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Deadly Spygames
(1ère publication de cette chronique : 2024)Titre original :Deadly Spygames
Titre(s) alternatif(s) :Aucun
Réalisateur(s) :Jack M. Sell
Année : 1989
Nationalité : Etats-Unis
Durée : 1h25
Genre : L'espion qui s'aimait (Nanarement vôtre)
Acteurs principaux :Troy Donahue, Tippi Hedren, Jack M. Sell, Adrienne Richmond
Dans les nanars, les aspects les plus anodins de la cinématographie, comme le générique d'un film, peuvent receler des trésors de nanardise. Le générique d'ouverture de Deadly Spygames en est un bon exemple.
Plagiat fauché des fameux génériques stylisés de la saga James Bond (jolies filles, fondus enchaînés, chanson planante, effets de montage évoquant les thèmes du film de façon symbolique...), le générique en question annonce en vedettes Tippi Hedren et Troy Donahue, deux noms connus des cinéphiles que le nanardeur s'attend d'emblée à ne voir totaliser que cinq minutes de présence à l'écran (le nanardeur a de l'instinct pour ces choses). Le deuxième élément qui frappe le nanardeur attentif est la redondance du nom Jack M. Sell, crédité non seulement en vedette à égalité avec les deux has-been pré-cités, mais aussi aux postes de producteur, réalisateur, scénariste et interprète de la kitschissime chanson thème du générique justement. Ce genre d'indices ne laisse guère de doutes à l'amateur de daubes, qui réalise avec jubilation qu'il a affaire à un nouveau vanity project conçu tout entier comme un monument à la gloire de son génial créateur, Jack M. Sell.
Huit fois son nom au générique : la marque des grands. Seul l'indétrônable Neil Breen semble en mesure de faire mieux (on nous souffle aussi l'exemple de Sam Mraovich, qui est parvenu à faire figurer son nom onze fois au générique de Ben & Arthur...!).
Jack M. Sell. Un nom qui n'est pas totalement inconnu du nanarophile averti, puisque le bonhomme a réalisé neuf ans plus tôt une zèderie hallucinée du nom de Psychotronic Man alias Bomberman. Un film d'anticipation atrocement lent mais avec de belles fulgurances nanardes, qui donna naissance aux Etats-Unis au qualificatif "psychotronic", équivalent anglo-saxon du terme nanar au sens "fou et délirant" du terme. Deadly Spygames est le troisième et dernier film de Jack M. Sell, son deuxième étant un film à sketchs parodique nommé Outtakes, à la réputation d'ineptie également bien établie et dont nous allons reparler plus bas.
Les deux autres forfaits de Jack M. Sell. Le monde n'était pas prêt pour tant de talent.
Quand on peut s'attribuer n'importe quel rôle, quel personnage plus adapté à un bon trip mégalo que celui d'un super agent secret à la James Bond ? Ce n'est sûrement pas ce cher Andy Bauman qui va donner tort à Jack M. Sell. Sauf que tout le monde n'a pas la classe de Sean Connery et qu'avec son physique poupin, son sourire à la Jimmy Carter et sa coiffure de ringard, Jack a davantage l'air d'un démarcheur en assurances tout juste bon à faire du porte-à-porte chez les vieilles dames que d'un super espion super cool et super sexy. D'autant qu'il débute son film par une scène de sexe parmi les plus risibles de la création, donnant des coups de reins au ralenti à une jeune beauté exotique ayant la moitié de son âge, en poussant tout du long des cris de goret indescriptibles. La séquence est censée se dérouler à Hong Kong et la jeune asiatique se révèle vite être une espionne chinoise, qui tente d'empoisonner notre héros avec une seringue pendant leur torride coït grand-guignolesque. La sournoise gourgandise parviendra t-elle à exécuter ses funestes desseins ? Non car notre héros n'est autre que Steven Banner, le meilleur des agents de la CIA !
Introducing Jack M. Sell dans le rôle du super espion Steven Banner. Avec plein de petits éclairs nanars pour qu'on comprenne bien à qui on a affaire.
Sex Machine.
Mmh... Oooh, James !
Sur ce arrive sans prévenir le sémillant François, l'assistant de Steven Banner, qui n'est autre qu'un petit robot rigolo, modèle Omnibot 2000 de chez Tommy, parlant avec un faux accent français hilarant et une voix shootée à l'hélium. Après avoir fait quelques remarques salaces sur les nénés de la Chinoise, François flingue cette dernière via un canon gadget intégré dans sa carrosserie. Et François d'adresser cette épitaphe à la défunte à poil : "Ooooh, what a waste! Héhéhéhé! At least, monsieur Banner, I got my gun off! Oh God, I love this job! Mouhahahaha!" tandis que son patron Steven Banner lui dit de se magner car il a un avion à prendre. C'est la meilleure scène du film.
Ciel, mon robot !
Un plan nichon dès l'intro pré-générique : la marque des grands.
