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Weng Weng

(1ère publication de cette bio : 2005)

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L’étoile naine du cinéma d’action philippin




Croyez-le ou pas, ce superbe portrait d'un Weng Weng a l’œil étonnamment vif a été prise... lors de la venue de la star au festival de Cannes, en 1981 ! Un grand merci à Cesar Hernando, l'auteur de cette photo collector.


Parmi toute la galerie d’acteurs improbables qui grenouillent dans le monde merveilleux du nanar mondial, il en est un qui reste une énigme dans tous les sens du terme : Weng Weng, l’as des espions venu des Philippines. Comment un acteur lilliputien de 80 centimètres coiffé comme Mireille Mathieu et au regard éveillé de poisson pané a-t-il pu devenir une véritable icône du cinéma d’action dans les faubourgs de Manille ?



Volant dans les airs sur ses rétro-fusées ou chevauchant sa mini-moto dans des poursuites endiablées, Weng Weng met KO une dizaine d’adversaires d’un solide coup de poing dans les parties ou flingue sans sourciller des régiments de sbires moustachus tout en n'oubliant pas au passage d'emballer quelques jolies filles calibrées Miss Monde. L’acteur nain traverse les quatre films à la gloire de l’agent 00 avec un sérieux papal sans qu’on sache jamais si on est dans la franche parodie ou dans l’action hard boiled pure et dure.





Et si ses films sont étranges, c’est que la vie de Weng Weng (ou Weng Wang) est elle-même parfaitement incroyable, mélange inextricable de semi-vérités, de faits plus ou moins vérifiables et de légendes urbaines. On raconte beaucoup de choses sur le personnage, au point qu’il était même difficile de savoir si sa mort annoncée était réelle ou non. Cette bio est donc sujet à toutes les précautions d’usage, la frontière entre la rumeur et la vérité étant ici difficile à percer. Nous avions d’ailleurs élaboré une première version de cette biographie s’appuyant sur ces histoires contradictoires. Mais depuis, un illuminé australien, véritable archéologue du cinéma populaire philippin, s’est mis en tête de retrouver la trace du lilliputien. Andrew Leavold, dont nous avons publié un article (VO et VF), a retrouvé les acteurs et les témoins de l’épopée Weng Weng, à commencer par son propre frère, ce qui a permis d’éclairer de façon définitive la vie du personnage. C’est ainsi qu’une partie des légendes qui couraient sur lui ont pu être remises en cause et qu'une biographie cohérente reprise par ses soins a pu être élaborée. C’est donc à partir de son travail que nous avons réécrit cette bio.


Weng Weng est né Ernesto de la Cruz dans une famille pauvre de Balacaran, dans la grande banlieue de Manille, le 9 novembre 1957. A sa naissance, il est aussi grand qu’une canette de soda et on le place toute sa première année dans une couveuse. Personne ne donne cher de la vie du nouveau né, mais la famille très croyante s’en remet à la sainte Vierge avec ferveur. Par miracle, Ernesto survit. Il est le seul nain de la famille et malgré la pauvreté de la maisonnée, il passe une enfance relativement heureuse. Son physique hors norme fait de lui une attraction locale : surnommé Weng Weng, un nom généralement attribué aux petits chiens, il est la vedette de processions à l’enfant Jésus où on le promène vêtu comme El Santo Niño.


Tout en grandissant… euh, tout en vieillissant, Ernesto devient une petite célébrité locale. Il ne fréquente guère l’école et est décrit comme un enfant turbulent mais joyeux et sportif qui ne s’offusque pas quand on lui demande de faire des pirouettes tel un animal savant. C’est ainsi que lorsqu’il y a des invités, il ne rechigne jamais à faire des figures comme des tractions ou des soleils en s’appuyant sur leurs bras tendus !


