Ce site web utilise des cookies, uniquement à des fins statistiques.
Ils nous permettent de connaître la fréquentation de notre site web, et les contenus qui vous intéressent.
Fantasex Island
(1ère publication de cette chronique : 2024)Titre original :Fantasex Island
Titre(s) alternatif(s) :Ile Fantasex
Réalisateur(s) :Lawrence T. Cole
Année : 1983
Nationalité : Etats-Unis
Durée : 1h30
Genre : Dur de trouver du petit personnel de nos jours...
Acteurs principaux :John Leslie, Luis De Jesus, Pepe Peru, Serena, Holly McCall, Paul Thomas, Mike Horner
Nanarland a déjà traité de films interdits aux mineurs, dans des sous-catégories variées, représentatives de la folle diversité de ce type de cinéma : le film tout public transformé en film de boules par le caviardage d'inserts hard (Clodo et les Vicieuses), le porno chic américain de prestige (Jamaix Plus Encore), le porno industriel bas de gamme européen (2 Soeurs à En(bip)er)... Avec cette chronique, je vais aborder le sous-genre le plus populaire de l'industrie pornographique (en laissant de côté toutes les bouzasses gonzo et POV qui inondent la Toile et n'ont aucune place sur Nanarland), à savoir la parodie porno. C'est bien connu, le porno a tout parodié : Les Pierrafeu, Terminator, Les Tortues Ninjas, Les Simpsons, La Famille Addams, Apocalypse Now, Dix PetitsNègres, L'Île au Trésor, Sherlock Holmes, Les Dents de la Mer, La Planète des Singes, King Kong, E.T., Le Magicien d'Oz... Même Ed Wood a eu droit aux pastiches pornographiques de ses nanars les plus célèbres !
Parmi tous les pastiches dévergondés que j'ai pu visionner se distinguent cependant deux titres pour lesquels j'ai une affection toute particulière : Star Babe, invraisemblable décalque de La Guerre des Etoiles composé à 70% de stock-shots de la NASA, et ce Fantasex Island, qui reste un nanar mineur mais envoie quand même du lourd. D'ailleurs, un signe qui ne trompe pas : si 2 Soeurs à En(bip)er fut la sensation de la Nuit Excentrique 2013, les extraits de Fantasex Island constituèrent le fil rouge de la Nuit Excentrique 2015 et les réclamations pour une chronique du film sur Nanarland furent alors nombreuses. Tous les heureux spectateurs du Grand Rex ont en effet pu constater que les dialogues de cette oeuvre sont un concentré de nanardise pure à 100%. Mais, comme aurait dit le bien nommé Monsieur X de France Inter, n'allons pas trop vite...
On observera le soutien-gorge et la culotte pudiquement ajoutés sur cette très prude affiche.
Comme son titre l'indique, Fantasex Island alias L'Ile Fantasex est une parodie ultra low cost de la série télévisée L'Ile Fanstastique (Fantasy Island, 1977-1984), dans laquelle Monsieur Roarke (Ricardo Montalban), épaulé par son fidèle serviteur nain Tatoo (Hervé Villechaize), exauçait les fantasmes les plus fous des invités de son île paradisiaque. Le concept du feuilleton était parfait pour être transposé dans un film de fesses, convenons-en. Aussi le film de Lawrence T. Cole qui nous intéresse ici n'est pas la seule adaptation porno qu'a connu ce grand classique du petit écran. Citons ainsi Fantasy Land (1984) de Ned Morehead, pastiche vidéo encore plus fauché que Fantasex Island (avec le vétéran Harry Reems en Host, la jolie Susan Hart dans le rôle de son assistante TooToo et la poumonée Mindy Rae en guest-star), ou encore le brésilien O Analista de Taras Deliciosas (1984) de Fausi Mansur. Deux boulards lambda, sans intérêt et totalement oubliables, que j'évoque uniquement à titre informatif et pour souligner que Fantasex Island est d'une toute autre trempe que le tout venant de la zone rose.
