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Anges de sang
(1ère publication de cette chronique : 2025)Titre original : Thralls
Titre(s) alternatif(s) : Blood Angels, Les Esclaves d'un vampire, Echec aux vampires
Réalisateur(s) : Ron Oliver
Année : 2005
Nationalité : Canada
Durée : 1h35
Genre : Un coup de goule dans les valseuses
Acteurs principaux : Lorenzo Lamas, Siri Baruc, Leah Cairns, Sonya Salomaa, Moneca Delain, Shawn Roberts, Ken Ohtsji, Richard Ian Cox
Lorenzo Lamas en maître Nosferatu dans un film de vampirettes ? Qui se déroule intégralement dans un night-club indus' ? Avec un rituel d'invocation de Bélial dégotté dans le "Nécronomicrone" (sic) ? Réalisé par un spécialiste du film de Noël et des comédies romantiques de mariage ? Et même pas besoin de signer avec votre sang pour faire exister le film, car le voilà tout beau tout chaud directement sous vos yeux desséchés par le manque de prods cheloues ? Mais oui, c'est possible, avec la carte Nanarland ! Merci qui ? Merci bibi !
Et merci Thralls, alias Blood Angels, alias Anges de sang, alias Les Esclaves d'un vampire, alias Echec aux vampires. C'est toujours sympa d'avoir une profusion de titres pour un seul film, ça donne un côté foire aux bonbons où chacun peut aller piocher la sucrerie qu'il préfère. Personnellement, j'aime beaucoup le dernier qui pourrait gagner le trophée du meilleur et unique titre de draculito-chessploitation.
Version soft.
Version "plus de canines, svp".
Logique.
Mais cette habile générosité ne doit pas faire oublier qu'il n'existe qu'une seule oeuvre derrière cette armada marketing, celle de Ron Oliver. Comme je le disais, la filmo de ce brave homme paraît avoir été condamnée aux travaux forcés sur W9 un mois de décembre. Jugez sur titres : A la poursuite de Noël, Les voeux de Noël, Le Noël de Denis la malice, La parade de Noël, L'escapade de Noël, L'ange de Noël, Un Noël qui répare les blessures, Noël au palace, Noël au manoir enchanté, Opération Noël, Le Voyage surprise de Noël, Le Noël de mes rêves, Ma meilleure ennemie de Noël, Coup de foudre à l'hôtel de Noël, Le Train de Noël, Un Noël so british, Noël tombe à pic... N'en jetez plus ! A noter une petite remise de peine Gulli avec Beethoven et le trésor des pirates (non mais en vrai, c'est sur cette chaîne que je suis tombé dessus... une cascade que je déconseille, d'ailleurs).
Le véritable cinéma d'horreur.
Mais il compense avec une bonne bouille sympathique, le Ron.
Ron Oliver est également un habitué des séries télé, surtout pour enfants (on en revient toujours au sucre), et c'est ainsi qu'il a même oeuvré à ériger le piédestal de L'Invincible alias The Immortal, tournant deux des rares presque bons épisodes de ce lieu de perdition ciné-télévorique où il a rencontré Lorenzo Lamas pour mieux le convaincre de le rejoindre plus tard dans son projet du jour. Machiavélicos ! Dans Anges de sang, notre rebelle préféré incarne Mr Jones, un vampire alpha qui a réduit en esclavage transfusionnel un harem de jolies jeunes femmes, transformées par ces supplices en sous-vampirettes inabouties, sortes de goules sous trayons. Lasses de cette situation inéquitable, les demoiselles organisent leur fuite et démarrent une nouvelle vie d'auto-entrepreneuses en discothèque pour fêtards adeptes du collier fluo et de la paille colorée fantaisie sur du gros son ; étonnamment, tout le monde parle du lieu comme d'une rave party, sans que nul n'ose s'interroger en chanson sur ce que ça signifie. La petite soeur de l'une d'entre elles a tôt fait de quitter son bled et ses tourments familiaux pour les rejoindre, et découvrir ainsi la vie d'une femme libérée du patriarcat ; mais est-elle prête à accepter tous les sacrifices qu'impliquent une telle décision ?
Le Nécronomicrone (toujours sic), tract militant pour la brisée des chaînes de la tyrannie conjugale.
Petite frustration à surmonter : Lorenzo a les cheveux courts.
Ce fantasme du cinéma pour les night-clubs déments porte la responsabilité de bien des déceptions à la découverte de son Macumba local.
