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Empire of the Dark
(1ère publication de cette chronique : 2025)
Titre original : Empire of the Dark
Titre(s) alternatif(s) : Aucun
Réalisateur(s) : Steve Barkett
Producteur(s) : Fred Olen Ray, Steve Barkett
Année : 1990
Nationalité : Etats-Unis
Durée : 1h33
Genre : Pêché d'orgueil
Acteurs principaux : Richard Harrison, Dawn Wildsmith, Jay Richardson, Steve Barkett, Christopher Barkett, Tera Hendrickson
L'egosploitation (copyright Rico) est un véritable genre nanar à part entière. C'est déjà très rigolo d'observer une star mondiale comme Steven Seagal se livrer à un culte de sa propre personnalité avec le magnifique Terrain Miné, cela afin qu'on ne se souvienne pas de lui "que comme un simple sex-symbol, mais aussi comme un grand auteur et acteur". C'est encore plus savoureux quand un vanity project à la ramasse est le fait d'un illustre inconnu, lassé d'attendre qu'un producteur se décide enfin à ouvrir les yeux sur le potentiel incommensurable de son talent qui ne demande qu'à être révélé aux yeux du monde.
L'inconnu en mal de reconnaissance dont il est question aujourd'hui, c'est Steve Barkett. Acteur principal, producteur, réalisateur, monteur, cascadeur, chorégraphe des combats, scénariste, Steve est l'homme-orchestre de cet écrin à sa gloire qu'est Empire of the Dark. Comme même un homme de son envergure ne pouvait pas faire tout le film à lui tout seul, Steve s'entoure d'une équipe constituée de membres de sa famille (on trouve sur plusieurs postes au générique un Christopher Barkett et une Patricia Barkett) et de fidèles amis, par ailleurs professionnels reconnus du cinéma (Fred Olen Ray, qui produit le film pour 60 000 dollars, mais aussi de grands noms des effets spéciaux comme Jim Danforth, Jim Davidson et Robert Stromberg ; à défaut d'avoir du talent, Steve a des copains talentueux). Tous sont au service d'un beau nanar que l'action hero Steve Barkett illumine de son jeu tout en finesse.
Steve Barkett, qu'on a pu voir en coup de vent dans des films de prestige comme "L'Attaque de la Pin-Up Géante" et "Dinosaur Island" (sur lesquels il a également collaboré aux effets spéciaux) de son copain Fred Olen Ray, ici co-producteur.
Nanarland présente : un petit florilège des plus belles tronches de Steve Barkett, version glabre.
Steve Barkett postulant pour succéder à William Shatner dans un reboot de la série "Hooker".
Steve incarne Richard Flynn, le flic le plus badass de la planète, doublé d'un escrimeur accompli et du seul homme à pouvoir sauver l'Humanité contre les Forces du Mal. En témoigne cette fusillade assez minable dans un supermarché, repompée sur la scène d'ouverture de Cobra, au cours de laquelle un malfaiteur, venant d'abattre froidement deux clientes au fusil à pompe, prend en otage une enfant. Steve/Richard montre à tout le monde, à commencer par le malfaiteur, que ses burnes sont forgées dans l'acier le plus pur, avant de loger une bastos dans la face du vilain. Bien aidé cela dit par la diversion d'un faire-valoir, sans qui on se demande bien comment les évènements auraient tourné à l'avantage de notre héros, aussi sûr de lui soit-il. Remplacez les cent kilos de muscles de Stallone par les cent kilos de surcharge pondérale de Steve Barkett et vous aurez une idée du ridicule de notre héros. Mais qu'importe, aux yeux de Steve Barkett, son ventre tout mou ne l'empêche pas d'être sexy : toutes les femmes du film lui tombe dans les bras et rêvent d'embrasser la moustache d'un amant aussi viril. Les jeunes rêvent de l'avoir pour père, quand bien même il les repousse comme un tas de crotte. Face à un héros de sa trempe, Satan et tous ses sbires ne peuvent faire le poids.
Pour vous, mesdames, Steve Barkett met à nu sa virilité et son sex-appeal.
Steve Barkett les tombe toutes !
