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Bambola

(1ère publication de cette chronique : 2005)
Bambola

Titre original : Bambola

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Bigas Luna

Année : 1996

Nationalité : Italie / Espagne / France

Durée : 1h32

Genre : Erotique charcutier

Acteurs principaux :Valeria Marini, Jorge Perugorria, Stefano Dionisi, Anita Ekberg, Manuel Bandera, Antonino Iuorio

Nikita
NOTE
4/ 5


"L'obsession érotique la plus attendue", dixit l'affiche !


Et maintenant, amis nanardeurs, penchons-nous un instant sur le film d’auteur européen.

C’est vrai, quoi ! On se moque à bon compte des Eurociné, des post-apocalyptiques italiens, bref des artisans besogneux et plus ou moins modestes. Et si on s’attaquait davantage aux productions prétentieuses et pleines de fric, aspirant à la respectabilité critique comme au succès public ? Cette catégorie nous a offert une bonne série de réjouissantes catastrophes, surtout dans la catégorie dite de "euro-pudding", soit ces productions boursouflées nourries avec un peu d’argent italien, un peu de français, un peu d’allemand, etc. et qui au final ne satisfont personne.

Bambola de Bigas Luna, film italo-hispano-français, en est un exemple particulièrement criant, qui a eu pour particularité de couler en partie la carrière d’un auteur jusque-là relativement bien considéré. Des grands comme Hitchcock ou Chaplin ont eu leurs ratages. Mais aucun n’a eu, comme Bigas Luna, la malchance de se voir ramené d’un coup du rang d’auteur estimé à celui de quasi-nanardeur. Nous sommes donc en présence d’une perle rare : le nanar nuisant gravement à la santé de son auteur !

 

Valeria Marini. Alias Bambola


Tous les ingrédients qui avaient fait le succès des précédents films de Bigas Luna sont pourtant là : beaucoup de sexe, un chouia de violence, et un scénario « provocant ». Il faut donc chercher ailleurs pourquoi la mayonnaise a cette fois tourné à l’aigre.

Le scénario : dans un bled paumé du nord de l’Italie, la pulpeuse blonde Bambola (« poupée » en Italien) et son frère homosexuel, Flavio, ont hérité de leur alcoolique de mère (jouée par les restes délabrés d’Anita Ekberg, c’est vraiment triste) un petit restaurant.

 


Anita Ekberg. Il est loin le temps de la fontaine de Trevise...


Avec son short affriolant, son petit pull angora rose, son postérieur bibendumesque, Bambola excite les bas instincts de tous les éléments mâles de la région : l’un de ses « soupirants », le bellâtre Settimio, se trouve ainsi embringué dans une bagarre qui tourne mal et le conduit en prison. Lui rendant visite, Bambola attire au parloir l’attention du caïd Furio, qui va dès lors vouloir se la taper à tout prix. Admirons la technique de drague de Furio (crâne rasé, moquette pectorale, et surtout un abominable peignoir bleu QU’IL NE QUITTERA PAS DE TOUT LE FILM !) : « Urgh ! Toi c’est Bambola ? Moi c’est Furio ! Moi vouloir toi ! Reviens me voir ! J’ai un copain parmi les gardiens, on pourrait s’isoler ! » Galvanisé par l’agitation de ses hormones, et jaloux de son codétenu Settimio, Furio fait violer ce dernier par ses complices. Flavio (le frère homosexuel de Bambola, si vous avez suivi), amoureux de Settimio, apprend que ce dernier est martyrisé en prison. Il va donc voir sa sœur et lui tient à peu près ce langage : « Il faut aider ce pauvre Settimio. Si tu allais voir Furio, ça le calmerait peut-être et il laisserait Settimio tranquille ! » Respect, le frangin ! En voilà un qui sait parler aux femmes !

 

 
"La seule chose dure que j'aime c'est toi" (tout est dit)


Là, vous vous dites que Flavio va se prendre une mornifle par sa sœur et qu’il ne l’aura pas volée. Hé ben non ! Bambola, bonne pomme, va rendre visite à Furio en prison ! Précisons une chose : Bambola ne connaît pas vraiment Settimio, qui l’a juste dragouillée cinq minutes à la piscine avant la fatale bagarre. Qu’elle se sente coupable de le voir en prison, cela peut se comprendre. Mais qu’elle pousse l’abnégation jusqu’à aller au-devant d’un viol quasi-certain, pour aider un gars qu’elle connaît à peine, c’est un tantinet exagéré.

Ce qui m’amène à vous dire deux mots de l’interprète de Bambola, Valeria Marini. Elle est… comment dire ? Unique ! Une grande blonde toute en formes, un regard de scampi fritti, le visage aussi mobile et expressif qu’un bloc de mozzarelle pas fraîche.