Le bureau de la direction.
Vous êtes sagaces, cher public, et vous avez donc compris que les anges de sang utilisent le lieu pour se nourrir du bétail qui le fréquente, sur une approche toutefois écoresponsable qui vise à ne prélever que le strict nécessaire des ressources disponibles, ambiance homologation Ecolabel des Carpathes. Avec ce critère spécifique qui les voit cibler en particulier les connards virilistes et harceleurs de piste de danse, qui ont vite fait de se faire péter la tronche à coups de sabre (en public, oui) puis ramener dans la pièce du fond pour une séance de suce très particulière.
Mais il paraît que c'est meilleur que le sexe, dixit la pratiquante.
C'est sûr qu'une telle macroglossie, ça aide un peu.
Un service d'ordre efficace.
Et elles ne risquent pas la diète car le film est particulièrement riche en machistes : c'est VSS dans la rue, VSS sur le dancefloor, VSS dans les WC... Un peu comme dans la vraie vie, quoi. Même les deux personnages masculins principaux peinent à échapper à cette systémie de l'oppression : si Jimmy a pour lui d'être un bon gars de la campagne coincé dans le stéréotype du défenseur du sexe faible (en vain car il finit toujours par se faire rétamer la gueule, voire n'être qu'un boulet pour ces dames), ce n'est pas le cas de son fantabuleux cousin, Thuneboy ! Auto-renommé ainsi car ce grand expert ès séduction sait assurément ce qui plaît aux femmes : la thune, donc, mais aussi de se faire qualifier de "pouf", compliment qui lui sert de ponctuation à chaque interaction avec une interlocutrice. Enfin, entre deux "yo !", interjection proprement vitale qui habille le moindre de ses propos. La combinaison de ces manies linguistiques, associée à une assurance morgue qui ne masque absolument pas son évidente bêtise, lui octroit rapidement le statut de perso chouchou, telle une peluche chibi qu'on aimerait écrabouiller en lui faisant un câlin.
L'inconvénient est qu'on en vient rapidement à s'exprimer comme lui, surtout que le doubleur français sculpte le "yo" sur tous les tons tel un Rodin du verbe. Exemple : "Yo ma jolie pouf !".
DJ Thuneboy fait élégament monter la fièvre avec ses "Allez-y les poufs, faites-nous un peu d'esbrouf !".
Le gendre idéal Jimmy est incarné par Shawn Roberts, future Weskers des Resident Evil, et il est doublé par Adrien Antoine, voix régulière de Batman depuis 15 ans (et des jingles M6).
Mais est-ce que ce film n'aurait pas un propos, en fait ? Et bien clairement oui : 20 ans avant #MeToo et la réémergence sur la scène sociale d'une pensée féministe enfin entendue, Anges de sang nous parle de femmes martyrisées et exploitées, en proie à l'emprise (d'où le titre original, Thralls, dont c'est le sens littéral) exercée par un mâle dominateur et toxique, et dont elles ne parviennent à s'extirper que par la sororité qui les unit. Elles gagnent ainsi une autonomie psychologique, financière et sexuelle, qu'elles doivent néanmoins continuer à défendre contre les agressions qu'elles subissent constamment, et surtout contre la menace que Mr Jones continue à faire planer en les traquant. Quant à la jeune soeur, le script sous-entend qu'elle est victime de violences incestueuses par son père, d'où sa recherche d'émancipation que la symbolique du vampire saura sans doute lui apporter. Une forme d'ensuperpouvoirement, donc.
Un crush qui se fait sur la demande simultanée "d'une bouteille d'eau minérale".
L'empouvoirement vampirique passe également par le détressage capillaire (et un approfondissement du décolleté).
Mr Jones est un gros scoreur du violentomètre.
Toutes unies dans la SCOP.
Et là, je sens venir la question, acérée comme un pieu dans mon coeur : mais pourquoi donc chroniquer Anges de sang sur Nanarland ? Alors déjà, parce que j'en avais envie, envie de parler de ce film méconnu que j'ai découvert complètement par hasard au gré de nos visionnages collectifs, inlassable exploration de nos inépuisables stocks de DVD qui vire souvent à la roulette russe. Malgré tous ses signes extérieurs de zèderie fauchée, il a su m'étonner par l'habileté de son script et sa volonté de tenter d'en faire quelque chose ; là où de nombreux réalisateurs désabusés auraient renoncé à toute velléité artistique pour se contenter d'appliquer à la lettre le maigre cahier des charges, Ron Oliver dynamise ses quelques scènes de bagarre par une réalisation un peu punchy, exploite au mieux son lieu unique, parvient souvent à cacher la misère, assume un positionnement subtilement méta (les dents en plastoc du valet de Jones) et dirige suffisamment bien son cast pour qu'il conserve un certain recul humoristique, bien servi d'ailleurs par une VF très correcte pour ce genre de productions. Et la musique, très présente, est plutôt chouette !
