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Star Crash 2
(1ère publication de cette chronique : 2023)Titre original :Giochi erotici nella terza galassia
Titre(s) alternatif(s) :Escape from Galaxy 3
Réalisateur(s) :Bitto Albertini
Année : 1981
Nationalité : Italie
Durée : 1h34
Genre : Space peplum érotique
Acteurs principaux :Sherry Buchanan, Chris Avram, Ottaviano Dell'Acqua, Fausto Di Bella, Don Powell, Alex Macedon
Starcrash 2 alias Escape from Galaxy 3 : un film « avec le même punch intergalactique que 2001 : l'odyssée de l'espace ». Rien que ça !
La paix intergalactique est rompue par le vil Oraclon, grand tyran de l’espace, quand il décide de détruire la paisible planète Exalon. Pourquoi ? On ne le saura jamais vraiment, mais il y avait une scène un peu similaire dans La guerre des étoiles, alors voilà. C’est ça le problème quand on est un cancre, on copie sur son voisin mais on ne comprend pas ce qu’on copie… Oraclon exulte, la planète Exalon n’est plus. Pourtant deux individus ont réussi à s’échapper, la princesse Bella Star et son co-pilote Lithan. Errant dans l’espace, ils vont faire atterrir leur vaisseau sur une planète bleue, très similaire à notre Terre à l'époque de la Rome antique. Oraclon se lance à leurs trousses...
Le redoutable Oraclon (ou Ureklon en VO), tyran intergalactique et Maître de l'Univers. On ne rigole pas s’il-vous-plaît !
La princesse Bella Star (Sherry Buchanan), et son look de lauréate d’un concours de Miss.
Lithan (Fausto Di Bella, crédité "James Milton") et son impénétrable casque cosmique en véritables poils de tête. L’acteur traverse le film dans une tenue moulante hautement suggestive.
Ceylon (Chris Avram alias Cristea Avran), qui règne sur la planète Exalon avec sa jolie couronne de galette des rois.
« Madone ! Mais comment un film peut-il être aussi catastrophique ?!? »
Cette question, on se l’est souvent posée devant des œuvres particulièrement désastreuses. La plupart du temps, cette interrogation reste en suspens, on passe à autre chose et on oublie. Mais parfois, ça nous taraude tellement qu’on a vraiment envie d’en savoir plus. Notre rencontre avec Luigi Cozzi, réalisateur du premier Starcrash, fut ainsi l’occasion de lui demander comment une suite aussi invraisemblable que Starcrash 2 avait pu voir le jour.
Il y a bien longtemps, dans une galaxie ringarde, très ringarde…
« Starcrash 2 est le fruit de Luigi Nannerini, qui occupait le poste de producteur exécutif sur Starcrash. Nous étions amis, nous nous connaissions très bien, mais il a décidé de le faire sans moi car il trouvait que j’étais trop lent pour faire des films, car ça m'avait pris presque deux ans pour faire Starcrash. Donc il m’annonce qu'il compte le faire sans moi, et avec presque pas d’effets spéciaux. Je lui ai dit « attention, si tu fais un film de science-fiction sans effets spéciaux ce sera compliqué pour le vendre, il risque de te rester sur les bras ». Nat Wachsberger, le producteur de Starcrash, lui a versé une avance de 100 000 dollars pour acquérir les droits de Starcrash 2, et pouvoir ensuite le distribuer et le vendre à travers le monde. Luigi Nannerini a donc produit Starcrash 2, en confiant la réalisation à Bitto Albertini et surtout en réutilisant de nombreux plans à effets spéciaux de Starcrash. Mais quand le film a été terminé et que Luigi Nannerini l’a présenté à Wachsberger, il n’en a pas voulu ! »
Niveau ambiance, on est plus proche de Starmania que de Star Wars.
« Nat Wachsberger a dit « Ecoute Luigi, je ne te demande pas de me rendre mon argent parce que je sais très bien que tu ne l’as plus, mais je ne veux rien avoir à faire avec ce Starcrash 2 ! » Et donc Luigi Nannerini se retrouve avec ce film, qu’il n’arrive pas à vendre à l’étranger, et par dépit il finit par le placer auprès d’un distributeur italien, mais la sortie est un désastre et Starcrash 2 est rapidement retiré de l’affiche. Ils ont alors eu l’idée d’en faire un film porno, en tournant et en insérant dans le film des plans X, puis ils ont distribué cette nouvelle version dans les circuits spécialisés, mais même là le film a fait un bide ! Finalement, j’ai recroisé par hasard Luigi Nannerini quelques temps après, et il m’a avoué qu’il regrettait de ne pas m’avoir confié la réalisation du film. « Quelle connerie j’ai fait, tu avais raison, il fallait des effets spéciaux. »
Le titre original italien, Giochi erotici nella terza galassia, signifie littéralement « jeux érotiques dans la troisième galaxie » et abandonne toute référence à Starcrash.