Les hôtes de "L'Île Fantastique" : Hervé Villechaize et Ricardo Montalban.
Et les hôtes de "Fantasex Island" : Pepe Peru (apparu dans une petite poignée de films X, exclusivement dans des rôles habillés) et Luis De Jesus (crédité Mr. Shortstud, ce comédien de petite taille s'était fait connaître avec le délicat "The Anal Dwarf" et la série Z horrifique "Bloodsucking Freak").
Distribué en France par "Laura Vidéo Production" (un éditeur au logo enfantin synonyme de doublage nanar systématique), Fantasex Island se présente au recto sous les attraits d'une illustration atypique et intriguante, et au verso via la prose d'un résumé haut en couleur (et riche en fautes de frappe), que je vous livre intégralement et sans corrections :
Visitez Fantasex, Island, vous y rencontrerez Mr Dork et Pu-Pu, le nain s executant aux désirs extravagants de leurs invités. Quelles que soient les fantaisies érotiques, nulle ne sera inassouvie... Un cow-boy désirant chevaucher la femme du Shériff. Un Gentleman de l'Ere Victorienne découvrant les subtilités des boudoirs antiques. Un jeune étudiant apprenant les meilleures positions de . Un joueur, obligeant sa jeune soeur à se prostituer pour régler ses dettes de jeu. Une jeune et innocente mariée soumise aux perversions de son époux lors de leur nuit de noces. Une pulpeuse soubrette, obéissante à ses maîtres en calmant leurs ardeurs... Tels sont les fabuleux personnages de ce grand film pornographique dénué de toute pudeur et qui dépasse de loin tout ce que vous pouvez imaginer...
Vendre ce genre de film est décidément tout un art...
Un budget colossal ayant permis la location d'un vrai hydravion, comme dans le générique d'intro de la série originale !
Un décor de rêve !
Des interprètes transpirant le sex-appeal !
Le métrage en lui-même est au demeurant très mauvais mais ne manque pas d'un certain charme avec sa pellicule granuleuse, sa profusion de moustaches et sa musique au xylophone et au synthé irrésistiblement guillerette. Comme souvent, il n'aurait rien de particulièrement mémorable sans son doublage français incroyable, fabuleux, grandiose, mirifique. Ici, on n'est pas dans l'impro nanarde à la 2 Soeurs à En(bip)er mais plutôt dans le registre Jamaix Plus Encore. Bien que l'ensemble n'atteigne pas le niveau du film précité, on est quand même face à quelque chose de ni fait ni à faire. Jamais les voix françaises ne sont synchronisées avec les mouvements des lèvres des comédiens apparaissant à l'écran, le bafouillage règne en maître, les doubleurs meublent les scènes de relations interpersonnelles avec des éructations, des beuglements et des gargarismes invraisemblables et anti-bandants au possible, les voix anglaises de la version originale constituent un bruit de fond obsédant pendant les phases de silence, les comédiens font des blagues pendant qu'ils doublent les ébats (ce qui fait parfois pouffer de rire les doubleuses en plein gémissement surjoué)...
La légende du X John Leslie, acteur et réalisateur ultra-prolifique, qui jouait le bûcheron dans "Jamaix Plus Encore" et qui eut l'insigne honneur de donner la réplique à Max Thayer ! L'actrice, c'est Holly McCall (créditée Holly Near), qui joua le rôle de Lois Lay (sic) dans le très rigolo "Super Sexgirl" alias "Superwoman" (1979).
Mike Horner (alias Don Hart), autre hardeur stakhanoviste, qui jouait le rôle de Clark Click (re-sic) dans "Super Sexgirl". Il a aussi incarné Super-Rod dans une autre parodie de "Superman" à la même époque. On l'a vu par la suite interpréter Mr Sperm dans la saga intergalactique "Sex Trek", rip-off de la nouvelle série "Star Trek" des années 90.
Serena, pionnière du X des 70's-80's, dans un dialogue improbable comme seul le monde du boulard peut en offrir.