La maître d'arme, c'est Jan Bryant, une escrimeuse professionnelle qu'on a pu croiser en peaux de bêtes dans "Time Barbarians".
Le crime est un poison. Voici l'antidote.
Le mal...
... contre le mâle.
Devant un tel nanar mégalomane, Steve Barkett ne peut même pas invoquer l'excuse de la crise de la quarantaine, car huit ans plus tôt, à 32 ans, il avait déjà pondu un vanity project, beaucoup plus réussi cela dit. Le post-nuke The Aftermath (1982), la première de ses deux réalisations, était une très bonne série B à l'ancienne, aux décors et aux matte paintings soignés. Malgré l'égo assez rigolo de Steve – qui s'y attribuait déjà un rôle de héros invincible – ce premier essai évitait de se vautrer dans les abimes de ringardise de Empire of the Dark. Toutefois, les ingrédients de sa deuxième et dernière réalisation s'y trouvaient déjà tous en germes. Le Steve Barkett de 1982 était encore svelte, même s'il avait encore le bon sens de s'abstenir d'apparaître topless afin d'éviter de montrer qu'il n'était pas aussi bodybuildé que sur sa superbe affiche viriliste. Le Steve Barkett de 1990, lui, avait suffisamment enflé du bide et des chevilles pour abandonner le peu de crédibilité de son premier rôle.
Franchement, ça vend pas du rêve, ça ?
Revenons au film qui nous occupe. Pour faire face à un tel monument de charisme, de virilité et de moustache altière que Steve Barkett, il fallait un antagoniste à la hauteur. Steve l'a trouvé en la personne de Richard Harrison, dieu du bis et idole de Nanarland qu'on ne présente évidemment plus, qui à l'époque était théoriquement à la retraite mais continuait de faire quelques apparitions amicales dans les films de ses potes. Cabotinant juste comme il faut, le grand Richard interprète avec force grimaces le rôle du diabolique Arkham, un gourou de secte sataniste, qui nous est introduit à l'écran au cours d'une messe noire au ridicule achevé. Le héros est appelé au secours par son ancienne fiancée, qui l'a quitté pour le méchant gourou (rassurez-vous, la fille est évidemment envoutée par la magie noire et elle est toujours follement amoureuse de Richard Flynn, car aucune femme normalement constituée ne romprait avec un tel idéal masculin, quand bien même son rival serait Richard Harrison en personne !).
Grand show Richard Harrison !
Notre héros accourt au domicile de son ex et y découvre un vortex ouvert sur une autre dimension. Dans cette antichambre de l'Enfer nimbée d'un filtre rougeoyant, le gourou Richard Harrison et un anonyme sataniste barbu s'apprêtent à sacrifier l'ex du héros ainsi que son bébé. La manière dont est filmée la scène est assez risible : pendant cinq minutes, le héros erre dans cet antre infernal, guidé par les cris de terreur de la femme, qui le supplie de sauver son bébé. Et pendant tout ce temps, Richard Harrison abaisse trrrrrèèèèèèèès leeeeeennnnnnnntement son poignard à la vitesse d'un demi-centimètre par minute, en grimaçant et en exorbitant les yeux de la plus comique façon. In extremis, Richard Flynn choisit de sauver le nouveau-né tandis que son ex se fait poignarder par Richard Harrison, avant que ce dernier ne reçoive une balle de la part du héros. Richard Flynn a tout juste le temps de s'échapper avec le mouflet avant que le vortex ne se referme.
Des prises de vue, des SFX et des décors superbes. De quoi se croire devant un vrai bon film.
Heureusement, l'acting nanar et les craignos monsters sont de la partie.
