariste et co-producteur), qui a mis ses élèves de Hung Fot (style de kung-fu particulier) au service de Godfrey Ho pour le film, le plus aguerri d'entre-eux n'étant autre que... Don Niam ! Action Star Pictures serait la compagnie de production qu'il aurait fondée pour l'occasion, et qui semble bien ne rien avoir produit d'autre en dehors de Honor and Glory et Undefeatable.

- John Nada -
Moyenne : 3.70 / 5
John Nada
NOTE
3.5/ 5
Nikita
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
4/ 5
Barracuda
NOTE
4/ 5
Jack Tillman
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Le film s'auréolant peu à peu d'un petit statut de nanar culte (via des extraits sur youtube notamment), l'éditeur américain "Hen's tooth Video" a ressorti ce film en DVD en 2009 (il n'existait alors qu'en VHS aux Etats-Unis). Une édition simple en anglais, au format 1.78:1 avec la bande-annonce comme bonus.



Les Britanniques de "GMVS Entertainment" proposaient eux depuis longtemps un DVD multizone dans une édition proche de l'épure : il n'y a même pas de chapitrage, alors des sous-titres vous pensez bien...



Visiblement, il existe aussi un DVD australien (zone 4) chez "Force Entertainment" (tout un programme !). Ca peut surtout être utile pour nos lecteurs de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie, et encore j'en doute.


Le DVD australien.




Le DVD allemand.



Même aux Etats-Unis, le film est prudemment resté planqué en VHS, ce qui est somme toute fort compréhensible vu la réputation de nullité qu'il se traîne. Ah, on a aussi trouvé la trace d'une édition russe. Bon je sais, c'est vraiment chercher la petite bête mais faut dire qu'en France on n'a jamais eu l'occasion de voir ce film distribué sous quelque forme que ce soit !


La VHS américaine.


Ce visuel a été réutilisé par l'éditeur Intégral Vidéo pour son DVD de "L'Ange de la Violence" (Guardian Angel). Gare à la confusion !




Quand à celui là, il cache une réédition cheapos pour supermarché d'"Irresistible Force". Rejaquettage sauvage, quand tu nous tiens...

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