Je n'apprendrai rien à nos lecteurs en disant que Fantasex Island se regarde comme pratiquement tous les nanars classés X, c'est-à-dire comme un 2 en 1 ninja, les scènes olé-olé étant l'équivalent des scènes asiatiques cannibalisées dans les films de Godfrey Ho, heureusement égayées par les lapements risibles et les obscénités débitées à jet quasi-continu par l'équipe de doublage française. Cependant, face à la répétitivité des ébats s'enchaînant à l'écran, le nanarophile impatient s'habituera progressivement aux borborygmes absurdes de la bande-son et aura tendance à faire usage de la touche avance rapide de sa télécommande pour passer plus rapidement au dialogue suivant. Car le vrai sel nanar de ce film, ce sont bien sûr les scènes de liaison qui, pour notre plaisir, viennent régulièrement entrecouper les partouzes, tel Richard Harrison téléphonant à son contact philippin ou découpant une pastèque au katana. La comparaison n'est pas gratuite car Fantasex Island est un authentique 2 en 1, l'intégralité des séquences hard étant en fait une compilation d'inserts piqués à d'autres oeuvres, ce qui explique que les acteurs de la partie "cul" et de la partie "dialogues" ne se rencontrent jamais ici !
La prof donne des leçons particulières : "Il faut que vous sachiez que votre attrait sexuel peut vous aider à obtenir un emploi !"
Pour le bonheur de cet élève, elle a "un trou" dans son planning (l'acteur avec sa coiffure à la Akton, c'est Paul Thomas, autre comédien-réalisateur-producteur surbooké des années 1970 jusqu'à nos jours, qui a commencé sa carrière dans la comédie musicale "Jesus Christ Superstar" de Norman Jewison).
Ce qu'il y a de bien avec le doublage de Fantasex Island, c'est qu'il est varié dans la nanardise et toujours parfaitement au diapason de la ringardise des images, tout en n'étant jamais raccord. On ne peut qu'imaginer les conditions techniques "à l'arrache" dans lesquelles les comédiens français ont dû se débrouiller pour aboutir à cette VF génialement à côté de la plaque. Ainsi Mr Dork est doublé par une voix bien connue des amateurs de nanars, un comédien professionnel qui se surpasse ici dans la désynchronisation des répliques de son personnage et ne cesse de rebaptiser l'île fantasex en se gourant à chaque fois. Nous sommes tantôt sur "Fantasess Aïlande", "Fantasess Isselande" voire "Fan... Aïsselande, euh... Fantasex". Savoureux.
Première démonstration de la qualité exceptionnelle du doublage avec l'arrivée des clients sur l'île fantasex.
L'art de la métaphore par Lawrence T. Cole, première.
Comme vous avez pu le constater avec mon premier extrait, le joker qui propulse Fantasex Island au rang d'authentique nanar, c'est le nain Pu-Pu. Joué par Luis De Jesus, le personnage est déjà irrésistible en VO. Petit obsédé passant son temps à déclamer des grossièretés et à mater en douce les (stock-shots des) clients de l'hôtel en train de copuler – au grand mécontentement de son patron, le très guindé Mr Dork – Pu-Pu est un élément comique iconoclaste qui nous plonge dans l'hilarité totale, en se voyant sublimé par un doublage relevant du pur génie. Touché par la grâce, le comédien de doublage récite toutes ses répliques en se bouchant le nez sur un ton ultra enjoué, comme si Donald Duck s'était reconverti dans le doublage de films X dans les années 1980. On admirera en outre le sens de l'humour réjouissant dont font preuve les doubleurs.
Où Mr Dork expose à Pu-Pu l'oeuvre de sa vie.
Pu-Pu, le Weng Weng du porno, en pleine mission d'espionnage.