Mis en scène et étroitement supervisé par Luigi Cozzi, Starcrash, le choc des étoiles (1978) était la réponse italienne à Star Wars / La guerre des étoiles. C’était un nanar frais et réjouissant, kitsch et hautement divertissant, avec des effets spéciaux soignés, un casting merveilleusement bis (Marjoe Gortner, Caroline Munro, Christopher Plummer, David Hasselhoff, Joe Spinell !) et une musique composée par John Barry. Une sorte de nanar quatre étoiles, une série B de luxe. Ce Starcrash 2 n’entretient plus qu’un lointain rapport avec le film de Cozzi. C’est une sorte de caricature involontaire et fauchée de ce qui n’était à la base que la copie italienne d’un blockbuster américain. Starcrash 2 est un film perdu qui ne semble pas trop savoir d’où il vient, où il va et pourquoi il existe.
Tous les plans dans l’espace avec des vaisseaux spatiaux sont recyclés du premier Starcrash.
On y réemploie même le fameux vaisseau en forme de main griffue.
Avec sa tenue de carnaval rose fuchsia et bleue canard, sa cape argentée et ses éclairs collés sur les cuisses, Oraclon est une sorte de copie de copie de copie de Darth Vador en costume d’Arlequin, maquillé comme une voiture volée (il a des paillettes argentées jusque dans sa moustache et sa barbe !), qui ferait passer l’Empereur Ming de Flash Gordon pour un sommet de classe et d’élégance, et le Grand Stratéguerre de Goldorak pour un modèle de sobriété et de retenue. Il est interprété par Don Powell, chanteur et pianiste californien installé en Italie depuis 1958, qui tenait de temps à autre de petits rôles au cinéma pour mettre du beurre dans les épinards. On lui doit d’avoir composé les BO de films comme Chaleurs sexuelles, Black Emmanuelle 2 et celle de Starcrash 2, dans un registre disco / funk minimaliste typique de l’époque.
Oraclon (Don Powell), le côté obscur et disco de la Force.
Darth Vader avait son propre thème musical, "La Marche Impériale", qui le caractérisait à merveille.
Oraclon n'a pas de thème dédié, mais n'importe quelle chanson de Boney M ferait l'affaire.
Cessez de rigoler je vous prie, y en a qui essayent de bosser ici !
Oraclon le Méchant Empereur du Mal est généralement accompagné de Djemal (Jemar en VO, interprété par Max Turilli), son sbire blond décoloré qui, sans raison particulière, parle avec un accent allemand, je veux dire EIN GROSS AGUEUZAN ALLEUMAND qui a fait remonter du plus profond de ma mémoire de terrifiants flashs stroboscopiques de la série Papa Schultz, souvenirs télévisuels douloureux que je croyais pourtant enfouis à tout jamais (Jawohl, Herr Kommandant !).
- Herr General, nos spatio-capteurs omega 3 à neuro-transistors proto-cycloniques détectent un risque très élevé de collision !
- Avec un champs d’astéroïdes ?
- Non Herr General, aux box office.
- Doux Jésus !
Écueil sympathique de tout bon space opera ringard, Starcrash 2 fait la part belle à un jargon spatio-futuriste gentiment à côté de la plaque. Les dialogues invoquent pêle-mêle « souche mégamétrique », « fusées anti-laser », « rayons méga » et « missiles hypothermiques », un sabir techno-nanar débité par les protagonistes avec un sérieux papal. Et encore, il semble que la version française ait grandement limité les délires de la version originale, puisqu’en anglais on parle sans rougir de « psycho energetic force », « Uranium vapor rockets », « intensive magnetic generators » et autres « Megamethric Teleprobe ».
