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Gypsy

(1ère publication de cette chronique : 2021)
Gypsy

Titre original : Gypsy

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Amir Shervan

Producteur(s) :Amir Shervan, Joselito Rescober

Année : 1990

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h40

Genre : Gypsy King Diamond

Acteurs principaux :Stuart Whitman, Alexander Virdon, Harold Diamond, Delia Sheppard, Lonie Roma, Bill Donahue, Joselito Rescober

Techniciens :Peter Palian, Alan DerMarderosian

Kobal
NOTE
3/ 5

Il arrive un moment où l'incompréhensible errance cosmique de nos petits points de vie dans l'immensité froide et cruelle de l'univers trouve enfin du sens. Oui, aujourd'hui, je viens de m'auto-attribuer le badge "Dévot d'Amir Shervan" suite au visionnage du dernier métrage qu'il me restait à voir de sa filmographie californienne. Et je sais pas vous, mais perso, ça me réchauffe le cœur en ces temps si difficiles. Faut reconnaître que le bestiau n'était pas facile à harponner : Gypsy n'est jamais sorti sur notre sol et je n'ai pas trouvé trace d'une quelconque édition vidéo (Kevo42 parlait même d'un film devenu mythe dans sa chronique de Young Rebels). Alors on pourra toujours dauber sur la transformation de l'industrie ciné par les nouveaux géants du numérique, mais en l'occurrence, c'est bien grâce à une plateforme de streaming qu'a pu renaître une telle rareté.


Si l'affiche ne vous vend pas du rêve, c'est que vous avez perdu votre âme d'enfant.


La version Prime est par contre génialement à côté de la plaque. 

Et donc, que donne à l'écran cet achievement nanarophile ? Ben force est de reconnaître qu'on fraie là dans les bas-fonds budgétaires d'une carrière pourtant dopée à la radinerie. Gypsy se montre en effet encore plus Z que ses frangins, déjà bien gratinés en matière d'artisanat cinématographique de la survie, alors même qu'il est la petite respiration qui précède le chef-d’œuvre définitif de son réalisateur : le cultissime Samurai Cop. Définitif ou conclusif, car Shervan préférera quitter les plateaux à l'acmé de sa gloire... à venir en différé 20 ans plus tard. 


Mais ce ne sont pas quelques poches trouées qui empêcheront notre homme de conserver son inimitable patte artistique qu'il persiste à travailler envers et contre tout. Le marqueur de son œuvre répond indiscutablement présent, je veux bien évidemment parler de sa traditionnelle et attendue galerie de trognes qui, à elles seules, suffisent à faire voyager le spectateur dans des ailleurs dépaysants. S'il ne fallait retenir d'Amir Shervan qu'un talent (et c'est déjà bien sympa de lui en prêter un), ce serait son sens unique du casting. Je ne sais pas quelles connexions interlopes lui autorisaient une telle manne en matière de dégaines improbables, mais sa capacité à en irriguer chacun de ses films confine au génie en même temps qu'il rend aussitôt addict le spectateur.



On attaque d'emblée par un sosie de Didier Raoult.



Enchaîné aussi sec par celui de Christian Jacob.



Et, triple combo finish him, avec notre héros, insosiable à tout autre.


Et cela part du plus haut de l'affiche au plus anonyme des 3èmes couteaux, sans hiérarchisation starifiante, dans une sorte de manifeste communiste tous ensemble tous ensemble oué ! Le rôle principal échoit ainsi à Harold Diamond et à sa toison capillaire. L'homme imprimait splendidement l'écran dans ses précédents rôles, que ce soit chez Sidaris (Piège mortel à Hawaï et Picasso Trigger) ou déjà chez Shervan (Killing American Style/American Murder), mais là, on dirait que le réalisateur tente de le kitschiser encore plus que possible, avec ses frusques à franges, ses bottes montantes et son veston en cuir décolleté jusqu'au nombril mettant en valeur pec et tablette dans une vague réadaptation live de Ken le survivant. La direction d'acteur étant aux abonnés absents, le pauvre Harold arbore qui plus est une tronche éperdue de niaiserie qui sied si bien à son personnage. Face à lui, toute une tripotée de sbires au look engagé qui feront la joie des collectionneurs d'avatars improbables. Et au poids des mots il convient d'ajouter le choc des photos.


Trognes Fest 91.



De son vrai patronyme Harold Roth, Mr Diamond est mieux connu dans le monde du kickboxing floridien sous le surnom de Nature Boy. Sa prestation la plus célèbre dans le cinéma conventionnel est sa confrontation mémorable à coups de bâtons avec Stallone dans Rambo 3



Quelle aisance dans la décontraction, tout de même.