Et il faut entendre ce qu'on lui fait dire à notre cher Pu-Pu ! A son patron qui lui explique, sur un ton distingué et précieux, que son premier client "rêve de rencontrer la prostituée la plus vicieuse de tous les bordels de l'Ouest", Pu-Pu répond avec une brusquerie désopilante "Une belle pute, quoi, qui sait bien pomper ! C'est une vraie chienne, quoi !" avant de se voir réprimander d'un "Tais-toi, Pu-Pu." Et le plus merveilleux, c'est que c'est comme ça pendant TOUT le film et qu'on ne s'en lasse jamais.
Où Pu-Pu se montre toujours prêt à rendre service pour la bonne cause.
L'art de la métaphore par Lawrence T. Cole, deuxième.
Et quand Pu-Pu et son boss ne sont pas à l'écran, il reste heureusement les doubleurs pour assurer le spectacle. Qui en minaudant avec des "Mmh... Ha ha... Han, han, haaannn... Mmh...", sans faire le moindre effort pour avoir l'air d'y croire, quand il s'agit de doubler une actrice qui n'ouvre même pas la bouche (et se fait séduire par des marivaudages raffinés comme "J'vais t'en mettre un bon coup dans les baguettes. Tu vas voir, tu vas t'en souvenir longtemps." et autres "Fume-le, mon calumet d'la paix, ma p'tite squaw !"). Qui pour accentuer l'inexpressivité d'un acteur en lui collant une voix ultra désabusée, sans aucune intonation, en se contentant de lire un texte scabreux comme un message à caractère informatif, dans des préambules de scène de cul déjà ridicules à la base mais dont la banalité est transcendée par ce décalage vocal, summum de l'anti-passion et de la séduction somnambulique.
Où notre duo continue d'échanger des points de vue.
L'art de la métaphore par Lawrence T. Cole, troisième.
Et quand un banal plan de copulation poilue se voit soudain coupé sans prévenir par un gros plan de Pu-Pu s'adressant, paniqué, à Mr Dork pour lui dire "Boss, boss ! Elle devient toute rouge, elle est allergique aux grosses queues ! Venez vite ! Vite !", le fou-rire est d'autant plus agréable que c'est toujours au moment le plus inattendu que ce satyre de Pu-Pu vient faire son show. Le décalage entre les deux associés et le délire de la VF sont une nouvelle fois source de drôlerie irrésistible.
Où notre duo mal assorti démontre encore une fois son potentiel comique.
L'art de la métaphore par Lawrence T. Cole, quatrième.
Bref, avec son très honnête ratio d'environ 25 bonnes minutes de scènes de comédie, sa manière de repomper fidèlement un succès télévisuel avec les moyens du bord, son doublage à la fois ordurier à souhait et merveilleusement à l'ouest, Fantasex Island est un authentique nanar pornographique dont la conclusion de haute volée fera s'esclaffer le plus morose des dépressifs. Même s'il ne réalisera peut-être pas tous les fantasmes des nanardeurs, il réserve son lot d'animations et de divertissement assurés par l'impayable trublion Pu-Pu. Alors venez faire un petit tour sur l'île fantasex ! Pour peu que vous n'en attendiez pas trop, vous ne serez pas déçu du voyage.
Et comme le film est vraiment rarissime, je ne résiste pas à la tentation de vous spoiler la fin bidonnante.
Allez, bye !
Cote de rareté - 5/ Pièce de Collection
Barème de notation
Le film ne semble pas avoir eu les honneurs d'une édition DVD officielle, même à l'étranger, ou alors de façon tellement discrète qu'on n'en a trouvé aucune trace. Pour vous gondoler devant la version française, il vous faudra sans doute beaucoup de patience et de persévérance afin de dénicher la VHS de "Laura Vidéo Production", devenue rarissime même sur les sites de vente en ligne spécialisés (perso, j'ai trouvé la mienne sur un site espagnol), ou l'édition double-programme du même éditeur, ou notre film est accompagné de Young Doctors in Lust. Si vous tombez dessus par hasard dans un vide-grenier, vous pourrez vous sentir comme Perceval découvrant le Graal.