Apportez-moi une astro-bouteille de cosmo-vodka, je sens que ce tournage va être long…
La partie space opera de Starcrash 2 est de loin la plus réjouissante, avec ses décors et ses costumes du niveau d’une soirée disco de salle des fêtes. Le réalisateur Bitto Albertini recycle tant qu’il peut les trois ou quatre mêmes plans de vaisseaux spatiaux du premier Starcrash, mais Luigi Nannerini et lui ont dû comprendre bien vite qu’ils n’auraient pas matière à faire un film entier de cette façon, et qu’ils allaient droit dans le mur. Au bout de dix minutes, ils se voient donc contraints de changer leur fusil d’épaule : Bella Star et Lithan atterrissent sur notre planète, à une époque antique pas clairement déterminée.
Le space opera… filmé dans la campagne romaine.
Le film de science-fiction le moins dépaysant du monde.
Attention, Bella Star et Lithan n’atterrissent pas dans une Rome antique et majestueuse de peplum, non. Pas de temples imposants, pas de hautes colonnes, pas de statues, tout ça coûterait trop cher. Ils atterrissent en pleine rase campagne italienne, dans un village de huttes cheapo-discount, peuplé de hippies qui aiment danser sur une sorte de musique proto-disco. Et que vont faire nos héros ? Vont-ils affronter des créatures fantastiques ? Mener des combats épiques ? Vivre de décoiffantes aventures ? Non. Beaucoup trop cher, tout ça. Bella Star et Lithan vont marcher dans l’herbe, discuter de choses et d’autres, s’assoir au bord d’un ruisseau, bref mener des activités financièrement beaucoup plus raisonnables pour le budget du film. Pour ne pas que le spectateur s’endorme complètement, Bella Star et Lithan vont aussi découvrir sur cette « étrange planète bleue » les plaisirs de l’amour, de l’ivresse, et de la dégustation du poulet rôti.
Star Wars Meets Les Bronzés...
...où quand le space opera italien prend des allures de village vacances du Club Med. Honteux !
Bella Star et Lithan découvrent les mœurs étranges des humains, et les joies du voyeurisme.
- « C’est peut-être leur façon de parler entre eux ou de communiquer ? » hasarde-t-elle.
- Mmmh, intéressant… [long silence] Et si on essayait ? »
Passées quinze premières minutes flamboyantes de mauvais goût clinquant dans le registre du space opera sans le sou, Starcrash 2 entame donc un long tunnel de remplissage, où l'on va être amené à suivre, avec un intérêt très modéré, les joutes amoureuses et bucoliques de nos héros. Après avoir découvert les joies du sexe dans une ambiance bunga-bunga que n’aurait pas renié Berlusconi, lutinant chacun de leur côté la moitié des hippies du village, Bella Star et Lithan vont peu à peu éprouver de la jalousie et finalement réaliser qu’ils nourrissent des sentiments l'un pour l'autre. C’est le début d’une romance entre nos godelureaux que même les plus fleur bleue des hippies trouveraient niaise et nunuche.
Je ne sais pas d’où sortent les acteurs qu’on voit sur cette édition VHS française, mais on ne les croise pas dans Starcrash 2.
Une édition VHS sortie en Finlande sous le titre Space Trap, et dont le visuel prend quelques libertés avec le contenu du film.
Bella Star et Lithan s'aiment donc d'amour. Depuis le début c'était une évidence pour tout le monde, mais eux ne l'avaient visiblement pas vu venir. 1h15 de métrage pour en arriver à un tel lieu commun : c'en est trop pour Oraclon, qui décide qu'il est temps d'en finir (c'est que c'est pas donné la pellicule, faudrait quand même songer à conclure à présent). Le film semble alors subitement se souvenir de son titre et de sa filiation, on rebascule en deux plans dans le space opera fauché, et l'aiguille du nanaromètre remonte en flèche.
Après avoir partouzé sur Terre, Bella Star et Lithan conviennent que l’amour libre, les pétards et les poulets rôtis ça va un moment, mais qu’après faut quand même songer à se caser et trouver un boulot.
Allez on retourne au vaisseau, salut les crasseux !
Sans qu’on comprenne trop comment, le vil Oraclon arrive à voir sur son écran de contrôle ce qui se passe dans le vaisseau de Bella Star et Lithan. Il y découvre nos héros en pleins ébats amoureux, ce qui plonge le tyran dans une profonde perplexité (« Mais que font-ils ? Je n’y comprends rien ! »), de même que son sbire peroxydé (« ZA N’A BA DÉ ZENZ ALTESSE ! »).