C’est vers 18 ans qu’il s’initie au karaté pour le plaisir. Son instructeur, surpris par le personnage s’en ouvre à un ami, le réalisateur et producteur Peter Caballes, qui vient voir le phénomène. Emballé par le lilliputien, il lui offre un contrat dans la société Liliw Production qu’il codirige avec sa femme Cora. Il verrait bien Weng Weng dans une parodie de film de super héros. Un projet qui hélas n’aboutira pas. A défaut, dans le petit milieu du ciné philippin où tout le monde se connaît, il présente Weng Weng à d’autres producteurs. Son premier film officiel est en 78 la comédie « Chop Suey met Big Time Papa » où il joue les karatékas, un vrai succès. Par contre beaucoup de ses premières apparitions seraient purement et simplement perdues.



Mais la carrière de Weng Weng va véritablement éclater grâce à sa tétralogie d’espionnage. Le premier opus, semble t-il introuvable pour l’instant, est « Agent 00 » en 1981, suivi de « For Y'ur Height Only » la même année. En 82, c’est « D’Wild Wild Weng » puis « L'Invincible Kid du Kung Fu » (sorti au cinéma chez nous, et en vidéo sous le titre « 007 ½ : rien n’est impossible »). Il y interprète l’Agent 00, dernier rempart des Philippines contre le mal. Les quatre films sont empaquetés par Eddie Nicart, un besogneux acteur-cascadeur-réalisateur qui ne laissera pas beaucoup d’autres traces dans l’histoire du cinéma.

 



Un doute demeure sur le nombre exact de longs métrages de la franchise agent 00. En effet, de nombreux films populaires philippins ont été purement et simplement perdus et ne sont éventuellement plus connus que par les placards publicitaires de l’époque. Pourtant, d’après Andrew Leavold, beaucoup de gens se rappellent avoir vu ou travaillé sur plus de quatre films dans cette série. Comme de nombreuses bobines dorment encore dans les archives des télévisions locales, l’espoir de redécouvrir des merveilles n’est pas mort...


Lors du festival du film de Manille en 1981, patronné par Imelda Marcos, l’épouse du dictateur de l’époque, le seul film philippin qui trouve un succès à l’export n’est autre que « For Y'ur Height Only » distribué par Dick Randall. Ses films sont de vrais hits et font de Weng Weng une star dans son pays. Devenue une personnalité locale, on le voit régulièrement à la télé, il participe à des campagnes commerciales ou à des meeting politiques (essentiellement semble t-il au côté du dictateur Marcos qui est fan du personnage). Le plus étonnant est qu’il semble réellement avoir été nommé officier parachutiste avec uniforme et un calibre .25 de fonction. Probablement plus pour l’aspect publicitaire qu’autre chose, même si tout le monde reconnaît que Weng Weng prend son nouveau rôle d’agent de sécurité à l’aéroport de Manille très au sérieux.


Paradoxalement, malgré son succès, on ne peut pas dire que Weng Weng fasse fortune avec son vedettariat. A peine payé pour ses prestations, il permet à sa famille de manger tous les jours à sa faim mais guère plus. Celle-ci ne quitte pas sa cabane traditionnelle de la banlieue de Manille ou Ernesto aime à venir se reposer entre deux films. Weng Weng ne s’intéresse guère à l’argent, comme aux femmes d’ailleurs, contrairement à ses films ou aux légendes qui courent sur le personnage (nombreux mariages, participation à des films pornographiques et autres délires du même genre). Sa famille convient qu’il avait un esprit enfantin et prenait son statut de star comme un jeu, suivant en confiance les Caballes qui veillent sur lui comme sur un bambin. D’ailleurs c’est chez les Caballes qu’il vit pendant les tournages, un peu comme l’enfant de la famille.




A la fin du générique de « L'Invincible Kid du Kung-fu », il est écrit : "Retrouvez Weng Weng dans License Expired !". S'agit-il de la volonté de sortir en France l'inédit « For Your Height Only », pourtant tourné 3 ans avant, comme une suite ou est-ce un autre film que nous ne connaissons pas encore ? Tout éclairage supplémentaire sera le bienvenu...


