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Banglar Superman

(1ère publication de cette chronique : 2022)
Banglar Superman

Titre original :Superman

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Iftekar Jahan

Année : 1990

Nationalité : Bangladesh

Durée : 2h11

Genre : Kryptonite anti-copyright

Acteurs principaux :Danny Sidak, Nuton, Antora, Munmun

Jack Tillman
NOTE
3.75/ 5

"- Est-ce une fusée, un oiseau, un avion ?""- Non, c'est un stock-shot !"

La contrefaçon, c'est génial !

Et dans le domaine du plagiat, les Bangladais rivalisent sans mal avec les Turcs, les Indiens et les Pakistanais. Après une période de guerre civile, de putschs et de dictature militaire (et toute la pesante censure qui va avec) où sortirent quelques films en noir et blanc, la parenthèse démocratique des années 1990 a véritablement marqué le début d'un âge d'or du nanar made in Dhallywood, les réalisateurs locaux (à commencer par le prolifique Iftekar Jahan et son acteur fétiche Danny Sidak) repompant sans aucun complexe, et avec une créativité réjouissante, tous les plus grands succès d'Hollywood et de la pop culture internationale, accomodés à la culture bengalie : Robocop, King Kong, Robin des Bois, Tarzan, Rambo, Terminator... tout a été passé à la photocopieuse, pour notre plus grand plaisir.


DC outragé, DC martyrisé...

Ici, ce sont les deux premiers opus de la saga Superman avec Christopher Reeve qui sont joyeusement pillés, avec une sincérité et une naïveté qui mettent du beaume au coeur du nanardeur. Vous avez halluciné devant Turkish Star Wars et ses stock-shots du vrai Star Wars ? Vous allez adorer Banglar Superman et ses stock-shots volés aux films de Richard Donner et Richard Lester, et distillés sans trop en abuser (contrairement au honteux Superman indien de 1987) en bricolant aussi ses propres effets spéciaux superbement ratés.

Après un générique qui vole à la fois la célébrissime musique de John Williams et le logo du Superman américain, nous voilà transportés sur le stock-shot de la planète Krypton où les parents du petit Superman (c'est son prénom !) sauvent in extremis leur progéniture en l'envoyant dans un stock-shot de vaisseau spatial direction la Terre, juste avant d'être faits prisonniers par le Banglar Général Zod et ses sbires Banglar Ursa et Banglar Non, tout ce beau monde étant habillé de combinaisons dorées à épaulettes dans un décor digne d'une parodie de Star Trek.


Banglar Jor-El inculque au petit Superman les règles de l'élégance vestimentaire.

Du carton et du fluo, en veux-tu ? En voilà !

Atelier coloriage de pellicule.


Le petit Superman s'écrase dans la campagne du Bangladesh et est recueilli par une famille de chrétiens dont le papa passait par là dans son 4X4. Devenu un colosse souriant, le Superman adulte, rebaptisé Simon par son père adoptif, se transforme régulièrement en "Homme d'acier" à cape et collant en tournant sur lui-même (et en manquant de perdre l'équilibre) pour s'envoler dans les airs et effectuer le taf habituel d'un super-héros, arrêtant un train sur le point de dérailler par ci, tabassant des voyous par là, secourant la veuve et l'orphelin sans se décoiffer.

Le petit Superman fait la démonstration de ses super-pouvoirs et le curé/père de famille (?!) en perd son latin.

Quel crâneur, ce Superman !

Jusque là, le film est relativement fidèle à son modèle, sauf qu'ici point de Metropolis, ni de Lex Luthor, ni de kryptonite, ni de Daily Planet. Et Banglar Lois Lane n'est pas reporter, elle s'appelle Sheila, c'est une sauvageonne vêtue d'un pagne en feuilles d'arbre, elle vient de l'espace, a été adoptée dans son enfance par une tribu de sauvages vivant dans la jungle et possède des super-pouvoirs comme disparaître/apparaître dans un effet spécial à la Méliès, tirer des rayons laser gribouillés à même la pellicule et électrocuter tous les hommes qui la touchent (tous sauf Superman bien sûr), ce qui est bien pratique au Bangladesh où la technique de drague "romantique" habituelle semble être le harcèlement de rue. Entre elle et Superman se noue une inévitable romance à côté de la plaque, avec séquences musicales d'un kitsch achevé, Superman poussant la chansonnette en playback et remuant du popotin dans son costume bleu et rouge.