Mais Shervan n'abandonne pas pour autant ses obsessions habituelles : le héros dur à cuire qui débaroule sans hésiter pour patater l'injustice, les méchants très méchants de méchanceté, les jolies pépées qui aiment sentir les éléments sur leur corps nu, la Californie et sa géographie semi-désertique sous un soleil écrasant, la violence comme seule modalité interpersonnelle, les boucles de musique synthétique tape-crâne et les bourdes de cadre et de montage. Pour le coup, Gypsy offre une amusante tentative de raccrochage désespérée aux branches d'un tournage probablement trop étalé dans le temps, quand Mr Houston, le vilain en chef, demande de manière impromptue à ce qu'on fasse venir le barbier car il en a marre de son bouc... Une belle manière de grossièrement justifier son visage glabre sur tous les plans suivants.



Et comment donc, Houston, expliquez-vous une telle impulsivité dans vos choix capillaires ? Et cette carrière ciné uniquement composée de 3 films tournés pour Amir Shervan ?



Tiens donc, mais qui a oublié ce technicien voyeur et voyant en arrière-plan ?


Le héros dur à cuir semble tout de même avoir passé trop de temps sous le poids du soleil écrasant.


Mais quid du scénario que l'on devine trépidant ? Gypsy se consacre aux tribulations sauvages de Montana, dit le Gypsy (tout s'explique !), libre penseur dont l'apparat vestimentaire, la déco d'intérieur et les quolibets racistes dont il est victime laissent penser qu'il est natif américain, en proie aux dérives népotiques du fameux Mr Houston, baron local qui se gargarise de posséder le bourg avec sa milice de milliers de sbires (dixit lui-même). Mais quand un de ses fils laisse filer ses pulsions sexuelles sur deux gourgandines du cru qui aiment asperger malicieusement d'eau leurs voluptuosités respectives, sans prendre la peine de leur demander leur avis et butant même un des paternels trop réac' pour accepter l'amour unilatéralement libre, c'est l'inexorable escalade dans la violence. Montana s'en mêle, dézingue à coups de pieds retournés les malandrins, puis décide d'accompagner la nouvelle orpheline à la gare pour qu'elle rejoigne de la famille au Canada (le dépôt de plainte ne semblant pas à l'ordre du jour).



Les deux gourgandines du cru sus-mentionnées dont l'innocence enfantine se conjugue mal avec la faune masculine locale.



Le faune local joue les satyres.


Les légions de sbires de Houston ont pour consigne de se rendre en toute discrétion à la gare. Vous noterez que les malheureux souffrent tous de crampes d'estomac.



Une véritable leçon de home-staging indigéniste.


Mais Mr Houston n'apprécie pas qu'on dérouille son fiston, et organise bien vite une chasse à l'homme pour débusquer le Gypsy de ses montagnes, ce qui va occuper les 3/4 du film. C'est donc parti pour une course-poursuite sans fin à travers les arbustes, qui semble mobiliser toute la garnison locale de sbires, tandis que Montana s'échine à rejoindre le Canada à pieds en compagnie de sa protégée car quand il prend un engagement, il le tient. Même si pour ce faire, il doit dégommer à intervalle régulier les groupes de malfrats qui poppent en quantité illimitée dans les fourrés. Mais aspect des plus étonnants dans cette traque d'allure classique : la présence continue auprès des méchants de la police locale, menée par un vieux shérif probe et honnête. Ce dernier s'est mis en tête d'interroger Montana dans le cadre de son enquête (sans prêter une seconde d'attention aux autres témoins pourtant à portée d'audition, ni aux délits constamment commis sous ses yeux) et il insiste avec vigueur sur son refus de tout débordement. Comprendre qu'il demande poliment mais vainement aux sbires de Houston d'arrêter de défourailler sur son témoin principal, voire s'il vous plait de ne pas kidnapper cette jeune femme, non mais soyez sympas, arrêtez ou sinon je vais finir par me fâcher, le tout dans un comique de répétition involontaire assez fendard.



Stuart Whitman tente de demeurer digne et accepte vos dons, tickets-restaurants, fonds de flasques de whisky...



Un tueur à gage hors de prix dont la stratégie se résume à être une grosse masse qui encaisse les coups et qui en redemande.



Une baston de cour d'école d'anthologie, avec une miss mi-apeurée mi-pensive mi-James Bond.

La police assiste impuissante au film.


Cerise sur le gâteau du WTF : le pisteur indien embauché par les marlous d'Houston se la joue tata à l'ancienne, tout en minauderie efféminée. Son phrasé caricatural à la peau-rouge de chez Lucky Luke achève le tout [le même comédien interprétait déjà un homosexuel nanar pas du tout subtil dans Samurai Cop]



Sans parler de son chien de chasse cromeugnon (probablement un cousin éloigné du terrible bouvier mangeur d'hommes de Dragon Kickboxers).



Le puma de l'affiche a bien droit à son petit quart d'heure de gloire, brève et inutile menace censée nous rappeler les dangers de Mère Nature. Le responsable des effets sonores honore chaque bâillement de l'animal de tous les feulements qu'il avait en stock, parfois simultanément.


