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Despiser


Despiser

Titre original : Despiser

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Philip Cook

Année : 2003

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h46

Genre : La palette graphique de l'enfer

Acteurs principaux :Mark Redfield, Doug Brown, Gage Sheridan, Frank Smith

Rico
NOTE
3.5/ 5

On ne devrait pas essayer de connaître les gens qui réalisent des nanars. C'est dans le facteur humain qu'est la faiblesse de notre tâche de nanardeur. Des fois, on aimerait bien pouvoir simplement se draper dans la posture hautaine du critique goguenard qui balance son fiel avec ce rien de cynisme à la mode qui permet de briller à peu de frais en société. Mais le problème, c'est que derrière ces films que nous descendons avec délectation se cachent parfois des cinéastes passionnés qui galèrent à tour de bras pour pouvoir tourner dans des conditions souvent précaires ces films que nous assassinons d'un revers de plume. S'il est toujours facile de dédouaner un acteur de la médiocrité du film dans lequel il officie, sur le thème "il fait ça pour bouffer" ou "il n'est pas responsable de ce qu'on lui fait jouer", il est beaucoup plus malaisé de défendre un réalisateur qui nous livre une œuvre franchement ratée voire risible. Evidemment, pas de pitié pour le margoulin roublard façon Godfrey Ho ou Bruno Mattei qui nous vend une camelote défraîchie en parfaite connaissance de cause. Mais combien de fois avons-nous été cruels avec de petits réalisateurs qui avaient mis toutes leurs tripes dans un projet sincère mais qui au final tombe franchement à côté de la plaque ? (On pourra avoir ici une pensée émue pour Bernard-Henri Lévy et son « Le Jour et la Nuit » qui… euh non, oubliez, c'est pas un bon exemple) Et pourtant…

Lorsque j'ai enfourné pour la première fois dans mon lecteur le DVD de « Despiser », mes yeux se sont écarquillés de stupeur devant le résultat final. Imaginez un film fantastique quasiment amateur, tourné au caméscope DV, où la quasi-totalité de l'action placerait des acteurs dans des images numériques bidouillées sur un PC d'occase avec « Les images de synthèse pour les nuls » sur les genoux. Ce film m'apparut à l'époque comme une sorte de cinématique géante pour Playstation One avec des types incrustés dedans. Même si l'on sent d‘entrée de jeu que le réalisateur a décidé de nous en mettre plein la vue en terme de prouesses techniques, l'intendance ne suit pas et entre images DV retravaillées à la palette graphique et effets numériques en mousse, servant un scénario tout fou dans sa tête qui ne lésine ni sur les monstres ringues ni sur la pyrotechnie, je me suis dit : là, on tient une pièce de choix. Le nanar du XXIème siècle.


Bleu comme l'Enfer (et mauve aussi un peu).



Le Purgatoire. Je n'irai pas y passer mes vacances.

Le problème, c'est qu'en cherchant des renseignements sur le film, je suis tombé sur le site du réalisateur, Philip Cook. Un type sympa, le genre de passionné, spécialiste en effets spéciaux, qui depuis 25 ans se bat pour sortir dans son coin ses films de science-fiction, les produisant lui-même tout en s'occupant de tous les postes pour pouvoir mettre le moindre centime à l'écran. Et vu qu'il est aussi producteur du film, c'est justement ses propres sous qu'il investit dans le projet. Un pur. Contacté par nos soins, Phil n'a pas hésité à accepter de répondre à nos questions en nous racontant ses galères de producteur indépendant. Il nous a parlé de « Despiser » en étant parfaitement conscient des limites techniques de son film, mais content d'avoir pu concrétiser son rêve pour le dixième du budget talonnettes du dernier « Mission Impossible ». Mais bon, malgré toute la sympathie que l'on peut avoir pour l'homme derrière le film, ma déontologie de nanardeur se doit de reprendre le dessus. Il est temps de camoufler mes scrupules derrière ce petit ton goguenard qui me permet de me sentir supérieur à peu de frais.


Des sous-fifres très cabots.

Alors vouloir faire un grand film fantastique bourré d'effets spéciaux, c'est bien, mais quand le budget ne permet pas de concrétiser les ambitions affichées au départ, on sombre très vite dans le nanar. Il y a l'intention et il y a le résultat. Et là…
Pourtant l'histoire est plutôt originale : le héros, un brave type un peu loser nommé Gordon Hauge, a un accident de voiture qui le laisse entre la vie et la mort. Hauge se réveille au Purgatoire, un lieu étrange, sorte de territoire intermédiaire entre le monde normal et les traditionnels Enfer et Paradis. Un purgatoire où règne le Maître des Ombres, une sorte de démon (en fait un extra-terrestre coincé dans cette dimension) qui capture les âmes perdues en ces lieux. Et pas qu'elles, d'ailleurs, car outre les âmes des vivants, les objets détruits y vont aussi après usage.


Le Maître des Ombres et sa proie.