 


Il  y a beaucoup de plans sur des poêles à frire et des casseroles dans Bambola. Beaucoup trop si vous voulez notre avis.


Car le vrai, sinon le seul, facteur de l’irrémédiable échec de Bambola, c’est bien l’interprète du rôle titre, qui aurait dû en constituer l’attraction principale. Or, Valeria Marini, célébrissime en Italie, est une actrice avec des guillemets… Essentiellement connue pour avoir présenté des émissions de télé raffinées comme nos amis transalpins en produisent au kilomètre, Valeria Marini est une sorte de croisement entre une Ophélie Winter gonflée à l’hélium et une Sabrina Siani ultra-mollassonne. Or, dès qu’il s’agit de la faire jouer à l’écran, c’est une autre paire de manches. Niveau acting, la demoiselle dispose en effet pour tout registre de deux expressions. La première : le regard vide et la lippe boudeuse (et quelles lèvres ! on dirait deux tranches de foie de veau). La seconde : le regard encore plus vide et les lèvres sensuellement entrouvertes, comme si elles étaient prêtes à réciter une ligne de dialogue salace qui ne sortira jamais de sa bouche. Limitée à la fois par le rôle que lui donne Bigas Luna et par ses modestes compétences de comédienne, Valeria Marini traverse le film avec la prestance d'une poupée gonflable, réduite à incarner un rôle quasi muet de femme-objet cruche au possible, un fantasme de beauf, une sorte de poster pour camionneurs animé.

 


Marina et Furio, en pleine imitation de ventouses.


Or, le film était censé précisément reposer sur elle, et constituer en parallèle sa consécration en tant qu’icône érotique universelle. Mais si ce qui est supposé être le pilier de l’œuvre s’avère insuffisant, c’est l’édifice tout entier qui s’écroule. Et Bambola, à force de ne proposer comme actrice qu’une mortadelle ambulante, s’apparente à une véritable catastrophe naturelle : une gigantesque pièce-montée qui, faute d’avoir été suffisamment bien construite, s’écroule dans un grand geyser de crème chantilly, salopant l’intégralité du buffet alentour.

Il faut dire que, si dans ses précédents films, Bigas Luna avait assez astucieusement joué avec les clichés du machisme et de la femme-objet, il pousse cette fois le bouchon un peu loin et semble vouloir tendre les verges pour se faire battre ! Furio viole en effet Bambola en prison (ce qui nous vaut sur la bande-son des gémissements sortis d’un téléphone rose : ah oui, oh ah ouiiiiii…) et le drame est que celle-ci a aimé ça. La brute sort de prison, s’installe chez Bambola et Flavio, et passera désormais l’essentiel de ses journées à arracher la culotte de notre Rita Hayworth de Prisunic et à lui faire subir (car le consentement de Bambola n'est pas vraiment explicite et c'est bien un des gros problèmes du film) une succession quasi ininterrompue de rapports sexuels, ce qui nous vaudra une nouvelle salve de aaahh ahhhh ouiii ouiiii poussés par une Valeria Marini en plein trip actor’s studio. Dans la scène-clou du film, Furio se saisit d’une anguille, et la promène sensuellement sur le corps de Bambola, la noue autour de ses cuisses, etc. On en est bouleversés d’érotisme.




L'érotique poissonnier, un genre à découvrir.


Un doute finit par se faire jour : Bigas Luna était-il si mécontent de travailler avec Valeria Marini (amenée par la co-production italienne) qu’il a voulu l’humilier par tous les moyens possibles, comme le fit Tsui Hark avec Jean-Claude Van Damme ? C’est possible mais ça ne contribue pas à la réussite de l’ensemble. L’échec du film à faire de son actrice principale un objet de désir, sinon crédible, du moins suscitant l’empathie du spectateur le font basculer dans le camp du nanar friqué, que sa photographie léchée et son budget visiblement conséquent ne sauvent en rien du grotesque. Une bonne part du quotient nanar de la chose tenant au décalage entre ses intentions affichées, les moyens mis en oeuvre, et le catastrophique résultat final.


La moue boudeuse, l'arme absolue des séductrices de cinéma.


Le désastre ne se limite cependant pas à l’interprétation de Valeria Marini, pourtant suffisante pour faire couler n’importe quel film sous le poids de son ridicule,  mais suinte au contraire par tous les pores d’un scénario à l’enflure pataphysique et de dialogues à se fendre la pipe : Flavio va rendre visite à Settimio en prison et ce dernier lui raconte son viol. Réaction de Flavio : « Heu ??? Et ça t’a plu ? ». Sacré Flavio, ça c’est de la technique de drague ! Ceci dit visiblement ça marche, puisque le brave Settimio, apparemment converti aux joies de l’analité par les vigoureux câlins de hommes de Furio, finira le film dans les bras de Flavio.