L'irrésistible François, hélas absent du reste du film. Un petit robot qui faisait paraît-il fureur dans les foyers domestiques dans les années 1980. Inutile de dire qu'il n'a pas dû coûter cher à la production.
Le logo "Special Forces" : le détail trop mignon.
L'espionne chinoise semble consternée pétrifiée de surprise à la vue d'un gadget aussi nanar.
Devenu la risée du public et de la critique grâce à ce film d'espionnage d'une invraisemblable nullité, Jack M. Sell se défend aujourd'hui en arguant que son film était une parodie (un peu comme Roland Emmerich à propos de Independance Day). Si l'oeuvre possède bien des gags volontaires et un ton assez rigolard, disons que Jack tente plutôt d'émuler à la fois les James Bond très auto-parodiques version Roger Moore et les deux opus reaganiens et plus sérieux avec Timothy Dalton. Un mélange très maladroitement illustré par la première mission de Steven Banner, repompe du début de Octopussy. Notre héros est envoyé à Cuba en compagnie de sa partenaire Jacqueline (Adrienne Richmond, madame Sell à la ville) afin de saboter une station radar, qui n'est autre qu'une vieille antenne télé toute branlante.
Une pancarte en espagnol, quelques poules et nous voilà à Cuba.
La redoutable antenne télé qui menace le Monde Libre.
Elle fait quand même un peu cheap, la menace communiste.
Le Béaba de l'espionnage, c'est avant tout la discrétion.
Et des super gadgets d'espion sponsorisés par Casio (ou leur équivalent chinois).
Bon, où est-ce qu'il m'a encore paumé, cet idiot de GPS ?
Steven Banner se sépare alors on ne sait pourquoi de sa coéquipière pour déambuler dans la jungle (enfin, dans un sous-bois quelconque) en se dirigeant à l'aide d'une mini-console de jeu vidéo qui fait "bip bip". Après avoir placé une bombe sur l'antenne télé/radar (qui fait aussi "bip bip"), Banner est encerclé par une bande de communistes ultra-caricaturaux commandés par un général ricanant à souhait. Les vilains cocos le tiennent tous en joue avec leurs mitraillettes jouets, mais ne réagissent pas quand Banner allume la mèche d'un bâton de dynamite, fait exploser une tente, sort un pistolet de sa chemise et tue le général cubain juste sous leur nez.
Des soldats castristes plus vrais que nature !
Après, ça devient très confus et Banner se met à tuer tout le monde en faisant des roulés-boulés dans l'herbe. Nous avons alors droit à une scène d'action ahurissante de médiocrité, où explose toute l'incompétence du metteur en scène : ralentis nanars accentuant plutôt qu'ils ne camouflent la maladresse des chorégraphies, fusillades d'un irréalisme stupéfiant sur fond de mauvais hard-rock, montage cataclysmique, faux-raccords en pagaille, cadrages à l'aveugle, débilité totale des rebondissements, le tout entrecoupé de punchlines nazes de notre super agent secret joufflu...
"MOUHAHAHAHA !!!"
PAN !
Les communistes s'avèrent incapables de réagir au meurtre de leur commandant, paralysés qu'ils sont par le charisme de Jack M. Sell.
Jack M. Sell nous déverse alors dans la face une salve de stock-shots bien pourris des archives de l'armée américaine. Steven Banner interpelle par radio les stock-shots en leur disant "Les gars, rappelez-vous que c'est les années 1980, pas la Baie des Cochons !", avant de faire carrément atomiser Cuba à la bombe H, tandis que son supérieur Troy Donahue enrage derrière son micro en tempêtant des "Banner !!!" ulcérés contre son subordonné tête brûlée. C'est drôle mais c'est aussi très, très con et ça sort un peu de nulle part.
Grâce à son couvercle de poubelle pare-balles (trouvé en pleine jungle), Steven BANNER se protège habilement des rafales de mitrailleuses. Quel héros !
Des stock-shots granuleux viennent prêter main forte à Steven BANNER !
La première demi-heure de Deadly Spygames, bien que déjà très nanarde, était une resucée encore relativement cohérente des aventures de l'agent 007. Mais c'est à partir du moment où démarre vraiment l'intrigue principale que le film sombre dans le plus complet n'importe quoi. Deadly Spygames est en fait un 2 en 1 dans lequel Jack M. Sell recycle éhontément tout un sketch de son précédent forfait, Outtakes. Ce sketch est un "pastiche" (je mets des guillemets car il n'y a aucun gag, uniquement des clichés) effroyablement amateur de Halloween de John Carpenter, mais aussi de la saga Douce Nuit, Sanglante Nuit puisqu'il s'agit d'un slasher à base de Père Noël tueur. "Comment diable Jack M. Sell a-t-il réussi à intégrer ces scènes dans un film d'espionnage ?" me demanderez-vous. Eh bien, il nous explique que le petit-fils du patron du KGB à Moscou est un tueur en série qui sévit aux Etats-Unis et que son slasher-movie tout pourri est en fait un snuff-movie (ce qui est absurde vue la manière dont c'est filmé). Ce snuff-movie classé top-secret, que Tippi Hedren projette aux pontes du Pentagone en salle de conférence car il constitue une preuve irréfutable de l'identité du tueur (dont on ne voit pourtant jamais le visage), pourrait embarrasser le général russe au point de le faire tomber en disgrâce (pourquoi ?). Ce dernier charge alors son agent double, la séduisante Kartov, de dérober le film. Steven Banner est le seul à pouvoir récupérer le film et empêcher ainsi la Troisième Guerre mondiale. "Comment ce film à base de Père Noël psychopathe pourrait-il déclencher la Troisième Guerre mondiale ?" me demanderez-vous. Eh bien, heu, hum... Mais vous en avez de ces questions, vous !
