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Captain Barbell
(1ère publication de cette chronique : 2006)Titre original : Captain Barbell
Titre(s) alternatif(s) :Aucun
Réalisateur(s) :Leroy Salvador
Année : 1986
Nationalité : Philippines
Durée : 1h47
Genre : Haltérophile en mousse
Acteurs principaux :Goliath, Edu Manzano, Sharon Cuneta, Herbert Bautista, Lea Salonga
Bon, autant le dire d'emblée puisqu'après tout on en est à l'introduction de cette chronique : quelles que soient la quantité et la qualité des films qu'il nous reste à découvrir, on peut déjà affirmer, la conscience sereine et impavide, que ce « Captain Barbell » est amené à demeurer l'une des références incontournables de Nanarland.
Dans le registre des super héros en collant, vous vous gaussiez devant un « Supersonic Man » espagnol soulevant héroïquement un bulldozer en carton ? Vous applaudissiez à tout rompre à chaque envolée surréaliste de « L'Homme Puma » italien ? Et bien dites vous que « Captain Barbell » (littéralement : Capitaine Haltère) se pose un peu comme la réponse philippine à la réponse italienne à la réponse espagnole à Superman.
Capture d’écran réalisée sans trucages.
Pour faire dans l'informatif et revenir à un peu d'objectivité, il faut savoir que le personnage de Captain Barbell est à l'origine né en 1963 sous le crayon de l'auteur de bédés philippin Mars Ravelo, déjà évoqué dans les pages de ce site pour une autre super paternité, celle de la très populaire super héroïne Darna (lire à ce sujet la chronique de « Darna Ang Pagbabalik »).
Il semble d'ailleurs que les aventures de Captain Barbell et de Darna se croisent à l'occasion, puisqu'on retrouve ici cette dernière, le temps d’une escarmouche, sous les traits de la méga-star locale Sharon Cuneta.
Sharon Cuneta, chanteuse et mannequin, fille d'un maire et d'une comédienne, mariée à un sénateur. Elle demeure l'une des actrices les mieux payées de l'histoire du cinéma philippin.
La toute première adaptation du personnage de Captain Barbell au cinéma remonte à 1964, dans un film en noir et blanc réalisé par Herminio Bautista et produit par Premiere Productions, avec Bob Soler dans le rôle-titre. Suivront « Captain Barbell kontra Captain Bakal » la même année (mis en scène par Ruben Rustia, avec Wille Sotelo, et produit par Cirio H. Santiago), puis « Captain Barbell Boom! » en 1973 (de Jose "Pepe" Wenceslao, produit par RVQ Productions et mettant en vedette la superstar locale Dolphy). La version qui nous intéresse ici est une production Viva Films qui date de 1986.
Pour ce qui est de l'histoire, le film n'étant disponible qu'en version originale, ma méconnaissance totale du Tagalog m'invite à la prudence, mais voici néanmoins ce qui me semble être la trame du scénario :
Teng-Teng est un jeune garçon pauvre et maigrichon (en Tagalog, "Teng-Teng" est le nom donné à la nervure centrale d'une feuille de cocotier, utilisée aux Philippines pour faire des poils de balais : notre héros est tellement mince qu'on l'a surnommé ainsi). Orphelin, constamment rudoyé par plus fort que lui, Teng-Teng gagne péniblement sa vie en récoltant des objets jetés dans les rues qu'il revend dans une décharge, tout en rêvant de conquérir le cœur de la belle Rosemarie, qu'il croise de temps à autre. Une sorte de Peter Parker du Tiers-monde, en somme.
La sémillante Rosemarie et sa mégère de tante.
Taf life.
Malgré l'indigence de sa situation, Teng-Teng a le coeur sur la main et n'hésite pas à faire l'aumône à plus faible et plus pauvre que lui. Un jour, sa générosité lui gagne l'amitié d'un curieux personnage (il porte un chapeau et des lunettes...) qui lui transmet des pouvoirs et lui offre des haltères magiques.