En plus de s'offrir un cameo sur mesure, Ron cite également ses références ciné.
Mr Jones en vient vite à se faire surnommer Johnny par certaines de ses goules, pour le plus grand plaisir des spectateurs francophones.
Quoi, ma goule ? Qu'est-ce qu'elle a ma goule ?
Autre argument pour l'obtention de son passeport nanarlandais : mon combat pour la réhabilitation de Anges de sang ne saurait passer sous silence que toute la bonne volonté du film ne l'empêche pas de se faire régulièrement déborder par ses limites budgétaires et son enthousiasme parfois trop enjoué, au point de franchement virer au nanar à plusieurs reprises. Les chicots pourris des vampirettes et les transformations de Lorenzo Lamas en chauve-souris titillent déjà bien les zygomatiques. Mais impossible de retenir les éclats de rire lors de l'indescriptible chute du balcon de la soeur, sans parler de l'attaque des masto-serpents tueurs, et surtout, du grand final de nawak avec l'invocation de Bélial grâce à un CD magique sur fond de Mr Jones gueulant "plus de puissaaaaaance !". Le genre de séquence à se retrouver directement dans les cuts de la Nuit Nanarland.
Un des plans-nichons les plus zarbis de Nanarland.
Disco-démonicus.
Attention à ne pas rayer le CD d'invocation.
Bélial ressemble à un brochet spatial coincé dans un goulot dimensionnel anal.
Anges de sang a ainsi tous les atours de la série B fauchée à l'esthétique très 2000, et si certains sont d'authentiques guenilles qui vous feront marrer, ils cachent finalement un coeur au bon endroit, pour citer l'homme de lettres et de podcasts. Avec plus de thune (et surtout de Thuneboy), je suis certain que Ron Oliver aurait accouché d'un petit classique underground de son époque (il a finalement préféré creuser le sapineux filon du film de Noël). Mais en l'état, il faudra l'aimer avec tous ses défauts. Ça tombe bien, c'est ce qu'on fait sur ce site.
Ah oui, le film se fait un petit plaisir en calant dans son générique final un vidéoclip du groupe de hip-hop canadien Swollen Members.
Mais laissons le mot de la fin à Thuneboy : "Tu es la meilleure pouf que j'ai rencontrée".
Merci à la team discord pour son existence et pour le support en calembours débiles.
Ron Oliver est un réalisateur canadien. Il démarre sa carrière dans le cinéma d'horreur, scénarisant Le bal de l'horreur 2 : Hello Mary Lou dont il tournera finalement des reshoots pour sauver le film de son bourbier. Il enchaîne avec Le bal de l'horreur 3 puis s'oriente vers un fantastique plus jeune public avec les séries Fais-moi peur ! et Chair de poule dont il scénarise et réalise de nombreux épisodes. Loin de s'enfermer dans ce genre, Ron Oliver apprécie être polyvalent, tournant autant pour la télé que pour le cinéma et s'attelle à des sujets plus familiaux, jusqu'à pratiquer assidument la comédie romantique et le film de Noël pour le network chrétien Hallmark, spécialisé dans ce domaine. Mais c'est aussi un réalisateur qui assume d'instiller sa sensibilité homosexuelle dans ses oeuvres, de manière diffuse ou explicite (La Mémoire en sursis), avec une approche LGBTQ bienveillante qui explique la vista de Anges de sang. Intrigué par ce film peu cité dans ses différentes interviews, nous l'avons contacté pour en savoir plus et il nous a fait le grand plaisir d'accepter une interview, que vous pouvez lire ici.
Entretiens
Cote de rareté - 2/ Trouvable
Barème de notation
Anges de sang se trouve facilement en DVD zone 2 sur les sites de vente d'occasion. L'édition se contente du strict minimum, sans même proposer une VO. Il existe des éditions similaires dans d'autres pays.