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René Cardona
(1ère publication de cette bio : 2004)Consulter la filmographie / Consulter les films chroniqués
René Jr, René Sr, René III
Un René Cardona peut en cacher… deux autres ! Comme le dit le polémiste Alain Soral (dont les Historiens de l'an 3000 se souviendront sans doute comme "le frère de l'actrice principale du film Diesel"), « le cinéma est une grande famille, avec le côté mafia méditerranéenne que sous-entend le mot ». Ainsi, depuis plus d'un demi-siècle déjà, le clan Cardona impose son blason dans le paysage cinématographique mexicain. Il y aurait évidemment beaucoup à dire sur cette dynastie, impliquée en tout dans plusieurs centaines de films à des postes divers. A défaut de frôler l'exhaustivité, cette biographie tripartite devrait néanmoins permettre de faire découvrir ou mieux connaître cette famille qui, des années durant, s'est efforcée avec un soin jaloux de conserver son monopole sur le cartel du nanar.
La lignée commence avec René Cardona (La Havane, 1906 - Mexico City, 1988) parfois appelé Cardona Sr, ou René « le vétéran » Cardona qui débute sa carrière comme acteur au début des années 30 avant de passer à la réalisation. Tout en continuant à jouer dans ses propres métrages, ceux de son fils ou ceux de simples confrères, il aurait réalisé (sans parler de ceux qu'il a écrits et produits) quelques 145 métrages et une série télé entre 1925 et 1982 selon la filmographie que lui attribue l’IMDB et qu'on peut raisonnablement soupçonner d'être encore loin du compte. Plusieurs de ces productions à très faible budget sont sorties en France, notamment quelques-unes interprétées par le catcheur Santo « el Enmascarado de Plata » (tel « Santo en el Tesoro de Drácula », nanar de haute volée que pépé Cardona met en scène en 1969). René « le patriarche » Cardona a également été le réalisateur associé du grand Albert Lewin pour « The Living Idol », en 1955.
« Santo et la Vengeance de la Momie » (1971), petit bijou du cinéma pop mexicain, avec ses femmes catcheuses sexy et sa momie en lambeaux.
Parmi cette oeuvre surabondante couvrant de nombreux genres (mélo, westerns, films pour enfants, fantastique, horreur, science-fiction), on peut citer le « Santa Claus » qu'il signe en 1959. Totalement inédit en France, ce film a été diffusé par Arte voici quelques années, une programmation quasi miraculeuse qui est malheureusement passée inaperçue. Il s'agit pourtant d'un nanar de taille, « Santa Claus » s'avérant certes très mauvais (comme à peu près tout ce qu'a fait Cardona Sr, sans vouloir être mauvaise langue) mais délicieusement kitsch et merveilleusement dingue, le clou de ce spectacle destiné au public en bas âge étant un combat cocasse entre le Père Noël et un vilain démon cornu qu'on se serait plutôt attendu à trouver dans une aventure de Santo. Une séquence au sommet !
Citons également des friandises, elles aussi inédites en France, comme « La Mujer Murcielago » en 1968 (littéralement : « la femme chauve-souris », autrement dit Batwoman !) ou « Night of the Bloody Apes » (« La Horripilante bestia humana », 1969). Dans le premier, un savant fou cherche à créer une race de super hommes-poissons, en utilisant pour cela les organes de catcheurs (car, nous apprend-il, ils sont « parfaits »). Quand les cadavres de catcheurs commencent à s’accumuler dans la région d’Acapulco, Batwoman s’emploie à rétablir l’ordre, vêtue d’un masque, d’une cape et… d’un bikini. Dans le second, Cardona Sr remake en partie un de ses précédents films, « Doctor of Doom » (« Las luchadoras contra el médico asesino », 1963), et mélange là encore des histoires de manipulations génétiques rocambolesques (un savant greffe le coeur d’un gorille sur son fils atteint de leucémie et le transforme en mutant sanguinaire) avec de bonnes vieilles scènes de catch !
L’accorte femme chauve-souris de « La Mujer Murcielago » (1968), sorti sous le titre « Batwoman » aux Etats-Unis.
Le fringuant homme-gorille de « Night of the Bloody Apes » (1969).
En 1976, René Cardona Sr est encore l'auteur de « Survivre » (« Los Supervivientes de los Andes »), un (médiocre) film sur les membres d'une équipe de rugby dont l'avion s'écrase au sommet des Andes et dont les rescapés, pour survivre, se voient contraints de s'adonner à l'anthropophagie. « Survivre », qui sera remaké des années plus tard par les Américains, base son histoire sur des faits bien réels ; un état de fait qui pourrait expliquer pourquoi certains critiques l'ont attribué à tort à son fils, René Cardona Jr (1939, Mexico City id. 2003). En effet, Junior se tourne souvent vers des sujets contemporains, dont il aime à souligner les aspects morbides ou crapuleux. Ainsi en est-il de « La Vallée Sauvage » (« El Valle de los Miserables », 1974) et surtout de « Guyana, la Secte de l'Enfer » (« Guyana, el Crimen del Siglo », 1980), sommet de cinéma d'exploitation trash inspiré par l'authentique suicide collectif des membres d'une secte en Guyane, et bénéficiant par ailleurs d'un étonnant casting de has-been hollywoodiens (Stuart Whitman en prédicateur fou, John Ireland, Joseph Cotten, Bradford Dillman et Yvonne de Carlo).