Cette chasse à l'homme n'empêche toutefois pas Montana de prendre le temps d'honorer sa petite amie Jaja qu'il récupère sur le trajet, et ce à plusieurs reprises, lors d'interminables scènes à l'érotisme douteux telles que les affectionne Amir Shervan, sous le regard tant effaré qu'inavouablement envieux de la protégée précédemment sauvée du viol ; qu'elle garde espoir, car le script pourrait bien lui réserver une petite séance de massage de la voûte plantaire qui dérape (ou la réflexologie comme traitement du psychotrauma). La survenue totalement improbable de ces séquences de cul d'une vulgarité joyeusement confondante, alors même que des sbires sont prêts à surgir des buissons, leur donne toutefois un côté assez rigolo. Et puis cela permet à Gypsy de prétendre à un généreux quota en plans-nichons, argument en sa faveur pour qui y voit un art à part entière. Les androphiles téméraires trouveront quant à eux leur compte dans l'exploitation du fessier musclé de Harold Diamond dont la mise en scène sur-caleçonière rappellera aux plus boomers feu les films érotiques du dimanche soir de M6 (que, comme tous les sages garçons de mon âge, je ne regardais évidemment pas). 



Ooooh, Jaja... Pardon. En vrai, Delia Sheppard, une habituée des productions Shervan qui a, elle aussi, croisé Stallone, mais en Rocky cette fois, dans le 5ème opus.



Les méchants ourdissent leurs plans de domination du comté dans leur jacuzzi.



Tandis que Montana aère un peu ses jumeaux durant une longue exhibition qui laisse le temps d'apprécier le lambris.



Voici un sans-gêne qui pensait profiter de la période réfractaire post-coïtale de Montana pour le cueillir mollement...



...c'était oublier qu'il avait une grosse compensation phallique.



La scène d'amour debout au milieu des roseaux, à la fraîcheur de la rosée matinale après une nuit à la belle étoile et à même le sol, durant cette traque sans relâche, est tellement gratuite de nawak qu'elle désamorce toute capacité de réaction outrée du spectateur.



Un petit massage des pieds, un regard de braise...


...et zou in ze pocket. Pour info divulgachante mais nécessaire à bien appréhender toute la goujaterie de ce grand romantique de Montana, Jaja est morte dans ses bras à peine 1 heure auparavant.


Gypsy n'offre pas seulement des bastons de bar de plein air et du zizi-panpan à la fraîche, il contient également son lot de fusillades, autre péché mignon de Amir Shervan selon l'exégèse irano-arménienne théorisée par John Nada et synthétisée par le mantra des 3 tiers : bagarres, nibards et pétards [alias "bastons, nichons et tromblons"]. C'est simple, la moindre confrontation de groupe se solde systématiquement par des échanges de coups de feu dans tous les sens, filmés comme la tradition l'exige avec de plats champs/contre-champs que viendra contrebalancée la vigueur manifeste de chaque tireur à propulser son arme en avant comme s'il pouvait ainsi accélérer les balles. Tout ça pour briser quelques vitres, sous les protestations du shériff qui décidément va finir par se fâcher tout rouge. L'ultime scène du genre est d'ailleurs une sucrerie tout-à-fait délectable en ce qu'elle met en scène les potes pirates canadiens de Montana, qui n'apprécient pas d'être dérangés en pleine barboc par les derniers sbires encore en activité. Et c'est pas parce qu'on fait griller des brochettes qu'on oublierait d'emmener sa pétoire au pique-nique. Résultat, une superbe collection des plus improbables couvertures à retenir en cas de règlements de compte à votre merguez party. 



Papy pirate et sa troupe de troubadours canadiens.


Amir Shervan recommande : Mes meilleures couvertures lors d'une fusillade.


Malgré toutes les qualités mises en avant, le nanardeur intéressé doit savoir qu'il se lance à l'assaut d'un film très cheap, à la prise de son dégueu et aux rebondissements répétitifs ; peut-être pas le meilleur d'Amir Shervan mais si typique de son travail que le voyage vaut clairement ce détour par le bush californien. Pour la petite histoire, Alexander Virdon, qui incarne le terrible Mr Houston, explique dans une interview que le script de Gypsy serait fortement inspiré de Billy Jack, un western militant de 1971, au point que ses lignes de dialogues en auraient directement été tirées (avec peut-être plus de fuck ?). Et pour la grande histoire, Tarantino a reconnu s'être servi de ce film comme référence pour diriger Brad Pitt dans Once Upon a Time in Hollywood. Shervan-Diamond/Tarantino-Pitt, le cinéma est donc bel et bien une très grande famille.

Merci à Jack Tillman pour avoir rendu possible cette chronique.

- Kobal -
Moyenne : 3.06 / 5
Kobal
NOTE
3/ 5
John Nada
NOTE
2.75/ 5
Rico
NOTE
3/ 5
Jack Tillman
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 7/ Jamais Sorti

Barème de notation

Comme il est dit dans la chronique, le film est longtemps resté totalement introuvable en physique. Néanmoins miracle du streaming, il est désormais disponible sur la zone américaine de "Prime Video". Il nous a également été signalé un site qui le propose à la vente en DVD ou en téléchargement, mais la légalité du procédé apparaît un peu trop suspecte pour que nous le recensions ici.

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