Vingt ans plus tard, Steve Barkett/Richard Flynn est toujours le meilleur, encore plus séduisant et burné que dans l'intro car il s'est laissé pousser la moustache pour symboliser le temps qui a passé. Mais il a démissionné de la police pour devenir détective privé et vit retiré dans un chalet dans la forêt avec sa maîtresse. Ses anciens supérieurs se lamentent au téléphone parce que sans lui les forces de l'ordre sont fatalement débordées, d'autant qu'un tueur en série surnommé "The Demon Slasher" défraie la chronique. Pour sa part, notre héros est tourmenté par des rêves télépathiques de sa défunte ex-fiancée en nuisette, ce qui permet à Steve Barkett de s'offrir une scène de cul kitsch avec Tera Hendrickson, de vingt ans sa cadette. De son côté, le nourrisson que Richard Flynn avait sauvé du sacrifice est devenu un jeune homme moustachu lui ressemblant beaucoup, avec moins d'embonpoint cela dit. Joué par Christopher Barkett, fils naturel de Steve Barkett, qui jouait déjà le fils adoptif de Steve Barkett dans The Aftermath (ça va, vous suivez ?), le jeune homme tente de retrouver Richard Flynn, qui s'est débarrassé de lui en l'abandonnant bébé à des bonnes soeurs (mais d'après le jeune orphelin, "il avait certainement une bonne raison"). Lui aussi est tourmenté par des rêves télépathiques de sa mère, qui le met en garde car Richard Harrison n'est pas mort et cherche à mettre la main sur le bébé qu'il n'avait pu sacrifier vingt ans plus tôt, à savoir lui-même. Ceci afin d'achever la cérémonie rituelle qui permettrait de libérer des enfers des légions de démons prêts à déferler sur notre civilisation. Richard Flynn/Steve Barkett sera-t-il capable de sauver le monde de l'Apocalypse ? (Question purement rhétorique : vous vous doutez bien que la réponse est oui !)
Vingt ans plus tard, Steve Barkett tire toujours des tronches pas possibles.
Christopher Barkett, qui a hérité de la moustache de son père.
Un air (ahuri) de famille.
Sacré Steve ! Il a bien pigé la technique John De Hart pour peloter son actrice principale.
Semblant dater des années 1970, ce DTV de l'aube des années 1990 rend un hommage nostalgique aux vieux films d'aventure fantastique, et se signale comme une bisserie particulièrement généreuse et distrayante, malgré son manque criant de budget et la mise en scène assez plate de Steve Barkett, qui s'efforce cependant de réaliser un film de genre total à base de grand spectacle en carton. Avec son emphase rappelant les BO de Bernard Hermann et de John Williams, la jolie musique orchestrale de John W. Morgan semble parfaitement décalée vis-à-vis de la pauvreté qui s'étale à l'écran, mais confère un indéniable charme rétro à l'ensemble. Malgré de très beaux matte paintings, une ambiance visuelle plutôt soignée et la présence de techniciens des effets spéciaux chevronnés (qu'on retrouvera au générique de nombreux blockbusters), les SFX fleurent bon le bricolage nanar, sans doute par carence de moyens et de temps. En témoigne cette séquence nocturne où deux jeunes s'embrassent dans leur voiture garée au milieu des bois. La fille manifeste son inquiétude car elle a entendu un bruit. Le mec lui dit que ça doit être un lapin ou un écureuil. On a vu cette scène des centaines de fois dans les films d'horreur nazes. Là où le film nous surprend, c'est que la voiture se transforme alternativement en automobile miniature toute mimi, et le monstre géant est tantôt une figurine en pâte à modeler animée en stop-motion rudimentaire, tantôt une marionnette à main filmée en très gros plan.
En plein moment intime dans leur voiture Playmobil...
... notre couple de djeuns est dérangé par deux caméramen pervers.
Le démon dans toute sa splendeur.
Le cliché le plus éculé du cinéma d'horreur est également sublimé par le talent des comédiens.
Autre exemple de stéréotype du cinéma fantastique rendu involontairement burlesque par des effets spéciaux low cost : la scène où le jeune Christopher Barkett, censé monter la garde face aux démons, se fait séduire par une succube à gros nichons venue faire irruption en sous-vêtements dans sa cuisine. Outre la bêtise du jeune godelureau (mais on pourra toujours mettre ça sur le compte de ses hormones), la séquence, vue des centaines de fois ailleurs, est ringardisée lorsque l'appétissante succube révèle son vrai visage : un masque d'Halloween trouvable pour trois dollars dans n'importe quelle boutique de farces-et-attrapes. Là, c'est quand même un peu la dèche. Et c'est pour ça que c'est aussi bon.
La Fred Olen Ray's touch.