Décédé récemment d'un cancer (comme son père), Cardona Jr avait débuté comme acteur dès 1948, travaillant avec Cardona Sr avant de passer à la mise en scène en 1963/1964. Il aurait (encore selon l’IMDB) signé quelques 99 films et téléfilms jusqu'en 2000, une filmographie placée sous le signe du bis pur et dur, qui culmine à l'orée des années 80 par une série de métrages profitant de la mode des films-catastrophe ou des succès américains. Par rapport aux oeuvres de son paternel, il s'agissait de véritables superproductions, flirtant volontiers avec le fantastique. Il a réalisé au moins un chef-d’œuvre, l'hallucinant « La Nuit des Mille Chats » (« La Noche de los Mil Gatos », 1972), avec son acteur fétiche Hugo Stiglitz dans le rôle d'un psychopathe qui séduit de belles jeunes femmes pour les donner à manger à ses 1000 chats. A l'époque où le Studio de l'Etoile s'était spécialisé dans le cinéma mexicain, on a aussi pu voir à Paris plusieurs autres de ses forfaits, tels « Tintorera » (aussi connu sous le titre « Les Dents d'Acier », 1977), un sous « Dents de la Mer » sexy avec Susan George et Hugo Stiglitz, un peu plus sanglant mais surtout beaucoup plus ennuyeux que le film de Spielberg, et « Le Mystère du Triangle des Bermudes » (« Il Triangolo delle Bermude », 1978), avec là encore un casting stupéfiant puisque outre John Huston, Claudine Auger, Marina Vlady et Gloria Guida, on y retrouve bien entendu Hugo Stiglitz mais aussi Miguel Angel Fuentes, l'inoubliable indien de « L'Homme Puma » ! Pour ceux que ce film pourrait intéresser il suffit de le demander à Rico, qui se fera sans doute une joie de vous le céder (bon, autant le dire tout de suite : il s'agit d'un de ces navets lénifiants, absolument irregardables du simple fait qu'il ne s'y passe RIEN).
Quand il s'agit d'exploiter le succès des « Dents de la mer », René Junior (« Tintorera », 1977) se montre plus réactif que René Senior (« Mar Asesino », 1979).
De Cardona Jr, on doit aussi ce curieux « OK Cleopatra » (1970), sans doute une réponse tardive à la comédie « OK Neron » de Mario Soldati, et « Le Gorille et l'Enfant » (« El Rey de los Gorilas », 1976), version libertaire du mythe de Tarzan qui mériterait amplement d'être redécouverte et réhabilitée si l'on en croit ceux qui l'on vu. Avec Hugo Stiglitz, bien entendu…
« La force d’un singe, l’intelligence d’un homme… » et le talent très relatif de l’illustrateur.
En marge de sa foisonnante carrière d'acteur-réalisateur-scénariste-producteur, Cardona Jr a été l'assistant de quelques cinéastes hollywoodiens en tournage au Mexique, notamment Don Siegel pour « Two Mules for Sister Sara » (1969). Il a également produit le « Santa Sangre » d'Alejandro Jodorowsky en 1989. Sa série de comédies sur les vacanciers (« La Risa en Vacaciones », au moins six films entre 1989 et 1995) a battu tous les records d'entrées de l'histoire du cinéma mexicain. Curieusement, l’IMDB (qui n'est pas à une mauvaise information près) indique qu'il s'agit de téléfilms (à moins que seul le 1er soit sorti en salles ?). En tout cas, au vu de l'œuvre encore inexplorée du bonhomme (comment rester insensible à des titres comme « El Detective Genial » (1965), « SOS Conspiracion Bikini » (1966), « Capulina Contra los Vampiros » (1971) ou « El Tesoro del Amazonas » (1985) ?) on se dit qu'il reste forcément de grosses perles à découvrir, d'autant qu'il a également fait tourner Donald Pleasence, Marisa Mell, Emilio Fernandez, Silvia Pinal etc. Et il en va bien sûr de même pour l'œuvre de Cardona Sr, dont des éléments sont de toute façon parfois attribués à Jr ou le contraire, pour ne rien dire du III qui ne tardera pas à compliquer la situation s'il s'avère un jour aussi prolifique que ses deux prédécesseurs. Dernier né (?) du clan, René Cardona III (1963 ?, Mexico City) a débuté comme acteur en 1967 (toujours selon l’IMDB), alors qu'il ne devait pas avoir plus de trois ou quatre ans. Il a évidemment joué de multiples fois dans des films de son père et de son grand-père, et serait parfois crédité sous le nom d'Al Coster. L’IMDB lui attribue déjà la réalisation de 71 films entre 1988 et 2010…
Exhumé de la Saison Cinématographique 1971, la critique par Jacques Zimmer d'un film attribué par lui à Cardona Sr, « Sex Monsters » (1969, avec Régine Torne, Joachim Cordero et Hector Lechuga) a de quoi interpeller le lecteur. Descendu en flèche par le journaliste, le résumé du scénario (dément mélange de Frankenstein et de Dr Mabuse avec un personnage de « Professeur Orlac » aux prises avec des catcheuses artificielles et humaines, des robots métalliques, le tout confinant de près à l'érotisme le plus débridé) et l'analyse des raisons de ne pas le voir donnent comme d'habitude diablement envie de mettre le grappin dessus ! Voyez-vous, c'est en rédigeant une bio comme celle-ci que je me dis que même en s'imposant un rythme de marathonien, de la pellicule nanarde, il en reste des kilomètres et des kilomètres à se farcir tant le filon semble inépuisable…
Chatoyants remerciements à Roger Lahonte, Francis Moury et surtout Pic de la Mirandole pour leurs précieuses informations.
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René Cardona III (avec la casquette, derrière la caméra)