Lesdites âmes sont transformées en serviteurs zombifiés qui collectent les restes de missiles nucléaires ayant explosé dans des essais par le passé, de manière à créer une déchirure entre le monde des morts et celui des vivants. Face au Maître des Ombres et à ses sbires, se dresse un petit groupe de desperados en armes menés par un pilote japonais de la Seconde Guerre Mondiale, forcément taciturne (avec un vieux Noir forcément de bon conseil, un cow-boy forcément grande gueule etc.) qui tente de mettre des bâtons dans les roues de ce projet à coup de fusils mitrailleurs et de grosses voitures roulant en trombe. Après quelques péripéties, Gordon, pas vraiment mort, finit par revenir à la vie mais, ayant un peu par hasard contrarié les plans du patron du purgatoire en filant un coup de main aux résistants, il s'attire la colère de celui-ci qui s'arrange pour mettre la femme de notre héros entre la vie et la mort à son tour. Gordon, tel Orphée, n'a dès lors plus qu'à provoquer un nouvel accident mortel pour se renvoyer au purgatoire et sauver son épouse avant que celle-ci ne soit à jamais damnée.

On le voit, l'histoire est plutôt délirante. Les acteurs principaux, en dehors des sbires du méchant qui cabotinent comme Elie Semoun sous cocaïne, sont même assez bons et on peut se laisser prendre au film. Sauf que derrière, les images, ça ne suit pas vraiment. Si certains effets spéciaux, notamment de paysages, sont réussis, on ne peut pas en dire autant des créatures ou des poursuites en voiture en images de synthèse. Là soyons honnête, à force de vouloir tout faire en 3-D, même des scènes qui ne le nécessitaient pas (comme des plans de voiture qui roulant tranquillement ou ceux des héros qui font un feu de camp), le film vire assez souvent au grotesque, pour ne pas dire plus. C'est là que l'usage de la DV est particulièrement négatif pour le film, créant à l'image une sensation d'irréalité entre les personnages et les décors retravaillés dans lesquels ils évoluent.


Gordon (Mark Redfield, très convaincant), incrusté un peu à la va-vite.

Phil Cook fait tout pour cacher la misère. Parfois ça marche, souvent non. Le passage de scènes où l'on a des gros plans des personnages tournés avec trois bouts de tuyau PVC et un papier peint imitation pierre de taille à des plans larges sur-travaillés à la CGI artisanale et ré-étalonnés à coup de couleurs saturées arrache parfois les yeux (on repense au terrible « Vidocq » et ses affreux effets numérico-stroboscopiques). Les monstres sont parfois franchement gênants, le top étant atteint par le Maître des Ombres lui-même, qui, lors du final, semble sortir d'une cuite carabinée tant il roule des yeux et tangue des bras.


Le Maître des Ombres, pas gâté...

Ajoutons à cela de vraies idées folles comme cette scène où Gordon, pourtant présenté comme un artiste un peu loser voire franchement passif (il perd dans la même journée son boulot, sa maison et sa femme), décide de retourner au purgatoire délivrer son épouse. Il se rend chez un pote qui dispose dans son petit appart' d'un véritable arsenal de guerre, s'en empare sans que celui-ci ne proteste plus que cela, puis après s'être consciencieusement planté en voiture pour retourner dans les limbes, sort l'attirail du coffre et se transforme en un tour de main en émule de Chuck Norris flinguant et grenadant du monstre et du séide à tout va.



Peut aller se rhabiller, Robert Rodriguez.

Cook est généreux dans l'âme et c'est ce qui rend attachant ce film, qui réunit pourtant tous les ingrédients du nanar. Comme il le dit lui-même dans son interview, lorsqu'il a lancé ce projet en 1997, l'usage de ce genre de décors recréés en numérique étant encore rare, le projet était original. Quand il est sorti en 2003, il était déjà dépassé et les effets spéciaux n'avaient plus rien de spéciaux… Pourtant reconnaissons-le, la sincérité est là, le désir d'en mettre plein la vue aussi : des sentiments, des monstres, des explosions, des poursuites en voiture (il manque juste de la fesse, sinon il y avait tout quoi, pas la peine d'aller voir un autre film !). Il ne reste plus qu'à lui souhaiter de pouvoir accéder enfin à un vrai budget hollywoodien qui pourrait lui permettre de concrétiser totalement ses rêves, pour boucher le gouffre entre la pureté de l'intention initiale et la nanardise du résultat final…

- Rico -
Moyenne : 3.25 / 5
Rico
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation
Malgré son côté artisanal, le film a quand même connu une sortie DVD dans plusieurs pays. Chez nous c'est "Antartic" (l'éditeur qui réussit l'exploit d'avoir une faute d'orthographe à son nom) qui l'a édité pour les bacs à soldes de supermarchés. Une édition propre mais nantie d'une unique VF bâclée qui fait rien qu'à en rajouter une couche dans le piteux. Celle-ci peut aussi se trouver chez Fravidis avec une jaquette lenticulaire assez délirante.