La première décapitation nanarde d'une longue série.
Jay Richardson...
... et Dawn Wildsmith, deux fidèles du co-producteur Fred Olen Ray.
Le meilleur réside dans l'apothéose finale, au cours de laquelle Steve Barkett, après un training montage en règle, débarque à nouveau dans le Purgatoire pour empêcher un nouveau sacrifice rituel. Notre replet sauveur de l'Humanité se met à dégommer à la sulfateuse des démons ringards à soutanes, faisant exploser les têtes factices dans des gerbes de ketchup et de latex. Dans une débauche délirante de pyrotechnie nanarde, notre moustachu provoque des dizaines de chutes de poupées dans une rivière de lave à la sauce bolognaise, puis se prend pour Tarzan et se balance au bout d'une corde au dessus d'un ravin en se faisant doubler par une figurine miniature. Ce grand moment de bourrinage et d'effets spéciaux enfantins se déroule dans la plus grande confusion géographique, le lieu où se situe l'autel du sacrifice ne semblant jamais se trouver au même endroit. Quand il ne nous fait pas "Rambo avec une moustache", Steve nous joue "Highlander avec une moustache", sortant de nulle part son épée sacrée pour décapiter les têtes en mousse des démons, avant de se remettre à canarder avec sa sulfateuse, dont on se demande bien où il l'avait planquée. Puis le revoilà se battant à l'épée... Bref, c'est un réjouissant et hilarant foutoir, entre Richard Harrison qui se met à tirer des éclairs nanars en dessin animé, le démon géant de tout à l'heure qui alterne toujours stop-motion rigolote et marionnette du Muppet Show filmée en gros plan, et la happy end en plans très serrés sur fond vert hyper cheap digne d'une production Cine Excel.
Les Barkett sont prêts à en découdre avec les Forces du Mal.
Derrière toi, Steve !
Swoosh !
Il ne peut en rester qu'un !
Steve Barkett nettoie les Enfers comme Charles Bronson nettoyait les rues de New York.
La première chute de poupée d'une longue série.
Un deus ex machina sorti de nulle part.
Richard Harrison détient la force toute puissante, et monte encore d'un cran dans le cabotinage nanar.
De charmants SFX à l'ancienne.
Entre ces moments de bravoure désopilants, il y a hélas quelques passages à vide, mais ces petits coups de mou sont tout de même égayés par la dégaine de Steve Barkett, dont l'absence de charisme défie l'entendement. Il faut voir les combats mollassons de cette barrique à la coupe de cheveux digne de Javier Bardem dans No Country For Old Men, se battant à coups d'épée médiévale contre des ninjas démoniaques dans la forêt. Autant imaginer Philippe Martinez reconverti en action star. La relève semble ici assurée quand on voit à quel point l'anti-charisme héréditaire de son fiston Christopher crève tout autant l'écran. Si l'on y ajoute l'intrigue souvent décousue, les dialogues absurdes et le dernier tiers jubilatoire, on peut dire que cette oeuvre au charme artisanal désuet n'a pas volé sa réputation de film "so bad it's good" outre-Atlantique. Toutefois, Empire of the Dark reste une oeuvre très ambitieuse qui n'est pas dénuée de réelles qualités. Le soin apporté aux décors dans les séquences se déroulant en Enfer, l'imagination et la passion animant Steve Barkett, l'ambiance qui se dégage du film, ses belles images, concourent à rendre cette série B plaisante et loin d'être totalement ratée. On passe sans cesse d'un effet spécial charmant à des séquences d'une débilité vertigineuse, qui font entrer malgré tout l'oeuvre dans la catégorie des nanars épiques.
Nous fûmes peiné d'apprendre que ce cher Steve Barkett nous a quitté le 3 mars 2023. Qu'il repose en paix. Mais si jamais Saint Pierre l'a envoyé au Purgatoire, nous sommes certain que Satan et ses démons ont dû passer un sale quart d'heure.
Cote de rareté - 4/ Exotique
Barème de notationUn bluray et un DVD américain toutes zones sont disponibles sur le site de l'éditeur "VCI Entertainment". Pas de bonus, rien que le film en anglais sans sous-titres.