Allo, camarrrrrade Godfrey ? Da ! Nous avons encorrrrre besoin de tes serrrrrvices...
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Garbage day!!!
Avec l'incorporation aux forceps de ce found-footage de gueule, le réalisateur/producteur/scénariste/acteur principal/chanteur accumule de plus en plus les éléments ringards, clichés et non-sensiques. Les ordinateurs nanars de nationalité russe parlent en anglais à leurs utilisateurs avec une voix robotique, juste pour leur dire à voix haute ce qu'il y a d'écrit en anglais sur leur écran. Les combats de kung-fu mettent aux prises des adversaires qui portent leurs coups à vingt bons centimètres de leurs visages. Steven Banner se téléporte on ne sait comment à bord d'une montgolfière en pleine poursuite avec l'agent Kartov. Au moment le plus inapproprié du récit, Jack M. Sell nous inflige un flashback prétexte à un romantic montage hallucinant, au cours duquel il se contente de faire défiler des photos de ses vraies vacances en amoureux avec son épouse Adrienne Richmond, alternées avec une promenade en barque gniangnian en images fixes et des stock-shots d'avion Concorde, sur fond de chanson guimauve langoureusement 80's. L'incohérence du scénario dépasse l'entendement. Le je-m'en-foutisme bat des records.
Exclusif : revivez les passionnantes vacances à Marrakech de Jack M. Sell en consultant son album-photo de famille !
La seule scène réussie du film : une séquence de combat sous-marine à la "Opération Tonnerre", dont le réalisme choque au milieu du reste.
Un autre aspect 2 en 1 : Tippi Hedren anime avec le plus grand sérieux une conférence où elle ne se trouve nullement, en apparaissant uniquement en gros plans dans un décor pas du tout raccord. Inutile de préciser que toutes ses scènes ont dû être tournées en un après-midi.
Le seul passage dans lequel Tippi Hedren apparaît en même temps que les autres comédiens. C'est aussi la seule et unique scène de Troy Donahue.
Troy Donahue se demandant comment il est passé de "La Ronde de l'Aube" et "Le Parrain 2" à des titres comme "Ultime Combat", "Omega Cop", "Shock'em Dead", "Terminal Force", "Ma Prof est une Extraterrestre", "American Rampage"...
En conclusion, Deadly Spygames est un pur égo-trip sans talent, sans thunes et sans aucun sens. Un ovni bricolé par un tâcheron sympathique qui se rêve Action Movie Star trop classe pendant une bonne heure de sous-James Bond ringard, et qui décide de rallonger la sauce en recyclant vingt minutes de slasher Z digne du Sledgehammer de David A. Prior. La roublardise et la maladresse du procédé ont de quoi surprendre. Quel rapport entre la sécurité nationale et regarder une bande de jeunes faire la fête en fumant des joints dans un appartement, avant de se faire trucider un à un par un maboul cabotin déguisé en Père Noël, sur une musique pompée sur Vendredi 13 ? On n'a qu'à dire que c'est une licence poétique. Patchwork incohérent mais enthousiaste, voilà un divertissement incroyablement mauvais mais amusant et sympathique par sa crétinerie.
Bonus : un florilège des plus belles têtes de gland du sex-symbol Jack M. Sell.
Cote de rareté - 4/ Exotique
Barème de notationApparemment, pas de sortie francophone pour cette perle de ringardise. Les VHS étrangères d'époque se négocient à prix d'or sur la Toile, mais un DVD toutes zones américain, édité par "Vandor Studios", c'est-à-dire par Jack M. Sell lui-même, peut encore se dénicher sur EBay à un prix un peu moins prohibitif. Avec cette accroche toute en modestie : "Dégage, Bond ! Banner est arrivé !"
On trouve aussi sur Amazon un DVD zone 1 édité par un équivalent américain de Prism, un éditeur escroc appelé "Shadowplay Mod". Il s'agit d'un VHSRip de piètre qualité, emballé sous une jaquette parfaitement mensongère, puisqu'il est vendu sous le visuel d'un sous-James Bond de 1967 avec un Troy Donahue tout jeunot : Come Spy With Me. De quoi désappointer les clients lambda, scandalisés d'avoir acheté un direct-to-VHS foireux des années 80 en croyant voir un classique des 60's. Mais pour les nanarophiles, en revanche, c'est une bonne surprise.