La génèse d'un super héros philippin.
Quand il les soulève de la main gauche en criant "CAPTAIN BARBEEEEELL", Teng-Teng se retrouve affublé d'un pyjama jaune et bleu estampillé "CB". En les soulevant une nouvelle fois de la main droite ("CAPTAIN BARBEEEEELL" bis), Herbert Bautista, l'interprète du freluquet Teng-Teng, disparaît alors au profit de l'acteur Edu Manzano, plus âgé, plus grand, plus beau, plus fort, bref plus conforme à l'idée qu'on se fait d'un authentique super héros.
C'est là que les choses sérieuses commencent, soit après tout de même 40 mn de métrage. C'est long, me direz-vous, sauf qu'entre temps, pour patienter, on a quand même eu l'occasion de voir les forces du mal à l'oeuvre par l'intermédiaire d'un surprenant loup-garou-vampire, qui fait rien qu'à égorger les jeunes couples d'amoureux de Manille.
Un loup-garou pelucheux qui semble sorti tout droit d'un classique des années 30.
Une métamorphose plan par plan à l'ancienne.
Il n'empêche, c'est avec l'arrivée de notre charismatique Capitaine Haltère que le rythme du film décolle pour de bon. Lorsque celui-ci prend son envol pour se porter au secours de la veuve et de l'orphelin, accompagné de quelques notes arrachées à un synthé anémique, le spectateur plongé dans l'attente prend pleinement conscience de ce qu'il a sous les yeux : une touchante ânerie d'une kitscherie estourbissante.
La magie du cinéma ! Edu Manzano, l'interprète du Captain Barbell, fera plus tard carrière dans la politique et la télévision. Il sera notamment l'animateur de la version philippine du jeu "Le Maillon Faible".
Les super pouvoirs de Captain Barbell sont peu ou prou les mêmes que ceux de Superman : il vole, il est super fort, super rapide et super résistant (ce qui implique qu'il est évidemment invulnérable aux balles).
Le captain a un charisme de pneu dégonflé mais il tape fort. Ce gredin en est quitte pour un tour en trolleybus invisible.
Les séquences de voltige laissent autant rêveur que celles de Superman, mais pas pour les mêmes raisons. L'animation est de type trolleybus : on nous sert un Captain Barbell découpé à la va-vite et copié-collé sur un fond mal raccordé qu'on voit glisser de façon rectiligne, comme le long d'un fil invisible (parfois pas si invisible que ça d'ailleurs). De temps à autre, le décor à l'arrière-plan ne défile pas dans le bon sens, ce qui donne l'impression que Captain Barbell vole en marche arrière. La mélodie souffreteuse pianotée sur quelque antique synthétiseur achève de plonger l'ensemble dans les tréfonds du ridicule. A voir pour le croire.
La traditionnelle scène de sauvetage.
Après s'être fait la main sur un forcené de base, Captain Barbell embraye et passe la seconde pour affronter le loup-garou-vampire. Le combat aérien – bien que nocturne, donc un peu sombre – reste à la hauteur de nos espérances. Les morceaux de bravoure s'enchaînent presque sans temps mort, jusque là on se dit que c'est du tout bon. Et pourtant, le meilleur reste encore à venir, puisque le vrai méchant du film n'est même pas encore apparu...
Un loup-garou / chauve-souris 2 en 1.
Un vampire vintage (qui a dit "tout pourri" ?).
C'est chose faite au bout d'une heure de métrage, où l'on se voit introduit dans le repaire de la super maléfique Gagamba, une araignée à forme humaine nantie de super pouvoirs, qui envoie ses sbires grimaçants capturer de pauvres mouflets sans défense entre deux accès de « mouahahahaha » mal contenus.