Le final sera expédié en trois coups de cuillère à pot : après avoir été capturés par Oraclon, Bella Star est réduite en esclavage et Lithan « condamné aux travaux forcés pour le reste de sa vie cosmique ». Mais comme l’Amour est plus fort que le Mal, et que la redoutable armée d’Oraclon est composée en tout et pour tout de cinq soldats apathiques, le « Roi des ténèbres » sera vaincu, disparaissant non pas dans une belle explosion (trop cher) ni même dans une vilaine explosion (encore trop cher) mais… dans une gerbe d’étincelles et un nuage de fumée, l’effet pyrotechnique premier prix.
Spark Wars : la guerre des étincelles.
N’accablons pas le réalisateur Bitto Albertini (crédité ici Ben Norman), artisan besogneux comme le bis italien en a tant connu à l’époque. A l’instar de nombre de ses collègues, il a mis la main à la pâte dans tous les genres, au gré des vogues : western, aventures, guerre, espionnage, érotique, policier, comédie… Bitto Albertini n’est pas George Lucas, il n’a pas sa vision, et il n’a surtout ni le temps ni les moyens de faire bien mieux que ce pour quoi il a été embauché.
Tunica de la Rome antique et super tableau de contrôle avec de vraies gommettes autocollantes dessus. Bienvenue dans l’univers psychotronique du space peplum.
Une carte d’état-major électronique visiblement bricolée à partir d’une borne d’arcade au format table cocktail.
Les rois de la galaxie en pleine réunion tupperware. Devinez où sont passés les saladiers.
Puissamment kitsch, d’une naïveté à peine croyable, Starcrash 2 témoigne de la lente et irrésistible déliquescence du cinéma de genre italien dans les années 1980. Plus qu’un space opera décadent ou un néo-peplum érotique, on touche vraiment à la moelle de ce que les Américains appellent « eurotrash » (littéralement : les merdes produites en Europe). Starcrash 2, c’est un peu comme si Starcrash avait couché avec Emanuelle (la copie italienne d’Emmanuelle) et que leur bébé avait été abandonné dans un terrain-vague où se tournait un mauvais péplum. Le film échoue à la fois comme œuvre de science-fiction et comme film érotique. Mais il lui reste fort heureusement sa facture de « mauvais film sympathique » pour le sauver de l’oubli.
- Chéri, qu’est-ce que c’est cet horizon sombre et bouché ? Un trou noir ?
- Non mon amour, c’est notre avenir de comédiens.
Une autre interview de Luigi Cozzi, parue dans le Impact #48 de décembre 1993, et dans laquelle le réalisateur italien disait déjà tout le mal qu'il pensait de cette « grosse merde » de Starcrash 2 (merci à Alexandre "Fry3000" Tardif pour ce scan).
Cote de rareté - 2/ Trouvable
Barème de notationPour les francophones, le moyen le plus simple de se procurer Starcrash 2 est de faire l’acquisition du coffret Starcrash / Starcrash 2, sorti en 2004 chez Neo Publishing. Le coffret propose Starcrash en français (en DTS 5.1), anglais ou italien avec un making of d'époque, un documentaire sur Luigi Cozzi, et Starcrash 2 en version française (version de 84 mn).
Neo Publishing a également sorti Starcrash 2 dans une édition simple.
Starcrash 2 est par ailleurs sorti en DVD aux Etats-Unis chez Mill Creek Entertainment, sous son titre anglais Escape from Galaxy 3, dans un coffret 24 DVD contenant 100 films de science-fiction (et des pas tristes !), mais avec une qualité proche d’un VHS-rip et en version anglaise non sous-titrée bien sûr.
Il est également sorti en DVD en Allemagne, d’abord en 2008 chez KNM Home Entertainment / White Goatee Film (version de 84 mn en allemand seulement), puis en 2016 chez Great Movies dans un coffret avec le premier Starcrash (version de 92 mn, toujours en allemand seulement).
Signalons également une édition espagnole ultra-limitée (et épuisée depuis longtemps) chez VHZ, Star Crash 2: Huída de la Tercera Galaxi, en castillan avec sous-titres anglais.
Avant 2004, pour voir le film en version française d’époque, il fallait chercher du côté des antiques éditions VHS, parues dans les années 1980 chez Space Vidéo et Ciné Hachette Vidéo.