Hélas, après 1984, la carrière de Weng Weng commence à péricliter. La société "Liliw production" bat de l’aile car Cora Caballes veut se lancer dans la politique et abandonner le cinéma. Il faut dire que le pays traverse une crise liée à la chute en 1986 du gouvernement corrompu de Ferdinand Marcos. D’autres nains tentent de lui prendre sa place, voire même de se faire carrément passer pour lui. N’ayant guère de contacts solides dans le métier, il est peu à même de se défendre et retourne vivre dans la cabane familiale. C’est là qu’il fait une attaque cardiaque après avoir mangé du crabe avarié. Souffrant d’une violente hypertension, il résiste pendant un an et demi mais est physiquement extrêmement diminué. Il s’éteint le 29 août 1992 et est enterré au cimetière de Pasay City sous une modeste dalle de béton peinte en blanc. Même si Peter Caballes prend en charge l’enterrement, beaucoup de Philippins le croient encore vivant, croyance confortée par des imposteurs qui se font passer pour lui. D’où la naissance de toutes ces rumeurs autour d’un personnage qui rentre dans la légende.


En 2003, une grande exposition sur le cinéma populaire philippin eut lieu à Manille. Parmi les bustes en plâtre des stars trônait celui de Weng Weng. C’est la dernière image que les Philippines garderont de cet étrange personnage devenu une sorte d’icône dans son pays.


Ah si, une dernière chose : aux Philippines, le Weng Weng est aussi un cocktail assez prisé : tequila, vodka, whisky, grenadine, jus d’orange et d’ananas. Qui a donné son nom à l’autre, difficile d’en être certain. En tout cas les deux laissent groggy l’amateur non prévenu… Alors levons notre verre une dernière fois à l’Agent 00, le plus petit des géants du cinéma !


Weng Weng aux côtés du producteur Dick Randall.


Source (entre autres) : Brazil n°12 et bien sûr les informations qui nous ont été apportées par notre collègue australien Andrew Leavold  qui est parti en quête d'informations sur Weng Weng aux Philippines et lui a consacré un livre et un documentaire.  (jetez un oeil ici : http://www.andrewleavold.blogspot.com).


Weng Weng dans une scène qu'on devine extraordinaire, tirée de "Agent OO" (1981). Une scène que nous ne verrons peut-être jamais, aucune copie connue de ce film n'ayant malheureusement survécu à ce jour.



L'article inédit d'Andrew Leavold sur Weng Weng et plus globalement le cinéma bis philippin de ces 40 dernières années : VO et VF.

 

- Rico -

Films chroniqués

Filmographie

1977 - Sila... Sa Bawat Bangketa (de Dante Pangilinan, Liliw Productions) (présence à confirmer)

1978 - Chop Suey Met Big Time Papa (de Dante "Boy" Pangilinan, Liliw Films International, sorti le 3 février 1978)



1979-1980 - (unknown kung-fu film) (de Luis San Juan, LSJ Productions) (présence à confirmer)

1980 - The Quick Brown Fox (de Jett C. Espiritu, RVQ Productions, sorti le 6 novembre 1980)



1981 - Legs... Katawan... Babae! (de Tony Ferrer)

1981 - Agent 00 (de Eddie Nicart, Liliw Films International, sorti le 29 mai 1981)



1981 - For Y'ur Height Only (de Eddie Nicart, Liliw Films International, sorti le 6 septembre 1981)



1982 - D'Wild Wild Weng (de Eddie Nicart, Liliw Films International, sorti le 25 mars 1982)



1982 - L'Invincible Kid du Kung Fu a.k.a. 007 1/2 Rien n’est impossible (The Impossible Kid a.ka. Agent 00) (de Eddie Nicart, Liliw Films International, sortie le 23 juillet 1982)



1982 - The Cute…The Sexy n’ The Tiny (de Eddie Nicart, Liliw Films International, sorti le 25 décembre 1982)



1984 - Da Best in Da West (de Romy Villaflor, RVQ Productions, sorti le 13 juin 1984)