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Le Gang des Bourreaux

(1ère publication de cette chronique : 2014)
Le Gang des Bourreaux

Titre original :The Tormentors

Titre(s) alternatif(s) :Les bourreaux

Réalisateur(s) :David L. Hewitt (sous le pseudo Boris Eagle)

Année : 1971

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h28

Genre : Bikers Nazis Must Die !

Acteurs principaux :Anthony Eisley, James Craig, Chris Noel, Bruce Kimball, William Dooley, James Gordon White

Wallflowers
NOTE
1.5/ 5


Certains cinéastes parviennent, par leur talent, à assembler deux trombones et trois bouts de ficelle pour obtenir à l'arrivée un chef-d’œuvre du septième art. Et d'autres réalisateurs passent toute leur carrière à assembler des trombones avec des bouts de ficelle et le résultat ressemble toujours à un assemblage de trombones et de bouts de ficelle.


C'est le cas de David Lee Hewitt, Z-man moins connu qu'Ed Wood ou Al Adamson, mais tout aussi disposé à livrer au monde d'authentiques aberrations filmiques. Il faut dire que son truc à David, c'est plutôt les effets spéciaux. Notre homme fut en effet chargé des FX et des effets visuels d'une bonne trentaine de productions, parfois prestigieuses, puisqu'il participa à ceux de "Superman IV" (bon OK, ça c'est pas une référence), "Willow" et "Chérie, j'ai rétréci les gosses". Mais avant de se spécialiser dans les effets spéciaux avec, semble t-il, un certain succès, David Lee Hewitt s’était également essayé à la réalisation, signant durant les années 60-70 quelques perles de mauvais gout. On se souvient surtout de lui comme l'auteur du plus grotesque et pitoyable ersatz de King Kong de toute la création, le magnifique "The Mighty Gorga". Mais il donna également dans la SF supra-ringarde avec "Journey to the Center of Time" et son remake spatial du Magicien d'Oz "The Wizard of Mars", ainsi que dans le mauvais film d'épouvante avec "Gallery of Horror", à l'occasion duquel il avait mis la main sur Lon Chaney Jr et John Carradine, qui n'étaient alors plus à ça près. Mais ses deux grands thèmes, c'étaient les bikers et les nazis, voire les bikers nazis. C'est ainsi que dans le film qui nous occupe, nous suivrons les exactions d'une élite néo-nazie née pour être sauvage.

 

 
Born to be white! Ben quoi, ce sont bien des bikers nazis, non ?


On a peut-être un peu tendance à négliger la série Z américaine des années 70, pourtant il s'agit sans doute, avec les Z movies turc et pakistanais, du créneau le plus prolifique en matière de nanars shootés au LSD (en même temps, c'était un produit très à la mode). Il faut dire aussi que ces "direct-to-drive-in" sont souvent très durs à se procurer en dehors du territoire américain (au sein duquel des éditeurs comme Something Weird Vidéo leur assurent une seconde vie auprès de tous nos collègues geeks d'outre-Atlantique), car ils n'ont pas, pour la plupart, bénéficié de diffusions francophones, même du temps où les éditeurs VHS fouillaient les fonds de tiroirs à la recherche de bobines plus ou moins libres de droits pour combler leurs collections discount. Or, "The Tormentors" eut le privilège d'être distribué dans nos contrées sous le titre "Les bourreaux" et a bénéficié récemment d'une sortie DVD sous son titre original. Il s'agit donc d'un produit très facilement accessible.

 


UN DVD qui camoufle prudemment l'âge canonique du film...


Quelle pièce étrange que "The Tormentors". Ce métrage a ceci de particulier qu'il explore tout plein de genres, sans qu'on puisse pour autant le rattacher à aucun. De longues chevauchées à moto évoquent la bikesploitation mais sans explorer vraiment davantage les codes de ce genre cinématographique. Le film donne aussi bien dans la nazisploitation que dans le film d'auto-défense mais ne ressemble à rien de connu. Ce n'est pas un bon film, car mauvais est le seul terme qui lui sied à coup sûr ; ce n'est pas un navet, car même si le film ne possède aucun rythme (j'y reviendrai), sa bizarrerie parvient à hypnotiser son spectateur au lieu de l'endormir ; et ce n'est pas vraiment un nanar non plus (enfin si, quand même un peu, objectivement c'est même un bon morceau), car même si on rigole au cours de sa vision, on hallucine plus qu'on ne se bidonne. C'est un film "autre", un OVNI inclassable, une chose étrange, une expérience limite de la bizarrerie cinématographique.