Dans la mesure où j'estime en avoir déjà trop raconté sur le film, je me contenterai d'annoncer que les 40 dernières minutes offrent un spectacle qui ne peut pas décemment décevoir l'amateur de mauvais films sympathiques. Un final riche en effets spéciaux du type masques en caoutchouc et rayons lasers grattouillés à même la pellicule, de bruitages stridents, d'apparitions-disparitions intempestives, d'une Darna accorte et sautillante, de sbires qui dégustent et d'une chouette galerie de monstres qui n'a pas grand chose à envier au bestiaire de « Turkish Star Wars ».
DARNAAAAA !!!
Super CB rend la monnaie de sa pièce au vil Monéo (ah zut, on avait dit pas de pubs sur Nanarland !)
Le super pouvoir le plus implacable de Captain Barbell : l'attaque de nain par derrière, suivie du classique rodéo de nain. Une tentative un peu désespérée de notre héros pour impressionner Darna, qui semble plus consternée qu'autre chose.
En résumé, après nos récentes updates spéciales Philippines, cette version 80's de Captain Barbell arrive à point pour nous rappeler que notre connaissance du cinéma de l'archipel reste très relative, et que la production de ce pays parmi tant d'autres a sans doute encore beaucoup à nous faire découvrir. De quoi se réjouir, mais aussi de quoi rester humble. Comme quoi les nanars philippins, ça ne se résume pas aux post-nukes de Cirio H. Santiago et aux sous-Rambo produits par Kinavesa pour l'export. Ce sont aussi Dynamite Boy, Weng Weng, Darna, Lastikman, Panday, Zuma, Captain Barbell, et sans doute bien d'autres merveilleux personnages encore...
Captain Barbell, c’est aussi, en vrac…
…des placements de produits discrets…
…des messages subliminaux…
…d'utiles leçons de bon goût vestimentaire…
…du rire…
…à base de gags jamais lourds…
…et même des Captain Barbell nains [non, il ne s’agit pas de Weng Weng, malheureusement, mais du dénommé Goliath si l’on en croit le générique : ce Goliath a d'ailleurs joué avec Weng Weng dans « For Y'ur Height Only » (il joue le méchant Mr Big que l'on n'aperçoit que lors du combat final) et le western « D'Wild Wild Weng » (dans le rôle d'un Indien ami de Weng Weng)].
Le personnage de Captain Barbell reviendra au box office philippin en 2003 sous les traits de l'acteur et apprenti politicien Bong Revilla (qui déclarera à cette occasion au Manila Time « anybody can run for president, but not anybody can play Captain Barbell » !) et fait l'objet d'une série télé depuis 2006 sur la chaîne GMA Network (pour remplacer une autre série consacrée à... Darna !). C'est cette fois-ci l'acteur Richard Gutierrez qui incarne le Capitaine Haltère, et le succès de la série pourrait, dit-on, amener les producteurs à lancer une nouvelle adaptation sur grand écran.
Le film de 2003 avec Bong Revilla.
Richard Guttierez dans la série lancée en 2006.
Addendum de Nikita :
Si le personnage de Captain Barbell rappelle évidemment Superman, il semble plus nettement copié sur Captain Marvel (l'original, à ne pas confondre avec celui édité plus tard par... Marvel). Outre le nom, Captain Barbell reprend le concept du jeune garçon défavorisé (Captain Marvel est un gamin qui gagne sa vie en vendant des journaux) qui se voit donner par un magicien le pouvoir de se transformer en super-héros (adulte) grâce à un mot magique ("Shazam" pour Captain Marvel). Pour résumer l'histoire éditoriale de ce personnage, il avait été lancé par un concurrent de DC Comics, Fawcett Comics, pour faire concurrence à Superman : cependant, malgré le look, les personnages étaient assez différents, notamment parce que les aventures de Captain Marvel, destinées à de très jeunes lecteurs, avaient un ton assez humoristique et enfantin, au contraire de celles de Superman, plutôt sérieuses. En tout cas, DC a fait un procès pour plagiat (qu'il a gagné après de longues années). Captain Marvel a plus tard été intégré à l'univers DC après que DC ait racheté Fawcett.