Superman mate en loucedé Banglar Lois en plein show musical lascif.

Loin du binoclard timide et empotté de Metropolis, Banglar Clark Kent est un tombeur irrésistible, col ouvert à la BHL.

Une bombinette à fumée sûrement volée à Godfrey Ho.

Qu'est-ce qui est le plus redoutable : les super-pouvoirs de Banglar Lois, ses goûts vestimentaires ou sa déco d'intérieur ?

La nanardise se niche à plusieurs niveaux : sur le plan visuel d'abord, avec ses effets spéciaux involontairement comiques. Surimpressions et transparences dignes de Captain Barbell, rayons laser dessinés au feutre par dessus la pellicule sur un papier calque bien visible, palais de glace en polystyrène et papier alu, stock-shots flous et granuleux où on reconnaît bien Christopher Reeve et sa non-ressemblance totale avec son double bengali Danny Sidak, alternances stock-shots/gros plans sur les acteurs bangladais bidonnantes, voilà un spectacle jubilatoire filmé avec un premier degré et une naïveté quasi-enfantine.

Les méchants ne font qu'une bouchée des stock-shots.

Mais Superman veille au grain.

Des effets spéciaux qui piquent les yeux.

Turkish Tarzan refilait toutes ses cascades à Johnny Weissmuller; Banglar Superman quant à lui se fait doubler par Christopher Reeve dès que ça devient trop compliqué pour le réalisateur.

On a même droit à du stock-shot de placement produit.

Sur le plan sonore, le film nous régale aussi. Outre le thème de John Williams, passé une bonne trentaine de fois durant le métrage, on nous balance jusqu'à la nausée la musique de Pour une poignée de dollars, avec l'ajout d'un choeur scandant "Souparmène ! Souparmène ! Soupaaaarmèèèène ! Soupaaaarmèèèène !" chaque fois que Superman vole en surimpression, sa cape battant au vent du ventilo du metteur en scène. Sans compter une repompe évidente du thème de Règlements de comptes à O.K. Corral pour d'autres scènes, ainsi qu'un extrait du Concerto pour violon n°2 de Mendelssohn. Pour les bagarres, le réalisateur dispose en tout de deux bruitages. Bruitage 1 : un "POUF !" à la turque, utilisé indistinctement pour les coups de poing, coups de pied ou quand un personnage tombe par terre. Bruitage 2 : un bruit de casserole, employé de façon tout aussi indiscriminée en cas de coups de poing, de pied ou de chute. Parfois, le bruiteur utilise les deux en même temps. Toute une ambiance.

Des bandits de bas étage qui serviront d'amuse-bouche à Banglar Superman...

... avant de passer à du super-vilain super-charismatique.

Des sauvages qui jouent tout en nuance et retenue.

Celui-là, je l'adore, c'est mon préféré. Notre camarade Cyborg nous signale qu'il s'agit d'une prothèse pour tête de klingon (version déguisement d'Halloween).

Niveau tronche de cake, le papa adoptif de Superman n'est pas mal non plus avec sa perruque blond cendré.

Le film est rythmé et compte très peu de longueurs, les scènes de bravoure, bastons pataudes passées en accéléré, saynètes comiques lourdingues et effets spéciaux cheaps s'enchaînant sans temps mort. Parmi les rebondissements nanars, on retiendra cette scène désopilante où Banglar Lois se transforme en Evil Superwoman, et se bat façon Bud Spencer et Terence Hill contre Superman à coups de troncs d'arbres prédécoupés dans une apothéose de kitsch. Bref, cet "Homme d'acier" survolant les rues de Dacca pour combattre du super-vilain en lycra est un merveilleux nanar à découvrir par tous les amoureux et amoureuses du cinéma absurde qui ont su garder leur âme d'enfant.

Vous reprendrez bien une bonne louche de blue screen foireux pour la route ?

- Jack Tillman -
Moyenne : 3.63 / 5
Jack Tillman
NOTE
3.75/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 7/ Jamais Sorti

Barème de notation

Alors, les films bangladais sont toujours extrêmement cotons à trouver sur quelque support que ce soit et il existe très peu d'infos disponibles sur ce Banglar Superman. La seule affiche trouvée sur le net (celle en en-tête de la chronique) est un montage rebaptisé très officieusement Banglaman. L'ayant-droit du film l'a cependant mis en ligne sur YouTube afin de faire profiter le monde entier de ce trésor du patrimoine bangladais sur la chaîne "NTV Bengla movies".