J'ignore si ce ratage est dû à une volonté expérimentale du metteur en scène de faire un film sur le néant pour voir si le public adhérerait à cette nouvelle approche du septième art (auquel cas, il aurait eu raison, car il s'agit de l'œuvre la plus culte de David L. Hewitt aux USA), ou bien si ce machin informe et inepte n'est que le résultat d'une incompétence quasi-surnaturelle. Il y a bien quelques symboliques dont on ne saisira jamais vraiment le sens (la scène de la croix), mais pas non plus d'intrusions intempestives d'éléments non-sensiques comme dans les nanars expérimentaux. Je ne sais vraiment pas où le mettre ni par quel bout le prendre. Toujours est-il que les autres œuvres que j'ai pu voir de David L. Hewitt étaient de style beaucoup plus classique, à défaut d'être maîtrisé, alors que "The Tormentors" possède un sens du montage et de la narration plutôt déroutant (dans le mauvais sens du terme).

 

 
Après avoir dansé le jerk sur de la musique pop, toute l'élite de la race aryenne copule sur des svastikas géantes, au cours d'une longue scène d'orgie rythmée par un slow lascif.


L'histoire est pourtant à peu près cohérente et simple, si l'on fait fi de ses énormes invraisemblances. En introduction, un gang de motards néo-nazis en uniformes commettent un hold-up et kidnappent la banquière avant de la violer et de la tuer. Les assassins étant protégés en haut lieu, le fiancé de la victime, le policier Ballard, décide d'infiltrer l'organisation pour se venger. Agissant pour le compte d'un politicard véreux, le IVème Reich projette de conquérir le monde, quand bien même ils ne sont que quatre, et pour tester leur nouveau membre, ils ordonnent à Ballard d'abattre Le Messie, réincarnation autoproclamée de Jésus Christ, et leader du mouvement hippie. Le IVème Reich est un parti tout ce qu'il y a d'officiel arborant une croix gammée pour emblème, et souhaite dominer le monde libre par les urnes. Pour cela, ils saccagent les manifestations pacifistes et assassinent Le Messie afin de rallier l'électorat hippie à la cause néo-nazie. Voilà donc le postulat très crédible qui servira de base aux délires sous sédatif de David.

 


Le discret QG du IVème Reich...

L'Axe du Mal au grand complet. Je sais pas vous, mais moi j'ai du mal à être inquiet.

 

JESUS II : LE RETOUR

 


Maint'nant, ça va chier !

La morale très élastique du film est illustrée dans cette scène où des méchants anti-nazis s'en prennent à notre héros et sa copine parce qu'ils portent des croix gammées. Un hymne à la tolérance. Même nazi, j'ai le droit de vivre !


Soulignons d'abord qu'en plus des qualités de l'originale, nous bénéficions d'une version française super naze, assurée par des doubleurs bien familiers qui se surpassent ici dans la médiocrité. Le Messie débite ses inepties pseudo-prophétiques avec la voix de Pierre Tremblay dans "Flic ou ninja", le héros possède celle de Matt Hannon dans "Samurai Cop", le führer d'opérette s'exprime quant à lui avec un timbre ultra-zen (ou mou si vous préférez) en toutes circonstances, tandis que la vicieuse tortionnaire aryenne Gretchen nous fait un faux accent allemand pas très convaincu sur le mode "Ach ! Che vais te taillader le fisache, bédite traitresse. Che me demande si ton amoureux t'aimera touchours autant après ça, ha ha ha !"... Bref, voilà un casting audio quatre étoiles qui magnifie à merveille le non-jeu figé d'acteurs inexpressifs, au charisme de bigorneau, et aussi vifs que des huîtres hors de leur coquille. Les images nous font en effet profiter d'un beau défilé de tronches de vainqueurs, dont l'amateurisme et le manque de conviction font froid dans le dos. A la rigueur, il n'y a guère que le chef de la police et la copine du héros qui n'aient pas l'air de zombies et qui fassent l'effort de jouer la comédie, car pour tout le reste de la distribution, c'est le silence-radar.

 


Notre héros justicier, vague mélange maigrichon et apathique de John Cusack et de Michael Caine. Mais attention : on est en Amérique, et quand vous poussez un homme trop loin, il explose. La preuve.


Le héros en plein cœur de l'action. Aucun Nazi à moto ne lui résiste !

 


Notre héros en mode "né pour être sauvage".



Les vilains commettent des vilaineries...

 


... et narguent la justice en signant leur méfait d'une preuve accablante.

Le leader grassouillet des fachos à moto, sorte de Mussolini au faciès perpétuellement béat.

 


"Mais tu vas arrêter de tirer une tronche d'abruti, hein, dis, tu vas arrêter ?!"

Le chef de la police est joué par Anthony Eisley, multi-récidiviste au casier bien garni puisqu'il joua à trois reprises pour David L. Hewitt, mais aussi dans "L'invasion des cocons", "Superflics en jupons", "Dracula contre Frankenstein" et "Opération Goldman" d'Antonio Margheriti.

Eve, la copine du héros, est jouée par Chris Noel, ex-pin-up vedette des "films de plage" des années 50, devenue à l'époque courageuse animatrice radio préférée des GI's au Viêt-nam.