Vous ai-je d’ailleurs parlé de Flavio ? Dans le rôle du frère homosexuel, Stefanio Dionisi, (Farinelli il Castrato, c’était lui !), teint en blond, se tortille dans des pantalons en skaï et des t-shirts en mailles dans une sorte de parodie de personnage effeminé pour pièce de théâtre de boulevard. Par contre, dans le rôle de Furio, l’acteur cubain Jorge Perugorria assure vaillamment la défense d’un rôle ingrat, qu’il parvient même à rendre occasionnellement sympathique.

Furio avec son peignoir. Sans doute la seule histoire d'amour crédible du film.

Stefanio Dionisi, dont on devine l'orientation sexuelle très rapidement dans le film.


Le cinéma italien, jadis l’un des plus vivaces d’Europe, barbote depuis plus de quinze ans dans un marasme dont il tente régulièrement de sortir, notamment par des productions de prestige invitées pour la galerie au festival de Venise. Ce fut le cas de Bambola, film très attendu de par la notoriété de Valeria Marini. Et pour une fois, justice fut rendue, tant l’œuvre fut haïe, vilipendée, accueillie lors de sa projection par des éclats de rires et des hurlements ; le parterre des VIP et des professionnels invités, perdant toute retenue, allèrent jusqu’à crier des encouragements à Furio lors des scènes de viol, en pure réaction face à l’épaisse couche de connerie que Bigas Luna avait tartinée sur l’écran.

Morale de l’histoire : un échec pesant pour le cinéma italien, une carrière cinéma torpillée pour la turinoise pneumatique Valeria Marini (qui fait désormais essentiellement parler d’elle par son idylle avec le producteur de cinéma et patron de club de foot Vittorio Cecchi Gori) et une belle "perte de face" pour le Senor Bigas Luna, relégué du rang de nouveau maître de l’érotisme espagnol à celui de faiseur de kitscheries. Mais un beau nanar des familles, pour les amateurs de crétineries italiennes et pour tous ceux qui aiment rire de l’érotisme aux prétentions faisandées !

 


La belle, la brute et le chevreau.


Addendum :

Le film a bel et bien fait sensation en 1996 lors de la 53ème Mostra de Venise où le public était sorti de la projection en conspuant le réalisateur. La rumeur veut que l'actrice Valeria Marini était venue à la projection en portant des anguilles comme manteau de vison. Fort de sa réputation sulfureuse, Bambola était donc attendu en salle en Italie, avec une tag-line créée pour la circonstance (et par opportunisme) : "L'obsession érotique la plus attendue".

Ce ne fut pas sans heurt car Valéria Marini voulait interdire la sortie du film. La faute à une mésentente entre Bigas Luna et l'actrice dont le contrat stipulait que le film serait interdit aux moins de 14 ans en salle. Or lors de sa sortie le film est interdit au moins de 18 ans. La commission de censure italienne s'en mêle et doit choisir : soit on coupe trois scènes selon Marini (dont celle qui a le plus marqué le public du Festival, c'est à dire celle avec l'anguille) pour que Bambola soit interdit uniquement aux moins de 14 ans, soit on maintient l'oeuvre telle quelle est et le film reste interdit aux mineurs. C'est la seconde décision qui sera adoptée. Valéria Marini intentera un procès auxs des producteurs, qu'elle perdra.

Dans un domaine plus musical, notons que la scène où Bambola se prend en photo sur un énorme morceau de mortadelle fut repris dans le clip de la rappeuse italienne M¥SS KETA dans sa chanson "Pazzeska" en 2019.

- Nikita -
Moyenne : 2.08 / 5
Nikita
NOTE
4/ 5
MrKlaus
NOTE
2/ 5
Wallflowers
NOTE
0.25/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

La réputation de Bigas Luna n'étant plus à faire, le blu-ray est sorti en Espagne chez "Resen" et se trouve facilement en ligne. Avec carrément une faute d'orthographe  au nom de son actrice principale à qui rien ne sera épargné ! Aucun bonus à se mettre sous la dent, mais vous pourrez le voir dans sa VO italienne ou son doublage français.

"Opening" a sorti un DVD simple ne contenant que le film et quelques fioritures (affiches, filmo, bande-annonce). Vous le trouverez sans difficulté pour moins de 4€ sur tout un tas de sites de vente en ligne.

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