La réalisation rappelle certaines recherches dadaïstes, notamment lorsque la voix-off du héros nous raconte ses impressions complètement à côté de la plaque, sur un ton vraiment pas motivé, et dont l'écho fait l'effet d'un monologue déclamé à travers un bocal. Sans doute pour donner l'impression que le héros s'adresse à nous comme dans un songe, sauf que le résultat est parfaitement grotesque, ces interventions totalement inutiles tombant à chaque fois comme un cheveu sur la soupe. Cet aspect semble d'ailleurs être une fantaisie de la VF. Dans le même genre, le réal a l'idée lumineuse de montrer une scène en plaçant la conversation d'une autre scène par dessus. Dans un domaine plus téléphoné, il ne nous épargne pas non plus les rêves/flashback du héros courant main dans la main avec sa fiancée dans des champs en fleurs, ni le discours final bien moralisateur sur la violence, du genre "si tu le tues, tu deviendras comme lui, et alors c'est lui qui aura gagné". Le montage est catastrophique, la plupart des plans sont beaucoup trop longs et les protagonistes ont à peine achevé une phrase que même pas un demi-seconde plus tard un autre dialogue d'une autre scène qui n'a rien à voir commence, le monteur n'a aucun sens de la transition et encore moins la notion de rythme. Car le film est exceptionnellement lent, d'une mollesse à la limite d'une enquête de la "Brigade Anti-Sex", la caméra reste désespérément statique, et durant les scènes de bagarres extrêmement confuses, les comédiens se castagnent avec une absence d'énergie qui dépasse l'imagination, sans que la caméra essaye de les suivre. En plus de ça, l'image est délavée et la lumière alterne bien la surexposition et la sous-exposition comme il faut.

 


Ilsa a bien appris aux Nazis qu'il faut battre la fräulein tant qu'elle est chaude.



De l'action spectaculaire, des tueries d'une violence tellement über-extrême que le réalisateur s'est senti obligé de filmer l'explosion de la voiture de police hors-champ !


En outre on a droit à quelques énormités, comme le fait qu'après avoir fait fusiller un policier qui les espionnait, le chef des motards fascistes sache, rien qu'en regardant les impacts de balles sur la cible qu'il avait accroché sur le torse du condamné, qui est l'auteur de chaque impact et lequel de ses hommes a manqué sa cible. Pour mettre de l'ambiance, le metteur en scène balance des musiques d'ascenseur aux accents 60's effroyablement datés, et pour tenter de réveiller son public, il réalise des scènes d'action parmi les plus minables du monde. Au final, le film possède une ambiance et un charme très particuliers mais reste d'une mollesse telle que le visionnage risque d'être hardcore pour beaucoup. D'ailleurs, quel que soit son degré de résistance, on finit par se lasser peu à peu à mesure que le métrage avance péniblement dans le vide intersidéral, et on termine le film à la fois assommé, satisfait d'avoir vécu une heure trente dans une autre dimension et fier d'avoir été au bout d'une telle épreuve. Le film mérite cependant largement le coup d’œil car il constitue une curiosité suffisamment délirante et débile pour rejoindre votre vidéothèque, pour peu que vous appréciiez les doublages foireux et les nanars psychédéliques ultra-fauchés.

 


Comment meubler en filmant pendant dix minutes un concert où des hippies planent et s'endorment sur une immonde soupe pseudo-rock dépressive (et pourtant, j'aime la musique psychédélique).

Le pire est quand on voit deux hippies à l'air pénétré s'exclamer « - Y sont sensasses ! - Ah ouais, y sont vraiment géniaux ! » sur un ton admiratif et subjugué (fou rire garanti).


Le plus étrange, c'est qu'on comprend l'histoire mais pas de quoi parle le film. Quantité de sujets sont abordés, mais aucun d'eux n'est traité vraiment. Est-ce un film sur le nazisme ? Sur le mouvement hippie ? Sur le christianisme ? Sur la vengeance ? Sur la polygamie ? Il apparaît au final que c'est un film sur tout et rien. Beaucoup de bons films d’exploitation n’offrent aucune réflexion, juste du divertissement, mais le problème c'est que ce film ne semble même pas jouer la carte du divertissement, il n'a juste aucun sens. Fascinant.

 


Le réalisateur à l'avant-première de son film : "Bon les gens, vous l'avez bien aimé mon film ?"
Le public : "Ah ouais, il est sensasse ton film, man ! T'es vraiment génial !"



- Wallflowers -
Moyenne : 1.75 / 5
Wallflowers
NOTE
1.5/ 5
Jack Tillman
NOTE
2/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Le DVD "ESI" propose ce film en double-programme avec "Mission Corruption" (Paper Bullets), un actioner de Serge Rodnunsky avec James Russo, Jeff Wincott et William McNamara. Vous le trouverez soit sous son titre original, soit sous le titre "Le Gang des Bourreaux".

 


 


Il existe de nombreux DVD zone 1, comme chez "Platinum Films", souvent dans des packs de plusieurs films comprenant parfois une piste française. Mais nous ne pouvons pas garantir que c'est bien le doublage français sous Lexomil et non une version québécoise des dialogues.